[Nouvelle] Mélancolie nocturne

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Kyorou
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[Nouvelle] Mélancolie nocturne

Message par Kyorou » 12 juil. 2007, 10:36

Ce soir, ils essayeront de me tuer.

Cette certitude me remplit d’une certaine sérénité alors que, une main posée sur la porte coulissante, je contemple mon jardin qu’envahit peu à peu la nuit. En ce moment, les assassins sont probablement en train de fourbir leurs armes et de parfaire leur plan d’attaque. Bientôt, ils se glisseront dans les rues de la Cité des Mensonges pour venir mettre un terme à ma vie. Plus tôt dans la journée, l’un d’entre eux, parti il y a près d’un mois, les a rejoint. Les informations qu’ils a ramenées ont dissipé leurs derniers doutes.

Je les sais impatients. Pendant des semaines, ils m’ont épié, surveillé. A présent, ils savent qui je suis et ils n’attendront pas plus longtemps.

Amaterasu disparaît derrière le mur d’enceinte de la demeure. Ce n’est plus à présent qu’une question de minutes. J’ai renvoyé mes serviteurs. Ce qui va se passer n’aura pas de témoins.

Je vide ma coupe de saké et la pose sur la table basse. Je détesterais mourir avec la gorge sèche. Je fais quelques pas dans le jardin et tire mon katana. Quelques passes pour chauffer mes muscles et je me mets en position, face à la maison, l’acier volé dans une main et le saya dans l’autre. L’instant est parfait.

Plus tard, le tintement d’une clochette me parvient. Ils sont dans la maison, fouillant pièce après pièce, dans l’obscurité. Ils ont été alertés par le bruit et doivent se douter que je les attends. Peut-être ont-ils peur. D’un moment à l’autre, l’un d’entre eux m’apercevra. J’inspire profondément et l’odeur d’une soirée d’automne me parvient, réveillant son lot de souvenirs, que je chasse de mon esprit. L’heure n’y est pas.

Les voilà qui sortent par la porte que j’ai moi-même franchie tout à l’heure, presqu’en silence. Ils se mettent en position de combat eux aussi, formant un arc de cercle face à moi, l’un d’entre eux en retrait. Bien qu’il fasse très sombre, je n’ai aucun mal à les reconnaître grâce à leurs gestes, leurs odeurs. Shiba Kuro est le plus proche de moi, à ma gauche ; il est le meneur du groupe. A son côté se trouve Yogo Akane, sa maîtresse. Si je meurs ce soir, je tuerai au moins l’un des deux, afin de préserver leur amour de l’érosion du temps. En retrait, Asahina Sashiro, récemment rentré en ville. Le parchemin dans sa main renferme une menace non négligeable, probablement le sort Frappe de Jade. A sa gauche, Kitsu Yama. Celui-là a peur ; je peux le sentir. Il hésitera. A ma droite, Hida Shinji, les yeux plissés par la haine. 5 yoriki au total, décidés à débarrasser Rokugan de ma présence. Il y a de la poudre de jade sur leurs armes.

Pas un mot n’est échangé. Ce serait superflu. Ils savent qui je sers, que j’ai volé cette identité, ce daïsho, que je suis derrières plusieurs machinations visant à affaiblir le Clan du Crabe, que deux cellules d’Adeptes du Sang prennent leurs ordres de moi. Ils ne comprennent rien mais croient en savoir assez. Ne disposant pas de témoins, ils en sont réduits à tenter de m’assassiner. Je prends une inspiration.

Ils attaquent. Kuro, Akane et Shinji, en tenaille. Shinji est légèrement plus rapide. Yama a hésité. Le Crabe est presque sur moi lorsque je fais appel au pouvoir de la Souillure et lui crache au visage un liquide corrosif. Je bondis en arrière et il frappe dans le vide. Le Crabe aveuglé gêne Akane. Le Phénix est seul face à moi. Je bloque son coup avec mon saya et lui enfonce mon sabre en plein cœur. Je le dégage sans attendre. Akane et Yama sont sur moi. Je pare les deux coups, avec le katana et son fourreau. D’un geste brutal, je repousse Akane sur plusieurs métres, esquive la seconde attaque du Lion. Je lui fait face. Mon regard le fige un instant. Je le décapite. Le Crabe est à genoux, les mains sur le visage. Akane revient à la charge. A ce moment, le sort de Sashiro me frappe et la douleur m’inonde, alors que l’énergie de la terre réagit avec la Souillure dans mon corps. Je pousse un bref cri mais il en faudrait plus pour m’abattre. Akane frappe mais mon attaque traîtresse la surprend. Mon saya disloque sa cage thoracique dans un bruit de branches cassées et elle s’effondre. Je dispose rapidement du Hida d’un coup dans la nuque et me rue sur le shugenja. Celui-ci peine à tirer son katana. Je marque un temps d’arrêt, sans savoir pourquoi. Il tire son arme et attaque, la bouche ouverte sur un cri de guerre silencieux. Trop lent. Mon katana s’enfonce profondément dans sa poitrine.

J’expire.

Je suis seul. Les 5 yoriki gisent là où ils sont tombés. Je parcours la scène des yeux mais ne parviens pas à regarder directement les corps de mes ennemis. Leurs yeux ouverts sont des gouffres sans réponses. Comme à chaque fois, la tristesse m’envahit et je ne tente pas de la chasser. Ils sont morts sans avoir rien compris. J’aurais aimé qu’ils comprennent.

Je rentre dans ma maison et j’y prends le bagage que j’avais préparé plus tôt. Mes ennemis ont probablement prévu l’éventualité de leur mort et laissé derrière eux un écrit faisant part de leurs soupçons, que leur disparition confirme. Je dois partir.

Onnotangu se lève alors que je me glisse dans les rues, avec mon ombre pour seule compagne.
In wartime, truth is so precious that she should always be attended by a bodyguard of lies.
Winston Churchill

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