Message
par matsu aiko » 23 juin 2007, 20:08
La jeune femme commandant les troupes revint prendre ses fonctions, après avoir donné naissance à une petite fille.
Kakita Kishi – aussi grande, mince, et tranchante que son sabre. Nos premiers contacts furent bons – elle avait voyagé dans l’Empire d’Emeraude, ce qui était un point commun, et j’appréciais la franchise et l’évidente compétence de cette duelliste hors pair.
Puis quelque chose se passa.
Quoi exactement, je ne le sais toujours pas à l’heure actuelle ; mais en revanche je peux dater précisément le quand – environ un mois après le retour de Kakita Kishi.
Il y avait eu des signes avant-coureurs, un peu plus tôt, avant même ma désastreuse visite à la cour. Une réception officielle, où avec un petit rire charmant Doji Kohin me présenta à l’ensemble des Grues présents comme « notre expert en engins de guerre et en logistique ».
On déménagea mes affaires de la luxueuse résidence dont j’avais bénéficié jusqu’à présent, vers une autre plus petite mais bien située. La demeure était un peu exiguë mais convenable ; je l’acceptais de bonne grâce, sachant que les Grues avaient d’autres visiteurs qu’il leur fallait héberger. Mes déplacements étaient fréquents, et ne justifiaient pas une nombreuse maisonnée ou un palais.
Ce n’est qu’après que je m’aperçus que l’emplacement de la demeure me désignait au visiteur occasionnel comme faisant partie des suivants de Kakita Kishi.
Il y avait une réunion des daimyo du royaume, où je devais présenter ma stratégie. Kurûkiba Khan m’expliqua que mon intervention devait être différée à la prochaine assemblée des daimyo, et qu’il serait bon que je me concentre sur certaines initiative, plutôt que de présenter le plan au complet. Les daimyo étaient des gens pragmatiques, me dit-il avec un sourire un peu gêné.
A l’époque, je pris cela pour une conséquence diplomatique normale de ma maladresse à la cour. Je savais que le shokan impérial serait présent à cette réunion : Kûrukiba Khan ne pouvait se mettre en défaut de mon fait.
Puis il y eut la conversation avec Kakita Sakana, la yojimbo de Doji Kohin. Une femme d’âge mûr, aux cheveux étroitement liés en chignon au point de tirer vers l’arrière la peau de son visage, dure comme l’acier, au regard bleu et froid, à l’humour encore plus froid, dont le parler cru détonnait parmi ces Grues policées. Mais je n’ignorais pas l’autre face de sa fonction : elle était aussi kaishakunin – l’exécuteur officiel du domaine. Son humour à la limite du macabre n’était qu’un écho de ses tâches quotidiennes.
J’avais suscité ce rendez-vous, parce que je la savais bien informée ; mais la discussion prit un tour surprenant. Elle me dit, l’air de presque le regretter, qu’en acceptant la responsabilité du domaine Licorne, Kurûkiba Khan allait maintenant être incapable de gouverner le royaume ; qu’une fois que son échec serait patent, il n’aurait d’autre choix que de faire seppuku.
Ceci reflétait, de façon extrême, mes propres inquiétudes : j’avais conscience que tant qu’un successeur ne serait pas nommé chez les Otaku, le Khan serait monopolisé par la régence du domaine Licorne, aux dépends de son propre pouvoir royal.
Elle me dit ensuite que seule ma compétence dans les engins de siège établirait ma légitimité avec les daimyo des différents clans. Stupéfaite – s’il y avait une seule chose que j’ignorais dans l’art de la guerre, c’était celui-ci - je lui demandais alors :
- Dans ce cas, pourquoi m’avez-vous embauché ?
Elle eut un sourire en coin :
- Si cela avait été moi…
Puis poursuivit d’un ton moins ambigu :
- Pour Kurûkiba Khan, vous êtes la personne idéale.
Déjà, dans ce simple échange, la faille était apparue. Mais je n’avais pas conscience de son étendue – pas encore.
Je remerciai Sakana-san, et pris aussitôt rendez-vous avec Doji Kohin, dont les avis étaient en général moins extrémistes que ceux de son âme damnée.
Là encore, je n’avais réalisé ce qui était en train de se passer.
