(nouvelle) Bushido, variation

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matsu aiko
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(nouvelle) Bushido, variation

Message par matsu aiko » 22 nov. 2006, 23:27

Histoire de profiter de la pause imposée par le transfert de la Voix, voici une petite variation inspirée par la nouvelle de Pénombre, Bushido. Cela n’a aucune prétention, et je sais parfaitement que cela n’est pas à la hauteur de l’original. Merci donc de bien vouloir prendre ce texte pour ce qu’il est : un hommage. :jap:


Nous avons attaqué les troupes du Clan du Crabe. Comme je l’avais prévu, la bataille n’a pas duré longtemps. Dans le dernier carré, il y avait trois samouraï Hida et une rônin, d’allure plutôt piteuse à coté des combattants Crabes grands et massifs. J’ai demandé à ce qu’on m’amène les survivants.

Le samouraï du Clan du Crabe est stoïque, le regard calme, impavide malgré sa blessure. Je le jauge du regard. Celui-ci se laissera tailler en petits morceaux plutôt que de céder. Dommage…

D’un geste, je leur fais signe de l’achever.

Je me tourne vers la rônin, l’autre survivante. Sa cuirasse est en miettes, son kimono brun en lambeaux, elle est couverte de sang des pieds à la tête – probablement le sien et celui des autres. Une large coupure lui a ouvert le flanc, d’où émerge le blanc de ses côtes brisées. Son épaule gauche ne vaut guère mieux. Dans son visage dur marqué par la guerre et les années, sa joue est à moitié dévorée par la souillure, mais au-dessus son regard sombre flamboie d’une fureur volcanique.

Je souris. Sa colère est mon alliée.

Enfin, une recrue potentielle.

Mon sourire produit l’effet habituel. La colère disparaît de ses yeux, comme une flamme qu’on souffle, remplacée par une sourde inquiétude.

- Qui êtes-vous ? » souffle-t-elle, les dents serrées.

Premier aveu de faiblesse.

- Je suis ton nouveau seigneur. »

Je souris un peu plus largement, la dominant de la taille et du regard, imposant, exigeant la terreur qui est mon dû. Mais sa réaction est différente, et intéressante. Elle se débat avec sauvagerie, réussit à libérer son bras et plonge brutalement son tanto dans son ventre.
Les deux sbires qui l’encadrent s’efforcent de le lui arracher des mains. Ils ne croisent pas mon regard pour ne pas encourir plus avant mon déplaisir, et se tassent un peu sur eux-mêmes - ils savent ce qui les attend pour une telle négligence. La rônin lutte silencieusement, férocement, pour la possession du tanto.

La futilité de cette lutte m’amuse. Ceux qui veulent mourir sont les plus faciles à briser.

Je m’approche d’elle, et je plonge mes ongles dans la blessure béante du flanc. La souffrance déforme ses traits, elle gémit et relâche sa prise sur l’arme. Je sais comment un simple attouchement de ma part peut être douloureux pour autrui. Dans une blessure, c’est comme du feu liquide.

- Oh non, tu ne vas pas t’en tirer si facilement » murmuré-je à son oreille, presque avec tendresse.

D’un geste je referme ses blessures. Cette fois la peur, la vraie, l’envahit.

* * *

Elle a fini par craquer, bien sûr. Cela n’a même pas été très difficile. J’ai une longue expérience de ce genre d’exercice déplaisant, indispensable pour renforcer nos troupes. Et ce que je lui ai fait subir n’est rien par rapport à ce que j’ai enduré quand mon maître a fait de moi ce que je suis.

Les premiers temps, elle était hagarde, une somnambule marchant sans voir, son regard brouillé de larmes invisibles. Puis cette phase est passée, comme je savais qu’elle passerait, pour être remplacée par une sorte de sombre résolution. Elle ne dit pas un mot, mais obéit rapidement et efficacement à mes ordres.
De temps à autre, je surprends une expression d’indescriptible dégoût sur son visage. Elle se hait encore plus qu’elle ne me hait, moi.

