[Récit de partie] Les faits de l'Aikokudantai

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[Récit de partie] Les faits de l'Aikokudantai

Message par Kyorou » 21 avr. 2008, 14:38

Voici, retranscrit subjectivement, le récit de nos parties de L5A. Ce n'est pas forcément très complet, ni facile à suivre, mais je trouvais dommage de ne pas partager le boulot accompli.

La discussion sur la campagne, qui est SPOILER pour les personnes impliquées, se trouve ici : viewtopic.php?t=5750

Tout d'abord, laissons le narrateur parler un peu de lui-même :
Asahina Ishihara a écrit :“L’arbre qui donne toutes ses fleurs au premier venu ne portera jamais de fruits.”

Ce sont par ces mots que mes vénérés parents, puissent-ils reposer en paix, m’invitaient à méditer votre honorable exemple, Taehime-sama.

Si cet enseignement est des plus sages, il est aussi bien plus lourd à porter que la seule vertu, si pure soit-elle. Mais c’est encore votre infinie sagesse qui m’indique la voie qui ramènera ce fardeau à dimension humaine : s’il s’agit d’être constamment attentif à ne jamais se livrer sans retenue aux hommes, les ancêtres savent tenir leur langue.

Je nourris l’espoir qu’im mon tour, à l’heure de ma mort, il me sera possible comme il l’a été pour vous de livrer à la terre, muette, les ultimes trésors que ma bouche aura su taire. C’est à vous qu’avant cette heure je livrerai le fond de mon âme : c’est à vous que je confie les secrets qui font son unité, la trace du chemin qu’elle parcourt, garantie de son intégrité.

Aujourd’hui j’entame une voie nouvelle, qui, j’en suis sûr, permettra à mon âme de retrouver la sérénité : j’entre au service d’un maître calligraphe. Maître d’écriture, mais aussi maître de papier : son nom est celui de tous les vénérables maîtres du passé, dont ceux du présent voudront bien me montrer la voie.

J’appréhende l’avenir : la base m’est encore elle-même totalement étrangère. Je ne parviens même pas encore à saisir le sens du premier enseignement du premier de mes maîtres : “chaque trait est un souffle”. Mais j’y travaille, j’y travaillerai le temps qu’il faudra, je méditerai jour et nuit s’il le faut. Je crains de ne jamais y parvenir, je crains que mon art ne reste à jamais médiocre, mais je m’appliquerai avec la volonté de celui qui sait que ses efforts seront, finalement, récompensés...

Voilà, ceci est précisé, et voici maintenant le temps de vous livrer mon histoire.

Mes nobles parents, Doji Sanojuro et Asahina Hisayo, dirigeaient pour le service de l’Empereur un modeste mais respectable domaine dans la campagne Asahina. Ils n’étaient pas des gens d’armes, et avaient dédié leur vie à suivre scrupuleusement les enseignements de Dame Doji.

C’est ainsi que j’eus la chance d’être élevé dans la paix propice au développement des arts. Je ne saurai jamais assez les remercier de m’avoirs appris qu’aucun conflit ne nécessite le sang pour être résolu.

C’est tout naturellement que je me destinais à la prêtrise, ayant toujours voué aux prêtres de la famille Asahina un respect et une admiration sans bornes.

Mais les kamis en avaient décidé autrement, et ils se manifestèrent en la personne de Doji Ayame. Lors d’une réception donnée en l’honneur d’un artisan de passage, nos regards se croisèrent, et le signe du destin nous apparut distinctement. Notre rencontre était, et je le crois encore aujourd’hui, inscrite dans les étoiles : tout concourait à le confirmer. La perspective du mariage arrangeait nos deux familles... tout comme elle les ravissait.

En quelques mois, tout était en place. Des mois cruels, car interminables, mais chargés de magnifiques promesses pour l’avenir...

C’est là que soudain tout a basculé. Un samourai du clan du Lion s’est présenté chez nous, alors qu’Ayame était en visite. Il était en armes et sous l’emprise d’une rage indicible. Peu habitués à la violence et à la rudesse des membres du clan du Lion, nous n’avons pas su réagir à temps : sans prendre le temps de s’introduire, il a massacré Ayame sous mes yeux, et dans la même geste mes deux parents qui mar malheur se trouvaient par hasard sur son chemin. Son forfait accompli, il est reparti aussi vite qu’il était entré, me laissant seul, face aux corps sans vie de ceux qui m’étaient les plus chers, et en proie à la rage de mon impuissance. Défait, au comble de la honte et du chagrin, je m’en voulais de n’avoir pu réagir, ce dont je n’aurais de toute façon jamais eu le temps. A moins d’avoir été un bushi, bien formé et aguerri.

Je fis ce que je devais, et pouvais, encore faire : je me rendis chez les parents d’Ayame-san, devenus pour moi aussi proches que l’était ma propre famille, pour leur jurer mon voeu de vengeance. Honorés par mon geste, auquel ils tenaient évidemment à se joindre, ils me confièrent pour accomplir notre dessein commun le katana ancestral de leur maison.

C’est ainsi que, la rage au coeur, j’entrai comme élève dans l’école de Daidoji Chikafusa, et appris le maniement de l’acier de guerre. Je passai trois ans à apprendre l’art du guerrier, si tant est qu’on puisse appeler art le fait d’ôter la vie...

A peine eus-je aperçu les premiers signes de satisfaction sur le visage de mon maître, j’estimai sottement que j’en savais assez, et partis défier Matsu Gohahiro (pour la petite histoire, j’avais appris entretemps qu’il convoitait Ayame depuis de longues années, mais que les parents de celle-ci avaient toujours refusé de la lui accorder).

Ma maîtrise du sabre était largement insuffisante pour accomplir ma vengeance. Mais fort heureusement, ce n’est pas de technique dont il s’agit lors d’un duel pour l’honneur : ce sont les kamis, à qui l’ont s’en remet par ce rituel, qui expriment ce que doivent être la justice et la vérité. C’est très probablement à leur intervention que je dois d’avoir pu venger les morts qui le réclamaient.

Et c’est aussi à eux que je dois d’avoir réalisé ma folie : certes les morts sont vengés, mais s’il faut verser le sang pour venger le sang versé, à quoi bon?

Je n’oublierai jamais l’odeur chaude et écoeurante du sang poisseux qui s’échappait du corps sans vie. Trop choqué quand la mort m’avait ravi mes proches, je n’avais pas réalisé toute l’horreur d’une vie humaine qui s’échappe de la sorte, arrachée par l’acier.

Ou peut-être m’en rendis-je compte parce que cette fois c’était moi qui l’avait prise? Ou encore parce qu’adossé à la “noblesse” de mon acte, je m’attendais à en ressentir du soulagement ou de la fierté, alors que seul l’écoeurement et la vanité étaient au rendez-vous?

Toujours est-il que toute l’absurdité du métier de guerrier m’est apparue dans toute son horreur, que tout l’enseignement de mes parents m’est alors apparu dans toute sa clarté : ce qu’il faut protéger, c’est la vie, mais pas à son propre prix.

Je vois à nouveau la volonté des kamis dans le fait que le tsuba et la soie de mon katana se soient brisés durant l’affrontement : ce signe fut pour moi l’occasion de réenvisager le sens de cet héritage. Puisqu’il me fallait repasser par chez le forgeron, je pris la décision de transformer cette arme faite pour donner la mort en une autre faite pour protéger la vie.

Le katana devait devenir un naginata.

De retour chez Doji Nobuo, je pus annoncer, sans fierté, l’accomplissement de ma tâche, et leur manifestai mon désir de leur rendre leur lame ancestrale, maintenant dédiée à la protection des vivants. Touchés par la compassion qu’ils voyaient dans la transformation de la lame, ils tinrent à m’en confier la garde. Je ne pouvais refuser, quoi que mon coeur m’en dise, et ne pus que les remercier face à l’importance du présent.

Néanmoins, je ne pense pas être celui qui en fera le meilleur usage : je l’ai déjà moi-même souillée de mort. Puissent les kamis mettre sur mon chemin le protecteur auquel je pourrai à mon tour l’offrir sans remords, assuré qu’il sauvera grâce à elle plus de vies que je ne pourrai le faire moi-même.

Pour ma part, je prends sur moi de dédier ma vie à suivre vitre voie, Taehime-sama, comme mes parents l’ont fait avant moi, et oeuvrer à empêcher par la force des mots que de nouvelles vies soient prises par la force des lames. Je fais le voeu de ne plus jamais prendre de vie humaine, et ferai tout ce qui est en mon pouvoir en ce sens.

