[Récit de partie][0] Passage à Mura Sabishii Toshi

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Hida Koan
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[Récit de partie][0] Passage à Mura Sabishii Toshi

Message par Hida Koan » 24 nov. 2010, 23:00

Mon MJ ayant actuellement occupé, nous avons du mal à écrire la suite de "Bon retour parmi nous". Ca va venir mais comme Tibo veut vraiment que nous écrivions à deux (y compris la scène de pêche qui suit, chronologiquement parlant), en attendant je vais faire un petit flash back puisque j'ai déjà à disposition un texte (co-écrit également).

L'histoire se déroule donc avant le passage à Ryoko Owari.

Rappel :

L'équipe de magistrats, après avoir réglé une histoire de fantômes dans le clan de la Mante, s'est retrouvée à fêter la nouvelle alliance Grue/Mante dans la cité de Mura Sabishii Toshi. Le gouverneur recevait alors la Championne d'Améthyste afin qu'elle donne un avis (favorable selon lui ;) ) de son palais, pour recevoir éventuellement la prochaine cour d'hiver de l'Empereur. Chaque clan ou presque avait envoyé des représentant lors de cet évènement afin de bénéficier d'une bonne réputation auprès de la voix de l'Empereur, et si possible d'arriver à décrocher des invitations pour la dite cour d'hiver (les PJs également).

Les magistrats étaient déjà avec Atsuki (le magistrat Mante) mais n'avaient pas encore rencontré Matsu Hanabi. Ils avaient dans leur suite en revanche une jeune Grue : Asahina Maya, spécialiste dans l'artisanat de la broderie (et trèèèèès douée dans tout ce qui pouvait toucher aux vêtements).
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Re: [Récit de partie][0] Passage à Mura Sabishii Toshi

Message par Hida Koan » 25 nov. 2010, 00:31

Les magistrats étaient arrivés en début de matinée, en même temps que la délégation impériale. Le gouverneur avait fait les présentations sur le port. Tous s'étaient inclinés devant Otomo Kaiseki, la championne d'Améthyste, et sa suite. Le reste de la journée avait permis aux autres invités d'arriver et tout le monde s'était installé au palais. La soirée avait été le cadre d'un fastueux dîner pendant lequel les magistrats avaient fait la connaissance de plusieurs délégations, celle du Crabe notamment composée d'Hida Kenmei, un bushi à première vue archétypal du clan du Crabe et Yasuki Kakuro, un courtisan. Seppun Amin, garde du corps principal de la championne d'Améthyste, avait, sous l'impulsion sournoise du gouverne interrogé intensément les magistrats sur leurs dernières enquêtes. Une sombre histoire de katana perdu il y a des siècles, synonyme de graves troubles entre le clan du Lion et de la Grue. Ils avaient alors fallu appuyer et quasiment couvrir Yoritomo dans ce qui aurait pu déclencher une nouvelle catastrophe diplomatique. Alors raconter ce qui s'était passé, c'était un peu trop demander aux magistrats. A force de circonvolutions de langage et autres esquives, Shosuro Naomi, Matsu Aku et Hida Koan avait réussi à faire se tarir le flot ininterrompu de questions du Seppun, en lui promettant de lui faire faire un tour des défenses de la ville, explications gratuites en prime. Asahina Maya quant à elle avait beaucoup impressionné la championne d'Améthyste, en discourant longuement sur son art. La soirée s'était achevé agréablement et chacun était parti dans ses appartements.

Le lendemain, comme promis, Hida Koan emmena Seppun Amin faire le tour des fortifications de la ville. Ce fut assez bref et les deux hommes, loin de se détester, ne plantèrent pas les graines d'une nouvelle amitié. Au retour au palais, les invités apprirent qu'une sortie pour satisfaire la championne d'améthyste était prévue le lendemain. Le temps passait lentement et cette journée de repos s'annonçait plaisante pour les magistrats qui n'avaient pas eu de repos depuis longtemps. Atsuki avait déjà commencé à établir certaines tractations commerciales, Maya avait profité de sa matinée. L'après-midi et la soirée furent à la hauteur de ce qu'on pouvait attendre pour une cour dans un palais Grue : parfaits. Ce n'est que le lendemain que tout se gâta.

[...]

Les premières lueurs du jour voyaient les trois bushi magistrats s'entraîner au dojo du palais, en compagnie de Yasuki Kakuro. Lui et Koan avaient échangé des paroles assez peu courtoises en début d'entraînement. Le représentant de la délégation Crabe avait fini par avouer qu'il avait rencontré dans une auberge, sur le trajet pour la cité, un samurai du clan de la Grue qui avait brossé un portrait peu reluisant du magistrat. Quelques minutes plus tard l'affaire avait été éclaircie... Kakuro avait rencontré un ami de Kakita Fudai, un prétendant pour la princesse impériale, Otomo Yoroshiku, tout comme Aku et Koan. Et le courant n'était pas bien passé entre les deux jeunes hommes, et ce n'était pas peu dire. Finalement, après avoir discuté, Kakuro et Koan s'était trouvé beaucoup de points communs. Le Yasuki était un bushi accompli, peu loquace et c'est en fait Hida Benkei qui assurait la majeure partie des intéractions sociales. Alors que tous commençait à sympathiser, un serviteur arriva au pas de course "Magistrats-sama! Venez-vite! Il faut venir dans les appartements d'Otomo Kaiseki-sama!". Naomi partit la première, rapide comme l'éclair, et Aku lui emboîta le pas. Koan pris congés de Yasuki Kakuro et rejoint ses deux camarades au premier étage.

La chambre d'Otomo Kaiseji avait été visitée pendant la nuit, on lui avait dérobé des papiers personnels. La jeune femme fut interrogé, elle n'avait rien vu, rien entendu et ne pipait mot sur le contenu des papiers dérobés. Les six gardes Seppun présentèrent également leurs rapports : rien à signaler cette nuit. Il n'y avait aucune marque dans la chambre, aucune trace d'effraction, rien. Un shugenja fut mandé mais les investigations ne donnèrent rien. Les enquêteurs commencèrent à avoir des soupçons, beaucoup trop de souvenirs hantaient leurs pensées, et ils ne pouvaient s'empêcher d'avoir le folie noire en tête. Matsu Aku, qui refaisaient un tour des appartements de la championne d'Améthyste, appela ses amis. Il avait enfin trouvé quelque chose : une trace humide au pied d'un mur, d'un diamètre de soixante centimètres à peu près, comme si un homme aux vêtements mouillés s'était tenu là. En regardant vers le jardin, le regard de Shosuro Naomi se posa sur le petit lac de la propriété... Il fallait inspecter le jardin.
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Re: [Récit de partie][0] Passage à Mura Sabishii Toshi

Message par Hida Koan » 26 nov. 2010, 01:26

Les alentours du lac étaient déserts au moment où les magistrats vinrent l'inspecter, Seppun Amin sur les talons. Ils tournèrent plusieurs minutes, ne trouvant rien ou presque. Ils firent une nouvelle fois mander le shugenja. Et alors que celui-ci priait les kami de lui faire revivre la scène de la nuit précédente, tous finissaient d'examiner le bassin. Naomi repéra un roseau coupé... L'incantation pris fin, les personnes présentes purent voir se dessiner à la surface de l'eau une vision de la veille, comme une vue du palais depuis la mare. Une silhouette de noir vêtue, escaladait le mur ouest et passait la rambarde discrètement, profitant d'une des rondes des gardes Seppun. On ne put rien apercevoir à part sa petite taille. L'inconnu resta un instant devant la paroi de bois... Puis sous les regards médusés des spectateurs se fondit dans le mur. Les images prirent fin abruptement.

Yasuki Kakuro était petit, c'est ce que chaque personne se disait en son for intérieur à ce moment précis. Seppun Amin prit la parole "Nous avons tous vu la même chose, je pense qu'il serait bon d'interroger Ya..." Koan le coupa froidement "L'enquête est en cours, Amin-sama, nous ne manquerons pas vous faire part de nos conclusions en temps et en heure. Merci de nous avoir assister." Le shugenja prit congé, épuisé; Amin lui emboîta le pas, vexé. Matsu Aku et Shosuro Naomi raccompagnèrent le garde Seppun auprès de la Championne d'Améthyste. Hida Koan trouva Yasuki Kakuro rapidement et s'entretint avec lui. Il nia tout en bloc. La magistrat Crabe, comme toutes les fois, crut instinctivement le membre de son clan. Les motivations de Kakuro à être à la cour n'avaient aucun lien avec les implications impériales et pour le moment rien ne pouvait associer le vol et le suspect... A part la vision du shugenja. Koan promit à Kakuro de faire toute la lumière sur l'affaire et passa ensuite au poste de garde du palais, car selon toute vraisemblance, le voleur s'était forcément "échappé" en passant par la porte.

Les plantons en faction ne voulaient rien dire mais l'orbe de magistrat et les imprécations hargneuses du magistrat eurent raison de leur motivation. Un inconnu était effectivement entré dans l'enceinte du palais cette nuit et en était sorti quelques heures après. Cependant, ils ne connaissaient pas son identité, c'était un invité privé du gouverneur. Il purent seulement détailler un homme assez grand et de belle prestance. L'heure du déjeuner était déjà passée et Koan fit porter un message au gouverneur pour lui demander une entrevue au plus vite. Le temps de rentrer dans ses appartements et de faire un point avec ses amis magistrats et il était déjà l'heure de voir le gouverneur. Matsu Aku l'accompagna, tandis que Naomi et Maya allèrent tenir compagnie, même à distance, à Otomo Kaiseki. Une soirée "surprise" avait initialement été prévue mais vu les évènements de la matinée, celle-ci serait reportée au lendemain. Le stress était palpable tant chez les dignitaires Grue que chez leurs serviteurs : de la réussite du séjour de la Championne d'Améthyste dépendrait la teneur de son rapport à l'Empereur... Et c'était plutôt mal parti.

Le gouverneur attendait les magistrats dans ses appartements. "Hida Koan-sama, Matsu aku-sama. Avez-vous déjà progressé dans l'enquête? Pouvez-vous d'ores et déjà faire un rapport à Kaiseki-hime? ... Puis-je vous aider peut-être." L'homme était très nerveux, mais tout homme dans sa position l'aurait été. Cependant c'était tout à fait le genre de situation qui plaisait au Lion et au Crabe. Voir un Grue se dépêtrer dans les ennuis leur était quasiment jouissif. Après tout les hasards de la vie ne leur avait fait rencontrer que peu de membres agréables de ce clan, deux ou trois tout au plus. La plupart du temps ils étaient pédants et dépassaient les bornes de la bienséance avec les deux magistrats, malgré leurs statuts. Les clichés ont cours d'un côté de la barrière mais aussi de l'autre, voilà pourquoi ce sont des clichés. La conversation ne s'annonçait pas très courtoise. Matsu Aku prit la parole :

"- L'enquête avance. Nous n'avons trouvé que peu d'indices depuis ce matin. Cependant savons que c'est un individu de petite taille, vêtu de noir, qui s'est introduit de manière tout à fait particulière dans la chambre de de la Championne d'Améthyste. Ce que nous aimerions savoir maintenant, c'est l'identité de la personne que vous avez reçue cette nuit.
- Si c'est une personne de petite taille alors
- Alors nous voulons savoir de qui il s'agissait, ce sont les besoins de l'enquête." trancha le Matsu.

L'homme, plein de dignité, prit un air contrit et persiffla "Cette personne était là incognito et sa présence ne vous concerne en rien." Il fit un signe de la main et le serviteur prit congé instantanément.

"Nous saurons vous dire si cela nous concernait une fois que vous nous aurez dit de qui il s'agit. Maintenant si vous souhaitez faire obstruction à une enquête impériale, grand bien vous fasse, mais je en pense pas que cela conviendrait à votre Honorable Hôte" déclara le Hida.

Le shoji glissa et le serviteur revint avec un service à thé et des tasses. Il les emplit toutes trois du breuvage fumant, dans un silence de plomb. Il se mit ensuite légèrement en retrait. Les trois hommes savourèrent le thé aux arômes fleuris, en se regardant en chiens de faïence. Les minutes passèrent. Le gouverneur perdait de sa superbe et se ratatinait petit à petit devant les magistrats, qui restaient muets comme des carpes. Une fois leurs boissons terminées, ils se raclèrent la gorge et s'apprêtèrent à se lever.

"C'était Kitsuki Yasu, daimyo de la famille éponyme" souffla le Grue. Sous le regard insistant des magistrats, il continua "Il est vraiment ici incognito. Une alliance commerciale est en train de se tisser et il est venu m'en toucher un mot car cela ne sert pas ses intérêts, ... Si... Si vous voulez l'entretenir il réside dans une auberge du quartier marchand. Je peux lui faire parvenir un mot si vous le désirez... Vous pourriez aller le voir demain après-midi? ... Peut-être."

Aku et Koan se levèrent "Ce sera parfait" dirent-ils de concert avant de se diriger vers la porte. Le magistrat Lion, en ouvrant le shoji, gratifia le gouverneur d'une remarque acerbe "Merci pour votre merveilleux thé. Et félicitations pour le déroulement de cette cour. C'est encore plus agréable que tout ce que nous aurions pu espérer." En descendant au rez-de-chaussée, le Crabe ne put s'empêcher de remarquer que son ami finissait tout de même par changer un peu avec les années. Il lui fit part de ses pensées. "Toi en revanche, rien ne t'ébranles... Tout pointe vers Yasuki Kakuro et tu n'as même pas la présence d'esprit de fouiller sa chambre... Passe pour cette fois... Encore. De toutes façons j'ai prévenu les gardes, ils le surveillent. Et puis nous pourrons toujours faire ça demain. En espérant que ton intuition clanique ne nous mette pas une fois de plus dans la merde" finit Aku, un sourire moqueur sur les lèvres.