Doji Kohin renforça, à sa façon élégante et diplomate, ce qu’avait dit Sakana-san. Quand je lui parlais de stratégie, elle m’expliqua que les domaines avaient depuis des siècles une stratégie efficace, et qu’à ce stade, la meilleure aide que je pouvais fournir – et c’était une aide stratégique – était de contribuer à surprendre leurs adversaires par de nouvelles tactiques. Elle me dit que le royaume avait besoin d’une révolution en termes d’art de la guerre ; ce que serait l’apparition de la poudre, quelques années plus tard. Une approche radicalement nouvelle dans l’art de la guerre était la seule justification de mon poste, me dit-elle avec un sourire charmant. Et le royaume en avait besoin – très rapidement.
- Hai, Kohin-sama, m’inclinai-je, avant de prendre congé.
Le message était parfaitement clair. J’avais deux mois pour réussir à faire ce à quoi tous les plus grands shokan des autres parties de l’Empire avaient échoué depuis des années.
Je savais que Kurûkiba Khan soutenait l’avis de Doji Kohin. ‘Les daimyo sont des gens pragmatiques’ avait-il dit. J’avais montré ma stratégie à Doji Kohin, qui avait immédiatement indiqué au Khan que ce n’était pas ce qu’elle attendait. Et avec la position fragile qui était la sienne, il ne pouvait courir le risque de s’aliéner le plus puissant daimyo du royaume. J’étais seule.
Je fis donc la démarche logique. Je laissais tomber tous mes autres projets, à l’exception de celui concernant la refonte de l’uniforme de l’armée, et analysais à nouveau toute la situation.
Une démarche complètement nouvelle, avait-elle dit.
Je relus les classiques, je m’entretins avec de nombreux experts venus de lointains horizons, je parcourus le royaume en m’entretenant avec les meilleurs officiers de chaque domaine, je questionnai aussi des gens dont l’expertise n’était pas militaire : des maîtres de go, des historiens, des lettrés, des artistes, et, par-dessus tout, je réfléchissais à chaque opportunité, à chaque faille.
De la sorte, je constituais une liste. Cent idées, venant de tous les horizons, certaines faciles à réaliser, d’autres proches de l’utopie, toutes susceptibles d’aider à remporter la victoire.
Qu’une, ou deux, soient retenues, c’était tout ce qu’il me fallait.
C’est dans cet état d’esprit fiévreux que j’organisais la journée trimestrielle de manœuvre qui réunissait les officiers des différents domaines. Pour couvrir les sujets abordés la fois précédente, j’invitais des experts, qui répondraient aux questions que je n’avais pu traiter faute de temps.
La journée ne se passa pas de façon optimale. Certains points ne purent être abordés faute de temps, en raison de la longueur de la discussion sur l’amélioration de l’art militaire, et je sentais du flottement, de la confusion, et un certain manque d’enthousiasme chez les officiers présents. L’officier Shinjo, que je savais être un allié, me passa un message : ceux qui tentaient de plaire à tout le monde, et restaient au milieu de la route, se faisaient piétiner par l’armée.
Mais le coup de grâce me fut asséné par Kakita Kishi.
- Cette journée ne m’a rien apporté, me dit-elle. Et à quoi rimait toute cette discussion sur l’art de la guerre, et toutes ces innovations ? Peut-être y a-t-il quelque chose qui m’échappe, mais je pensais que votre rôle était de guider les différentes armées. Nous avons bien plus besoin de comprendre comment améliorer la logistique en campagne que de nouvelles tactiques d’assaut.
En fait, elle me reprochait – très précisément - de n’avoir pas traité les points que j’avais laissés de côté pour me consacrer à la recherche demandée par Doji Kohin.
C’est là où je compris.
Attaquant à la gorge, et au ventre ; me déniant un rôle stratégique, et se l’appropriant ; m’orientant vers une chasse aux chimères, pour pouvoir critiquer mon absence de réponse aux problèmes pratiques de l’armée et démontrer mon manque de compétences ; sachant fort bien qu’une telle mise en cause m’acculait au seppuku.
Elle avait déjà enterré Kurukiba Khan, et avait décidé de prendre sa succession ; pour hâter sa chute, elle avait choisi de mettre en échec les projets du Khan, dont la réorganisation de l’armée, qui m’était dévolue.
Pour l’atteindre, lui, elle avait résolu de m’abattre.