Afin de ne jamais m’égarer parmi les chemins de traverse que doit emprunter l’esprit qui veut réaliser ses fins, si droites soient-elles, j’espère parvenir toujours à maintenir mon âme droite et juste en la polissant par une pratique consciencieuse de l’art, en l’occurence celui du pinceau qui se fait souffle pour coucher les idées sur le papier. Mais je sais que tant que je marcherai à la lueur de votre exemple, Taehime-sama, je ne serai jamais loin de la juste voie.
Dernière modification par Kyorou le 21 avr. 2008, 14:47, modifié 1 fois.
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Message par Kyorou » 21 avr. 2008, 14:45

Le récit des premières aventures d'Asahina Ishihara :
Asahina Ishihara a écrit : « L’arbre qui donne toutes ses fleurs au premier venu ne portera jamais de fruits. »

Cette vile est des plus étranges, Taehime-sama. Pour sûr, il s’agit d’une ville appartenant au Clan du Scorpion, et s’y révèle au grand jour ce qui ailleurs constituerait les secrets les mieux gardés. Le Clan du Scorpion sait définitivement à quoi il joue, et les honorables membres du Clan du Lion qui administrent la ville forcent le respect par leur détermination : ce à quoi ils ont affaire ici vaut bien pour eux le champ de bataille, si ce n’est qu’ici ils doivent jouer avec les règles de l’ennemi. Ne doutons pas qu’ils parviendront un jour à assainir la ville de son opiomanie, et à y restaurer l’ordre qui leur est si cher. Nous ne pouvons d’ailleurs qu’admirer leur courage face à l’ampleur de la tâcher, et leur souhaiter de tenir la durée.

A mon arrivée, je fus accueilli par feu Makoto Kenji-sama, honorable membre du Clan du Scorpion et responsable de la faction de l’Aikokudantai que je rejoins. Je fus immédiatement présenté à l’estimable membre de la famille impériale auquel nous sommes dès lors attachés, Miya Gohiro-sama, et aux deux honorables samouraï qui composent cette faction de l’Aikokudantai.

Le premier est l’honorable membre de la famille Mirumoto, Kazeyogo-san, que d’événements certainement tragiques ont forcé à abandonner son daisho pour le naginata, et à porter la plupart du temps la coiffe-panier. J’ai beaucoup de respect pour l’abnégation dont fait preuve Kazeyogo-san en continuant à faire son devoir avec tant d’entrain malgré les embûches que lui livre le destin : jamais il ne laisse transparaitre l’abattement que doit lui causer l’éloignement de sa lame ancestrale.

Le second, ou plutôt la seconde, est une élégante membre du Clan de la Licorne, dont la beauté rayonne malgré l’austérité liée à son statut de Vierge de Bataille, et malgré son éternel accoutrement de guerre, dont on sait à quel point il peine à mettre en valeur la fraicheur des jeunes femmes.

Leur accueil fut des plus chaleureux. Autour d’un excellent thé, ils me mirent rapidement au fait de la situation de la ville : en lien avec la guerre civile qui plonge le clan du Lion dans le malheur, vient de survenir la destitution de la gouverneur de la ville, Ikoma Yoriko-sama. Visiblement, Yoriko-sama aurait été victimes d’honteuses rumeurs qui auraient mis Akodo Yama dans l’obligation de la démettre de ses fonctions. Ikoma Sojiro, son karo, assurera l’intérim en attendant la nomination par Akodo Yama d’un nouveau gouverneur. Preuve s’il en faut de son attachement à la bonne résolution des affaires locales, Ikoma Yoriko-sama a préféré rester en ville plutôt que de retourner dans ses terres.

Kazeyogo-san nous a ensuite emmenés, Yukio-san et moi-même, chez le rônin Yoake. Ce dernier nous a rapidement entretenus du fait qu’un des yoriki de la ville pourrait ne pas apprécier la façon dont l’Aikokudantai mènerait ses affaires. Gage d’efficacité, s’il faut en croire ce rônin, puisqu’il suppose que ledit Yoriki craindrait en réalité pour ses sombres affaires. Kazeyogo-san propose donc à son ami de rendre possible une rencontre entre ce samouraï et l’Aikokudantai, en nous indiquant le moment où nous pourrions le trouver dans l’un des établissements de divertissement qu’il affectionne.

Dès le lendemain, il me faudra découvrir que la gestion du pouvoir à Ryoko Owari diffère grandement de ce à quoi nous sommes habitués sur les terres du Clan de la Grue : ici, il faut admettre qu’il est bien plus décentralisé, et que toutes les couches de la population, ou peu s’en faut, y participent. Je ne sais si ce fonctionnement est courant au sein du Clan du Scorpion, mais il est à tout le moins original.

Dans les quartiers populaires, par exemples, des milices auto-organisées font office de Soldats du Feu : différentes factions se répartissent plus ou moins heureusement le territoire, et sont peu habituées à ce que le pouvoir officiel règle leur fonctionnement. J’imagine que ce fonctionnement doit être exemplaire, pour mériter une telle confiance de la part des autorités.

Nous apprenons justement que l’une des factions nécessite notre soutien afin d’organiser son financement : jusqu’ici fondé sur une base volontaire, il semble gérer difficilement les cas où certains habitants du quartier leur refuseraient leur obole. Nous avons dès lors proposé un autre mode d’organisation qui éviterait que les services de Matsuhiro l’Aveugle puissent être perçus, à tort évidemment, comme du racket : la collecte sera dorénavant officielle et obligatoire, mais réalisée par les gardes officiels de la ville, qui n’ont pas d’intérêt matériel dans son montant. Nous en avons profité pour éliminer une faction concurrente qui organisait un racket réel et violent dan le quartier (ils allaient jusqu’à jeter les « mauvais payeurs » dans la Baie), et délimité clairement la zone relevant des soldats du feu de Matsuhiro l’Aveugle. Cette zone recouvre dorénavant l’entièreté du quartier des pêcheurs.

L’affaire suivante qui nous fut confiée fut bien étrange… L’assistant du magistrat d’Emeraude, un membre du Clan de la Mante répondant au nom de Naoya est venu nous trouver pour une affaire de vol.
Pourquoi cette affaire de vol se voit-elle confier à l’Aikokudantai, service impérial normalement fort éloigné de la gestion des affaires urbaines ? Il semble que la magistrat locale, Soshi Anae, soit trop occupée pour pouvoir, malgré toute son abnégation, gérer à elle seule toutes les affaires de la ville… Quant au magistrat d’Emeraude, le fait que son assistant outrepasse sa propre hiérarchie pour venir confier les affaires de la ville à l’Aikokudantai n’est peut-être pas étranger au fait qu’on nous ait donné pour mission de le surveiller…

Visiblement, ce dont ce Naoya avait besoin, à travers nous, était l’appui des légionnaires d’Emeraude pour arrêter un voleur apparemment dangereux. Ayant évidemment accepté le service demandé, nous nous sommes rendus avec les légionnaires d’Emeraude à l’auberge où il avait été repéré.

Suite à l’entrée des légionnaires dans l’auberge, le voleur, surnommé « le Gaki », tenta de s’enfuir par les toits. Mais c’était compter sans la prévoyance de Kazeyogo-san, qui l’y intercepta. Malgré son admirable habileté au combat, Kazeyogo-san ne put arrêter le voleur, qui s’échappa par les ruelles. Usant habilement de l’extraordinaire mobilité de sa monture, Yukio-san le poursuivit, mais une surprise l’attendait : la piste la mena droit sur Yoriko-sama, accompagnée d’un rônin ressemblant à s’y méprendre à notre voleur. Suite à un astucieux échange avec Yoriko-sama, Kazeyogo-san, qui avait rejoint la scène, malgré sa blessure, put nous ménager une occasion d’arrêter et d’interroger ledit rônin.

Je ne puis relater précisément l’enchaînement de ces événements : le cours que ma mémoire leur reconstruit est si absurde que je préfère ne pas m’y fier. Il en ressort néanmoins que le rônin portant sur les avant-bras les mêmes tatouages que moi : ceux que portent les samouraï ayant passé leur gempukku auprès des Daidoji. Il fut finalement jugé pour les vols, et relâché après avoir rendu les objets dérobés et fait amende honorable. Il semble que Kazeyogo ait demandé, comme réparation inofficielle pour sa blessure, que le rônin se rende utile à la manière qui plairait à Yoriko-sama.

Une nuit de sommeil réparatrice, et vint le lendemain, une journée calme qui me permit enfin d’appréhender la ville plus sereinement. Je passai cette journée à faire connaissance avec notre supérieur, Makoto Kenji-sama, autour des plans de la future demeure de l’Aikokudantai. Kenji-sama désirait ajouter un jardin, et donner à certaines pièces le luxe adéquat pour y recevoir les hôtes de marque qui ne manqueront pas de la visiter. Je comprends aisément son souci : les plans originaux me semblaient être plus proches de la forteresse de guerre, austère mais efficace, que du palais auquel on aurait pu s’attendre. Néanmoins, je comprends tout autant les préoccupations de mes collègues, qui se méfient des indiscrétions que permettrait une conception négligée. Il fut décidé, finalement, d’autoriser un jardin intérieur dans les limites où cet agrément n’affaiblirait pas la sécurité de l’édifice.

Le quatrième jour de mon arrivée à Ryoko Owari fut marqué par la demande de Miya Gohiro-sama de quérir pour lui un cadeau à offrir au nouveau gouverneur, en prévision de sa nomination.