La soirée était beaucoup plus tendue que la veille et ne s'éternisa pas. Otomo Kaiseki dîna dans ses appartements, ce qui n'empêcha pas le karo du château de lui faire porter une invitation pour le lendemain matin. Une visite des terres environnantes était prévue, afin qu'elle puisse "apprécier la sérénité des lieux", et accessoirement s'éloigner du palais quelques heures. A la fin du repas, Koan passa à l'étage, rendre compte des avancées de l'enquête à la princesse impériale. Ce fût bref : il n'y avait pas grand chose à raconter. Et lui expliquer de suite qu'un homme s'était fondu dans le mur était très certainement prématuré. Certaines conclusions, bien que non-évoquées, étaient cependant claires, et devant l'inquiétude de la jeune femme, Koan proposa des tours de garde additionnels. Otomo Kaiseki parut soulagée.

Les trois magistrats se relayèrent devant sa porte pendant la nuit. Au matin, quand une servante fit glisser le shoji de la chambre, elle fut surprise de trouver Koan appuyé près du mur. Elle s'inclina rapidement avant de dévaler les escaliers en trombe. Le bushi appela un des gardes Seppun de la suite et put enfin redescendre à sa chambre.
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Re: [Récit de partie][0] Passage à Mura Sabishii Toshi

Message par Hida Koan » 29 nov. 2010, 01:53

Fatigués de leur nuit incomplète, Naomi, Aku et Koan se reposèrent une heure ou deux dans leur chambre. Ils avaient déjà décidé qu’ils escorteraient Otomo Kaiseki lors de sa ballade du jour. La sécurité dans le palais laissait déjà à désirer alors ils n’osaient même pas imaginer ce qui pourrait en être à l’extérieur des murs. L’enquête devrait attendre encore un peu, la sécurité de la Voix de l’Empereur passait en premier. Avant de se rendre dans la grande salle, Aku et Koan se rendirent aux bains. Ils s'y délassèrent mais surtout discutèrent de l'affaire en cours. Les pistes n'étaient pas vraiment approfondies. Ils ne savaient rien. Il y avait tout de même très peu de chances que Kitsuki Yasu y soit pour quelque chose... Le magistrat Crabe était quant à lui persuadé que Kakuro n'y était pour rien, et il fallait bien dire qu'à y réfléchir, il n'avait aucun intérêt à faire cela. Restait alors l'éventualité de faire capoter la visite d'Otomo Kaiseki, et ainsi empêcher Daidjoji Asinjin d'avoir même la plus infime chance de recevoir la cour d'hiver l'an prochain. Pourtant la stratégie utilisée était totalement disproportionnée... Il aurait suffit d'une humiliation publique pour parer à ce problème, pas d'un vol sur une personne impériale. Les deux hommes sortirent de l'eau chaude, plein d'hypothèses en tête. Aucune ne leur semblait pour le moment satisfaisante. Et surtout, même s'ils n'abordaient pas le sujet, ils ne pouvaient s'empêcher de penser à la Folie Noire.

Les serviteurs avaient préparer des vêtements adéquats pour la sortie de la matinée. Dans la chambre, Naomi était déjà prête. Pendant que ses compagnons s'habillaient des tenues choisies, jolies mais pratiques pour monter à cheval, la jeune Scorpionne énuméra une évidence qui leur avait peut-être échappé et qu'elle jugeait nécessaire de leur rappeler. "Je vous signale que la Championne d'Améthyste est la déléguée aux invitations lors de la prochaine Cour d'Hiver." N'entendant aucune réaction venir de derrière elle, elle continua espérant une réponse "La Cour d'Hiver... La Cour de l'Empereur... La cour dans laquelle nous devrions être invités..." Toujours rien "La cour pendant laquelle vous devez continuer de courtiser Otomo Yoroshiku." Des soupirs et autres grommellements parvinrent aux oreilles de Naomi; un sourire se dessina sur son visage. "Je savais bien que vous m'écoutiez." Elle les laissa finir de se préparer, et en passant la porte elle leur souffla comme conclusion "Enfin bref... Autant vous dire qu'il vaut mieux qu'elle vous aime bien." Tout trois descendirent au rez-de-chaussée en pensant à la ballade du jour. Ils firent un passage dans les écuries et une fois une inspection rapide du palanquin de la princesse faite, ils allèrent petit déjeuner. La procession se mettrait en branle en milieu de matinée, avec une foultitude de courtisans et à peine moins de gardes. Ils entendirent des rumeurs concernant une autre surprise, plus belle encore, pour le soir. Naomi se fondit dans la masse des courtisans et revint quelques minutes plus tard « On devrait dîner à la Jonque des Cinq Sens. » Tout cela rappelait de très mauvais souvenirs aux magistrats.

Ils avaient déjà passé une soirée sur ce restaurant flottant, lors d’une visite précédente : visite qui avait eu pour but de rencontrer le Champion d’Emeraude pour lui faire un rapport alors qu’il était de passage à Mura Sabishii Toshi. Cela s’était très mal passé ce jour là. Ils avaient en plus été victime d’une attaque. Dans leur auberge ! Alors qu’ils étaient en train de s’entretenir avec Doji Satsume. Imoko, la sœur de Koan, avait été traumatisée. Les sbires de l’Ombre avaient une nouvelle fois frappé. Et à cette époque ils n’avaient aucune piste, à part un nom Daidoji Bato. Cet homme leur avait donné rendez-vous et s’était mystérieusement envolé juste après l’agression, avant même qu’ils aient eu l’occasion de le voir. Ils ne l’avaient jamais retrouvé. Pour couronner le séjour, la soirée sur la jonque avait été catastrophique. Au lieu de décompresser Aku et Koan avait trouvé sur place quantité d’opium, au moins assez pour tous les dépravés du coin… Quand ils avaient demandé gentiment au propriétaire de faire disparaître tout ça rapidement, il n’avait rien trouvé de mieux que de rire. La démonstration de Kenjutsu en revanche l’avait beaucoup moins amusé. Après plusieurs minutes de combat bien réglé les bushi avaient terminé leurs mouvements avec leurs deux lames sous ses moustaches, il avait bien fallu qu’il range sa pipe… Cette fois Koan était certain qu’une petite missive bien sentie suffirait à faire disparaitre toute substance illicite du navire avant que les invités y mettent les pieds. Ce gentil restaurateur ne pouvait pas avoir la mémoire si courte.

Le gouverneur annonça à tous le départ. Lui qui comptait sur une petite procession intime, pour pouvoir profiter pleinement de la présence d'Otomo Kaiseki, fut surpris de voir la majorité des courtisans se préparer. Sa mine se contracta un peu plus encore en voyant les trois magistrats et leurs deux amis, Asahina Maya et Atsuki, être également de la partie. Dans la cour intérieure, Daidoji Asinjin prit la tête du cortège, Koan et Aku positionnèrent leur cheval de part et d'autre du palanquin de la princesse. Le temps était clair, c'était le printemps. Les chevaux avancèrent au pas. Les rideaux du palanquin étaient ouverts, Kaiseki et sa suivante pouvaient admirer les paysages côtiers à l'abri de la brise. Les gardes Seppun, au pas de course, encadraient l'Impériale, sans pour autant lui gâcher la vue. De temps à autre Koan vérifiait que la princesse appréciait la ballade. Elle avait le visage parfaitement gracieux, souriait à tous, semblait trouver tout à fait à son goût ce qu'elle voyait. Le magistrat Crabe ne s'étonnait pas de ce comportement, il avait vu assez de nobles de très hauts statuts pour savoir qu'ils étaient capables d'avoir la mine courtoise en toute occasion.

Les villages s'étaient succédés rapidement. On se serait cru dans un conte pour enfants : tout le monde avait l'air heureux, les paysans travaillaient le sourire aux lèvres, les enfants jouaient dans les champs... Une vraie peinture du paradis. Koan en riait presque, tout cela lui paraissait peu naturel. Otomo Kaiseki, elle, belle comme le jour dans ses kimonos violine, gratifiait certains paysans chanceux d'un signe de main. La route s'ouvrit sur un petit fortin. Devant celui-ci se dressaient des tables sur tréteaux, emplies de victuailles. Le cortège stoppa juste devant. Des sièges avaient été disposés près du fort, juste sous un prunier à côté des tables. Otomo Kaiseki sortit élégamment du palanquin et alla prendre place sur un des tabourets. Daidoji Asinjin prit la parole. Il tenta d'expliquer que le clan de la Grue avait mis en place un nouveau système de communications lors des batailles. Le petit fortin était en fait un pigeonnier. Koan comprit de suite l'intérêt de la chose, la rapidité induite dans le relai des messages, mais malheureusement pour lui, la présentation du gouverneur fut mal avisée, de son point de vue en tous cas... Et quand il entendit déclamer d'une voix sérieuse "Dans le clan de la Grue, on utilise des pigeons pour la guerre", il ne pu retenir un fou rire de plusieurs minutes. Il se détourna un peu de la démonstration, mais le mal était fait. Le gouverneur outré, finit sa présentation tant bien que mal avant de demander d'une voix aigre "Vous n'aimez pas les oiseaux Hida Koan-sama?". Le bushi se contint comme il pu et bafouilla un lapidaire "Je préfère les chiens". Il se pinça violemment l'avant-bras... Un fou rire ne part jamais très vite. Et le gouverneur ajouta énigmatique "Alors vous serez servi demain." Pour détendre l'atmosphère, un échange d'haiku fut fait, clôturé par la brillante poésie du Magistrat Mante, qui eut au moins le mérite de faire sourire Aku et Koan.

Fiente sur le crâne
Une tâche sur le kimono
Pigeon dans l'assiette.


Le reste du repas se déroula correctement. Le retour au palais fut aussi parfait que le voyage d'aller. Les magistrats échangèrent quelques courtoises paroles avec la Championne d'Améthyste, s'assurant que tout lui plaisait. Koan prit congé d'elle en arrivant aux portes de la ville, s'excusant de son absence prochaine. L'enquête était toujours en cours après tout. Il la laissait aux bons soins de ses amis alors qu'il allait honorer son rendez-vous avec Kitsuki Yasu. L'entretien se passe très rapidement, le daimyo fut réceptif aux questions du magistrat et s'il dissimula des choses, Koan n'en sut rien. Il était venu car l'alliance que tentait de tisser le clan de la Grue et celui du Scorpion n'arrangeait en rien les affaires du clan du Dragon. Il comptait même peut-être sur un appui du clan du Crabe, que cette alliance ne devrait pas non plus enchanter, en toute logique... Le bushi était au-dessus (au bien en-dessous plutôt) de ces considérations commerciales et avait surtout autre chose en tête. Kitsuki Yasu s'en aperçut bien vite et il proposa son aide au magistrat. Ce dernier, heureux d'avoir ici un interlocuteur de marque et surtout responsable de la plus grande famille d'enquêteurs de l'Empire ne se fit pas prier. Yasu lui apprit qu'il avait surpris Yasuki Kakuro lors de son passage éclair au palais, le Crabe avait tenté d'espionner la discussion que le daimyo avait eu avec le gouverneur. Pourtant Yasu n'avait pas l'air fâché, il était persuadé que Kakuro s'était trouvé là par hasard. Il ne pensait pas qu'il était coupable, ce qui conforta Koan dans son intuition. Yasu signala que plusieurs shugenja était en ville, qu'à son avis il fallait chercher par là... Le magistrat en parlerait à ses amis en rentrant, il entrevoyait déjà que Naomi apprécierait de se renseigner là-dessus. Le daimyo prit soin de préciser qu'il resterait dans les parages encore quelques et que si Koan désirait lui faire part de nouveaux éléments de l'enquête, il serait disponible pour essayer de démêler tout ça. Après cela, il rentrerait chez lui. Le magistrat Crabe remercia chaleureusement Kitsuki Yasu et reprit le chemin du palais.

Quand il passa le poste de garde, l'après-midi touchait à sa fin. Il remonta rapidement dans ses appartements et raconta l'entretien à ses coéquipiers. Naomi décida de suite de passer la soirée en ville, elle ne souhaitait pas spécialement passer la soirée sur la jonque de toutes façons. Elle saurait très bien se débrouiller, elle rapporterait sûrement des informations importantes. Asahina Maya vint frapper à la porte des magistrats. Sans un mot elle se dirigea vers leurs malles de vêtements, sortit les plus beaux kimonos que les deux hommes avaient (elle savaient très bien lesquels c'étaient, elle leur avait fait faire elle-même), et les déposa sur les futons. "La soirée commence dans à peine une heure, je vous attend en bas." Elle sortit aussi vite qu'elle était rentrée, sans un mot de plus. Les bushi se vêtirent. Tous deux portaient des kimono très sombres, mélange de noir et de leur couleurs de clans respectives. Des broderies dorées ornaient le bas des vêtements, discrètes, mais assez visibles pour rappeler l'or des couleurs impériales. Quand ils descendirent, tous les courtisans étaient déjà dans le jardin. Les magistrats fendirent la foule pour se retrouver quelques pas derrière la princesse impériale. Celle-ci avait le regard happé par une jonque magnifique, éclairée de centaines de lampions, qui s'approchait de la jetée privée du gouverneur. Daidoji Asinjin était aux anges. Le restaurant entier venait chercher ses invités...