Intelligente, brillante stratège, d’une grande influence, n’attaquant jamais de front ; d’une souriante courtoisie quelles que soient les circonstances, n’hésitant devant aucun moyen, sachant toujours sauvegarder les apparences. L’adversaire la plus dangereuse qui soit.
Doji Kohin-sama.
Je ne pouvais imaginer d’ennemie plus redoutable.
Et là, ça ne faisait que commencer.
Un des projets principaux qui m’avaient été confiés était la refonte des uniformes et des emblèmes de l’armée. Un uniforme n’est pas qu’un habit, c’est aussi un symbole, l’emblème d’un pays. Il montre sa force, et son union.
Jusqu’alors, chaque daimyo avait habillé ses troupes à ses couleurs, créant un ensemble singulièrement disparate, mais donc chaque domaine individuellement était fier ; ces couleurs, ces emblèmes, avaient honorablement été portés par leurs ancêtres.
Par souci diplomatique, je missionnais trois artisans, un Licorne, un Grue, et un Dragon, et obtins de la sorte quatorze propositions différentes, qui furent soumises à l’approbation des différents domaines. Une des propositions de l’artisan Grue recueillit tous les suffrages. Tout ceci était bien sûr approuvé par Kurûkiba Khan et par Iuchi Miharu, une shugenja de haut rang, chargée de superviser tout ce qui relevait du protocole, que je tenais l’un et l’autre régulièrement informés.
Cela aurait normalement dû s’enchaîner sur la fabrication des uniformes, mais Kakita Kishi se mit alors à réclamer avec insistance que les propositions soient soumises à l’approbation du conseil de chaque domaine. En dehors de la perte de temps que cela supposait, c’était totalement absurde. Je savais fort bien qu’individuellement, chaque conseil de clan préfèrerait la tenue portée par leurs ancêtres. Dans ce genre de cas, un nouvel uniforme est forcément un compromis. Otaku Beika, qui par fierté avait toujours été peu enthousiaste pour le projet, se rallia à l’opinion de Kakita Kishi ; puis les autres domaines suivirent.
Je signalai d’un ton neutre à Kakita Kishi que cette façon de procéder avait été approuvée par Iuchi Miharu, et elle me répliqua d’un ton menaçant :
- Tous les daimyos souhaitent que cet uniforme soit approuvé par leur conseil. Miharu-sama s’opposerait-elle à l’ensemble des daimyo du royaume ?
Tout, dans son attitude, appelait le duel.
Ce n’était pas elle qui s’exprimait, j’en avais la conviction. Dans son hostilité, son arrogance, son ton insultant, je savais que c’était Doji Kohin qui parlait. Elle devait avoir demandé à Kishi-san de me provoquer. En duel iai, la duelliste Kakita avait l’avantage.
Je gardais donc mon calme, et remerciai courtoisement Kishi-san de cette information, clôturant la discussion. Je doute qu’elle en ait saisi l’ironie. Qui donc, Kishi-san, vous a nommé porte-parole des daimyo ?
Le sommet de l’art de la guerre, c’est de vaincre sans combattre.
Je fis part de la situation à Kurukiba Khan et Iuchi Miharu. L’un et l’autre m’assurèrent de leur soutien, et me dirent de ne pas perdre courage.
Kurukiba Khan me dit d’un ton ferme :
- La dernière fois, Aiko-san, vous m’avez demandé si vous pouviez présenter votre stratégie à l’ensemble des daimyo. Là, si vous ne l’aviez pas fait, c’est moi qui vous le demanderait.
Nous convînmes de nous retrouver quelques jours avant l’assemblée, afin de parfaire le plan de bataille. Nous étions dans une guerre, et c’était une bataille que nous ne pouvions nous permettre de perdre, ni l’un, ni l’autre.
Il restait dix jours. Dans ce bref intervalle de temps, les provocations se multiplièrent, escaladant jusqu’à un niveau difficilement imaginable. J’étais consciente que tout ceci était destiné à me déstabiliser, mais j’en subissais néanmoins les conséquences.
Kakita Kishi diffusa à l’ensemble du clan de la Grue, à Kurûkiba Khan et à moi-même, un plan stratégique pour l’automne qui engageait ma responsabilité, dont certaines actions parfaitement irréalistes. Je pris cela comme une gifle en pleine figure. Toutes les personnes mentionnés sur ce document avaient été consultées, sauf moi.