Gohiro-sama décida qu’il nous fallait obtenir une œuvre d’un calligraphe célèbre dans tous l’Empire qui justement habitait non loin de Ryoko Owari. Il s’agissait étrangement d’un heimim, qui tout aussi étrangement fut loin d’exprimer le respect attendu pour notre requête. Certes, son assistant venait de décéder, et il craignait de ne pouvoir se concentrer suffisamment en présence de la famille du défunt.

La requête émanant d’un membre de la famille impériale, il était hors de question pour nous d’oser envisager d’y déroger, fut-ce parce qu’un heimim omettait d’y mettre un zèle au moins égal au nôtre. Certes il s’agissait d’un maître en la matière, et il méritait le respect dû à son habileté, et je n’aurais pas été le dernier à le lui témoigner, mais je ne peux m’empêcher de penser qu’il y avait quelque chose de vicié dans la façon dont s’arrangeaient les rapports de cet artisan à la dignité de la requête qui lui était faite. Finalement, il n’était peut-être pas anodin que le destin ait frappé son entourage du sceau de la malédiction…

Il s’agissait donc pour nous de résoudre cette affaire au plus vite, de sorte que le calligraphe puisse se remettre au travail, et que nous puissions ramener à Gohiro-sama ce qu’il nous avait demandé. Après enquête dans ce village d’heimim, il s’est avéré que le seul suspect était Yoshi, l’ancien apprenti ayant entretemps quitté le maître pour aller s’installer dans une ville voisine. Effectivement, en recoupant le récit de Yoshi et celui du fantôme de Tadashi interrogé par Kitsu Narumi (l’honorable Sodan-Senzo de Ryoko Owari), nous avons pu reconstruire le déroulement des événements : quelques années plus tôt, Tadashi, jaloux de son compagnon d’apprentissage, avait usé de Maho pour le maudire ; ce dernier avait abandonné son enseignement, et avait quitté le village, laissant Tadashi seul élève du maître. Mais récemment, Tadashi avait recontacté Yoshi par lettre, et l’avait fait venir au village : refusant de céder au chantage du Maho-Tsukai qui lui avait fourni la malédiction, Tadashi désirait mourir, de préférence de la main de Yoshi. Suite à une altercation à ce propos, ce que désirait Tadashi arriva : Yoshi le tua à l’aide d’un wakizashi.

Mais l’affaire ne s’arrêtait pas là : ce fil que nous avions tiré malencontreusement allait bientôt amener avec lui tout un réseau d’Adeptes du Sang couvrant la région et bien plus. Intrigués par l’origine de ce tragique événement, c’est tout naturellement que nous sommes remontés au marchand de parchemins qui avait fourni la malédiction à Tadashi pour ensuite le faire chanter.

Il me faut déplorer la violence de l’interception du marchand : les méthodes de l’honorable Vierge de Bataille ont révélé toute leur efficacité, mais aussi toute leur brutalité… Je sais mon attachement extrême à la vie, mais je ne pense pas, néanmoins, qu’on puisse attribuer à un excès de sensiblerie le fait d’être écœuré par le spectacle d’une Vierge de Bataille en armure défonçant d’un seul coup de poing la cage thoracique d’une heimim nue et désarmée. Je reste persuadé que cette violence n’était à tout le moins pas nécessaire.

Je dois cependant admettre que l’impression d’horreur que cette vision a suscité chez notre marchand n’a pas été pour rien dans l’étendue et la rapidité de ses aveux. C’est ainsi qu’il nous a avoué être sur le point de lancer une vaste opération de malédictions en chaine, par le biais d’œuvres calligraphiées offertes à des samouraï : ayant découvert le moyen de déclencher avec retard des malédictions placées sur des parchemins, il comptait user de son honteuse influence sur Tadashi pour les placer sur les œuvres tant demandées par les samouraï. Il nous a également révélé qu’un autre Maho-Tsukai utilisait déjà ce processus à Otosan Uchi, et désigné deux cellules d’Adeptes du Sang à Ryoko Owari. La première de ces cellules a déjà été éradiquée par l’Aikokudantai, et nous avons pu rapidement tendre un piège à la seconde dès notre retour à Ryoko Owari.

A notre retour, justement, il s’est agi pour nous de constater qu’à force de prendre sur nous les affaires incombant aux magistratures locale et impériale, l’Aikokudantai est devenue dans les esprits la première instance de la justice à Ryoko Owari : les moindres délits nous sont référés, et l’assistant du magistrat d’Emeraude lui-même semble attendre de nous que nous nous en chargions. Nous fûmes forcés de refuser poliment de prendre plus avant la place de la magistrature locale. Ceci nous permit bien vite de nous concentrer sur les missions qui nous avaient été attribuées en propre.

Ce fut le lendemain de notre retour que je rencontrai pour la première fois Doji Katsuo, représentant officiel de notre clan à Ryoko Owari… Aujourd’hui encore, je ne sais quoi penser : d’un côté, il s’agit du samouraï le plus honorable et le plus bienséant qu’il m’ait été donné de rencontrer dans cette ville ; d’un autre côté, il est aussi l’être le plus horrible, le plus mauvais, et le plus souillé que j’aie jamais connu. Je ne sais toujours pas ce qu’il était vraiment : a-t-il jamais été humain ?
On pourrait penser qu’il s’agit d’une créature du Sombre Seigneur particulièrement intelligente, et qui parviendrait à mimer un sens de l’honneur et des manières si fins que peu de samouraï arriveraient même à les atteindre après une vie d’efforts. Une créature dont la compréhension de l’honneur dépasse celle de bien des samouraï…
Mais cette version sonne faux à mon âme : lors de nos rencontres, émanait de Doji Katsuo une sincérité et une respectabilité qui ne peuvent qu’être ancrés très profondément en son être, bien plus profondément que la souillure. Pourquoi sinon m’aurait-il demandé expressément et avec autant d’insistance de veiller à favoriser les affaires de notre clan auprès de l’Empereur ? S’il n’avait été que souillure, n’aurait-il pas eu au contraire intérêt à ce que nous continuions à nous entre-déchirer devant les yeux du Fils du Ciel ?

De même, je reste extrêmement perplexe face à ce magnifique cadeau, absent de toute souillure et témoignant d’une attention réelle : ce coffret d’écriture est si finement réalisé que sa plume semble se positionner naturellement dans le prolongement de l’âme, sans qu’il n’y ait besoin de faire d’efforts pour la maîtriser… J’ai beau chercher, je ne peux voir de piège derrière ses attitudes et ce présent. Peut-être suis-je seulement incapable de les percevoir et devrais-je me méfier d’autant plus, mais j’ai ressenti plus d’honorabilité chez cet être que chez l’artisan que nous avions visité, alors que ç’aurait dû selon toute vraisemblance être le contraire.

Si mon esprit ne divague pas totalement, il me semble que cette créature, pour aussi abjecte qu’elle soit, avait autrefois été un samouraï des plus honorables et avait une telle force de caractère que celle-ci continue à guider son âme par-delà la souillure. Bien évidemment, il s’agit maintenant de l’un des séides du Sombre Seigneur, et en tant que tel il doit être combattu sans merci ; mais il m’a semblé percevoir que cette créature cherchait bien plus la paix que la destruction. Une paix gangrenée de souillure, certes, mais son but n’était clairement pas la destruction : vu la puissance et l’intelligence qu’il possède, raser la ville n’aurait pas été pour lui un enjeu insurmontable. On aurait dit qu’il visait, d’une manière tragiquement viciée, à vivre à nouveau une vie de samouraï pétrie d’honneur et d’affaires de cour.

Quelle ne fut pas notre honneur quand nous le vîmes humer son thé aux pétales de jade, réaliser ce que nous avons découvert, et nous annoncer dans un mélange de regret dérisoire et de mélancolie amusée qu’il « aurait espéré qu’on n’en arrive pas là », puis de reprendre sa monstrueuse apparence et de déchirer comme du papier les honorables samouraï qui tentèrent de l’affronter, et finalement de s’envoler vers d’autres lieux à corrompre…

Au nombre des morts figurait le regretté Makoto Kenji-sama.
A côté de cette rencontre bouleversante, Taehime-sama, vous comprendrez que pour importantes qu’elles soient en elles-mêmes, les autres affaires survenues entretemps paraissaient négligeables. Enfin, si le fait n’a pas eu l’attention qu’il méritait, il nous est apparu sans aucun doute possible que certains membres du Clan du Scorpion employaient effectivement des ninjas, et que ceux-ci ne reculaient devant aucune bassesse pour commettre leurs méfaits, sans pour autant atteindre l’efficacité requise par de tels manquements à l’honneur ; de même il semble, dans le cas qui nous a concerné, que l’emploi de tels procédés était fort éloigné de la nécessité qui aurait éventuellement pu justifier leur usage. Pour ma part il m’est encore aujourd’hui impossible de comprendre comment certains membres de clans majeurs peuvent envisager l’honneur avec tant de légèreté ; j’imagine, cependant, qu’il devait s’agir d’un cas extrême et isolé, en aucun cas représentatif des pratiques acceptables au sein d’un clan majeur, fut-il celui à qui le Premier Empereur a confié la voie du secret. Nous avons néanmoins arrêté la commanditaire, Shosuro Mariko, et avons référé de ses actes à son daimyo, afin qu’il juge lui-même de leur gravité.
Avec, par ordre d'apparition à l'écran :

Asahina Ishihara : EcceAngelo-san
Kazeyogo : Vier-san
Otaku Yukio : Toria-hime
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Message par Kyorou » 08 mai 2008, 12:16

La suite.
Asahina Ishihara a écrit :« L’arbre qui donne toutes ses fleurs au premier venu ne portera jamais de fruits. »

Depuis que j’ai goûté au maniement du fer auprès de Daidoji Chikafusa-sensei, je tente de me persuader que telle est la voie que le Destin a tracée pour moi. De toute évidence, les monastères Asahina m’ont définitivement fermé leurs portes, et ce depuis le jour où la vengeance est entrée dans ma vie. Pourtant il m’arrive aujourd’hui de douter, et je ne sais plus quelle voie est la mienne.