C’est exactement là où je voulais l’amener. Je ne m’étais pas trompé sur son potentiel.

* * *

J’ai fait signe à mes troupes de s’arrêter. Il y a un avant-poste assez important de l’autre côté de la butte, et je veux étudier la situation avant l’attaque. La peur fait partie de nos armes les plus efficaces. Il faut que nos adversaires sentent venir leur mort. Cela demande un minimum de préparation - et de mise en scène.

C’est l’odeur de la fumée qui me tire de ma transe. Ca, et le vent glacé qui s’engouffre brusquement par le pan de la tente à la suite de la rônin. Elle fonce droit sur moi, sabre au clair. Derrière elle, un corps étendu.
Esquiver son attaque est un jeu d’enfant. Je suis plus intrigué qu’autre chose. Dehors, des cris d’alerte retentissent.
Après avoir esquivé une nouvelle attaque, j’intercepte son sabre de ma paume nue, et le lui arrache des mains avec un sourire presque tendre. Ses yeux s’écarquillent, elle se recule, se baissant pour ramasser son arme, sans me quitter du regard.
Mes troupes font irruption à cet instant et l’attaquent aussitôt, chagrinés d’avoir été pris en défaut.
Les cris à l’extérieur me font comprendre que la sentinelle n’est pas la seule à être passée de vie à trépas, et que pour faire bonne mesure, elle a dû mettre le feu aux tentes.

Le combat s’engage, inégal. Il faut lui reconnaître une vertu, elle sait se battre. Utilisant chaque avantage du terrain, elle fait voler son sabre de tous côtés et découpe bras, jambes et autres appendices plus ou moins déliquescents avec une facilité déconcertante. C’est une véritable boucherie, et j’en ai vu un certain nombre. S’il ne s’agissait pas de mes hommes, j’applaudirais presque la performance.
Puis l’oni aux yeux à facettes arrive, et c’est une autre danse. Elle se défend bien, le blesse à deux reprises, mais il finit par avoir le dessus et elle s’effondre – juste un autre tas de chair et d’os broyés.

Je m’avance, insoucieux de l’incendie. Cela fait longtemps que les flammes ordinaires n’ont plus d’effet sur moi.
Il faut qu’elle meure d’une façon ignominieuse, pour faire un exemple. C’est une question de principe. Pas question qu’elle donne des idées aux autres.
A mon approche, elle se redresse péniblement. Pas à dire, elle a du cran. Je lui accorde cet instant de dignité, avant de lui faire subir la souffrance que moi seul suis capable d’infliger. Du sang coule de sa bouche. Elle tient toujours son sabre.
Le sang qui obstrue sa gorge ne masque pas la joie sauvage de sa voix, ni la lueur de triomphe de son regard quand elle crache :

- Je ne sers…qu’un seul maître. »

Puis la lame de son sabre remonte vers sa gorge.

Tout autour de nous, le bruit de l’armée ennemie en marche.

* * *

Cela ne s’est pas arrêté là, bien sûr. Je n’ai pas vécu – survécu – aussi longtemps sans avoir appris quelques petites choses.

D’abord, il fallait s’occuper de nos adversaires.
Bien que nous n’ayons pas eu cette fois la surprise pour nous, la bataille a finalement tourné à notre avantage. L’avant-poste n’est à présent qu’un tas de ruines fumantes, et tous ceux qui le défendaient sont à présents à l’état de cadavres, même si nous avons eu pas mal de pertes.
J’ai veillé personnellement à ce qu’il n’y ait aucun survivant. Qu’ils aient eu l’audace de nous attaquer exigeait un traitement exemplaire.

Je suis revenu ensuite vers l’endroit où je l’avais laissée – roulée en boule, impuissante, tremblant de tout son corps, transpercée par la souffrance comme un papillon épinglé.
J’ai fait ce qu’il fallait, calmement, avec soin, avec précaution. J’ai pris mon temps. Ses cris ont résonné pendant des heures dans les collines désertes, jusqu’à ce qu’elle n’ait plus la force de crier et que l’on n’entende plus alentour que les craquements du brasier agonisant. Elle a mis très, très longtemps à mourir.