La soirée se déroula au mieux. Les mets préparés étaient exquis, la musique douce, les conversations agréables. Otomo Kaiseki parla à nombre de courtisans, elle passa un bon moment avec Matsu Aku, dévoilant à ce dernier qu'elle connaissait énormément de choses sur lui. Elle avait beaucoup entendu parlé de ses exploits. Koan passait un bon moment. Il cherchait constamment des yeux le propriétaire de la jonque mais celui-ci semblait de pas être là. Il avait pourtant du recevoir sa missive, car nulle trace d'opium non plus. En fin de soirée, quand le bateau faisait déjà route vers le palais. La Championne d'Emeraude vint le trouver. Elle discuta avec lui de tout et de rien, puis sans préambule demanda "Si vous pouviez revenir sur une chose de votre vie quelle serait-elle? Une oeuvre inachevée peut-être?" Koan réfléchit beaucoup, comme toujours en de pareilles occasions, il ne pouvait rien dire ou presque. Les choses qu'ils avaient vécues n'étaient pas vraiment racontables et encore moins à une princesse impériale. Il se creusa la tête de longues secondes puis finit par dire "Je pense que j'aimerais retourner à Ryoko Owari Toshi" cela au moins il pouvait en parler. "Nous avons du en partir précipitamment et avons laissé quelques affaires en souffrance... Oui je crois que j'aimerais retourner là-bas." La jeune femme ne dit rien. Le bushi tourna la tête vers le large, les yeux dans le vague. La jeune femme prit la parole doucement, posant une question dont elle connaissait pertinemment la réponse:

- Vous n'êtes pas marié Koan-sama?
- J'ai été fiancé il y a longtemps. Malheureusement Kaeru est morte, dit le bushi la voix basse.
- Pardonnez-moi, je ne voulais pas vous blesser. A dire vrai, j'ai également perdu mon mari... Je connais ce sentiment.
Koan se racla la gorge et déclara d'une voix monocorde d'où perçait une certaine animosité :
- Depuis quelques mois, je courtise Otomo Yoroshiku-hime. J'espère la revoir bientôt.
Le ton utilisé disait pourtant le contraire.
- Ah... Et comment se passe cette entreprise?
- Les clichés ont la vie dure, Kaiseki-hime. Je n'évolue pas à la Cour comme je le devrais et quand bien même je le ferai, il y aurait toujours des gens pour raconter le contraire.
- Cela me paraît en effet être une remarque pleine de lucidité. Mais...
- De toutes façons, Yoroshiku-hime a quasiment d'ores et déjà fait son choix. L'un des prétendants a été élevé avec elle, elle le connaît depuis l'enfance. Je ne vois pas vraiment ce qui pourrait la faire changer d'avis... J'espère pourtant y arriver. Sait-on jamais?
- Vous avez raison, Koan-sama. Ne sous-estimez pas vos chances de plaire...
Elle eut un doux sourire.

Koan trouvait la jeune femme étrange, elle était gentille, mais quelque chose l'ennuyait. Ce devait sûrement être d'avoir reparlé de Kaeru qui le perturbait. Otomo Kaiseki lui sourit à nouveau avant d'ajouter "Votre compagnie a certainement contribué à l'agrément de cette soirée." Ce sourire... Peut-être qu'il comprenait mais c'était tellement inhabituel qu'il n'y prêta pas plus d'attention que cela. Les berges étaient en vue, le bateau amarra. "Je vais vous raccompagner à vos appartements, Kaiseki-hime." Les invités débarquèrent, Daidoji Asinjin remercia tout le monde et les hôtes s'engouffrèrent dans le palais. La princesse prit la direction du dernier étage et souffla "Le gouverneur m'a laissé ses appartements." Il aurait déjà dû le faire hier, songea Koan. Mieux valait tard que jamais. Les gardes Seppun encadraient le couple. La jeune femme passa le shoji et sourit. "Avec vous ici je me sens en sécurité...Bonne nuit Koan-sama" "Bonne nuit, Kaiseki-hime". La porte se referma. Le Magistrat prendrait le premier tour de garde...
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Re: [Récit de partie][0] Passage à Mura Sabishii Toshi

Message par Hida Koan » 30 nov. 2010, 00:58

La nuit avait été une nouvelle fois assez courte. Au matin, lorsque la suivante d’Otomo Kaiseki fit glisser le shoji, c’est Shosuro Naomi qu’elle trouva dans l’encadrement de bois, droite comme la justice, à monter la garde. En redescendant, dans ses appartements, elle croisa Seppun Amin, le capitaine de l’escorte de la Championne d’Améthyste. Il se tenait le ventre et avait une jolie couleur vert olive. Il la salua poliment, le cœur au bord des lèvres, chancela en s’inclinant et remonta laborieusement les quelques marches qui le séparait encore de sa chambre. Naomi plaignit le pauvre homme, à voir son état, il resterait certainement cloué au lit pendant deux ou trois jours. Il n'avait pas dû digérer le repas de la veille, elle avait bien fait de ne pas s’y rendre. Elle voyait, dans les couloirs, s’affairer tous les serviteurs de la maison. Ils se rendaient dans chaque chambre, y restaient quelques instants et ressortaient. Alors qu’elle arrivait dans l’aile des invités, elle croisa Aku et Koan qui sortaient déjà des appartements. « Vous êtes bien matinaux » leur lança-t-elle. Le magistrat Lion décocha un regard moqueur à son ami et répondit à la jeune femme « On vient juste de nous prévenir que la préparation pour l’activité de ce matin va bientôt commencer. Nous devons nous rendre dans les jardins juste après le petit déjeuner. Tu as entendu le barouf de cette nuit, ils ont dû fignoler les dernières préparations aux aurores. Koan les a bien entendu, lui. Regarde il a encore des brumes de Yume-do accrochées dans les cheveux. J’ai cru qu’il allait tuer le domestique ce matin… Et il a dû le croire aussi le pauvre homme. » Koan répondit, aigri « Moi aussi j’y ai cru. » Cela fit sourire Naomi. Elle leur emboîta le pas et ils se rendirent dans la grande salle. Plusieurs bols de thé fumants eurent raison de l’humeur massacrante du magistrat Crabe, mais elle n’était pas bien loin.

Le soleil du matin éclairait le jardin d’une agréable lumière, la brise de la veille avait quasiment disparue, et la température s’en ressentait. Même dehors, personne n’aurait froid. Les délégations de chaque clan arrivèrent et prirent place sur les « gradins » prévus à cet effet. Le gouverneur n’avait pas chômé et ils avaient devant les yeux le résultat des efforts de la nuit. Otomo Kaiseki arriva, escorté par les cinq gardes Seppun, Amin étant aux abonnés absents. Daidoji Asinjin prit la parole : « Mes amis, Mura Sabishii Toshi a l’honneur d’abriter aujourd’hui un tournoi des plus particuliers. La coutume avait été perdue avec les ans mais nous allons vous en faire une démonstration ce jour. Dames et Seigneurs, je vous offre un spectacle d’Inuoumono. » Les visages s’animèrent, certaines gens n’avaient jamais entendues parler de telles représentation, d’autres, impatientes, remuaient déjà nerveusement sur leurs sièges. La princesse impériale était au premier rang, le gouverneur la rejoignit et s’assit à sa gauche. Les magistrats étaient placés deux rangs derrière. Le spectacle commença. Un cavalier entra dans la zone faisant face aux spectateurs. Le karo du château prit la parole « Voici le premier concurrent. Il devra prendre en main un arc court comme celui-ci. » Le cavalier tendit son bras au dessus de sa tête en montrant un arc au public. « Il utilisera trois flèches rembourrées afin de tirer sur la cible. » Le jeune homme à cheval sortit une flèche de son carquois et passa au pas devant la foule. « La cible ne devra surtout pas saigner, cela entrainerait pour le compétiteur un malus de point. Que la compétition commence. Kakita Jitsuma sera notre premier candidat. » Deux cercles de corde étaient au centre de la plaine. Le cavalier se plaça au centre du plus petit cercle. Un jeune homme portant les couleurs du clan de la Grue amena un chien dans le deuxième cercle et relâcha la longe promptement avant de partir en courant. Le chien paniqua, le cheval hennit. Il n’en fallu pas plus pour que la proie se carapate en couinant. Le cavalier aiguillonna sa monture. Il encocha une flèche, tira, et toucha le chien dans le flanc. Ce dernier émit un cri aigu. La seconde flèche manqua la cible et la dernière atteignit une nouvelle fois le flanc. Kakita Jitsuma n’avait pas fait une très belle prestation, il partit de la piste la tête basse. Un nouveau cavalier prit place, on amena un nouveau chien.

La majorité des invités trouvait le spectacle à leur goût. Certains cependant paraissaient ne pas apprécier. Koan en faisait partie. Après avoir vu trois chiens se faire blesser, jusqu'au sang pour le dernier, malgré les flèches rembourrées, il quitta les gradins. Ses pas le menèrent un peu plus loin. Le magistrat prit le temps de profiter des jardins. Alors que les bruits de la représentation se faisaient plus faibles, il entendit des jappements sourds. Derrière un petit bosquet d'arbres, il aperçut l'entrée du chenil. L'odeur le prit à la gorge. Les chiens blessés lors du tournoi étaient à terre, tous se remettraient, tous sauf un... Ce jeu cruel dégoûtait le Crabe. Il lui passa par l'esprit un instant de faire sortir les quelques chiens qui n'avaient pas encore été chassés. il s'approcha de l'enclos du fond. Un chien aboyait plus que les autres. Cinq chiens étaient prostrés dans le fond du box, alors qu'un autre, le plus grand d'entre eux, était tout près de la porte de la stalle. C'était un grand chien blanc, il n'avait pas l'air d'avoir peur il avait plutôt même l'air content. Koan jeta un oeil par dessus la planche de bois. Il n'en crut pas ses yeux. Il ouvrit la porte à la volée et s'agenouilla dans la paille. Le chien se précipita sur lui. Il était aussi grand qu'avant, mais il avait maigri et était beaucoup moins musculeux que par le passé. Pourtant c'était bien Ookami. Le bushi en aurait presque pleuré de joie.
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Re: [Récit de partie][0] Passage à Mura Sabishii Toshi

Message par Hida Koan » 30 nov. 2010, 23:55

Le chien n'en finissait pas de lui lécher la figure. Le magistrat n'entendit même pas le jeune homme avancer. "Samurai-sama, que se passe-t-il ? ". Daidoji Mochiko, frais émoulu bushi de l'école Daidoji, venait juste d'entrer dans le chenil. Il portait un chien blessé dans les bras, qu'il déposa délicatement à côté des autres. A celui-ci, il ne faudrait que du repos. Koan se redressa et déclara un peu abruptement au garçon : "Je pars avec celui-ci. C'est mon chien." Mochiko resta interloqué et mit quelques secondes à répondre. Il s'approcha un peu plus du grand bushi, courageusement, et siffla entre ses dents. L'énorme chien vint se placer entre les deux hommes, l'air toujours aussi content.

- Hida-sama, je suis navré de vous contredire mais ce chien est à moi. Il m’a été offert par ma mère.

- Je suis persuadé de ce que j’avance. C’est bien mon chien. Il a perdu quelques kilos mais je le reconnais. Je l’ai… égaré il y a environ un an.

Le jeune garçon parut perplexe, curieusement triste en prime, mais ne se démonta pas.

- Vous l’avez perdu ? Je ne peux me tromper également. Ma mère, Daidoji Mochi, m’a ramené ce chien. C’est la dernière fois que j’ai eu la joie de la voir.

Ce nom fit tiquer Koan. Jamais il n’aurait pu oublier le jour où il avait abandonné Ookami… Mais il n’arrivait pas à se souvenir de cette femme.

- Quand était-ce ? Et que fait votre mère ?

- Ma mère est morte, lâcha le garçon. Elle m’a laissé ce chien il y a un an environ. Mais ça ne veut rien dire ! Se hâta-t-il d’ajouter. Elle faisait partie d’une unité d’élite. Elle n’avait pas le droit de dire où elle était stationnée. Nous ne la voyions quasiment jamais. Elle revenait de temps en temps, mais jamais elle ne parlait de son affectation. Elle était commandant vous savez ? Un jour elle est rentrée, elle m’a ramenée Ookami et Iwanomi et elle est repartie… Sans rien dire. Nous avons appris peu de temps après qu’elle avait fait seppuku.

Le jeune bushi prenait sur lui, bravement. Koan éprouva de la sympathie pour le garçon, et en regardant son visage de plus près, les souvenirs affluèrent.

- Iwanomi était un grand cheval noir, les yeux marron, une petite tâche blanche juste à l’endroit du passage de sangle, un peu caractériel mais très bien dressé. Je ne me trompe pas jeune homme ? Ta mère était de taille moyenne, assez fine mais c’était une femme de caractère. Elle n’avait pas cheveux teints quand je l’ai rencontré. Elle avait les yeux en amande, une bouche comme la tienne mais les lèvres plus pleines. Elle était un peu froide au premier abord… Et même au second sans t’offenser, mais elle était droite, valeureuse et juste. Elle menait ses hommes avec fermeté et discernement.

- Vous avez connu ma mère, chuchota Mochiko pour lui-même.

- Je l’ai simplement croisé pour ne pas te mentir, mais elle m’a aidé… Et elle a pris soin de mes animaux aussi il semblerait.

C’était elle. Daidoji Mochi. Il se rappelait son nom maintenant. La femme qui avait fermé sur eux les portes de la Tombe de Iuchiban, cette commandant de garnison perdue, gardienne d’un lieu maudit. Il avait fallu lui forcer la main pour qu’elle les laisse entrer, encore plus pour qu’elle les y enferme. Mais rien surtout ne devait sortir. Koan avait laissé ses bêtes à l’extérieur ce jour là, évidemment. Jamais il ne lui avait traversé l’esprit que quelqu’un ait pu s’occuper d’eux. Cela lui paraissait assez logique finalement mais il fallait dire qu’à ce moment, cela avait été le cadet de ses soucis. Elle s’était donné la mort. Cela aussi il n’y avait jamais songé. C’était aussi évident que le reste… Daidoji Mochi avait selon elle envoyé à la mort une belle brochette de trois magistrats d’Emeraude imbéciles qui s’étaient jetés tout droit dans la gueule de l’enfer. Jamais elle n’aurait pu savoir qu’ils avaient survécus, jamais ils n’auraient pu la retrouver. Un beau gâchis.