Certes, la paix reste l’horizon inébranlable de mon existence, qui trempe ma volonté et assure chacun de mes actes ; mais je ne suis plus certain aujourd’hui que la voie des armes soit pour moi la bonne…

Quelques jours après le massacre attribué à Doji Katsuo, nous vîmes arriver en ville une jeune Tsukai-Sagazu, destinée à rejoindre les rangs de l’Aikokudantai. Qui aurait cru qu’une cité aux mains du Scorpion soit le théâtre de tant de manifestations de la Souillure ? N’incriminons pas trop rapidement la gestion de la ville par les autorités : peut-être est-ce simplement dû aux troubles des temps ou à l’ampleur de la ville. Quoiqu’il en soit, c’est avec plaisir et reconnaissance que nous avons accueilli Hiruma Nadeshiko-san parmi nous. Si Kaiu Kabe n’est pas aussi clément que les plaines du Nord pour le teint des jeunes filles, l’âpreté de son climat n’est pourtant pas parvenu à entamer l’enthousiasme de Nadeshiko-san.

A peine fut-elle arrivée, que nous recevions la visite de Bayushi Seiko-sama, envoyée par le Champion du Clan du Scorpion, Bayushi Hiraji-sama. Il semble que les errements de Shosuro Mariko-sama soient pris très au sérieux par le Champion du Clan, pour que ce dernier confie l’affaire directement à son karo. Seiko-sama est une femme extrêmement agréable, et sa politesse est infinie : quelqu’ait été son empressement à régler cette affaire, jamais ses manières ne s’en sont ressenties.

La semaine suivante, nous fûmes invités à rejoindre Doji Doro-sama et l’Aikokudantai à Shiro Ishigawa, où il avait établi son campement. Nous vaquâmes quelques jours encore à nos affaires courantes et préparâmes notre départ. Bientôt nous fûmes en route vers les terres du Clan du Lion où nous étions attendus.

Le voyage fut agréable et se déroula sans encombre, à l’exception notable d’une halte curieuse…

Le soir tombant, nous avions décidé de nous arrêter pour la nuit dans un village d’heimims sis sur la route que nous empruntions. Nous fûmes accueillis par la famille la plus aisée des environs. L’endroit n’était pas luxueux, mais semblait propre et disposait d’une étable pour abriter nos chevaux.

A notre arrivée, la maisonnée était occupée à dîner, hormis un jeune enfant qui semblait jouer dans son coin. Etrangement, le discours du chef de famille est assez incohérent quant à la composition de sa maison : de temps en temps il nous parle de ses deux enfants, puis semble en mentionner trois sans se rendre compte de la transition. Nous décidons de ne pas y porter trop d’attention : peut-être le statut de l’un des enfants n’est-il pas limpide, et nous préférons éviter d’embarrasser inutilement nos hôtes avec nos questions. Peu après, Yukio-san aura une vision étrange à l’étable : il lui semble un instant avoir vu celle-ci se transformer en ruines, contre toute vraisemblance. Le temps que Yukio-san m’entretienne de la situation, Nadeshiko-san était retournée dans la maison de nos hôtes, et avait été confronté à des ombres mouvantes, qu’elle disait être parvenue à manipuler grâce à sa propre ombre. Pourtant, elle nous assure qu’il ne s’agit pas de souillure, et que ce pourrait être au contraire l’expression de tout autre chose. Ce qui ne nous rassure qu’à moitié…

Alors que nous discutions de cela à l’étable, et décidions d’organiser un quart pendant la nuit, Yukio aperçoit le cadet qui nous espionne à la porte de l’étable, et se lance à sa poursuite ; son cri de charge ayant alerté notre hôte, ce dernier vient s’enquérir de la situation. Au cours de notre explication, nous nous apercevons qu’il nie l’existence de son cadet, ce qui nous incite à nous renseigner auprès de la grand-mère. Suite à la description par Nadeshiko-san de sa vision, la grand-mère cherche dans ses souvenirs les indices d’un enfant maltraité, et en vient à évoquer un jeune garçon décédé soixante ans plus tôt. Cette piste se révéla rapidement être une impasse, mais nous permit d’apprendre par les voisins de nos hôtes que ces derniers ont bel et bien trois enfants et non deux.

C’est à ce moment que, guidés par une lueur dans les bois, nous assistons à une scène illusoire où se joue, devant nos yeux, l’enterrement sommaire par la famille du petit dernier, visiblement mort roué de coups. Revenant au village, alors que nous commencions à reconstituer le tableau, les événements se sont accélérés : nous trouvons la maison vide, à l’exception de la jeune fille nue et étranglée… Nous sortons de la maison et tentons d’organiser une battue afin de retrouver les autres membres de la maisonnée, et trouvons rapidement le corps du fils dans l’étable, les poignets entaillés. C’est au sortir de l’étable que la situation s’éclaircit : à l’orée du village, une armée Lion s’apprête à charger, mais aucun son ne sort de leurs bouches hurlantes… Nous revivions une scène depuis longtemps passée, animée par autant de Yurei. Je fus le premier à me rendre à nouveau chez nos hôtes, et à me retrouver confronté à la conscience torturée qui manifestait pour nous ses tourments : le jeune cadet, en proie à la culpabilité, était torturé par la pensée que ce massacre ait pu être de sa faute. Une fois le yurei rassuré, son illusion disparu, et nous vîmes enfin la réalité de ce village : des ruines depuis longtemps rendues à la nature.

Comme je vous l’ai dit, Taehime-sama, ce troublant événement fut le seul moment remarquable de notre voyage : nous arrivâmes bientôt à destination. Shiro Ishigawa est une modeste place-forte située au sommet d’une colline bordée par une profonde forêt. Ses abords sont envahis par les innombrables tentes de l’Aikokudantai.

Nous nous rendons immédiatement auprès de notre daimyo, Doji Doro-sama. Le Général de l’Aikokudantai est un samouraï particulièrement imposant : la quarantaine, les cheveux teints, les traits saillants, il possède une stature à laquelle notre Clan nous a peu habitué.

Taehime-sama, à vous je peux le confier : à vous qui n’êtes plus concernée par les secrets des vivants, il m’est inutile, quand bien même ce serait possible, de vous cacher mes réserves… Doji Doro-sama nous a demandé, et à moi en particulier, de toujours faire passer les intérêts de l’Aikokudantai avant ceux de nos clans respectifs. S’il n’avait tant insisté sur ce point, c’eut été du simple bon sens, l’expression de notre devoir en tant que membres d’un service impérial. Mais son insistance particulière à l’égard du Clan de la Grue est lourde de sous-entendu. Il ne m’a d’ailleurs pas fallu développer des trésors de rhétorique pour apprendre de sa propre bouche ses réticences quant à la politique de notre Champion, Doji O-Eju. Je ne suis pas fort au fait des détails de la politique du Clan, mais il m’est impossible de trouver normal qu’un membre du Clan, fut-il Doro-sama, mette aussi ouvertement en doute les vertus de notre Champion. De même, Doro-sama semble envisager bien plus rapidement une solution armée que ce qui est dans les habitudes du Clan. Loin de moi l’idée de mettre en doute la noblesse des buts qu’il poursuit, mais je crains de ne devoir le suivre dans des méthodes à l’opposé des enseignements pacifiques de Dame Doji. N’oublions pas que l’Aikokudantai, s’il a à sa tête un membre du Clan de la Grue, est avant tout une initiative du Clan du Scorpion dont les attributions empiètent de plus en plus sur cet autre service impérial qu’est la magistrature d’émeraude ; de là à dire qu’attiser la rivalité de Doro-sama (et l’Aikokudantai) à l’égard du Clan de la Grue et du Champion d’Emeraude pourrait bénéficier au Clan du Scorpion, seul l’avenir nous dira ce qu’il faut en penser…

A l’issue de notre entrevue, nous nous sommes vus confier deux nouveaux légionnaires d’Emeraude, ainsi que la garde du wakizashi maudit « Kishamon ». Il s’agit évidemment d’un immense honneur que d’être considérés comme suffisamment forts et honorables pour parvenir à résister à l’influence de cette lame souillée. Il s’agira maintenant d’être à la hauteur de la tâche… Néanmoins, il me semble que nous comptons pour nous un double avantage : Yukio-sama a déjà été confrontée à cette lame par le passé, et nous disposons de plus de l’expérience de Nadeshiko-san en la matière.