Je survole du regard mes troupes, aucun n’ose broncher, même la Licorne. Ils ont bien assimilé la leçon, l’objectif est atteint. Je plisse les yeux, satisfait.

Alors que nous quittons les lieux, ne laissant comme vestiges de notre passage que ces cadavres éventrés et noircis, ces tisons fumants, mes pensées vagabondent.

Je comprends la raison de son geste. Que je n’ai pas su l’anticiper me démontre à nouveau que j’ai toujours à apprendre de nos ennemis.

Bien qu’elle se soit réfugiée derrière le prétexte de son devoir à un seigneur absent, elle l’a fait pour rester fidèle à elle-même – à celle qu’elle était.
Cela n’a pas épargné une seule vie de nos adversaires, et tout juste causé quelques pertes supplémentaires de notre côté. Elle n’y a rien gagné, qu’une mort ignoble sous la torture.
C’était un geste parfaitement inutile.

Mais les choses qui ne sont pas nécessaires sont, par là-même, les seules essentielles.

Elle, en revanche, ne m’a pas compris. Si elle avait eu autant de respect pour moi que j’en avais pour elle, elle ne se serait pas rebellée, elle m’aurait aidé.

Après tout, sa tâche a été facile.
Il lui suffisait de suivre la voie montrée par ses pères, ce code qu’ils ont été jusqu’à graver – par crainte de l’oublier, peut-être – sur le fourreau des sabres que j’ai lancés dans les flammes. Trois caractères presque effacés qui ont terminé dans le brasier leur brève existence: Devoir, Honneur, Commandement.

Elle a eu la chance, au moins, de vivre son idéal, et de le regretter avec suffisamment de force pour faire ce choix suicidaire.

Ma tâche est autrement plus compliquée. Il me faut imaginer quelque chose que je n’ai jamais connu, à travers un jeu de miroirs déformants. Trouver mes propres réponses.

Un poisson peut-il rêver des nuages ? La lune peut-elle rêver de l’arc-en-ciel ?

Un instant, j’éprouve un sentiment de jalousie, ou peut-être de haine, une souffrance imprécise, une sensation de manque, comme un membre fantôme.

Cela ne dure pas, c’est juste un élément de réflexion complémentaire, que je note avec un peu d’étonnement. J’ordonne à mes troupes de se mettre en route.

Mon chemin n’est pas simple, je l’ai toujours su. Et je ne bénéficie pas d’un guide.

Il me faut inventer ma propre voie.
Dernière modification par matsu aiko le 05 déc. 2006, 22:32, modifié 1 fois.

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Message par matsu aiko » 02 déc. 2006, 16:54

Chapitre 2 - La question

J’ai parfois l’impression étrange et tenace de ne pas être seul. Et je ne parle pas des murmures omniprésents de mon Maître – ce monologue ininterrompu et maniaque qui est devenu un bruit de fond que je remarque à peine.
Non, c’est plutôt comme s’il y avait quelqu’un, juste derrière mon épaule, qui me regardait. Une présence familière, si proche que je peux presque la sentir, la toucher, lui parler. Un autre moi-même, dont je comprends les moindres pensées, et en même temps subtilement différent, plus accompli, plus achevé. Alors que je m’interroge, il affirme. Alors que je cherche, il construit. Alors que ma lame est nue, la sienne porte les mots qui définissent sa destinée.
C’est assez troublant, comme de se regarder dans un miroir et de constater que votre image ne copie plus vos gestes, qu’elle est soudain devenue autonome, et n’a plus besoin de vous pour mener sa propre existence. Voire, qu’elle vous sert de modèle – que c’est vous qui êtes devenu son image. De quel côté, en fait, est le miroir ? Peut-être n’y a-t-il pas de miroir, seulement la juxtaposition de deux destinées qui se trouvent, un temps, avoir le même visage.

