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par Pénombre » 04 déc. 2006, 15:54
Fondamentalement, malgré ses siècles d'existence, Iuchiban en est encore dans sa problématique d'adolescent qui veut se venger du monde. D'ailleurs, la tendance idéologique sous-jacente à son organisation est typiquement narcissique et adolescente : tu violes les interdits à la fois pour affirmer ton identité propre mais aussi parce que cela te donne les outils pour égaler le pouvoir des gens en place.
Les Adeptes du Sang n'ont jamais eu de projet social, juste une série d'ambitions personnelles, souvent médiocres, et une poignée de grosbills pour souder le tout avec Iuchiban pour faire marcher tout le monde au pas vers n'importe quoi.
Dans les faits, l'Outremonde n'est pas très différent, c'est un besoin primal de corruption qui s'exprime à travers Fu Leng, motivé essentiellement par la jalousie et la vengeance. Paradoxalement, Daigotsu qui lui aussi est jaloux de la dynastie Toturi donne son véritable "sens" à l'outremonde. Avant son ascension, les seigneurs oni ne sont que des entités primales, dont l'intelligence est asservie à l'instinct, Fu Leng se ronge les ongles en attendant le jour de son come-back et les gens comme Tsume ou Tsukuro sont trop inconséquents. Ils sont tombés sous la coupe de Fu Leng comme ils seraient tombés sous celle de Iuchiban ou des K. ou de n'importe qui d'autre.
En mille ans, à part quelques endroits comme Pue-fort, l'outremonde n'a rien créé, rien produit si ce n'est des êtres de nature destructrice. Sa nature de puissance de corruption s'est exprimée à travers Fu Leng et par ce fait, elle est devenue davantage une puissance de destruction. Elle a corrompu des gens, certes, et même l'environnement. Mais elle a passé plus de temps à se nuire à elle-même qu'à affronter un empire de petits mortels dont la grande majorité sont si fragiles…
Daigotsu donne sa "maturité" à l'outremonde. Non content de détruire, il peut corrompre afin de construire. L'outremonde n'apparaît plus comme simplement "le grand chaos maléfique" mais aussi comme une alternative, donc quelque chose de plus insidieux et difficile à combattre par les idées. Après tout, même si le bushido des Egarés de Daigotsu est une perversion de celui qu'est censé avoir l'empire, combien de glorieux samurai vierges de souillure sont vraiment différents des Egarés ? Combien sont vraiment à la hauteur de leur bushido ? Dans l'absolu, qu'est ce qu'un Egaré ferait au nom de son maitre qu'un samurai se refuserait à faire au nom du sien ? Tuer un enfant en larmes parce qu'il pourrait venger ses parents plus tard ? Mentir ? Sacrifier ceux qu'on aime pour un intérêt supérieur ? Massacrer des faibles affamés parce que leurs besoins insignifiants sont un obstacle aux désirs légitimes de votre seigneur ?
Combien de samurai, y compris joueurs, réservent leur compassion et leur courtoisie à ceux qu'ils estiment, qu'ils craignent, ou qui partagent leur allégeance ? Ou est leur compassion envers ceux qui ramassent leurs ordures ? Et leur courtoisie envers ceux qui préparent leur nourritture ? Et leur honneur quand par fierté ils tuent un paysan sans défense dont la tête ou les manières ne leur revient pas ?
Il y a des différences, bien sûr, là n'est pas la question
Mais ceux dont la clairvoyance est trop faible, dont les désirs sont trop égoistes, dont l'honneur n'est que trop conventionnel et manque de profondeur risquent fort de ne pas savoir les reconnaître… et c'est là que la corruption joue pleinement son rôle.