Nous entreprîmes alors de tester nos nouvelles recrues, Yamamoto Umeko et Seppun Ichi : quoique l’issue de l’exercice soit évidente, les quelques passes qu’ils échangèrent avec Yukio-sama furent des plus instructives sur leurs capacités au combat. Je profitai de ce divertissement pour tester quant à moi l’éveil de Nadeshiko-san aux intrigues, et lui apprendre à se méfier des propositions les plus anodines : se laisser convaincre de préparer le matcha est peut-être sans gravité entre nous, mais peut s’avérer plus délicat dans un contexte de cour… Immédiatement après, c’est Yukio-sama qu’elle affrontait : si au Katana la membre du Clan du Crabe prit l’avantage, Yukio-sama rétablit évidemment la situation lorsque chacune repris ses armes de prédilection.

C’est alors qu’arriva Hiraga Miyako, samouraï réputée dans l’Aikokudantai pour avoir tué un Magistrat d’Emeraude en duel (ce qui a fait monter d’un cran la rivalité entre les deux services impériaux). Belle femme, dont le raffinement fait honneur au Clan, elle s’attendait visiblement à impressionner une fois de plus ses admirateurs en surpassant une adversaire réputée en la personne de Yukio-san. Malheureusement pour elle, en combat monté elle ne tenait pas la comparaison avec la Vierge de Bataille, et est repartie froissée. J’échangeai alors quelques passes avec Yukio-san, pour le sport, qui tournèrent très rapidement à son avantage. C’est à ce moment que notre nouveau taisa, Shiba Godahigo-sama, s’est présenté, en habit d’apparat.

Ce fut le lendemain, Taehime-sama, que les kami se manifestèrent à nouveau pour me pousser sur la voie de la paix : deux samouraï Lion venaient de se lancer un duel, qui menaçait de se solder par la mort de l’un des deux combattants. Les deux samouraï semblaient en proie à leurs émotions, et voulaient véritablement en découdre. C’est alors que je me suis interposé : par mes paroles je tentai de les ramener à la raison et les décourager de continuer ce duel inconséquent. Les kamis devaient être avec moi, car mes mots dissipèrent l’illusion qui les entravait : la samouraï provoquée réalisa son emportement, et tourna les talons ; le provocateur révéla son désir véritable et se rua sabre au clair sur son adversaire qui lui tournait déjà le dos. De nouveau, seule l’action des kamis peut expliquer que je parvins à intercepter et désarmer le samouraï enragé avant qu’il ne blesse sa rivale. Je ne peux croire qu’il ne s’agissait d’un indice placé là par le Destin pour m’encourager à encore relativiser l’intérêt des armes pour construire la paix.

Finalement, nous voilà invités à partager le repas du daimyo, Ishigawa Toshiro… Nous aurions préféré construire avec lui de meilleures relations, mais il lui est apparemment venu à l’idée qu’il pourrait se faire valoir à peu de frais en provoquant la membre du Clan de la Licorne qui était à sa table. C’est ainsi qu’il a interpelé Yukio-sama en ces termes : « Yukio-san, vous qui appartenez à un Clan récemment revenu à Rokugan devez avoir une vision très particulière et différente de la situation actuelle de l'Empire et, en particulier, de celle du Clan du Lion. » Mais il s’est rapidement aperçu qu’il n’obtiendrait pas le résultat escompté, celle-ci lui ayant répondu de la sorte : « « Je suis honorée que vous ayez sollicité mon humble avis sur cette question d'une importance cruciale pour l'empire. Je vous remercie également pour l'intérêt que vous portez à l'opinion d'un membre du clan de la Licorne, dont vous avez si justement souligné la différence de mentalité avec d'autres clans. Nous suivons en effet très strictement les normes du Bushido, et la situation dans le clan du Lion nous semble incompréhensible. Le bien-être de l'empire et de l'empereur doivent primer sur toute autre considération, et il est clair que des rivalités internes ne devraient pas prendre une telle ampleur et menacer ainsi la stabilité. Il est dès lors surprenant que le clan du Lion, réputé pour son sens de l'honneur, se laisse aller à de telles extrémités. Le clan de la Licorne serait donc tout à fait prêt à aider ses amis du clan du Lion à résoudre cette crise et à arriver à une solution qui fasse primer l'honneur et le bien de l'empire sur de basses considérations politiques. J'espère avoir su répondre à votre question de manière satisfaisante. Evidemment il s'agit là d'une opinion personnelle n'engageant pas mon clan, et je reste à votre entière disposition pour débattre de la question. » Peut-être à l’avenir évitera-t-il de provoquer ses invités au mépris de la plus élémentaire politesse ? N’est pas Scorpion qui veut, auraient dit certains…

Le lendemain, il apparut que des documents avaient été volés à Shiro Ishigawa : nous fûmes chargés d’une partie de la surveillance, et pûmes récupérer les fameux documents. Etrangement, le voleur portait la marque des Daidoji : de là à y voir une confirmation de la rivalité entre l’Aikokudantai de Doji Doro-sama et notre Clan, seul l’avenir nous dira si l’inférence est pertinente… Quoiqu’il en soit, il était temps pour nous de retourner à Ryoko Owari.

Je vous avais expliqué, Taehime-sama, que nous avions réorganisé le fonctionnement des Soldats du Feu, et confié la collecte des cotisations aux gardes de la ville… A peine arrivés à la Cité des Mensonges, nous apprenons que les gardes de la ville organisent un racket à leur propre profit, et que Shiba Soseki, le Magistrat d’Emeraude, trouverait lui aussi ses intérêts dans ce racket. Les gardes de la ville étant sous l’autorité officielle du gouverneur de la ville, c’est chez ce dernier que nous nous sommes rendus, afin de le mettre face à ses responsabilités. Alors que nous ressortions de chez lui, nous croisons Shiba Soseki lui-même qui entre, accompagné de son assistant, Naoya, et d’un rônin attaché. Soseki, dont nous venions d’apprendre qu’il organisait sa propre corruption avec les gardes de la ville, s’apprêtait à faire mettre à mort un rônin pour un crime dont il était évident qu’il ne l’avait pas commis : le meurtre de Soshi Anae, dont nous savions qu’il était l’œuvre de Doji Katsuo. L’écoeurement de Naoya ne laissait pas le moindre doute quant à la moralité de ce qui était occupé à se produire devant nous.

La légèreté avec laquelle Shiba Soseki organisait la mort de samouraï innocents, dont l’événement en cours nous montrait avec évidence qu’il n’en était pas à son coup d’essai, ainsi que la corruption qu’il organisait en toute impunité nous a forcé à réagir. Vous savez, Taehime-sama, à quel point je répugne à me résoudre à la mort d’un samouraï, et à la violence comme solution aux problèmes… Mais cette désinvolture face à la mort organisée en toute impunité, ainsi que l’urgence de la situation, ne m’ont pas permis de faire autrement. Peut-être aurait-on pu différer le problème et organiser le jugement du magistrat d’émeraude, preuve après preuve, mais combien de rônins et de samouraïs auraient été mis à mort pour rien entretemps ? Nous n’aurions en tout cas pas sauvé ce rônin-là.

Nous avons donc fait signe à Naoya de gagner un maximum de temps, et sommes allés quérir l’aide de Yoriko-sama, afin qu’elle soit ma lame dans le duel à venir. Ainsi cette confrontation ne pourrait être attribuée à un second coup de sang de l’Aikokudantai, puisque cautionnée et réalisée par l’ancien gouverneur de la ville, membre du clan du gouverneur actuel. Je serai éternellement reconnaissant à Yoriko-sama d’avoir accepté d’être mon Champion, et de m’avoir permis d’annoncer à Sojiro-sama un nouvel élément concernant cette affaire : « Shiba Soseki ment ». Les kamis étaient de notre côté, et ont rétabli la vérité en guidant la lame de Yoriko-sama.