Je contemple le champ de bataille, les terres dévastées, les cadavres épars. Est-ce la millième fois que je vois ce spectacle, la dix-millième ?
Nos adversaires sont toujours là, et je continue à faire ce dont je suis chargé – les affronter, les briser, les anéantir, petit à petit. Mais je me sens curieusement étranger à cette scène de désolation et de massacre qui est un si parfait résumé de mon univers. Quelque chose manque, et je ne sais pas quoi.

En attendant, ce ne sont pas les cadavres et les têtes empilées qui vont me répondre. Ils se sont bien battus, ceux-là. Ils se sont laissés tailler en pièces plutôt que de s’enfuir, malgré la terreur qui devait leur tenailler le ventre.
Des ennemis dignes de mon estime, mais on ne peut plus morts.

Quelle est donc cette force qui les meut, cette force qui les rend capables de faire face aux pires abominations que je peux lâcher sur leurs têtes ? De mourir avec courage et dignité, malgré leur fragilité et leurs faiblesses ? Toujours cette même question, lancinante.

J’arpente, morose, les rochers éclaboussés de sang. Pas un seul survivant. Ah si, il y en a un qui respire encore, là-bas.
Je me rapproche et attrape le samouraï du Clan du Crabe par l’épaule, en le secouant un peu. Ses yeux révulsés roulent dans ses orbites, le regard voilé. Il est inconscient, ou presque. Je serre un peu plus fort, la douleur le réveille un peu, il geint. Je perçois les battements de son cœur : lents et irréguliers. Il a perdu beaucoup de sang, il ne va pas tarder à y passer.
Je n’hésite pas.Traversant d’un coup l’armure et la peau, je plonge la main au milieu de sa cage thoracique et commence à presser son cœur de façon rythmique. Sous le choc, les yeux du bushi s’écarquillent et me fixent, sa bouche s’ouvre sur un cri muet, et il a un violent sursaut de tout son corps, comme un poisson ferré qu’on vient de sortir de l’eau.
Ah, j’ai son attention à présent.
Je m’adresse à lui, la voix douce, précise, mon avant-bras toujours engagé dans sa poitrine jusqu’au coude.
- Bushi.
Ses yeux sont exorbités, une écume sanglante coule de ses lèvres. Son expression est au-delà des mots.
- Dis-moi, bushi, qu’est-ce qui vous fait tenir ?
Pas de réponse.
Pour l’encourager, je presse un peu plus énergiquement, sans me soucier du sang qui coule à flot de sa poitrine éventrée. Il a un cri étranglé.
Bien. Ses cordes vocales sont toujours opérationnelles.
- Parle. Explique-moi pourquoi vous avez continué à vous battre même en sachant que vous n’aviez aucune chance de l’emporter ?
Il me fixe toujours avec cette expression hallucinée. Le flot de sang commence à se faire plus paresseux. Il vaudrait mieux qu’il se dépêche de répondre.
- P…p..
- Oui ? » dis-je d’un ton encourageant.
- P..pourquoi…
Je réprime un mouvement d’impatience. Je suis tombé sur un philosophe, ou un demeuré, c’est bien ma veine. Je répète ma question, patiemment. Ses lèvres sont presque bleues, à présent, dans son visage maculé et livide. Il a une sale gueule.
- Mais …pourquoi…
Je ne saurais jamais ce qu’il tentait de dire. Il s’immobilise, inerte. Malgré mon massage cardiaque improvisé, le cœur vient de lâcher.
Je le laisse choir. Et merde. Encore raté.
Soit je les récupère vivants, ils me cèdent et deviennent des esclaves de plus, qui ne m’apprennent que leurs défauts et leurs faiblesses, soit ils résistent, et meurent.
Aucune solidarité.

Ce n’est pas que je sois particulièrement insensible, méprisant ou cruel, en tout cas tel que l’on définit ces attributs de ce côté du Mur. C’est simplement que je suis fatigué, tellement fatigué de ne pouvoir obtenir les réponses aux questions que je me pose.
Si je ne comprends pas nos ennemis, comment puis-je comprendre ma destinée ?

