Pendant le repas qui suivit, Naomi fit le compte-rendu de sa sortie en ville de la veille au soir. Elle avait bien enquêté, elle était maintenant intimement convaincue, preuve à l’appui, qu’aucun des shugenja présents en ce moment à Mura Sabishii Toshi n’avait pu être impliqué dans le vol. Ils avaient un alibi, qu’elle avait pu vérifier ou alors étaient totalement incapable de réaliser les prouesses qu’avait mis en oeuvre le criminel. Elle passa sous silence les méthodes d’investigation qu’elle avait utilisées mais aucun de ses collègues ne lui demanda quoi que ce soit. Otomo Kaiseki salua les magistrats de l’autre bout de la salle. Matsu Aku se ratatina sous ce regard bienveillant « Koan, il va falloir que nous allions interroger Yasuki Kakuro. L’enquête n’a pas avancée… Ne me regarde pas comme ça, bien sûr que l’enquête a avancée. Mais officiellement rien n’a bougé. » Le Crabe plongea le nez dans son assiette. Il ne croyait pas du tout en la culpabilité de Kakuro. Il aurait préféré attrapé le coupable ou à défaut avoir une vraie piste avant de rendre coupable le représentant Crabe aux yeux de toute la cour. Mais Aku avait raison, il fallait agir. Koan demanda juste une faveur à ses collaborateurs « Laissez-moi y aller un peu avant vous. »
Le magistrat retourna dans ses appartements, se changea, choisissant un kimono simple, sans aucune couleur impériale. La soie anthracite, la doublure bleu nuit, le obi grenat… Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas porté exclusivement ces couleurs. Koan se rendit au rez-de-chaussée jusque dans les chambres des délégations. Il entrouvrit le shoji de la chambre de Kakuro. « Kakuro-san, c’est Hida Koan, je peux entrer ? ». L’homme maugréa un oui approximatif et le magistrat entra. Kakuro polissait sa lame, il la rengaina rapidement et se mit debout, tendu.
- Kakuro-san, je vous ai dit hier que vous étiez soupçonné de vol sur la personne d’Otomo Kaiseki. Nous allons devoir fouiller votre chambre.
- Allez-y, je l’ai déjà fouillée hier suite à votre visite. Il n’y a rien nulle part, je l’aurais trouvé.
- Ce n’est pas le problème, je suis persuadé que je ne vais rien trouver… Enfin plutôt je suis persuadé que je ne devrais rien trouver. Mais vu nos pistes actuelles, j’ai peur qu’on ait visité également votre chambre. Ce que je voulais vous di…
- Je n’ai rien fait ! hurla Kakuro.
Il était tendu comme un arc. Sa nervosité éclatait littéralement et il ne pouvait se contenir. Ce serait très difficile. Koan essaya de s’approcher prudemment, Kakuro recula. « Mais bon sang, calmez-vous mon gars. Ecoutez-moi bien. » Koan le regarda dans les yeux. « Je ne vous laisserai pas tomber, mais il va falloir arrêtez de hurler. Les magistrats vont arriver dans quelques minutes alors reprenez-vous. Je vous assure que je vous protègerai. Je vous préviens d’avance, il y a des chances que je sois obligé de vous mettre aux arrêts, le temps de finir l’enquête. Mais ce n’est rien d’accord ! » Des pas se firent entendre dans le couloir. « Restez-calme. »