Le jeune homme se râcla la gorge, sortant Koan de sa rêverie. « Prenez-le alors. Prenez-le » dit-il avec emphase. « Ma mère vous connaissait. Elle l’a gardé pour vous. Prenez-le, ça lui ferait plaisir. Nous n’avons plus le cheval, ma famille l’a vendue à un Yasuki, mais prenez Ookami, il est à vous. Je le vois bien de toutes façons… Il vous reconnaît. » Koan allait remercier Mochiko quand des bruits de sabots se firent entendre, couplés à une injonction agressive « Que fais-tu donc Daidoji ? Le tournoi n’est pas terminé, où sont les chiens. » Le jeune garçon, encore dans l’encadrement de la porte di chenil se tourna vers l’extérieur. « Pardonnez-moi Asahina Hitofu-sama, j‘ai eu un contretemps. » Le samurai à l’arc resta sur son cheval « Et bien dépêche-toi donc et arrête de lambiner, la cour attend. » Koan sortit du chenil, Ookami sur les talons. Le compétiteur Grue laissa paraître son étonnement.

- Magistrat-sama.

- Le tournoi a assez duré vous ne trouvez pas ? Presque dix compétiteurs déjà ont concouru. Les spectateurs doivent être satisfaits, non ? D’ailleurs il n’y a plus de chiens.

- Il y en a au moins.

- Celui-ci est le mien et je ne souhaite pas qu’il participe à ce jeu.

- Je sais qu’il y en a d’autres. Il y en avait bien assez pour tous. J’attends ce moment depuis des mois. Il n’est pas question que je ne participe pas. Laissez ce gosse amener les chiens. Cela ne vous regarde pas.

- C’est un sport barbare.

- Barbare ? C’est vous qui dîtes ça. C’est bien un comble… Je concourrai que ça vous plaise ou non. Maintenant laissez-le passer. Ce sera mon moment de gloire.

- Si votre heure de gloire se résume à tirer avec des flèches rembourrées sur un adversaire inoffensif qui n’a aucune chance, croyez-moi, vous n’allez pas rater grand-chose.

L’Asahina prit une teinte rouge pivoine.

- Comment osez-vous ?

- Je ne fais que cons…

- Comment osez-vous m’insulter de la sorte ?! Je vous somme de vous excuser sur le champ ! Je ne pourrais tolérer pareil affront ! C’est… C’est… Je demande réparation.

- C’est stupide voyons, rien ne v…

- Stupide ! Vous m’injuriez encore ! Demain ! Je veux… J’exige de vous affronter en duel demain. Demain à l’aube. Je vous attendrai !

Et le cavalier partit hystérique. Le magistrat soupira. Encore un se dit-il. Je dois être maudit.

- Amène-lui son chien… Mais n’en amène plus après. Dis que c’est le dernier. Mets les tous dans la même stalle, dis qu’ils ont tous déjà participé. Ils te croiront. Puis ce n’est pas bien grave de après tout.

- Je vais le faire magistrat-sama, mais, demain ? Vous avez récolté un duel à cause des chiens, à cause de moi en fait… Sumimasen, Magistrat-sama.

- Ce n’est rien. Ca m’arrive… Ca m’arrive régulièrement. Tu n’y es pour rien.

Koan caressa Ookami sur la tête. « Merci Mochiko-san. Merci d’avoir pris soin de lui. Je te suis redevable. N’hésite pas si jamais un jour tu as besoin de moi. » Le bushi temporisa avant de continuer, il pensait à l’enquête en cours, à la Folie Noire et sa dangerosité « Et si tu peux, ne reste pas ici. Tu ne vas pas t’occuper d’un chenil toute ta vie, il y a tant de choses à faire… Ailleurs. Je suis ici jusqu’à la fin du séjour, j’espère te revoir d’ici mon départ, et surtout, ne t’inquiète pas pour demain.» Les deux hommes s’inclinèrent et le magistrat prit congé du jeune Daidoji. Il se dirigea vers le spectacle qui ne tarderait pas à être abrégé, faute de cible.


Koan attendit plusieurs dizaine de minutes près des gradins. Quand les spectateurs sortirent, Koan vit se peindre sur les visages d’Aku et Naomi une expression étrange. Tout sourire, le grand bushi alla à leur rencontre, Ookami se précipitant sur eux. La Scorpionne eut un léger mouvement de recul et le Lion affichait une mine moqueuse quand il dit :

- Qu’est ce donc que cela ?

- C’est Ookami ! Tu le vois bien !

- C’est un chien. C’est tout ce que je vois.

- Mais non, regarde le bien, tu ne le reconnais pas ?

- C’est un chien, Koan. Un chien qui ressemble beaucoup à Ookami mais ce n’est pas lui. Ce ne peut pas être lui tu te rappelles ?

Matsu Aku parlait à son ami comme si ce dernier était devenu complètement idiot. Il avait l’air peiné et presque d’avoir peur que Koan devienne cinglé.

- C’est Ookami je te dis. Une Daidoji l’a récupéré… Là où nous l’avions laissé. C’est vrai que le hasard nous joue parfois des tours et bien aujourd’hui je l’ai retrouvé voilà. Il vous reconnaît tous les deux, tu vois, ce ne peut-être que lui. Regarde bien.

Le Crabe s’éloigna de plusieurs grandes enjambées et appela le chien, qui se jeta dans ses jambes à toute allure. « Alors tu vois ?! » cria-t-il de loin.

- C’est un chien, tu l’appelles, il vient. C’est normal.

- Mais je te dis que c’est lui bon sang.

- Bien sûr…

Koan commençait à s’énerver qu’on ne le croit pas. Mais il n’avait aucune idée de la façon de montrer à ces camarades qu’il avait bel et bien remis la main sur son chien, aussi improbable que cela paraisse. « Décale-toi un peu » dit-il en faisant signe à Naomi de s’éloigner d’Aku. La samurai-ko se mit à une vingtaine de mètres de son compagnon. Pendant ce temps, les invités continuaient à quitter le lieu du spectacle, certains s’attardant devant cette nouvelle représentation d’un immense bushi en train de jouer avec un immense chien blanc. Aku s’impatientait. Koan cria assez fort pour que tout le monde l’entende « Va chercher Naomi ! ». Le chien quitta le giron du Crabe pour aller s’assoir juste devant la Scorpionne et aboyer. Koan le rappela, Ookami revint en trottinant. « Va chercher Aku ! ». Parfaitement dressé, le chien alla se positionner devant le bushi Matsu, suivi de Koan quelques instants plus tard. « Alors ? Un chien répond quand on le siffle d’accord, mais est-ce qu’un chien reconnait ton prénom et celui de Naomi tu crois ? » Le magistrat avait le sourire jusqu’aux oreilles. Aku fut bien obligé d’y croire, même si dès Koan le dos tourné, il regarda Naomi avec un regard ahuri. Celle-ci sourit l’air de dire Qui sait après tout ? Et puis vrai ou pas, ça a vraiment l’air de lui faire plaisir.
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Re: [Récit de partie][0] Passage à Mura Sabishii Toshi

Message par Hida Koan » 02 déc. 2010, 01:28

Pendant le repas qui suivit, Naomi fit le compte-rendu de sa sortie en ville de la veille au soir. Elle avait bien enquêté, elle était maintenant intimement convaincue, preuve à l’appui, qu’aucun des shugenja présents en ce moment à Mura Sabishii Toshi n’avait pu être impliqué dans le vol. Ils avaient un alibi, qu’elle avait pu vérifier ou alors étaient totalement incapable de réaliser les prouesses qu’avait mis en oeuvre le criminel. Elle passa sous silence les méthodes d’investigation qu’elle avait utilisées mais aucun de ses collègues ne lui demanda quoi que ce soit. Otomo Kaiseki salua les magistrats de l’autre bout de la salle. Matsu Aku se ratatina sous ce regard bienveillant « Koan, il va falloir que nous allions interroger Yasuki Kakuro. L’enquête n’a pas avancée… Ne me regarde pas comme ça, bien sûr que l’enquête a avancée. Mais officiellement rien n’a bougé. » Le Crabe plongea le nez dans son assiette. Il ne croyait pas du tout en la culpabilité de Kakuro. Il aurait préféré attrapé le coupable ou à défaut avoir une vraie piste avant de rendre coupable le représentant Crabe aux yeux de toute la cour. Mais Aku avait raison, il fallait agir. Koan demanda juste une faveur à ses collaborateurs « Laissez-moi y aller un peu avant vous. »

Le magistrat retourna dans ses appartements, se changea, choisissant un kimono simple, sans aucune couleur impériale. La soie anthracite, la doublure bleu nuit, le obi grenat… Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas porté exclusivement ces couleurs. Koan se rendit au rez-de-chaussée jusque dans les chambres des délégations. Il entrouvrit le shoji de la chambre de Kakuro. « Kakuro-san, c’est Hida Koan, je peux entrer ? ». L’homme maugréa un oui approximatif et le magistrat entra. Kakuro polissait sa lame, il la rengaina rapidement et se mit debout, tendu.

- Kakuro-san, je vous ai dit hier que vous étiez soupçonné de vol sur la personne d’Otomo Kaiseki. Nous allons devoir fouiller votre chambre.

- Allez-y, je l’ai déjà fouillée hier suite à votre visite. Il n’y a rien nulle part, je l’aurais trouvé.

- Ce n’est pas le problème, je suis persuadé que je ne vais rien trouver… Enfin plutôt je suis persuadé que je ne devrais rien trouver. Mais vu nos pistes actuelles, j’ai peur qu’on ait visité également votre chambre. Ce que je voulais vous di…

- Je n’ai rien fait ! hurla Kakuro.

Il était tendu comme un arc. Sa nervosité éclatait littéralement et il ne pouvait se contenir. Ce serait très difficile. Koan essaya de s’approcher prudemment, Kakuro recula. « Mais bon sang, calmez-vous mon gars. Ecoutez-moi bien. » Koan le regarda dans les yeux. « Je ne vous laisserai pas tomber, mais il va falloir arrêtez de hurler. Les magistrats vont arriver dans quelques minutes alors reprenez-vous. Je vous assure que je vous protègerai. Je vous préviens d’avance, il y a des chances que je sois obligé de vous mettre aux arrêts, le temps de finir l’enquête. Mais ce n’est rien d’accord ! » Des pas se firent entendre dans le couloir. « Restez-calme. »

Aku et Naomi entrèrent dans la salle et saluèrent Yasuki Kakuro. Celui-ci se placa en retrait près du fusuma qui donnait sur le jardin, les yeux fixés sur le bois. Les étagères furent fouillées, les sacoches, la malle. Dans un kimono encore plié, des papiers furent trouvés. Koan jura, Kakuro se retourna. Aku déplia les papiers, s’appliquant à ne pas les lire, comme Otomo Kaiseki l’avait demandé si jamais les magistrats remettaient la main sur quelque chose. « Naomi, va chercher la Championne d’Améthysthe. » Le Yasuki commença à s’agiter, il vint se poster près de la malle en fulminant, arguant qu’il n’avait pas volé les documents, qu’on cherchait à lui faire porter le chapeau. La tension de la pièce était montée d’un cran, tout le monde commençait à s’énerver. Sur un signe de Koan, Matsu Aku sortit dans le couloir pour attendre l’Impériale. Elle arriva dans le quart d’heure et personne ne s’était calmé. En la voyant le Yasuki se tut. Elle entra dans la chambre, suivit d’Aku et Naomi. Koan resta entre elle et Kakuro. Elle commença à l‘interroger. Aussi intelligente qu’elle fut, elle s’y prit très mal. En le malmenant, lui laissant croire qu’elle n’avait absolument aucun doute sur sa culpabilité, il ne put se contenir. Elle avait très certainement une magnifique stratégie manipulatrice, afin qu’il ait peur puis qu’il parle… Malheureusement il n’allait certainement pas arriver jusqu’à la phase deux. A la dernière menace couverte de Kaiseki-hime, il hurla :

- Je n’ai rien fait ! Je vous dis que je n’y suis pour rien ! Vous ne comprenez donc rien espèce de…

- Damare ! Kawarimono ! cria Koan encore plus fort.

Le regard d’Aku se fit noir comme l’encre. Tout se passa très vite. Kakuro mis la main à son katana. En voyant son meilleur ami sur le point d’agir, Koan prit peur. Il réagit rapidement, il se précipita sur le Yasuki, le cachant totalement aux yeux des autres personnes présentes dans la pièce. Il lui asséna deux énormes coups de poing en plein dans la figure. Les os craquèrent, le sang gicla, mais il resta debout. Le mouvement de Matsu Aku était malheureusement amorcé. Il trancha la gorge du Yasuki.

- Putain de merde. Mais qu’est ce que tu viens de foutre, putain !

La carotide sectionnée arrosait littéralement le bushi Hida comme une pluie d’été. Le corps de Yasuki Kakuro tomba sur la malle. Koan resta posté devant et reprenant ses esprits un instant engueula son ami « Mais fais la sortir merde. » Il était couvert de sang de la tête au pied. Les vêtements du Lion étaient souillés également mais il était resté assez loin, ses mouvements étaient si rapides… Otomo Kaiseki avait crié, elle était tétanisé et sanglotante. Aku la prit par le bras et chargea Naomi de la raccompagner à sa chambre et de rester avec elle. Les serviteurs accoururent.

- Allez chercher le shugenja !

- Allons nous changer Koan, laisse les eta se charger de ça.

- Allez chercher le shugenja je vous dis !