* * *

Aujourd’hui, pour la première fois depuis longtemps, j’ai eu un frisson d’anticipation. Les troupes habituelles du Clan du Crabe étaient accompagnées de samouraï du Clan du Dragon, et parmi eux se trouvait un petit vieux en robe, passablement incongru au milieu des combattants en armure vert et or. Dès que je l’ai vu, j’ai ordonné à nos troupes de le capturer, en insistant un peu, comme je sais le faire. Celui-là, je le veux vivant.
Mission accomplie. Ils me l’ont amené. Evidemment, il y a eu quelques pertes supplémentaires chez nous. Mais des gobelins ou des zombies, c’est aisément remplaçable.

Le petit vieux est maintenant là, debout dans ma tente, et je le regarde avec un mélange d’intérêt, de curiosité et de convoitise. Il n’est pas trop abîmé, et n’a pas l’air particulièrement effrayé, ce qui me semble très prometteur.
Peut-être, enfin, vais-je savoir, vais-je comprendre.
- Moine ! On dit que ceux de ton espèce sont sages, est-ce le cas ?
Le petit vieux a une voix haut perchée, fluette, assortie à son corps maigrichon, mais néanmoins claire et assurée.
- Le sage se connait et ne s’exhibe point. Il ne se glorifie pas mais son mérite sera reconnu.
Je suppose que ça veut dire oui.
- Bien, je vais mettre ta sagesse à l’épreuve.
Il ne montre pas le moindre signe d’effroi. J’ai une bouffée d’espoir.
- Quelle est cette chose qui fait que les samouraï de l’Empire combattent et meurent avec courage et dignité, cette chose qui les fait tenir au-delà de tout espérance ?
- Elle est différente pour chacun. Mais chaque question contient sa réponse, seigneur Akutenshi.
Je réprime un geste d’agacement. Je ne suis pas ici pour l’entendre débiter des platitudes déguisées en aphorismes.
- Cette chose, quelle peut-elle être ? Donne-moi des exemples.
Il reste un instant silencieux.
- Il y a la loyauté, et la détermination. Au-delà de la loyauté, il y a le devoir. Au-delà du devoir, il y a la justice. Au-delà de la justice, il y a la bonté. Au-delà de la bonté, il y a la vertu. Au-delà de la vertu, il y a le Tao.
On dit aussi : Trente rayons convergent au moyeu, mais c’est le vide médian qui fait rouler le char. Ainsi le Tao est-il au centre de toutes les voies.
C’est toujours le problème quand on pose des questions, on risque d’avoir des réponses. Mais je saisis l’idée, je crois, et je décide de creuser.
- Qu’est-ce que le Tao ?
- Le Tao qu’on tente de saisir n’est pas le Tao lui-même. Le nom que l’on veut lui donner n’est pas son nom véritable. Le Tao est comme un vase que l’on ne remplit jamais. Il semble très profond, il parait durer toujours. Vide, imprévisible, immortel, voilà trois vertus du Tao.
Devant mon regard de perplexité, il poursuit :
- Le Tao est quelque chose de fuyant et d’insaisissable. Fuyant et insaisissable, il est cependant quelque chose. Profond et obscur, il contient une sorte d’essence. Cette sorte d’essence est très vraie et comporte l’efficience. Le Tao n’agit pas, et pourtant tout se fait par lui.
Je ne sais pas si c’est profond, mais c’est certainement obscur. Quel charabia ! Néanmoins, je m’arme de patience. J’ai attendu toutes ces années, je peux attendre encore un peu.
- En quoi est-il supérieur aux autres voies ?
Il me regarde avec une expression que j’identifie avec ébahissement comme de la commisération. Puis il répond, très lentement, comme s’il parlait à un enfant un peu lent ou à un simple d’esprit.
- L’enseignement sans parole, l’efficacité du non-agir, rien ne saurait les égaler. C’est la voie que je suis. Vous savez qu’elle vous a vaincu, seigneur Akutenshi. Sinon, vous ne me poseriez pas ces questions.
Vaincu ? Comment ça, vaincu ? Ils sont tous morts. Néanmoins, je commence à comprendre ce qu’il veut dire, et je laisse passer son impertinence.
- Et c’est ce …Tao qui vous rend plus forts, qui fait de vous de meilleurs serviteurs de votre Empire ?
Il hoche la tête et récite :
- Qui obtient de bonne heure le Tao acquerra double réserve de vertu. Qui acquerra double réserve de vertu triomphera en tout. Qui triomphe en tout ne connaitra pas de limite à son pouvoir. Vous l’avez vu, seigneur Akutenshi » dit-il en baissant modestement les yeux.
Son air de fausse humilité et son ton sentencieux m’agacent passablement, mais cela ne m’empêche pas de lui poser la question suivante, le cœur battant avec force. Je me sens comme un jeune homme faisant face pour la première fois à l’objet de son désir. Mon excitation est à son comble. Je demande humblement :
- Cette voie…peux-tu me l’enseigner ?
Malgré moi, ma voix s’est faite pressante, avide. J’ai envie d’y croire.
- A vous ?!?
Il n’y a pas à se méprendre sur le ton incrédule du moine.
- A moi. Ai-je l’air de plaisanter ? » Je le fixe droit dans les yeux, ce qui suffit habituellement à réduire mes interlocuteurs à l’état de gelée tremblotante.
En guise de réponse le petit moine se plie en deux. L’espace d’un instant, je crois que c’est d’effroi, jusqu’à ce que j’entende ses gloussements aigus. Il est pris d’un rire incoercible, d’une crise d’hilarité telle qu’elle le secoue tout entier. Il pouffe, hoquète, se ratatine sur lui-même en une petite boule tressautante et ridée. Il roule sur le sol en hurlant de rire. Il en pleure, même.
Là, la moutarde me monte carrément au nez. Je peux me montrer patient, mais j’apprécie assez peu qu’on se moque de moi. Surtout quand je viens de m’abaisser à demander quelque chose.
D’une voix particulièrement douce et glaciale, je lui demande :
- Vous allez certainement m’expliquer le motif de votre hilarité? » A sa place, n’importe lequel de mes hommes serait en train de se confondre avec le sol.
Entre deux accès de rire, le petit vieux s’essuie les yeux, et articule, sa maigre carcasse encore secouée de hoquets convulsifs :
- Quand vous êtes-vous regardé pour la dernière fois, seigneur Akutenshi ?
- Je ne vois pas le rapport.
- C’est justement là…la source du problème. » Et il est reparti pour une nouvelle crise de fou-rire.