Je tentais en vain de voir Kishi-san, elle n’était jamais disponible. Quand enfin je réussis à la voir, contenant difficilement ma fureur, elle finit par lâcher, après un certain nombre d’explications boiteuses et d’insultes ouvertes ou voilées, que certaines personnes ne souhaitaient peut-être pas que je voie ce document plus tôt. Une fois de plus, c’était signé.
J’attendis un certain temps avant de répondre. Si je l’avais fait à chaud, des paroles malheureuses m’auraient probablement échappé.
J’avais demandé des rapports d’activité aux différents domaines, ainsi qu’une évaluation de la liste des cent idées précédemment établie.
Les Grues, après avoir nié avoir reçu la demande, m’envoyèrent quatre rapports successifs et contradictoires, le dernier avec deux jours de retard. Quand à la liste – demande faite au départ, rappelons-le, par Doji Kohin – elle me parvint incomplète, à l’évidence remplie à la va-vite, et avec un retard encore plus considérable, ce qui me força à travailler jour et nuit sans le moindre repos pour arriver à faire la synthèse à temps. Quand je demandais à Kishi-san pourquoi ce document était incomplet, elle reconnut qu’il avait été rempli à la hâte, mais m’expliqua d’un ton péremptoire qu’il ne contenait rien de nouveau et donc ne justifiait pas qu’on gaspille du temps dessus. Je restai impassible, mais des envies de meurtre me parcoururent.
Comme prévu, je vis Kurûkiba Khan, auquel je m’ouvris des divers incidents, en faisant un récit aussi factuel que possible, et lui demandait de m’éclairer sur le contexte politique, parce qu’il avait un impact sur mes activités. Je ne comprenais pas ce qui se passait.
Il me regarda de son regard impassible, et me dit plusieurs choses :
Oui, cette histoire d’uniforme était très politique.
Il ne s’attendait pas à ce que j’ai un problème diplomatique avec les Grues.
Les daimyo en place étaient nouveaux, pour la plupart, et ce serait en fait la première fois qu’ils se retrouveraient ensemble. Il était possible, à un moment qu’il me demande de sortir, parce qu’il ne pouvait régler les choses si j’étais là.
Je savais que je ne pouvais me fier à lui complètement, et je n’écartais pas la possibilité que cette demande soit également l’occasion pour lui de questionner les daimyo sur leur perception de ma compétence. Surtout que, par certaines des autres questions qu’il me posa, il se demandait à l’évidence si je n’étais pas en train de verser dans la paranoïa.
Mais, dans ce cas, nos intérêts étaient liés. Avec ce conflit qui était presque un cas d’école, je lui donnais l’opportunité d’asseoir son autorité, fragilisée dans les mois précédents.
Les jours suivants se passèrent à travailler d’arrache-pied pour tout préparer, sans prendre le moindre repos. Et pendant ce temps, les tentatives sournoises, la pression croissante – le sabotage - continuaient.
Le shugenja qui s’occupait d’habitude de transmettre mes messages ou de recevoir ceux à mon intention tomba malade, alors même que j’attendais des informations urgentes, le seul jour où je pouvais le faire. Heureusement, ma yoriki sollicita quelqu’un de sa famille, et par son intermédiaire put faire le nécessaire. Le lundi suivant, le-dit shugenja était en parfaite santé.
Le jour de mon départ, au lieu d’arriver à l’aube, le convoi se présenta avec un retard considérable à ma demeure, alors que leur ponctualité était d’ordinaire parfaite.
La route vers la frontière était bloquée par une cérémonie, dont il fallut attendre la fin.
A la frontière du domaine, les gardes, qui d’ordinaire se contentaient de me saluer d’un geste, insistèrent pour viser l’intégralité de mes documents.
Quand enfin j’atteignis le palais du Khan, largement après la délégation Grue, les modèles d’uniformes que j’avais emmenés pour montrer aux daimyo étaient en route pour un autre domaine du royaume, où je me rendais le soir même. Heureusement, celui-ci n’était pas trop loin, et il me fut possible, en envoyant un messager, d’avertir les porteurs de rebrousser chemin. Avec un peu de chance, ils arriveraient à temps.