Koan s’essuya la figure avec un pan de son kimono. Le ton monta entre les deux compagnons. A froid, l’un l’autre se serait compris, mais à chaud, comme ça, aucun des deux ne comprenait son vis-à-vis. Le Crabe était seulement hors de lui, il voulait juste maîtriser le Yasuki ; le Lion avait agit trop vite mais une représentante impériale était dans la pièce, c’était compréhensible... Le shugenja arriva, ainsi que les eta. Le pauvre homme ne voulait pas prier les kami dans cette pièce. Mais il n’eut pas de choix, il craignait de ne se prendre une mandale. Il ne trouva rien d’utile : personne n’avait touché à cette malle à part Kakuro et son adjoint, personne n’était rentré dans la pièce, rien. Peut-être quelqu’un avait-il glissé les papiers dans la manche du kimono pendant les deux derniers jours. Ca ne voulait de toutes façons rien dire, les sbires de la folie sombre ne laissaient aucune trace, rien de détectable par magie non plus. Koan renvoya le shugenja. Les eta avaient emporté le corps de Kakuro. Le magistrat Crabe quitta la chambre sans un mot ni un regard pour Matsu Aku.


**Dslée je me relis pas il est trop tard... ;)
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Re: [Récit de partie][0] Passage à Mura Sabishii Toshi

Message par Hida Koan » 02 déc. 2010, 21:49

Koan traversa le rez-de-chaussée pour se rendre aux bains. Un homme était mort, cela faisait de l’animation. Il fendit la foule de serviteurs et de courtisans agglutinés dans le hall, près du corridor donnant accès aux chambres des délégations. Tous s’écartaient devant lui : le kimono imbibé de sang frais, la mine sévère et le pas lourd, il n’était pas très engageant. Des murmures lui firent tourner la tête, il lança un regard noir aux impudents « Que faîtes-vous là ? Prétentieux vautours. Vous vous ennuyez tant qu’il faille que vous vous intéressiez à des affaires qui ne vous concernent pas ?! » Les intrigants reculèrent, une jeune samurai-ko du clan de la Grue ne put retenir un petit cri aigu, elle se cacha derrière un de ses amis. « Déguerpissez. » Le grand bushi croisa le gouverneur, qui arrivait au pas de course, ce dernier tenta de l’arrêter pour l’interroger. Sans ralentir Koan lui dit de voir tout ça avec Matsu Aku, lui devait se laver.

Les serviteurs des bains avaient tristes mines. Ils emmenèrent rapidement tous les vêtements souillés et apportèrent un baquet d’eau chaude près du magistrat dévêtu. Celui s’assit sur un tabouret, et laissa les domestiques faire couler l’eau sur sa tête. L’eau sale, rougie du sang de Yasuki Kakuro, glissa sur les dalles. Plusieurs cuves furent nécessaires pour ôter toute trace de sang de son corps. On proposa au bushi de prendre un bain relaxant, il refusa. Les heimin, bienveillants, insistèrent : « Vos vêtements ne sont pas là Seigneur, profitez au moins du bain le temps que nous allions les chercher. ». On emmena Koan dans une petite pièce à l’écart, afin qu’il n’y croise personne. Il s’assit dans la baignoire de cèdre, toujours un peu à l’étroit, comme chaque fois, dans les baignoires individuelles. L’eau était brûlante et des volutes de vapeur s’élevaient jusqu’au plafond. Une femme d’un âge avancé entra dans la pièce, suivi d’une jeune fille. L’adolescente déposa un kimono sur un tabouret de bois et sortit. La vieille femme s’approcha, vint se placer derrière le magistrat et commença à lui masser la nuque et les épaules. Après près d’un quart d’heure, le magistrat se leva sans prévenir et sortit de l’eau. La femme recula, prit un serviette et lui tendit de quoi s’essuyer. Elle resta en retrait le temps qu’il s’habille, si jamais il avait eu besoin d’aide. Il sortit de la salle d‘eau.

Les jardins étaient calmes. Koan fit quelques pas dans les allées, fuit par les courtisans qu'il avait fustigés une heure auparavant. Des conversations allaient bon train chez les hôtes du gouverneur, mais ce tarissaient évidemment lorsque le bushi approchait. Il déambula jusqu'au petit lac et attendit. Ookami retrouva son maître. Le chien s'assit lourdement par terre et entreprit méticuleusement de se nettoyer les oreilles. Les minutes passèrent, le magistrat se repassant en boucle par l'esprit les évènements vieux de deux jours. Ils avaient forcément manqué quelque chose, il ne pouvait pas y avoir si peu d'indice. Amer de ne pas trouvé d'idée salvatrice pour l'enquête, Koan suivit ce que son impulsivité lui dictait et alla trouver Otomo Kaiseki.

Il gravit les étages jusqu'aux appartements du gouverneur et notifia au garde Seppun en place qu'il avait besoin de voir la Championne d'Améthyste. On le fit entrer. La jeune femme était assise sur un dais de soie noire en face d'un écritoire, elle s'était changée elle aussi depuis toute à l'heure. Elle avait les traits tirés mais aucune émotion ne filtrait derrière son masque de bienséance. Koan s'agenouilla et inclina la tête, il prit la parole, impoli, avant qu'elle ait pu dire quoi que ce soit. Il lui dit avec véhémence qu'il était convaincu qu'il ne s'agissait pas de Kakuro, que même si les preuves pointaient sur lui, cela n'avait été qu'une mise en scène. Il parla de Kitsuki Yasu, de sa conviction également que le Yasuki était innocent. Que par dessus tout, il fallait réfléchir : Kakuro n'avait aucun mobile, rien n'aurait pu le pousser à faire ça. Il parla à demi-mots de la créature qui s'était infiltré dans sa chambre, appuyant surtout sur le fait que peu de gens seulement étaient capables de telles prouesses et que le représentant Crabe n'en faisait pas partie. A court d'arguments palpables, il engagea son honneur, Yasuki Kakuro n'avait rien à se reprocher à part avoir paniqué, il était innocent du vol et Koan s'en portait garant. Il jura qu'il trouverait le vrai coupable et laverait la mémoire de son compagnon de clan. Une fois sa diatribe terminée, le magistrat attendit quelques secondes, la princesse impériale était une statut de marbre.

Contre toute attente, en le regardant dans les yeux elle déclara "Yasuki Kakuro s'est donné la mort, n'ayant pas supporté la honte que l'accusation faite à son encontre faisait rejaillir sur son clan et sa famille. Ce fût un seppuku honorable." La mâchoire de Koan s'affaissa, il resta la bouche ouverte, cloué au sol comme un poisson hors de l'eau. "Vous pouvez disposer. Je dois avertir le gouverneur de ce dont j'ai été témoin ce jour." Un garde Seppun apparut comme par magie à côté du Hida et le raccompagna à la porte des appartements de la Championne d'Améthyste. Koan alla trouver Naomi et Aku, encore abasourdi par la nouvelle. Un seppukku honorable? Sans autre coupable? L'affaire était cousue de fil blanc... Force était pourtant de constater que l'affaire concernant Kakuro était close, personne n'irait y redire, aucun ne serait assez sot pour contredire une Otomo.
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Re: [Récit de partie][0] Passage à Mura Sabishii Toshi

Message par Hida Koan » 03 déc. 2010, 20:36

De retour dans les appartements de la magistrature, Koan rapporta l’étrange nouvelle à ces collègues magistrats. Aku et lui s’étaient regardés en chiens de faïence quelques secondes quand ils s’étaient retrouvés. Cinq ans d’amitié et de collaboration suffisaient largement à passer l’éponge sur leurs caractères emportés et leur désaccord fondit comme neige au soleil. Le Matsu n’aurait jamais agi comme le Hida, ni le Hida comme le Matsu, pourtant ils se comprenaient très bien et on pardonne plus facilement ce que l’on comprend. En revanche, ce que le trio ne saisissait pas, c’était l’étrange revirement d’Otomo Kaiseki. Tous étaient intimement convaincus que Yasuki Kakuro était innocent. Que le destin les aide à sauver la mémoire de cet homme était inattendu mais très plaisant. Cependant l’enquête était maintenant dans une impasse et sans plus d’indices que ceux déjà en leur possession, ils n’arriveraient à rien. Naomi proposa d’inspecter le lac une nouvelle fois, à part ça ils n’avaient aucune source d’information. En descendant au rez-de-chaussée, les magistrats furent happés par le gouverneur, qui leur raconta longuement sa joie de voir Yasuki Kakuro innocenté dans cette affaire. Il voulait juste savoir ce qui allait se passer ensuite. Ne sachant que dire les magistrats éludèrent la question mais durent supporter de longues dizaines de minutes les recommandations et autres encouragements de Daidoji Asinjin. Lorsqu’ils tentèrent de lui fausser compagnie, on annonça le début du repas du soir. Invités à la table du gouverneur et de la délégation impériale, Naomi, Aku et Koan ne purent se soustraire à la tâche.

[…]

Le repas avait traîné en longueur. Il avait été très protocolaire, peu se seraient permis un éclat de voix alors que la journée avait été si terrible. Les invités avaient fait grise mine, beaucoup avaient dîné dans leurs appartements. Les plats s’étaient succédés, lentement. Plusieurs cérémonies du thé avaient été proposées en fin de repas et s’y soustraire représentait quasiment une insulte au défunt : personne n’avait bougé. La nuit était déjà tombée quand tout fut terminé. C’est à la lueur des lanternes que les magistrats retournèrent près du lac. La deuxième fouille permit à la magistrate Scorpionne de mettre la main sur les vêtements portés par le voleur. Elle ne retint pas un petit cri de gloire quand elle découvrit dans un ikekomi-gata tout proche de l’eau, la tenue noire et encore légèrement humide qui avait du servir au cambrioleur. La satisfaction passée, les magistrats se rendirent compte qu’ils n’étaient pas plus avancés maintenant. Koan proposa de rappeler le shugenja. « Ce n’est pas un outil qu’on utilise à tort et à travers à la moindre envie » morigéna Aku, qui se rappelait encore comment le pauvre homme avait été traité dans l’après-midi. « On pourrait lui demander de nous montrer la vue de cette lanterne, le soir du vol, ça nous en apprendra certainement plus que la vision que nous avons eu la dernière fois » argua Naomi, avant d’insister « Tu vois une autre solution toi ? ».

Le shugenja prit son temps ; de un il était épuisé, de deux il n’avait pas envie d’être courtois avec les magistrats. L’homme arriva presque une heure après qu’il ait été mandé. Il écouta les doléances avec attention, s’installa et commença à prier. La lune reflétait sur la surface plane du bassin, se dessina enfin une scène, jusqu’alors inconnue. On voyait le jardin, un homme habillé d’une combinaison noire se déshabillait près de la lanterne de pierre. Il avait clairement le visage de Kakuro. Quand il ôta sa cagoule, de longs cheveux d’un blanc de craie en dégringolèrent. Le visage parut changer, mais aucun des magistrats n’en reconnut les traits... Nu comme un ver, les vêtements humides au sol, l’homme saisit un change, qu’il avait dû au préalable dissimuler dans l’ikekomi-gata. Il se rhabilla. Il lissa son kimono turquoise, attacha ses cheveux en une coiffure sophistiquée, cacha les vêtements noirs dans la lanterne et s’en fût calmement à travers les jardins. Le mon Daidoji adjoint de la marque du Conseil marchand, fut la dernière chose qui disparut, imprimé encore quelques instants sur l’image de la lune toute ronde.

Les magistrats étaient estomaqués, leurs visages étaient crispés. Ils attendirent patiemment que le shugenja se remette et ils le firent escorter jusqu’à ses quartiers. Naomi prit la parole rapidement. « Il y a peu de membres au Conseil Daidoji, nous en connaissons même certains, notamment le gouverneur… Cependant peu sont ici à l’heure actuelle. Le seul qui aurait pu faire ça, qui était là quelques jours mais qui n’est, très fortuitement, plus là, est Daidoji Bato. » Aku et Koan regardèrent le jeune femme, très surpris. Naomi expliqua :

- J’ai passé une soirée en ville, je vous rappelle. Vous croyez que je me tourne les pouces ? Et laissez moi vous rappeler que Kakuro nous avait dit justement que la mauvaise publicité qu’on lui avait faite de toi, Koan, avait été faite par un Daidoji…

Finalement, tout collait plutôt bien. Il y avait quelque chose encore qui faisait tiquer Koan, mais il ne savait pas quoi. Au bout de plusieurs minutes il remit la main dessus :

- On connaît Daidoji Bato ! C’est la mystérieuse personne qui nous avait donné rendez-vous ici il y a plusieurs mois et qui n’est jamais venue. La personne qui a disparu exactement quand Imoko s’est faite attaquer… Il faut absolument le rattraper. Il est parti il y a deux jours tu dis ? Il faut partir de suite !

- Il est trop tard, trancha Aku. On devra partir demain. Il a trop d’avance de toutes façons, on n’est pas à une nuit près.

- Mais…

Koan fulminait, il fallait partir le plus vite possible, il y avait certainement encore une chance de le rejoindre. C’était un bon début pour honorer sa promesse à la Championne d’Améthyste. Il fallait vraiment partir. Et rattraper ce chien de voleur… Mais surtout un homme corrompu par la Folie Noire, un homme qui avait agressé sa sœur. Le Crabe reprit un fil de pensée cohérent, sous les regards lourds de ses deux collègues.

- Tu as raison. Et puis j’ai un duel demain matin… Ca m’était sorti de l’esprit.

- Je ne te demanderai même pas comment c’est arrivé… Un jeune pédant du clan de la Grue, je présume ? Pour changer ? Essaye de ne pas trop l’abîmer… Finit Aku, les yeux au ciel.

- Je vais prévenir Otomo Kaiseki, dit Koan en partant au pas de course.

- Il est trop tard ! Siffla Naomi, le plus fort qu’elle pouvait.