C’en est trop. J’attrape le misérable moine par son cou de poulet déplumé, et je serre, un peu – juste un petit avertissement - avant de le laisser choir à terre sans autre cérémonie. Je fais quelques foulées en lui tournant le dos, avant de revenir à pas comptés, pour lui donner le temps de réfléchir à son erreur et lui rappeler le simple respect dû à l’interlocuteur – surtout quand l’interlocuteur, c’est moi.
Mais quand je reviens à son niveau, le petit vieux a les yeux écarquillés, et fait des bulles avec la bouche, comme une carpe hors de l’eau. Sa figure chiffonnée a pris une vilaine teinte violacée.
Je jure sourdement. Ces humains sont si fragiles. Ayant l’habitude des robustes bushi du clan du Crabe, je lui ai par mégarde broyé la trachée artère.
Je l’attrape par son kimono et hurle :
- Tu ne peux pas mourir maintenant ! Je te l’interdis !
De l’ongle, je lui perfore promptement la gorge pour laisser passer l’air. Mais c’est malheureusement trop tard. Le petit vieux a un bref sursaut, et s’immobilise, les yeux exorbités, la bouche ouverte. Dégoûté et incrédule, je le secoue, sans qu’il réagisse. Sur le sol, je déchiffre des caractères griffonnés à la hâte dans la poussière :

« Celui qui prend plaisir à tuer les hommes ne peut jamais réaliser son idéal dans le monde. »