Aku et Naomi entrèrent dans la salle et saluèrent Yasuki Kakuro. Celui-ci se placa en retrait près du fusuma qui donnait sur le jardin, les yeux fixés sur le bois. Les étagères furent fouillées, les sacoches, la malle. Dans un kimono encore plié, des papiers furent trouvés. Koan jura, Kakuro se retourna. Aku déplia les papiers, s’appliquant à ne pas les lire, comme Otomo Kaiseki l’avait demandé si jamais les magistrats remettaient la main sur quelque chose. « Naomi, va chercher la Championne d’Améthysthe. » Le Yasuki commença à s’agiter, il vint se poster près de la malle en fulminant, arguant qu’il n’avait pas volé les documents, qu’on cherchait à lui faire porter le chapeau. La tension de la pièce était montée d’un cran, tout le monde commençait à s’énerver. Sur un signe de Koan, Matsu Aku sortit dans le couloir pour attendre l’Impériale. Elle arriva dans le quart d’heure et personne ne s’était calmé. En la voyant le Yasuki se tut. Elle entra dans la chambre, suivit d’Aku et Naomi. Koan resta entre elle et Kakuro. Elle commença à l‘interroger. Aussi intelligente qu’elle fut, elle s’y prit très mal. En le malmenant, lui laissant croire qu’elle n’avait absolument aucun doute sur sa culpabilité, il ne put se contenir. Elle avait très certainement une magnifique stratégie manipulatrice, afin qu’il ait peur puis qu’il parle… Malheureusement il n’allait certainement pas arriver jusqu’à la phase deux. A la dernière menace couverte de Kaiseki-hime, il hurla :
- Je n’ai rien fait ! Je vous dis que je n’y suis pour rien ! Vous ne comprenez donc rien espèce de…
- Damare ! Kawarimono ! cria Koan encore plus fort.
Le regard d’Aku se fit noir comme l’encre. Tout se passa très vite. Kakuro mis la main à son katana. En voyant son meilleur ami sur le point d’agir, Koan prit peur. Il réagit rapidement, il se précipita sur le Yasuki, le cachant totalement aux yeux des autres personnes présentes dans la pièce. Il lui asséna deux énormes coups de poing en plein dans la figure. Les os craquèrent, le sang gicla, mais il resta debout. Le mouvement de Matsu Aku était malheureusement amorcé. Il trancha la gorge du Yasuki.
- Putain de merde. Mais qu’est ce que tu viens de foutre, putain !
La carotide sectionnée arrosait littéralement le bushi Hida comme une pluie d’été. Le corps de Yasuki Kakuro tomba sur la malle. Koan resta posté devant et reprenant ses esprits un instant engueula son ami « Mais fais la sortir merde. » Il était couvert de sang de la tête au pied. Les vêtements du Lion étaient souillés également mais il était resté assez loin, ses mouvements étaient si rapides… Otomo Kaiseki avait crié, elle était tétanisé et sanglotante. Aku la prit par le bras et chargea Naomi de la raccompagner à sa chambre et de rester avec elle. Les serviteurs accoururent.
- Allez chercher le shugenja !
- Allons nous changer Koan, laisse les eta se charger de ça.
- Allez chercher le shugenja je vous dis !
Koan s’essuya la figure avec un pan de son kimono. Le ton monta entre les deux compagnons. A froid, l’un l’autre se serait compris, mais à chaud, comme ça, aucun des deux ne comprenait son vis-à-vis. Le Crabe était seulement hors de lui, il voulait juste maîtriser le Yasuki ; le Lion avait agit trop vite mais une représentante impériale était dans la pièce, c’était compréhensible... Le shugenja arriva, ainsi que les eta. Le pauvre homme ne voulait pas prier les kami dans cette pièce. Mais il n’eut pas de choix, il craignait de ne se prendre une mandale. Il ne trouva rien d’utile : personne n’avait touché à cette malle à part Kakuro et son adjoint, personne n’était rentré dans la pièce, rien. Peut-être quelqu’un avait-il glissé les papiers dans la manche du kimono pendant les deux derniers jours. Ca ne voulait de toutes façons rien dire, les sbires de la folie sombre ne laissaient aucune trace, rien de détectable par magie non plus. Koan renvoya le shugenja. Les eta avaient emporté le corps de Kakuro. Le magistrat Crabe quitta la chambre sans un mot ni un regard pour Matsu Aku.
**Dslée je me relis pas il est trop tard...