Le grand bushi monta quatre à quatre les escaliers jusqu’aux quartiers du gouverneur. Il n’avisa réellement l’heure qu’il était, qu’une fois devant le shoji. Les gardes Seppun étaient en place. Malgré l’heure très tardive, de la lumière filtrait sous la porte. Sans qu’aucun serviteur ne l’ait prévenue, la Championne d’Améthyste fit glisser le shoji. Elle avait le visage très tendu et elle avait visiblement peur. Elle portait également un kimono de nuit, Koan riva son regard au sol. Il allait tout lui raconter, lui rendre compte des dernières informations en sa possession puis il se rendit compte de l’incongruité de la situation : ce n’était vraiment pas le moment. Otomo Kaiseki prit la parole la première, d’une voix un peu voilée :

- Vous vous relayez avec vos collègues devant ma porte depuis trois nuits. Seppun Amin est souffrant depuis ce matin. La chambre attenante à la mienne est vide. J’aimerais que vous puissiez y dormir cette nuit.

- Hai, Otomo Kaiseki-hime.

Il n’y avait rien d’autre à dire ni à faire de toutes façons. Elle avait peur, avait vécu une journée traumatisante, sans l’appui de son capitaine de la garde. Et puis on ne refusait pas une demande impériale… Il lui parlerait demain. Elle entra dans sa chambre comme un fantôme, le shoji glissa. Les gardes Seppun menèrent le Hida jusqu’à la chambre d'à côté. Il alluma une lanterne, poussa le futon près du shoji commun aux deux pièces et s’installa. Il passa une nuit peu reposante, assis ou allongé, ni vraiment endormi, ni vraiment éveillé, à l’affût tout de même d’un bruit suspect… Il n’y eut que froissements de soie et respiration calme : elle s’était assoupie.
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Re: [Récit de partie][0] Passage à Mura Sabishii Toshi

Message par Hida Koan » 04 déc. 2010, 14:30

Le ciel devint peu à peu moins sombre. Koan somnolait en pensant à la Championne d’Améthyste. Elle ne leur avait strictement rien dit. Malgré leurs divers entretiens, elle n’avait pipé mot sur le contenu des documents volés, ni sur les possibles mobiles de ce cambriolage. Naomi, habile dans les interrogatoires policés, n’avait rien pu en tirer. Elle ne dirait rien. Plus tard peut-être, lorsqu’ils auraient trouvé le vrai coupable. Il n’en restait pas pour autant primordial de l’avis de Koan de l’avertir sur les dangers qu’elle courrait. Il lui devait d’avoir pu innocenter Kakuro, alors même si son comportement était quasiment une entrave à la justice, elle méritait de savoir à quoi s’attendre. Cela aurait sûrement été différent s’ils ne s’étaient pas retrouvés devant une Impériale… Mais avec des « si » on mettrait Otosan Uchi en flacon. Un garde Seppun vint l’avertir que le jour était proche. Comme le Hida lui avait demandé la veille, il venait prendre la relève. Le magistrat, lui, avait autre chose à faire. L’esprit encore embrumé, il rejoint les cuisines, attrapa une boulette de riz de la veille sous les regards étonnés des domestiques et passa dans le jardin. Les oiseaux commençaient à peine à s’éveiller, Dame Amaterasu allait émerger à l’est, au-dessus de la mer. Koan sentit quelque chose appuyer contre son genou. Il baissa les yeux et vit Ookami frotter son museau contre sa jambe. Daidoji Mochiko, les yeux ensommeillés, se tenait à quelques pas.

- Tu n’aurais pas dû venir, dit le bushi.

- C’est ma faute… Et j’avais dit que je vous accompagnerai.

- Et bien soit, si ça te fait plaisir de voir cet Asahina en pleine déconfiture… C’est quelque chose que je peux comprendre, finit Koan en souriant, confiant.

Le jeune Grue lui rendit son sourire et ils se dirigèrent vers la côte. Il n’aurait pu choisir de lieu plus dramatique que la plage. Décidément ces jeunes fats étaient sans surprise. Mochiko eut le temps d’apprendre à Koan que l’Asahina se nommait Hitofu, qu’il avait suivi l’école Kakita, et qu’il vivait ici depuis l’an passé. Cela suffirait bien de toute façon… En arrivant sur le sable, les deux compagnons virent le jeune duelliste prêt, debout, les yeux fermés, visiblement en train de se concentrer. Un autre homme, plus petit et plus frêle, portant un kimono azur frappé au mon de la famille Doji se tenait un peu en retrait. Il lança un regard noir à Daidoji Mochiko, lui faisant bien sentir qu’il trouvait inconvenant qu’il assiste le Crabe. « Bien le bonjour Hitofu-san » lança Koan. Le bretteur ouvrit les yeux et sourit obligeamment. « Hida Koan-san » Le magistrat soupira sous l’insulte prévisible et vint se placer en face de l’Asahina. Le Doji s’apprêta à prendre la parole.

- Finissons-en, déclara le Crabe.

- Je suis Doji Sojiro, témoin ici du duel entre Asahina Hitofu-sama et Hida Koan-sama. Je rapporterai avec soin le résultat de…

- Dépêche-toi donc, je n’ai pas toute la matinée, l’interrompit le magistrat en faisant des moulinets avec la main.

Le Doji devint rouge pivoine et se reprit.

- Nous verrons se dérouler un duel de iaijutsu au premier sang.

Koan leva les yeux au ciel. Et alors qu’il ne s’y attendait pas du tout Daidoji Mochiko prit la parole.

- Je suis Daidoji Mochiko, témoin ici pour le Magistrat d’Emeraude Hida Koan-sama, du duel provoqué par Asahina Hitofu-san. Je rapporterai avec soin le résultat de ce combat à… qui de droit. Finit-il piteusement.

L’intention était sympathique cependant. Les deux bretteurs se tinrent face à face. Dame Amaterasu était maintenant au-dessus du niveau de l’horizon. Koan s’imaginait ne jamais commencer. Et alors qu’il se concentrait, il fut encore interrompu dans son entreprise par la voix suave de Hitofu. La colère commença à affluer. Il n’allait quand même pas perdre une heure ici. Il fallait qu’il quitte le palais au plus vite, non sans avoir revu Kaiseki. A ce train là il ne partirait pas avant cet après-midi.

- Moi, Asahina Hitofu, demande ici réparation pour l’injure qui a été faite hier à mon courage. Quand l’issue du duel sera scellée, je demande au magistrat Hida Koan des excuses publiques.

- Pour un affront privé ? Chuchota Mochiko, mais il se tût sous le regard incendiaire de Doji Sojiro.

- Moi, Hida Koan, ne demande rien ici et quand l’issue du duel sera scellée, je demande qu’on me fiche la paix. Plus de doléance ? Pas d’haiku pour marquer le coup ? On peut y aller ?

Asahina Hitofu restait étrangement calme, alors que le Hida semblait vraiment s’énerver.

Les deux témoins reculèrent, les bretteurs s’observaient, la main sur leur tsuka. Chacun faisait le vide en lui, exacerbant ses qualités et se faisant souiller par leurs défauts : la colère pour Koan et la confiance pour Hitofu. Après de longues secondes, le jeune duelliste eut une crispation légère de la mâchoire, mais il tint tout de même la posture.

Le katana jaillit de son fourreau. La lame entailla le biceps en tranchant la soie. Le mouvement de l’homme s’acheva habilement et il rengaina. Il s’inclina rapidement, seulement un signe de tête, et partit. Hitofu resta sur la plage, en se tenant le bras. Il repoussa violemment Doji Sojiro qui voulait lui porter assistance. Le sang souillait toute sa manche.
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Re: [Récit de partie][0] Passage à Mura Sabishii Toshi

Message par Hida Koan » 05 déc. 2010, 11:27

[...]

- Où étais-tu? Ca t'as pris tant de temps que ça ton duel?

Le bushi ne répondit pas, il emballait toutes ses affaires pour le départ. La Scorpionne insista.

- Eh oh? On devait partir tôt ce matin... T'as quand même pas perdu?

Koan était concentré, il pliai avec soins ses vêtements, sous les regards interrogateurs de ses deux compagnons.

- Laisse-le faire, il ne doit pas être bien réveillé, ajouta Aku sérieux. On t'attend en bas. Dépêche-toi un peu.

Tout en préparant son départ, Koan ne pouvait s'empêcher de repenser aux moments qui venaient de s'écouler. Jamais il n'aurait imaginé que les choses se passent ainsi..




Le jour était encore jeune quand je revenais, tendu, de mon duel sur la plage. Asahina Hitofu n'avait cherché qu'à éprouver sa gloire dans un duel ridicule, il avait eu ce qu'il méritait. Ce qui ne m'empêchait pas de culpabiliser. Cette propension des Grues à toujours vouloir tout régler par le sabre frôlait la bêtise. Et les amputait pour un temps de jeunes recrues valables dans le cas d'une défaite... J'espérais que son bras se remettrait vite et qu'il n'en garderait pas de séquelles, ce qui était peu sûr.

Daidoji Mochiko suivait, quelques pas derrière moi, accompagné de Ookami qui trottinait avec entrain.

- Je suis ravi que vous l'ayez emporté Koan-sama. Hitofu-san aurait du s'incliner devant votre supériorité avant qu'aucun coup ne soit porté de toutes façons, alors tant pis pour lui.

- J'aurais effectivement préféré ne porter aucun coup.

- C'est un sadique avec les chiens... Souffla mon jeune ami.

- J'avais compris.

Nous contournâmes le château pour rejoindre les bains par le jardin. Mochiko se proposa d'aller faire quérir un change pendant que j'entrais dans l'eau chaude. Tant de tension pour si peu de choses. J'espérais que Hitofu ne me tiendrait pas rigueur de ce duel. Je ne comptais pas le retrouver, dans quelques années, la rage au cœur alors que je me rappellerai à peine son nom. Peut-être le jeune Asahina ne serait-il plus friand du "sport" barbare dont une représentation avait été donnée la veille ? Cela pourrait servir à quelque chose finalement.

Dresser des pigeons pour l'art de la guerre et massacrer des chiens qui seraient bien plus utiles ailleurs, je ne comprendrais vraiment jamais le clan de la Grue. Tout était parti de travers ici. Nous avions été de nouveau confrontés à la Folie Noire. Une représentante impériale avait été agressée. Un homme innocent avait été tué. Le coupable courait toujours. Une vraie catastrophe. Heureusement, Otomo Kaiseki avait clos l'enquête, tout en préservant le clan du Crabe d'un déshonneur certain. Je lui devais une fière chandelle. Si nous avions avancé nous-mêmes cette théorie fumeuse, nos conclusions n'auraient jamais été acceptées. Je lui avais assuré de retrouver le vrai coupable et je ne faillirai pas à ma parole, tant pour racheter l'honneur de Yasuki Kakuro que pour honorer ma promesse à la Championne d'Améthyste.

Mochiko revint peu de temps après, avec mes vêtements. Il attendit patiemment que je sorte des bains tout en s'occupant de Ookami et en me racontant les deux années pendant lesquelles il s'était occupé de lui. C'était un bon garçon. Je souhaitais réellement qu'il ne reste pas vivre ici : les choses n'étaient pas claires dans cette ville. "Je dois partir ce matin, Mochiko-san. Merci d'avoir pris soin de mon chien pendant tout ce temps. Je prierai pour ta mère. Si tu as besoin de quelque chose, n'hésite pas à faire appel à moi." Je passai un kimono sobre, noir et marine, et quittai Mochiko. Il fallait que je voie une dernière fois Otomo Kaiseki.

Je lui fis porter un message lapidaire.

Je quitte le palais ce matin. Puis-je vous entretenir un instant avant mon départ?
Hida Koan


La réponse fut favorable. Kaiseki l'invitait à venir prendre le thé dans les appartements du gouverneur, où elle résidait actuellement.

Je me présentai rapidement aux portes des appartements du gouverneur. Un garde Seppun me fit patienter un instant et prévint sa maîtresse. Otomo Kaiseki attendait, dans le salon privé du gouverneur, non loin de la pièce dans laquelle j'avais dormi il y a peu. Je m'agenouillai près de la petite table sur laquelle reposait une théière fumante et deux tasses. Depuis notre rencontre, je n'avais pris les mesures appropriées à son égard en ne respectant pas à la lettre une étiquette parfaite. Depuis qu'elle m'avait gratifié d'une faveur, je ressentais le poids du remords. J'attendis donc qu'elle m'adresse la parole.

- Je vous en prie, Koan-sama.

Kaiseki s'inclina gracieusement.

La jeune femme était habillée, comme les jours précédents, d'une superposition de fins kimonos de soie déclinant dans tous les tons le violet de son titre, auxquels étaient également assortis les rubans améthyste nouant sa longue chevelure noire tombant jusqu'à terre.

Le préfixe honorifique dont elle venait de gratifier son impressionnant visiteur reflétait son sens aigu de la politesse et le respect qu'elle accordait à un magistrat d'Emeraude qui s'était notamment illustré comme Champion de Topaze, et non pas, comme Koan le savait, leur différence de rang.

- Kaiseki no Kimi. Merci de bien vouloir me recevoir... Une nouvelle fois.

Je me redressais pour regarder la Championne d'Améthyste. Aussi courte fut-elle, la nuit m'avait porté conseil et j'espérais qu'une fois encore, Otomo Kaiseki ferait confiance à mes craintes et accèderait à ma requête.

- Je ne vous cache pas que j'ai été plus préoccupé ces dernières heures par votre sécurité immédiate que par les implications possibles de l'affaire qui nous occupe. Je suis parfois trop pragmatique.

Je m'arrêtai un instant, coi, réfléchissant à ce que je venais de dire.

- En réalité, je suis tout le temps trop pragmatique...

