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par Iuchi Mushu » 10 févr. 2008, 14:35
Premier petit énoncé sur ce que je sais de la technique du tatouage traditionnel japonais
Pour tatouer, le tatoueur fait usage d'aiguilles qui sont fixées à un stylet d'une vingtaine de centimètres par l'intermédiaire d'un fil enroulé autour de celui-ci. Autrefois en bambou, de nos jours le stylet est métallique.
Le nombre d'aiguilles fixées au stylet varie en fonction de l'usage que va en faire le tatoueur (contour, détails, remplissage). Les stylets destinés aux contours sont minces et ne comportent que deux ou trois aiguilles quant à ceux qui servent au remplissage, ils peuvent en comporter une quarantaine.
Les stylets sont rangés dans un présentoir incliné à portée de main du tatoueur.
Dans la main gauche du tatoueur, coincé par l'annuaire, entre le médium et l'auriculaire le pinceau humecté d'encre attend que le tatoueur vienne y imprégner les aiguilles d'encre. Puis tendant fortement la peau à tatouer à l'aide du pouce et de l'index, il perce à petits coups l'épiderme.
C'est par la maîtrise du bokashi (coloration dégradée) que se reconnaît un bon tatoueur. Pour réaliser une coloration dégradée, l'injection des couleurs doit se faire à différentes profondeurs de l'épiderme et demande une maîtrise d'un certain niveau déjà. Plus on enfonce les aiguilles et plus les incisions sont rapprochées, plus la couleur sera fonçée et dense.
A l'origine les tatoueurs n'employaient que 3 couleurs : le noir (encre de chine ou sumi qui vire au bleuté sous la peau), le rouge et parfois le brun.
Aujourd'hui, la plupart des encres étant chimiques, la palette de couleurs du tatoueur s'est enrichie du vert et du jaune. Certain grands maîtres n'utilisent cependant que les 3 couleurs traditionnelles.
La première étape, une fois le motif choisi, consiste à tracer le contour du motif sur la peau à l'aide d'un pinceau. De nos jours cette étape est parfois effectuée au feutre.
Une fois le contour dessiné, il est incisé par des mouvements rapides, on compte 90 à 120 incisions à la minute. Cette étape porte le nom de sujibori. Pour éviter les risques d'infection et par mesure d'hygiène, entre les phases d'incision, le tatoueur vaporise la peau à l'aide de shôchi (alcool de riz).
Les séances de tatouage durent entre 1 et 2 heures et ne se succèdent pas tous les jours quand le tatouage est important, elles sont en effet douloureuses.
Pour tatouer entièrement un dos, on estime à environ 50 heures le travail nécessaire. Pour les connaisseurs, un beau tatouage doit être travaillé plusieurs fois pour donner une belle intensité aux couleurs. Pour un tatouage intégral, du cou aux poignets et jusqu'aux chevilles, il faut compter 5 années mais les chefs d'oeuvres de grands maîtres évoquent souvent une décennie de travail pour terminer le tatouage.
Le printemps et l'automne sont les meilleures saisons pour tatouer la peau car une peau dilatée par la chaleur qui serait tatouée ne donnerait pas de beaux résultats, de même contractée par le froid, le résultat n'est pas optimum.
Le tatoueur signe son oeuvre comme un peintre son tableau. Généralement au-dessus de la hanche quand il s'agit d'un grand tatouage, dans un petit rectangle de peau, l'artisan calligraphie son nom d'artiste.
Tatouer ce n'est pas seulement dessiner et fixer un motif, un bon tatoueur doit adapter le dessin et ses formes à l'anatomie de son client, à sa morphologie. Un entretien de plusieurs heures a lieu entre le tatoueur et le client quand il s'agit d'un tatouage important mais tout maître tatoueur met un point d'honneur à connaître son client avant d'accepter le travail.
(fin de la première partie)
"Ceux qui n'oublient pas le passé, sont maîtres de l'avenir" (Sima Qian)