Suite à cela, il nous faut bien constater que la gestion de la ville est plus que lacunaire : il n’y a plus ni magistrat local ni Magistrat d’Emeraude, et les gardes de la ville sont extrêmement corrompus. Nous envisageons dès lors de demander à Doji Doro-sama l’autorisation de lancer une série de demandes au Clan du Scorpion et du Lion afin de régulariser la situation…

C’est à ce moment que nous apprenons que le nouveau gouverneur envoyé par le Clan du Lion vient d’être atrocement massacré avec toute son escorte avant même d’arriver à la ville. L’Inquisiteur Phénix nous apprend qu’il s’agit vraisemblablement d’un oni dont les particularités sont de creuser des galeries et de se reproduire en infectant de nouveaux samouraï qu’il contrôle. Il serait éventuellement possible de tuer tous les onis en tuant le « premier ». Vraisemblablement l’oni a été invoqué par Doji Katsuo ; impossible actuellement de dire s’il a agi sous les ordres de Katsuo ou s’il est livré à lui-même maintenant que Doji Katsuo a fui. Afin d’en savoir plus, nous avons incité le réseau de rônins à ouvrir l’œil sur les disparitions et à tenter de repérer les entrées de galeries. Visiblement le « premier oni » serait capable de maintenir une apparence humaine…

Accessoirement, et pour terminer cette lettre sur une note positive, Kitsu Narumi nourrirait visiblement des projets de mariage : elle a demandé à Yukio-sama d’écrire en ce sens aux parents de celui qu’elle aimerait épouser.
Le cast de la partie :

Otaku Yukio : Toria-hime
Asahina Ishihara : EcceAngelo-kun
Hiruma Nadeshiko : Geri-chan
In wartime, truth is so precious that she should always be attended by a bodyguard of lies.
Winston Churchill

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Kyorou
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Message par Kyorou » 11 juil. 2008, 08:08

La suite.
EcceAngelo a écrit :
Quatrième lettre à Doji Taehime

« L’arbre qui donne toutes ses fleurs au premier venu ne portera jamais de fruits. »

Guidée par le souffle de l’âme, la plume ne peut être trompée. Sa course révèle les moindres ébréchures du kharma, que la technique ne pourra jamais masquer.

Ma plume me rappelle inlassablement la vie que j’ai prise. Que je l’aie fait pour laver l’honneur de mes proches ne pardonne rien : prendre une vie c’est n’avoir pas été assez sage pour éviter de le faire.
A plusieurs reprises j’ai porté des coups qui ne visaient pas à épargner. A plusieurs reprises des vies ont été ôtées en ma présence. Ce sont là autant d’échecs, autant d’événements qui me rappellent la fragilité de mon vœu et le risque toujours présent de le rompre. Ce risque me hante sans cesse…

Aujourd’hui, Doji Tomoe a tenu à me faire le présent du ruban blanc des Asahina. Cette attention m’a profondément touché : alors que les portes des monastères Asahina me seront à jamais fermées, Tomoe-san m’a offert là la plus haute marque d’honneur qui pouvait m’être faite quant à mon vœu. Ce ruban est celui avec lequel les membres de la famille Asahina qui sont contraints de porter les armes scellent ces dernières afin de s’en interdire l’usage.

Et pourtant cet aspect du présent de Tomoe-san n’est pas le plus important : au-delà de l’honneur qui m’est fait par la famille Asahina, ce ruban incarne sa préoccupation à mon égard. Etant donné les tensions entre le Clan de la Grue et l’Aikokudantai, Tomoe-san craint que ma vie soit menacée. En m’offrant ce ruban, elle insiste pour me voir porter une arme en permanence.

La situation est évidemment délicate : ma lame ancestrale est un naginata, et le naginata ne se porte pas comme le katana : au côté et en toutes circonstances. Pourtant je ne peux refuser ce présent au sens doublement marqué…

Mais ce n’est pas là que mon récit doit reprendre : ceci se déroule à Shiro Shinjo, alors que la dernière lettre que je vous ai confiée s’arrêtait à Ryoko Owari… Beaucoup de choses se sont passées depuis cette lettre : nous en étions restés à des événements moins glorieux, à savoir le massacre du gouverneur Lion devant prendre fonction dans la Cité des Mensonges.

Nous avions organisé la surveillance des entrées de galeries susceptibles d’abriter les onis ayant perpétré ce massacre : c’est ainsi que nous sommes mis au fait de disparitions survenues dans le sud du marché de nuit. Nos informateurs nous indiquent avoir repéré des créatures étranges sortant d’un entrepôt situé sur les docks. L’entrepôt appartenait à Masaki, et est plus ou moins laissé à l’abandon depuis la défection de ce dernier.
Yukio, Nadeshiko et moi-même décidons de surveiller nous-même l’entrée de l’entrepôt la nuit suivante. Cette surveillance n’est pas vaine : la nuit-même nous voyaons en sortir quelques créatures qui se séparent en groupes de deux.

De loin, elles ressemblent à des vieillards, courbés et mal en point… Mais l’illusion ne dure pas. De près se révèle toute leur horreur : il s’agit d’humains atrocement déformés, aux traits saillants et munis de griffes et de dents acérées aux reflets métalliques.

Nous tentons de les suivre discrètement, conscients de notre impuissance face à leur nombre et leur force. C’est alors qu’arrive de l’autre extrémité de la rue un marchand dans sa chaise à porteurs. Avant que ses gardes n’aient pu réagir, les créatures leur bondissent dessus et les éventrent. En un instant, le marchand subit le même sort.

Yukio et Nadeshiko ne peuvent s’empêcher de voler à leur secours, malgré l’inutilité de leur geste. Nous étions de toute façon repérés : je ne pouvais rester en retrait, maudissant pourtant la stupidité de notre geste. Arrivée la première au contact, Nadeshiko se fait briser les côtes et mettre au tapis d’un coup par l’une des créatures. Yukio et moi tuons la deuxième, mais l’agresseur de Nadeshiko entretemps bondit vers moi… Heureusement, Yukio me sauve la vie s’interposant : la créature s’empale sur son yari bien calé.

Nous aurions pu nous en tirer honorablement, mais nous avions été repérés par un deuxième groupe de ces créatures souillées. Yukio et moi embarquons Nadeshiko tant bien que mal et nous mettons à courir, les créatures sur les talons. Elles sont plus rapides que nous, mais au moment où elles allaient nous rattraper, nous croisons une patrouille de gardes. En continuant à courir j’ai la présence d’esprit de leur hurler « Jade ! » et de leur lancer le mien… Mais c’était inutile : le temps que nous les dépassions les créatures les avaient déjà réduits en charpille. Nous n’avons gagné que quelques instants, mais ce sont des instants précieux, puisqu’ils nous auront permis de rejoindre un abri inespéré : le Temple du kami Bayushi.

Arrivés dans l’enceine, des moines nous accueillent, surpris. « Nous sommes poursuivis par des Onis ». A ces mots, ils courent avec nous à l’intérieur, et barricadent le Temple sans perdre un instant.
Je ne vous apprendrai rien, Taehime-sama, en vous disant que les activités qui occupaient les moines du Temple de Bayushi au moment où nous sommes entrés ne correspondaient pas vraiment à ce qu’on aurait pu en attendre. Vous qui avez fréquenté si souvent « ceux qui savent nager » voyez de quoi je veux parler sans que je n’aie besoin de m’étendre plus avant sur la question. Quoiqu’il en soit, nous avons préféré jouer la carte de l’apparence afin de ne pas mettre nos sauveurs mal à l’aise : c’est pourquoi nous avons simplement demandé à l’abbesse de pouvoir nous rendre dans une pièce attenante « afin de ne pas déranger les moines dans leurs prières ».

Le lendemain, alors que nous retournons à la demeure de l’Aikokudantai, nous sommes acceuillis par Ichi accompagné d’un membbre du Clan du Scorpion, Shosuro Takeru. Cet homme bien-portant et ayant un goût certain pour le luxe nous explique que certaines personalités locales du Clan du Scorpion ont reçu récemment la visite de Soshi Hanae, la magistrate censée être morte. Curieusement, ceux qu’elle a visité ne semblent pas s’être étonnés de parler à une morte. Vraisemblablement elle dispose d’un mystérieux pouvoir de persuasion, dont elle se sert pour inciter ses interlocuteurs à lutter politiquement contre la présence en ville du Clan du Lion.

Nos investigations se poursuivent, et c’est, curieusement, la veille de notre départ pour les Terres de la Licorne que Soshi Hanae est repérée, en l’occurrence chez Soshi Fuhito. Un homme de main de Takeru infiltré chez Fuhito l’a fait prévenir…

Lorsque nous entrons, nous découvrons effectivement Soshi Hanae, engoncée dans une cape sombre dont ne dépassent que des mains livides. Elle est en pleine discussion avec Fuhito. Afin de détourner son attention, et de permettre ainsi à Yukio et à Nadeshiko de l’attaquer, je lui lance : « Etes-vous toujours en contact avec Doji Katsuo ? ». Sa réponse est éloquente : « Tuez-le », et de contrôler par là les gardes Scorpion présents qui m’attaquent immédiatement.

Pendant ce temps, le sol s’effondre, elle s’y enfonce, mais Yukio saute à sa suite. Hanae l’accueille d’un revers en pleine machoire, mais Yukio parvient à lui porter un coup de yari dévastateur, tandis que Nadeshiko arrive et lui enfonce son tetsubo dans les côtes. Hanae parvient cependant à s’enfuir, lançant « On se reparlera » à Yukio et Nadeshiko, tandis que ses créatures empêchent les samourai-ko d’encore l’atteindre. Ces dernières dégagent violemment les créatures de Hanae et reviennent à la surface. Ce fut notre dernière confrontation avec Hanae avant un moment…

Il est maintenant temps pour nous de partir pour Shiro Shinjo…

Autant les terres de chaque Clan ont leurs spécificités, autant elles se ressemblent toutes en regard des terres du Clan de la Licorne. A croire que ces plaines choisies par Shinjo n’appartiennent déjà plus tout-à-fait à Rokugan.