Je ne comprenais pas vraiment pourquoi je ressentais le besoin de tout expliquer comme ça, mais mon discours n'en était que plus embrouillé. Je me saisis finalement de la théière pour en servir une tasse à la jeune femme. Je ne savais pas vraiment comment lui présenter les choses.

Kaiseki réprima un sourire en voyant l'air angoissé de la servante, qui lorsque le magistrat s'était emparé de la théière s'était instinctivement portée vers l'avant - c'était à elle de faire le service, pas à l'honorable invité...- et lui adressa un petit signe de tête rassurant. Le jeune homme était impulsif, entier, et était plus accoutumé à battre la campagne qu'aux arts de la Cour. Qui plus est, quelque chose le troublait - cela devait être grave. La veille, il lui avait exposé sans fard la situation, ce qui était périlleux pour sa famille et sa carrière, même si elle avait choisi de l'aider à préserver la réputation de son clan, en complète rupture avec les habitudes de la famille Otomo. La veille, il n'avait pas hésité.
Oui... l'affaire devait être d'importance.

- Parlez sans crainte, Koan-sama, vous ne me froisserez pas. Les affaires de la Terre sont aussi celles du Ciel.
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Re: [Récit de partie][0] Passage à Mura Sabishii Toshi

Message par Hida Koan » 05 déc. 2010, 19:08

- J'ai réfléchi. Je vous réitère mon engagement à trouver le vrai coupable car je persiste dans ma voie : je sais que Yasuki Kakuro était innocent. Mes collègues magistrats et moi avons une piste. C'est ce qui nous amène à écourter notre séjour ici. Nous partons dès ce matin. J'aimerais que vous m'accordiez le droit de correspondre avec vous afin de vous tenir au courant des avancées de l'enquête.

Je n'avais pas encore abordé les points les plus ardus de mon explication, mais au moins avais-je réussi à parler de la partie émergée de l'iceberg.

Kaiseki eut un petit geste délicat de la main. Ils avaient déjà parlé de cela, elle lui avait déjà indiqué qu'elle soutiendrait la thèse du seppuku honorable, si peu plausible qu'elle fut parlant d'un Yasuki. Elle avait conscience que quelles qu'aient été les activités de Yasuki Kakuro, ce n'était pas lui qui était venu dans sa chambre lui dérober des documents compromettants.

- Naturellement, Koan-sama.

Où voulait-il donc en venir ?

- J'aimerais également vous demander si vous accepteriez de me revoir.

Je rougis jusqu'à la racine des cheveux. Je n'ai jamais été à l'aise avec les femmes, sauf les femmes aux mœurs légères desquelles j'arrive parfaitement à me faire comprendre... Avec ce qui avait eu lieu l'avant-veille sur la jonque, j'avais peur d'avoir formulé ma phrase de manière équivoque. J'enchaînais rapidement.

- Comme j'ai essayé de vous le dire hier, je crains que le vol ait été perpétré par une personne assez spéciale. Je ne veux pas vous alarmer, mais si je devais à l'avenir avoir de plus amples informations à ce sujet, il serait préférable que je puisse vous en référer de vive voix. Et au delà de ça, sans vouloir vous faire peur, il faudrait même que nous convenions d'un signe de reconnaissance, tant par écrit que de visu.

Il ne me fallut que quelques secondes pour me rendre compte qu'une déclaration comme celle que je venais de faire devait avoir exactement l'effet inverse de celui escompté. Il est difficile de protéger une personne sans qu'elle sache réellement de quoi il retourne... Et il est plus complexe encore pour un homme comme moi de présenter une situation dangereuse sans qu'on y trouve un caractère d'urgence et de gravité vraiment palpable.
Finalement je n'avais pas mon pareil pour être limpide… J’aurais autant pu lui dire : N'ayez pas peur, vous êtes sûrement en danger. Oui, c'est certainement une créature mais rien de grave, ne paniquez pas. Il aurait mieux valu que je ne vienne pas la voir ce matin. Alors que je voulais seulement la rassurer en prenant les précautions nécessaires, je supputais que j'allais seulement arriver à me faire passer pour un fou... Ou au mieux, à la terroriser.

Je cherchais ses yeux du regard avec l'air le plus engageant que je pouvais me donner.

La déclaration initiale du jeune homme la fit sourire. Voir un samurai aussi aguerri, puissant et imposant que l'était Hida Koan rougir comme un jouvenceau était pour le moins inattendu. Mais Otomo Kaiseki savait que parfois sa beauté et son statut avaient cet effet sur les hommes.

La suite de ses explications, par contre, lui ôta toute envie de rire.

"Je ne veux pas vous alarmer" "de vive voix" "sans vouloir vous faire peur" ...Mais de quoi parlait-il, au juste ? Plus il multipliait les précautions oratoires, plus elle s'alarmait de la situation. Et pourquoi parler d'un "signe de reconnaissance" ? Ils n'étaient pas des membres du clan du Scorpion, ni l'un ni l'autre, pour aller masqués.

Dans l'univers clos, policé et cloisonné de la Cour, la jeune femme était tout à fait à son aise. Elle connaissait les enjeux et les règles, les questions de pouvoirs et de préséance, les luttes d'influences et les échanges de faveurs. Mais rien ne l'avait préparée à des incidents comme celui qui s'était produit la veille. Face à la violence, privée du soutien de son yojimbo, elle était démunie. Et l'inconnu, cette menace vague, que son interlocuteur n'osait articuler, l'effrayait au plus haut point.

- Vous pouvez bien sûr me relater en personne les résultats de votre enquête, je n'y vois aucun inconvénient, bien au contraire.

Mais...
Elle hésita.

- Pourriez-vous m'expliquer pourquoi un signe de reconnaissance serait nécessaire ?

Je regardais la jeune Otomo. Elle était extrêmement jolie, bien que dans un style tout à fait différent des femmes que j'approchais en général. Je ne souhaitais pas lui faire peur. Je ne pouvais tout lui avouer, j'en savais si peu. Je voulais qu'elle sache se protéger... Autant que possible. Son statut et sa fonction m'empêcheraient de rester avec elle assez longtemps pour lui faire comprendre la gravité de la situation. Je commençais seulement à assembler les pièces du puzzle. Néanmoins je ne pouvais pas laisser cette femme ignorante des risques qu'elle courait. Elle avait eu de la chance il y a quelques jours. J'étais persuadé que son rôle trop exposé la mettrait une nouvelle fois en danger. Elle avait pris parti pour mon clan... Aussi ridicule que cela puisse être pour certains qui chérissent l'honneur et la droiture au dessus de toute autre chose, cela avait grande importance pour moi. Savoir juger les hommes est une qualité singulière et précieuse. La confiance, si rarement accordée ici bas, est le plus pur des joyaux.

Je n'étais pas à l'aise. Je voyais bien que seule la bienséance lui permettait de ne pas ouvertement paniquer. J'étais vraiment un imbécile, incapable d'aligner trois mots sans bouleverser une dame.

- Pourquoi un signe de reconnaissance serait nécessaire? Sait-on jamais? Des fois qu'un jaloux profite de l'occasion de vous écrire ou de vous voir à ma place? Plaisantais-je.

Je la fixais en souriant et ses magnifiques yeux me transpercèrent. Je mentais très mal. J'avais au moins la délicatesse de le savoir. Je me relevais lentement, et rejoignait la fenêtre, la laissant seule devant la table basse et la théière fumante. J'arrivais mieux à me concentrer sans la voir.

- Kaiseki-hime... Je ne peux vous exposer ce que moi-même je ne comprends pas. Je sais si peu de choses que mes avertissements pourraient vous paraître risibles. J'ai été confronté depuis un certain temps à des phénomènes que je ne m'explique pas. J'en ai été le témoin et la victime.

Ma petite Imoko, c'est toi qui en avais le plus souffert. Si seulement j'avais de tes nouvelles. Ma sœur.

Le jardin était beau sous le jeune soleil du printemps. Dans quelques heures à peine, nous serions sur les routes à la poursuite d'une créature que nous ne pouvions ni nommer, ni comprendre et encore moins vaincre. Nous avancions à l'aveuglette, prisonniers d'un labyrinthe obscur, comme des égarés lors d'une nuit sans lune. Des étoiles brillaient cependant, et parfois nous entrevoyions un peu plus clairement les écheveaux de cette histoire.

Un froissement de soie me ramena au présent. Sans me tourner vers la jeune femme je continuais la voix plus basse encore.

- Nous devons convenir d'un signe de reconnaissance car ces créatures peuvent prendre toutes les formes. Je l'ai déjà vu. J'ai déjà même été dupliqué pour ainsi dire. Si nous ne mettons pas cela au point, vous ne pourrez jamais être assuré que c'est bien moi qui me tiens devant vous... Ni moi non plus d'ailleurs. Et je ne peux pas prendre le risque que la Championne d'Améthyste ne soit plus elle-même. Vous êtes trop importante.
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Re: [Récit de partie][0] Passage à Mura Sabishii Toshi

Message par Hida Koan » 07 déc. 2010, 00:18

Kaiseki porta sa main tremblante à ses lèvres. Heureusement, son visiteur ne pouvait voir pas ce signe d'effroi...

Quelle noire magie était à l'œuvre ? Quelles étaient ces créatures dont il parlait ? Etaient-ce des démons, comme ceux contre lesquels le clan du Crabe défendait l'Empire ?
"Ces créatures peuvent prendre toutes les formes..." "J’ai été dupliqué" "Que la Championne d'Améthyste ne soit plus elle-même"...

Les implications sinistres de cette affirmation, la teneur de ses préoccupations, elle commençait tout juste à les appréhender.

La terreur la saisit, elle se sentit vaciller et dut s'appuyer à la table basse pour ne pas s'évanouir. Elle glissa ses mains dans ses manches, agrippant ses avant-bras pour s'empêcher de trembler.

- Que suggérez-vous ?

Etonnamment, sa voix entraînée de diplomate ne trahissait pas la terreur panique qui menaçait de la submerger.

Je me raidis à cette question. Ce que je suggérais ? Je ne le savais pas moi-même. Je savais juste qu’il fallait essayer de réfléchir.

- Je crois que quelque chose est en train de se produire. Une force est à l'œuvre, une force que je n'appréhende pas. Jusqu'ici je n'arrivais pas à rattacher ses agissements aux affaires terrestres. Mais depuis le vol que vous avez subi ici, je crains le pire. Cette chose que j'appelle Folie Noire semble s'intéresser à vos papiers personnels.

Les faits commençant à prendre le dessus, il m'était plus aisé de communiquer. Je regardais Dame Amaterasu poursuivre sa lente ascension. Je venais de noyer le monde de Kaiseki sous les ténèbres.

- Je pense que vous ne m'avez pas tout dit. Je pense qu'on a copié les documents que l'on vous a dérobés. Et je pense surtout que c'est le rapport de vos investigations que l'on vous a volé. Ce qui me laisse croire que cette créature ou ce phénomène, je ne sais comment l'appeler, désire avoir des informations sur la prochaine cour d'hiver. Je suis convaincu que le Fils du Ciel est en danger. Et pardonnez-moi cette constatation impolie, mais je pense que vous êtes l’un des contacts les plus proches de l’Empereur à qui je puisse m’adresser pour le moment. Le Champion d’Emeraude n’est plus très friand de mes rapports depuis peu.

Une grande amertume teinta ma réplique. Je me rappelais encore notre dernière entrevue. Moi qui l’avais cru si pur et si droit, j’étais tombé de haut.

- Je vous propose donc d’être mon contact dans le monde de la Cour, un univers que je côtoie de plus en plus mais qui s’acharne à me rejeter. Comme je vous l’ai dit lors de notre soirée à la Jonque des Cinq Sens, les clichés ont la vie dure. C’est une difficile bataille dans laquelle je vous demande de vous engager. Nous nous dirigeons sûrement vers la mort, mais croyez-moi c’est la fin la plus agréable dont nous pourrions rêver…

Je revoyais ces visages lisses, froids. Je réentendais ces tonalités désincarnées dans ma tête, ces tromperies perfides. Je ressentais cette souillure, ce mal. Et ma voix finissait par trembler.

- Quand la rage retombe, Kaiseki-hime. J’ai peur.

Qu'il reparle de documents et d'information remit Kaiseki dans le domaine du rationnel et l'aida à se reprendre.
Pouvait-elle, dans les informations qui avaient été dérobées, trouver un fil conducteur ?

Les feuillets de son carnet n'avaient reflété que ses conclusions préliminaires, rien que de très prévisible sur les personnes susceptibles d'être invitées à une cour d'hiver : un avis favorable sur la couturière Asahina, défavorable sur les deux délégués du clan du Crabe, et des indications sur les autres - rien de définitif.

Le deuxième carnet dérobé était beaucoup plus compromettant, potentiellement, pour la famille Otomo, et pouvait les mettre - et elle la première - dans une situation délicate vis à vis de deux clans majeurs. Encore qu'elle se demandait pourquoi elle avait commis l'erreur d'emmener en voyage un potentiel moyen de chantage, même si l'affaire était assez ancienne. Cela, aussi, montrait que le voleur était très bien informé.

Cela dit, il n'y avait pas de points communs entre ces deux documents - hormis qu'ils se déroulaient à la cour.

Pouvait-on tenter d'avoir prise sur elle pour accéder à l'Empereur ?

Kaiseki réfléchit, et conclut à contrecœur que ce n'était pas impossible. C'était même la seule hypothèse vraisemblable. La politique familiale des Otomo de diviser pour régner n'était un mystère pour personne, même si elle était masquée sous le rituel de l'étiquette.

La Folie Noire...Nommer une chose ne la rendait pas moins dangereuse. Mais la définir la rendait, d'une certaine façon, moins inquiétante.

- Que pouvez-vous me dire de cette ...force ?