Avec ce retard, je manquais certainement le début de la réception. Ce que je ne pouvais manquer était l’apparition du Grand Khan, qui avait choisi exceptionnellement de rendre visite à Kurûkiba Khan et à ses principaux dignitaires. Je demandais à Doji Kohin – la seule personne à proximité - si le Grand Khan, ou le Maitre des Quatre Vents, comme on l’apelait aussi, faisait son discours dans la grande salle d’audience ou dans une autre partie du Palais, afin de pouvoir m’y rendre directement. Avec un gracieux sourire, elle m’indiqua qu’il faisait son allocution dans l’aile ouest.
Je récupérais finalement mon bien, et me ruais vers le Palais, arrivant à l’aile ouest une minute avant le début prévu pour l’apparition du Grand Khan. J’y rentrai en trombe ; le hall d’entrée était désert. Avisant un heimin, je lui demandai où se faisait l’allocution du Maitre de Quatre Vents. Il prit un air étonné. Jurant entre mes dents, je me précipitais vers la grande salle d’audience, qui se trouvait à l’autre bout du Palais. Arriver en retard dans ces circonstances était une condamnation à mort.
J’y parvins finalement, toujours chargée de mes encombrants paquets ; le brouhaha de nombreuses conversations provenait à mes oreilles. Les Fortunes soient louées, le Grand Khan n’était pas encore arrivé. Je glissais mes paquets discrètement dans un coin, rajustais ma tenue, et allais saluer en souriant les différents daimyo et dignitaires.
Dix minutes plus tard, le Maitre des Quatre Vents faisait son apparition.
Son discours fut écouté avec révérence, comme il se devait.
Le Grand Khan expliqua comment le royaume des Guetteurs avait une tâche sacrée, comment il était la seule chose qui se tenait entre le monde et une destruction certaine aux mains de l’un des ennemis les plus sournois et les plus perfides qu’il soit, à l’égale de la souillure de l’Outremonde. Tous les présents applaudirent, les yeux brillants de se voir confier la responsabilité de sauver le monde.
Le Grand Khan avait été éloquent, très éloquent même. Pour mon intervention, qui suivait immédiatement, cela signifiait que le temps qui m’était alloué était divisé par deux – une heure au lieu de deux.
Alors que tous allaient se restaurer, j’avalais à la va-vite une boule de riz, et revis en une demi-heure la totalité de ma présentation.
Enfin, je me retrouvai dans la salle. Les daimyo arrivèrent les uns après les autres, ainsi qu’Otaku Beika. Kakita Kishi, que j’avais vue un peu plus tôt, était inexplicablement absente. Vint ensuite Kurukiba Khan, suivi du Grand Khan. La présence de ce dernier n’était absolument pas prévue.
Ce qui me posait un problème. Pour contrebalancer l’influence de Doji Kohin, et éviter de présenter aux daimyo des projets sans la base qui les sous-tendait, je leur avais présenté de façon individuelle ma stratégie. Ce qui n’était bien sûr pas le cas du Grand Khan, que je n’avais vu que de loin.
L’avantage, c’était qu’en sa présence, il n’y aurait pas de contestation ou de conflit.
Mais j’étais dans l’arène, il était trop tard pour hésiter ou reculer. Tout, depuis plus d’un mois, convergeait vers cet instant.
Dans les moments de vérité, tout apparaît avec une clarté de cristal. On comprend, très précisément, quels sont les enjeux. La peur, l’angoisse, la colère, l’espoir, n’ont plus leur place. Il ne reste plus que ce qu’il faut faire.
Au moment voulu, je me tournai vers Kurukiba Khan.Comme si nous l’avions répété des centaines de fois, il vint se placer en face des daimyo assemblés, les défiant par sa simple présence. Aussi simplement que cela, la décision fut prise.
Je partis aussitôt, réussissant de justesse à rejoindre les terres Shinjo le soir même, ainsi que c’était prévu.
Et c’est ainsi que le soir, je m’effondrais sur ma couche, totalement épuisée, mais avec cette exaltation particulière – celle du combattant qui sait qu’il s’est bien battu.
Oui, j’étais au milieu d’une guerre – mais ce soir-là, je célébrais une victoire.
Dernière modification par
matsu aiko le 01 sept. 2007, 19:51, modifié 2 fois.