Voir ces plaines infinies balayées par les quatre vents, c’est déjà comprendre ce qui a attiré les suivants de Shinjo au-delà des frontières de l’Empire. C’est déjà comprendre d’où leur vient cette soif de liberté, de chevauchées sauvages. C’est comprendre aussi l’impossibilité pour eux de rester longtemps au même endroit : ces plaines envoûtent ceux qui les voient, invitent à être parcourues indéfiniment.

Au fond, ceux qui s’étaient établis dans ces plaines n’ont pas eu le choix : la question n’était pas de partir, de sortir des frontières, mais de bouger, d’assouvir cette irrésistible soif de chevauchées et de découvertes que la terre elle-même a instillée en eux.

Nous remontons en bâteau jusqu’à la Cité de la Grenouille Riche (cité étrange, peuplée de marchands ronins et n’appartenant à aucun Clan), où nous prenons la route de terre. Le dernier village que nous visitons avant d’entrer sur les terres du Clan de la Licorne sera aussi le dernier village que nous visiterons avant d’arriver à la forteresse Otaku : sur les terres du Clan de la Licorne, nous ne verrons pratiquement aucun lieu de vie stable. L’immense majorité des lieux de rassemblement sont de temporaires agrégats de tentes.

La forteresse Otaku, qui ne sera pour nous qu’une étape, donne clairement le ton : l’architecture Licorne n’a pas grand chose avoir avec celle des autres Clans, et surtout, les usages en sont extrêmement différents. Par exemple, tous les murs sont en dur, et rarement composés de cloisons en papiez de riz : en conséquence, les Licornes n’ont pas le même usage de la discrétion. Tout ce qui est dit dans une pièce est dit publiquement à toutes les personnes présentes ; si une personne ne devait pas entendre quelque chose, il fallait qu’elle sorte de la pièce, là où de toute façon elle n’aurait rien entendu. De même, le lieu de cour est un lieu unique, à savoir une immense salle du château où l’on mange et où l’on dort, autour d’un grand feu.

Nous recevons des objets étranges en cadeau de la part de nos hôtes : mon présent, par exemple, consistait en un tube de bois bouché par deux bouts de cristal, qui fait apparaître les objets éloignés comme s’ils étaient proches. Ce qui est très étonant est que l’objet ne semble pas être magique, et pourtant son effet ne peut être expliqué que par la magie. De plus, un tel cadeau témoigne clairement de l’étonnante richesse du Clan de la Licorne : le cristal y semble largement plus courant que chez nous. Ils s’en servent notamment comme matériau de construction, ce qui serait inimaginable dans le reste de Rokugan. Par exemple, le cristal est utilisé pour éclairer l’intérieur des bâtiments : enchâssé dans les murs, ils permet à la clarté du jour d’y pénétrer ; recouvrant les bougies, il donne d’étonnants effets de lumière (les Licornes disposent de cristal coloré).
Nous repartons avec une sorte de grande escorte qu’ils appellent une caravane. Le principe de la « caravane » est le suivant : plutôt que de fournir quelques gardes à chaque groupe isolé qui part du château, ils organisent des départs groupés rassemblant tous les voyageurs se rendant dans une même direction. Le groupe de voyageurs, se rapprochant de la taille d’un petit corps d’armée, est ainsi plus facile à défendre et moins susceptible d’être attaqué en chemin. A la différence d’une escorte, même gigantesque, la « caravane » se compose et se recompose à chaque halte, mais ne cesse jamais de voyager. Contrairement à l’escorte, elle n’a ni de point de départ ni de point d’arrivée, mais uniquement des points de passage, des étapes dans sa course infinie.

Shiro Shinjo est encore plus impressionnant que la forteresse Otaku : il est entouré d’un mur de pierre pouvant englober une ville entière. Ce mur est entouré d’un fossé qu’on traverse grâce à un pont de bois retenu par d’énormes chaines. Le château est en grande partie entouré par une véritable ville de tentes, et bordé d’un côté par le Lac du Dragon, un lac d’une clarté exceptionnelle au fond duquel gisent les vestiges d’une ancienne cité naga.

Comme à la forteresse Otaku, les usages à Shiro Shinjo sont radicalement différents de ceux auxquels nous avons été habitués. Il ne s’agit pas simplement de quelques « excentricités », quelques points de détails amusants, comme on pourrait s’y attendre : ce sont nos repères eux-mêmes qui sont irrémédiablement brouillés. L’architecture elle-même induit de nouveaux usages, tout comme la cuisine, la disposition des pièces. Curieusement, c’est la culture qui nous rassemble, comme en témoigne par exemple notre attachement commun à l’honneur et à nos ancêtres.

Par exemple, l’entièreté de la cour est à tout moment rassemblée dans la salle du trône, en présence du Champion : si les Licornes suivaient les habitudes rokuganies en termes d’étiquette, cela signifierait que l’entièreté de la cour passerait sa journée face contre terre, tournés dans un même ensemble vers le Champion du Clan. L’étiquette est ici cohérente par rapport à la disposition du lieu : ceci est extrêmement curieux pour les nouveaux venus, mais il pas inconvenant, chez les Licorne, d’être en présence du Champion et de pourtant ne pas avoir son attention constamment et uniquement tournée vers lui. Les membres de la cour déambulent librement dans la salle du trône, discutent entre eux, forment des groupes d’affinité, et tournent régulièrement le dos au Champion sans que cela ne semble choquer personne. Les usages en matière de nourriture sont également fort déconcertants (outre le fait que les plats eux-mêmes soient tout aussi étranges) : alors que nous avons été habitués à isoler le moment du repas (la nourriture n’est consommée qu’au repas, qui a un début et une fin très codifiées), les Licornes ont constamment un verre à la main, souvent d’une boisson fermentée de leur spécialité (le repas proprement dit est cependant servi, comme nous en avons l’habitude, à un moment spécifique). Toujours concernant la salle du trône, sa disposition elle-même est assez inattendue : elle dispose d’une antichambre constituée d’un espace délimité par de lourdes tentures. Contrairement au papiez de riz, ces tentures ne laissent passer ni le bruit ni la lumière : on fait antichambre dans le noir et dans le silence ambiant. Face à tant de différences, face à un tel brouillage des repères, il est aisé de se laisser envahir par un puissant mal du pays : nous prenons rapidement conscience que tout ce qui nous rappelle le Rokugan que nous connaissons se résume aux effets que nous avons emportés avec nous.

Lorsque nous sommes introduits au Champion, Nadeshiko et moi-même préférons sagement laisser Yukio diriger les opérations, pendant que nous tentons de comprendre ce qui se passe. Shinjo Seng est à ce moment installé sur un trône massif où il est majestueusement assis et non agenouillé ; sa femme, Shinjo Shinoko (étonnamment robuste pour son âge) est à côté de lui, à même hauteur, mais mi-allongée mi-assise sur son propre trône. Si celui du Champion est dédié au pouvoir, celui de sa femme est lui conçu pour le confort.

Après avoir présenté nos respects au Champion et lui avoir offert notre cadeau, Yukio offre directement à Shinoko-sama, sans passer par son époux, le kimono que nous avions prévu pour elle. Curieusement, ici on ne s’agenouille pas face au Champion ; l’humilité est bel et bien présente, mais s’exprime par un autre geste : on s’incline en pliant le genou.
Alors que nous balayons la salle du regard, repérant les différents courtisans et nous demandant lequel doit être salué ensuite pour ne pas faire d’impair… la question se résout d’elle-même : nous sommes proprement harponnés par un membre du Clan du Renard, Kitsune Takahashi. Si les membres du Clan du Renard ressemblent tous à Takahashi, aucun doute ne peut subsister quant à la parenté entre eux et ceux qui ont suivi Shinjo… Candide, enthousiaste, infatigable et imperméable aux convenances, voilà l’image que nous donne ce samourai qui nous prend à peu de choses près dans ses bras pour nous acceuillir. Le moment est mal choisi pour lui consacrer beaucoup de temps, mais nous nous rattraperons largement par la suite, comme je vous le raconterai plus tard.

Nous faisons ensuite la connaissance de Yogo Reiko, puis de quelques Shiotome amies de Yukio. Nadeshiko en profite pour aller présenter ses respects aux membres de son Clan. C’est en faisant de même que je fais la connaissance des membres du Clan de la Grue présents ici : Doji Hitochi et Doji Tomoe.

C’est pour moi une véritable bouffée d’air que de rencontrer ces membres de mon Clan : pas tellement à cause du mal du pays, mais bien plutôt en regard des autres samourais de la Grue que j’ai eu l’occasion de rencontrer ces derniers temps. Pour tout vous dire, mes récentes interactions avec le Clan m’avaient fait sentir bien seul : entre Doro-sama, Hiraga Miyako, le Gaki et autres ronins Daidoji, et Doji Katsuo, celui qui semblait le plus proche des enseignements de Dame Doji s’est révélé être un Oni .