- Rien de bien utile en vérité. C’est résistant au jade. Ca craint le cristal et la sainte lumière de Dame Amaterasu. Ses sbires sont dotés d’une force surhumaine, d’un pouvoir de régénération, de la capacité de se fondre dans les ombres et ils peuvent prendre n’importe quelle apparence.

J’avais égrené ça comme mes anciens cours au dojo de Sunda Mizu Mura, comme un nouveau paragraphe entre deux oni. Le ton presque scolaire, cette récitation quasi mécanique devait choquer Kaiseki.

- Il semblerait que ça prenne possession des gens, que ça leur donne ces pouvoirs si particuliers mais que ça arrache leurs âmes. Les plus habiles d’entre eux peuvent vous promettre monts et merveilles pour arriver à leurs fins. Le pire étant je pense qu’ils sont vraiment capables de nous donner ce qu’ils promettent.

Ma voix se brisa littéralement sur ces derniers mots. Ils m’avaient promis la résurrection de mon père, celle de Kaeru. Ils m’avaient promis des terres, des honneurs et de la gloire. Ils m’avaient promis un fils et me l’avait montré, heureux dans les bras de sa mère. Ils m’avaient promis la vie qui aurait du être la mienne, si tout s’était bien passé.
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Re: [Récit de partie][0] Passage à Mura Sabishii Toshi

Message par Hida Koan » 07 déc. 2010, 22:08

Le voile s'était déchiré.
Le voile s'était déchiré, révélant une obscurité mouvante, grouillante, irradiant la malveillance à l'état pur.
Le voile s'était déchiré, et les choses ne seraient plus jamais les mêmes.

Kaiseki se sentit perdue, prise dans une tourmente qui venait de désagréger d'un coup son univers bien ordonné, comme des pétales de cerisier emportés par le vent. La peur tapie au creux de son ventre se décupla.

Ces ennemis pourvus de pouvoirs surnaturels, capables d'emprunter toutes les formes, d'accorder aux hommes leur désir le plus cher, de leur voler leur âme...Comment était-il possible de les contrer ? Comment se faisait-il qu'ils ne soient pas déjà aux rênes du pouvoir dans l'Empire ?

Que son héroïque interlocuteur partage cette peur était encore plus terrifiant.

Pourtant, à entendre sa voix se briser, elle en oublia, l'espace d'un instant, la terreur qui la paralysait. Cet homme était suffisamment courageux pour admettre sa propre peur. Cela ne le rendait qu'encore plus digne d'estime.

- Mais vous ne leur avez pas cédé, malgré leurs promesses, malgré tous leurs pouvoirs... Et l'Empire d'Emeraude continue d'exister grâce à des hommes comme vous.

Elle affermit sa voix, donnant l'illusion d'une assurance qu'elle était loin d'éprouver.

- Nous ne pouvons laisser cette chose continuer à agir. Vous pouvez compter sur mon aide.

Pour l'instant nous n'étions qu'une poignée d'ignorants, confrontés à un mal terrible et omnipotent. Mais elle m'aiderait, elle venait de me l'annoncer. Je pensais l'avoir plus choquée que cela. Son ton était catégorique, tranchant et sûr. Elle ne pouvait pas comprendre de quoi je parlais, sinon elle aussi aurait peur. Sans le vouloir, je sentais la colère monter en moi.

- Vous ne savez pas. Vous êtes un parangon de compassion peut-être, une sainte sûrement mais vous ne les avez pas vu. Vous ne pouvez pas comprendre. Vous vivez dans un monde de rêves où tout est policé, dans lequel un mot peut faire tomber un Empire. Mais je ne vous parle pas de mots.

Mes mains se crispèrent sur la fenêtre, mon corps entier se raidit et ma voix enfla.

- Je vous parle de l'angoisse et de la terreur. Je vous parle de l'horreur, celle que vous nous attribuez si bien, celle dont vous pensez, à raison peut-être qu'elle est notre quotidien. Vous pouvez faire mourir un homme d'une parole, mais quand il s'ouvre le ventre, c'est son honneur qui agit, encore une bien belle valeur qui lui permet d'avoir une digne fin. Ici, même l'honneur ne vous sauvera pas. Quand vous verrez ces choses tomber, le bras tranché, se relever un sourire aux lèvres et le membre qui repousse, les vertus du bushido ne vous seront d'aucune aide. Vous fuirez pour votre vie, vous vous carapaterez l'honneur en berne. Entre chaque confrontation, je pense à la sauvegarde de l'Empire, c'est ce qui motive ma traque. Mais quand je les trouve, je ne pense qu'à ceux que je protège. Et si une fois là vous restez, ce sera pour quelqu'un, quelqu'un de proche, quelqu'un que vous aimez. C'est comme cela qu'on se bat. Ne vous réfugiez pas derrière le Code, cela ne suffira pas.

Je tapai dans le mur. J'entendis qu'elle avait étouffé un hoquet. Sa réaction mit en exergue ma brutalité. J'étais allé bien trop loin.

Je me détournais de la fenêtre. Je vis le shoji se refermer subrepticement, la servante était sortie. Elle était encore assise devant la table basse. Je vins m'agenouiller juste à sa droite, très proche d'elle, le front sur le tatami. Je n'osais pas la regarder.

- Sumimasen o-kudasai, Kaiseki-hime.

Je tremblais, de rage, de peur et de je ne sais quoi encore. Elle éveillait en moi des sentiments ambivalents et je gérais mal tout cela. Le trouble qui m'agitait appelait des souvenirs très heureux, mais tous avaient un arrière-goût de cendres.

Un bruit léger, à peine perceptible, lui fit lever la tête. Elle pleurait.

- Pardonnez-moi, Koan-sama...

Elle luttait, désespérément, pour retrouver sa maîtrise d'elle-même.

- Je vous demande pardon, vous devez me mépriser pour ma faiblesse...Mais vous êtes un homme, vous avez un courage que je n'ai pas...que je n'ai jamais eu.

Comment aurait-elle pu lui parler de la peur terrible qui était tapie en elle ? Comment pouvait-elle lui faire comprendre à quel point elle se sentait démunie ?
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Re: [Récit de partie][0] Passage à Mura Sabishii Toshi

Message par Hida Koan » 09 déc. 2010, 20:56

Je me redressais pour lui faire face. Elle paraissait si frêle perdue sous ses multiples couches de kimono et ses larmes creusaient un sillon ardent dans mon cœur. Entre l'obligation de préserver les membres de la famille impériale, le respect dû à son éminente fonction, la sympathie qu'elle m'avait témoignée et une indéniable beauté, il était très ardu de résister à Otomo Kaiseki. J'avais envie de prendre soin d'elle. Puisque je pouvais encore le faire. J'avais perdu des amis, j'avais perdu ma soeur, les semaines que je venais de passer à être tour à tour proie et chasseur m'avait usé jusqu'à la corde. Je ne pouvais m'ôter de la tête que ce n'était qu'un début. L'ampleur de la tâche me paraissait plus rude encore que n'importe quel combat que j'avais déjà pu mener. Comment triompher du néant ? J'avais l'impression de batailler contre le vent et de ne me sentir exister qu'en protégeant quelqu'un. C'est moi qui avais besoin de réconfort et pas elle. Je me sentais si pitoyable d'éprouver une telle faiblesse. J'étais un protecteur sans personne à défendre. Et j'étais perdu.

Jamais je n'avais eu envie de toucher une femme autant que celle-ci depuis Kaeru. Il y avait bien évidemment eu des femmes, des tas de femmes : des servantes, des paysannes, des prostituées, même une geisha. J'avais eu des aventures d'un soir avec des samurai-ko inconnues. Nous nous traitions d'égal à égal : juste une soirée pour décompresser un peu, bien loin de la pudeur qu'on attribue en général aux gens de notre caste. Chaque moment était différent mais tous restaient superficiels. On évacuait les tensions. Alors que faire l'amour pour l'espoir, pour ne pas sombrer dans le néant, c'était beaucoup plus fort. Quand la terreur et l'angoisse te submergent, il n'y a que ça pour te lier au Ningen-do : une communion des corps pour sauver les âmes errantes.

En posant mes yeux sur Kaiseki, je me rappelais cette expérience forte avec Kaeru. Nous n'étions pas mariés, nous ne le fûmes jamais. Nous venions d'essuyer un assaut dévastateur sur le Mur. La moitié de nos amis avaient trouvé la mort cette nuit là. Nous avions passé plusieurs heures à tenir les remparts, à défendre nos archers d'affreuses créatures ailées. C'était une fois de plus une agression sans autre but que de décimer nos rangs. Il avait fallu que nous empêchions les monstres d'aller battre la campagne Crabe et massacrer nos paysans. Quand tout avait été fini, nous avions ramassé les morts et traîné les blessés vers l'infirmerie. L'effroi était sur tous les visages et la douleur dans tous les coeurs. Une fois nos plaies pansées, Kaeru et moi avions fait quelques pas sous la bruine, pataugeant dans la boue gorgée du sang des nôtres. J'avais vu la peur et le désir dans ses yeux, nous devions oublier. Dans la confusion la plus totale, nos corps avaient pris le relais. Nous avions succombés. Juste là dehors, juste contre ce putain de Mur, sous une poterne. A peine déshabillés, elle m'avait plaqué contre la pierre. C'est là, presque aux yeux de tous que nous nous étions offerts l'un à l'autre. Personne ne disait rien, personne n'avait rien à dire. Quand on vit avec l'horreur, on trouve du soulagement partout où l'on peut. Cela avait été rapide, violent et libérateur... Mais ce fût aussi plus doux que le miel.

- Si vous aviez été lâche, vous m'auriez fait jeter hors de ces murs à la première mention de la Folie Noire, de peur que je ne chamboule trop votre vie. Vous m'avez écouté jusqu'au bout. Je viens de détruire votre monde et vous pleurez à peine. Il n'est de plus évidente leçon de courage.

Cette dernière réplique rompit la digue. Kaiseki sanglota sans bruit, comme elle n'avait pas pleuré depuis qu'on l'avait confiée, encore enfant, aux mains des implacables duègnes de la cour, qui avaient pour tâche d'en faire une princesse impériale, connaissant à fond toutes les subtilités de l'étiquette, la façon parfaite de prendre le thé, de saluer, de sourire. C'était trop, trop d'un coup, et l'éloge qu'il venait de faire appuyait juste là où ça faisait mal.

Ses larmes brûlantes coulèrent, une à une, le long de ses joues. L’un d’elle tomba sur la main du bushi. La tête baissée, ses longues mèches noires coulant le long de sa figure, elle ne faisait aucun geste pour les retenir.

Sa figure inclinée vers l'avant, la jeune femme laissait couler ses larmes sur ma main toute proche. Je l'avais blessée bien plus que je ne l'aurais souhaité. Dans un geste qui me vaudrait certainement un coup de sabre de n'importe quel garde Seppun à portée, j'approchais ma paume de son beau visage pour en essuyer les larmes. Elle avait la peau brûlante et ses lèvres tremblaient. Je relevais sa tête en la tenant par le menton. J'étais agenouillé, le visage au dessus du sien. Je ne voulais pas avoir l'air menaçant ou hautain... J'étais juste plus grand. M'occuper de quelqu'un calmait ma colère. Je restais cependant très tendu.

Elle me regarda enfin, tout en pleurant. Elle avait les yeux si profonds que je me perdais dedans. Elle ressemblait à Kaeru, bien qu'elle soit beaucoup plus apprêtée. Mes doigts glissèrent de sa mâchoire vers l'arrière de sa tête.

- Vous avez les cheveux tout trempés. Laissez-moi arranger ça.

J'essayai de remettre tant bien que mal, les mèches brunes échappées de sa somptueuse coiffure derrière ses petites oreilles. Elle avait les cheveux légers et doux comme de la soie. Ils dégageaient une odeur délicate de fleur. Mon pouls s'accéléra et ma respiration se fît un peu hachée. J'étais bien plus proche d'elle que ce que la bienséance me permettait.

- Vous sentez bon.

Bravo Koan. Très beau compliment... Ce n'est certainement pas avec ça que j'allais arrêter de la faire pleurer.

- Ne pleurez plus. Je suis vraiment navré.

La tendresse du geste la saisit, la figeant sur place, tremblante, un oiseau fasciné surpris par un prédateur. Jamais, au grand jamais, un courtisan ne l'avait touchée ainsi. Son yojimbo ne l'aurait pas permis. Bien longtemps avant, Seppun Amin serait intervenu, calme et efficace, matérialisant autour d'elle le cercle invisible et sûr de sa protection. Mais il était cloué au lit, et sans un ordre explicite de sa part, ou un appel à l'aide, les gardes Seppun n'interviendraient pas dans ce qui restait un entretien privé.

La sensation de sa large paume contre son visage, contre sa tête. Il était encore plus impressionnant vu de près. Que cette force, cette rudesse, cette colère, cette violence, puissent se mâtiner de douceur était d'autant plus saisissant. Elle savait intuitivement que s'il l'avait voulu, il aurait pu lui briser la nuque d'un simple mouvement de poignet. La disproportion physique entre eux était telle qu'elle annihilait en elle toute velléité de résistance, toute prétention de contrôle. Même si elle l'avait voulu, elle n'aurait pu crier. C'était très déstabilisant. Elle comprit soudain que les règles habituelles auxquelles elle s'était fiée n'avaient plus cours dans cet univers brutal dont la noirceur venait de lui être révélée - cet univers qui était le sien.

Renonçant à comprendre ce qui se passait en elle, elle s'abandonna, appuyant sa tête contre sa poitrine, et glissant sa petite main blanche contre son flanc. La chaleur de ce corps solide, ses battements de cœur, étaient infiniment rassurants. Avec un tel bouclier, rien, ni personne, ne pourrait lui faire de mal.
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