La manche que je tiens porte l’emblème d’un dragon stylisé. Je l’arrache avec rage du corps inerte et sors en trombe de la tente.
- Trouvez-moi un autre prisonnier ! Quant à celui-là, débarrassez-m’en !
Les gobelins s’exécutent précipitamment, terrorisés. Leur soumission craintive m’irrite encore plus. Je ne décolère pas. Il aurait pu m’aider, j’en suis persuadé. J’étais si près…

Le prisonnier, plus tard, parlera. Il y a une montagne…

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Message par matsu aiko » 05 déc. 2006, 00:40

Ch3 – Le voyage

J’ai confié les troupes à la bushi anciennement du Clan Licorne, en lui précisant que si elle n’obéit pas à mes ordres, je le saurais. Depuis la mort de l’oni, c’est mon seul lieutenant. Elle s’est inclinée respectueusement, ses yeux de braise luisant d’une incandescence plus vive. Elle est méfiante mais en même temps me défie muettement de la prendre en défaut. Je sais qu’elle suivra mes instructions à la lettre.

Comme c’est étrange de voir des paysages dénués de fumées et de cendres. Et toute cette végétation luxuriante, au lieu des maigres lichens bruns, gris, noirs ou ocres accrochés aux rochers. Je me suis arrêté un peu plus tôt et j’ai bu à un ruisseau. L’eau était claire ; à ma grande surprise, elle n’était pas amère, elle avait une saveur fraîche et délicieuse, sans arrière-goût de cendres ou de pourriture – une sensation merveilleuse.

J’avais raison. Les humains ne connaissent pas leur chance. Les Terres au-delà du Mur sont bien un avant-poste du Ciel. Seul un lieu proche du territoire des Ombres Bénies peut avoir une eau aussi pure.

Je lève la tête. Je sais où me conduisent mes pas, là-haut, vers les hauteurs enneigées, qui se confondent avec le ciel. Un sourire aux lèvres, respirant à plein poumons cet air vif aussi frais, embaumé et délicieux que l’était l’eau du ruisseau, j’entame l’ascension.

* * *

Cela fait à présent douze jours que j’ai passé le Mur.
Avant de mourir, le prisonnier a donné suffisamment de détails pour que j’aie au moins une idée de l’endroit d’où venait le petit moine, tout au Nord dans les Terres du Dragon.

Je ne suis pas assez naïf pour croire que les troupes de l’Empire laisseraient passer librement un être tel que moi, s’il m’était venu l’idée saugrenue de traverser la totalité de l’Empire, à pied ou sur ma monture, aussi maudite et reconnaissable que ma personne. Non que je craigne leurs embûches – mais cela me retarderait de façon considérable.
Aussi je suis allé voir les contrebandiers de la Baie des Poissons Morts, et j’ai …persuadé l’un d’eux de m’amener par la mer aux Terres du Dragon. Je l’aurais bien payé, mais il a refusé l’or que je lui ai proposé. Il craint, à juste titre, la souillure qu’il véhicule.

Ces contrebandiers sont des hommes braves. Ce capitaine sait pertinemment ce que je suis, ce dont je suis capable, mais n’hésite pas à croiser mon regard. Il évite simplement que ses hommes ne m’aperçoivent. C’est un pirate ordinaire, qui a pillé et tué pour de l’argent, mais qui a néanmoins son propre code de conduite et n’est pas dénué d’un certain courage. Il m’obéit, car il sait pertinemment que sinon je massacrerais son équipage, mais ne me craint pas, et ne tentera pas non plus de m’assassiner dans mon sommeil. Il ne m’a pas demandé la raison de mon périple, et m’a interrompu d’un geste un soir où j’avais commencé à lui expliquer.
- Cela ne me regarde pas, seigneur. Vous avez vos raisons, cela me suffit.
Sa réponse est une réponse prudente. Moins il en sait, moins il encourt de risques. Mais j’y distingue aussi une forme de respect. Il ne m’a pas non plus demandé de faveurs. Un homme sage.