Doji Hitochi et sa fille, Doji Tomoe sont pour moi des rencontres précieuses : ils témoignent du fait qu’il est encore aujourd’hui des samourais au sein du Clan qui croient à la paix, et surtout croient qu’elle ne s’obtient pas par la guerre. Cette appréciation semble être réciproque : je vous ai déjà décrit, Taehime-sama, les attentions de Tomoe-san… Hitochi-sama a également manifesté son désir de discuter plus largement avec moi en privé, et le fait qu’il m’ait offert un parchemin reprenant ma généalogie exprime une attention envers ma personne qui ne peut qu’attiser ma curiosité.

Avant notre départ de Ryoko Owari, Nadeshiko et moi-même avions rendu visite à Kakita Kenjiro afin de nous renseigner sur les personnes que nous serions susceptibles de rencontrer à cette cour d’hiver. A cette occasion, Kenjiro-sama nous a mis en garde contre Otomo Retsu : ces mises en gardes étaient en-dessous de la réalité. Non qu’il soit plus dangereux que prévu, mais il fait feu de tout bois pour créer des dissensions entre les samourais présents. Malheureusement, si certains voient clairs dans son jeu, ce n’est pas le cas d’Akodo Koremitsu, le représentant officiel du Clan du Lion à cette cour d’hiver. Matsu Gentaro, représentant des factions rebelles, fait heureusement preuve de plus de subtilité, et surtout, d’une sincère ouverture à la diplomatie.

Akodo Koremitsu, comme nous l’a expliqué Kakita Kenjiro, est envoyé là sans aucun pouvoir de négociation : il est là pour faire de la figuration, l’attaque du Clan du Lion contre le Clan de la Licorne au printemps étant sans appel. Illustrant cela, une discussion a lieu entre Koremitsu, Gentaro, Reiko-sama, Hitochi-sama et moi-même, au fur et à mesure de laquelle Koremitsu, refusant d’argumenter, se laisse de plus en plus emporter par son énervement, jusqu’à tourner les talons et clore la discussion par son départ précipité. Il sera évidemment rejoint par Otomo Retsu, dont chacun peut deviner, sans les avoir entendus, les propos qui se sont tenus entre eux.

A côté de ce « côté cour », notre séjour à Shiro Shinjo sera également émaillé de passages plus légers…

Yukio-san a retrouvé à cette cour une vieille ennemie : Otaku Ruri. Les raisons de cette animosité me sont inconnues, mais elles semblent profondes et vivaces pour les deux Shiotome : Ruri a déjà ouvert les hostilités en tentant de gagner à sa cause les proches de Yukio. Heureusement pour Yukio, elle a encore du chemin à faire avant de parvenir à des résultats…

Le lendemain de notre arrivée, Kitsune Takahashi nous propose de faire ensemble une promenade sur le lac, en compagnie des amies Shiotome de Yukio.

Le Lac du Dragon est un endroit fascinant : en son sein repose une ancienne cité naga qui semble hors du temps tellement elle semble bien conservée. De plus, l’eau du lac est si claire que les jeux de lumière du soleil à sa surface donnent par moment l’impression que la cité n’est pas sous mais sur le lac…

Assez rapidement se fait jour une attirance réciproque entre Takahashi et l’une des amies de Yukio… La timidité des deux samourais est si attendrissante que Yukio prend sur elle de tenter de les réunir. Jusqu’à présent les kamis aussi semblent avoir pris sur eux de favoriser cette union : il ne faudra pas une journée pour que Yukio obtienne pour eux la permission de célebrer cette union.

Le soir tombé, l’ensemble de la cour est invitée à suivre Shinjo Seng sur le toit du château. Nous n’avons aucune idée de ce qui nous y attend… Un long moment se passe, seulement ponctué par les coups d’œil entendus de Shinjo Seng à son guetteur, lorsqu’un blizzard commence à se lever à l’horizon. Très localisé, il s’approche graduellement du château, qui se met à trembler à mesure que la distance se réduit… Nous découvrons enfin ce qui se passe : dans un nuage de neige soulevé les sabots des cheveaux, l’armée des Vierges de bataille Otaku apparaît sur la lande. Arrivées à proximité de la ville, les Shiotome passent au galop : nous réalisons avec stupeur, qu’elles étaient jusqu’alors seulement au trot ! Après un impressionnant tour de la ville au grand galop soulevant un mur de neige, elles s’arrêtent brusquement. La neige retombe en un instant, comme par enchantement. Shinjo Seng accueille officiellement Otaku Natsumi, la daimyo de la famille et de l’école des Vierges de Batailles, et annonce « Nous pouvons à présent commencer à discuter des affaires politiques avec le Clan du Lion ».

Il devient évident à cet instant que tout ceci a été mis en scène, avec succès, dans l’unique intention d’impressionner Akodo Koremitsu. Ce dernier affirme poliment son appréciation pour ses amis du Clan de la Licorne, mais ajoute que les temps ne sont pas à la paix. Il en profite pour déclarer à la volée que tous les membres du Clan du Lion qui ne soutiennent pas la politique officielle du Clan n’ont aucun honneur et ne connaissent pas le nom de leurs ancêtres. Gentaro, clairement visé, propose à Koremitsu d’assumer ses propos en duel, tout en suggérant que si ce dernier n’a pas eu de son daimyo l’autorisation d’engager un duel, il peut encore éventuellement excuser ces paroles en les mettant sur le compte des quantités de saké qu’il a visiblement déjà ingérées. Koremitsu, dans l’intention de répondre à sa manière au duel, fait appeler son yojimbo ; cependant Shinjo Seng, qui apprécie peu la manœuvre, intervient pour signifier à Koremitsu que chez les Licornes il fera comme les Licornes, à savoir défendre lui-même son honneur. Koremitsu affirme qu’il fera à Rokugan comme à Rokugan, et qu’il entend bien que ces coutumes-là soient respectées partout. Il termine en annonçant qu’il ne restera pas plus longtemps dans ce château (nous le verrons bientôt plier bagage en compagnie de son yojimbo, sous les saluts d’une haie de Shiotome).

Yukio profite de sa proposition de mariage pour détendre l’atmosphère auprès de Shinjo Seng et Otaku Natsumi : le Daimyo du Clan renvoie la décision à la daimyo de famille, qui seule peut autoriser la Shiotome à se retirer du régiment. Otaku Natsumi en profite pour inviter Yukio à retourner quelques temps s’entraîner auprès de ses consoeurs, ce à quoi elle passera la plupart de son temps de veille les jours suivants.
Ces jours-là, Taehime-sama, Shiro Shinjo sera le théâtre d’événements étranges…

Je vous ai déjà mentionné le Lac du Dragon et sa cité naga. Afin de détourner Neko d’un malheureux duel, je lui avais proposé d’aller admirer ces ruines sur le lac. Mais alors que nous naviguions, nous avons été surpris par la brume… C’est à ce moment que nous est apparu le Dragon : dans la brume, une forme immense, qui passe à la surface de l’eau en provoquant de tels remous que nous manquons de chavirer. Le Dragon est reparti comme il était apparu : petit à petit les remous ont cessé, puis, après un long moment, la brume est tombée. Nous avons alors pu regagner la rive, encore à moitié pris dans le songe de cette expérience envoûtante…

L’autre événement étrange auquel nous avons été confrontés est infiniment plus terrifiant. Peu après l’arrivée de la représentante du Clan du Phénix, Asako Satomi, survient un meutre inhumain : un corps est retrouvé la nuit dans la salle du trône, défiguré, brisé et répandant ses entrailles. Alors que les soupçons des spécialistes commencent à indiquer la voie de la souillure, survient un second meurtre du même acabit : le yojimbo de Yogo Reiko, retrouvé dans la chambre de cette dernière, épinglé au mur et la tête coupée. La nuit suivante, Yukio est surprise dans sa chambre par l’assassin, qui l’attaque directement. Nadeshiko et moi accourons à son aide, et c’est là que prend place toute l’horreur de la situation : l’assassin n’a d’un humain que l’apparence… Désarticulé, il continue à se mouvoir comme si de rien n’était ; broyé par le tetsubo de Nadeshiko, il semble n’avoir jamais été blessé ; ouvert par nos lames, il suppure en guise de sang un mucus noirâtre et visqueux ; mort, son corps se tord encore atrocement au mépris de l’ordre des articulations. Et pourtant, Nadashiko est formelle : ce n’est pas là l’œuvre de la Souillure. Pourtant, nous ne saurions dire si le savoir nous vaudrait mieux que l’ignorance…

Le cast de la partie :

Otaku (bientôt Goju... :mal: ) Yukio : Toria-hime
Asahina Ishihara : EcceAngelo-kun
Hiruma Nadeshiko : Geri-chan
In wartime, truth is so precious that she should always be attended by a bodyguard of lies.
Winston Churchill

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