Franchir le Mur a été aisé. Les samouraï du Clan du Crabe, malgré leur vigilance, s’attendent surtout à des attaques en masse, pas au passage d’un homme seul. Une simple diversion à coup de zombies et de gobelins a suffi à monopoliser leur attention pendant que je traversais, et je n’ai laissé sur mon chemin qu’un nombre raisonnable de cadavres. Ils sauront que quelque chose est passé, mais ça s’arrêtera là.

En revanche, mon passage a attiré un autre type d’attention, plus déplaisante.

Il ne s’est pas écoulé plus de quelques heures avant que le murmure chaotique que j’entends quasiment en permanence ne s’interrompe, laissant place à un temps de silence puis à une voix glacée.

- Que crois-tu être en train de faire, mon serviteur ?

Quand un maître tel que le mien s’adresse directement à vous, c’est en général très désagréable. Et encore plus désagréable après. Fu-Leng a beau être à moitié fou, il est doté d’une intelligence aigue, d’une adresse machiavélique et d’une grande imagination. Et bien que je méprise son impulsivité et ses accès de cruauté puérile, il est et demeure mon maître.

Aussi c’est avec un ton mental de grand respect que je lui ai répondu.

- Je pénètre sur les Terres de l’Empire, seigneur. J’ai décidé de découvrir la raison profonde de la détermination des armées de l’Empire, la force qui anime nos ennemis, afin de la mettre en échec.

- Je vois. » La voix est toujours aussi glaciale. « Et comment comptes-tu atteindre ce …louable objectif ? »

- Nous avons capturé un humain, un moine, qui avait commencé à parler. Il est malheureusement mort avant d’en révéler suffisamment. Un autre prisonnier nous a indiqué l’endroit où est enseignée la voie qu’il suivait. Je m’apprête à m’y rendre.
Là, je m’échauffe un peu à mon propre propos et ajoute :
- Si je découvre quelle est cette force, seigneur, je pourrais la retourner contre eux, et vous servir d’autant mieux.

- Et…quel est cet endroit ?

- Il se trouve dans les Terres du Dragon. Il s’agit d’un sanctuaire dans une montagne, nommée la montagne de Togashi.

- Togashi ? Tu veux aller voir Togashi ?

L’exclamation est suivie d’un bruit étrange. Cela commence comme une sorte de quinte de toux, s’enfle progressivement et termine en un éclat de rire homérique qui manque de me pulvériser la cervelle. Décidément, cette proposition recueille tous les suffrages. C’est la deuxième fois en moins de douze heures que l’on me rit au nez. J’attends patiemment que l’hilarité inattendue de mon redoutable maître se termine, et qu’il reprenne la parole.

- Hmmr. Ma foi l’idée est distrayante…et mérite qu’on s’y attarde. Ainsi selon toi ce serait mon frère Togashi qui serait à la source de la résistance de l’Empire. Etrange, j’aurais plutôt imaginé d’autres candidats. » Je me retiens de préciser que ce n’est pas ma suggestion mais celle du moine.
La voix se fait pensive.
- Cela me donne une idée…Après tout, Togashi a toujours été le plus proche de notre père… » puis conclut avec un ton insinuant où je perçois trop bien la malice : « Oui…va voir Togashi. Demande-lui son enseignement, et dis-lui que j’approuve ta démarche. Je t’en dirais plus le moment venu. »

Puis la présence se retira, avec la soudaineté d’une coupe que l’on vide, et c’est comme si j’émergeais d’un puit d’eau glacée. Frissonnant de tous mes membres, et à nouveau conscient de mon environnement.

Bon, en tous cas il ne s’opposait pas à ma recherche. En route pour les Terres du Dragon.

* * *

La première partie de mon voyage s’est déroulée sans encombre. Le pirate m’a débarqué dans une petite crique escarpée et déserte, et j’ai gagné le rivage à la nage. De loin, équipé et armuré comme je le suis, je peux passer pour un humain. Un humain particulièrement grand et mince, d’une promptitude surnaturelle, mais un humain. L’illusion disparaît de près. La couleur de ma peau, la lueur ardente de mes yeux, l’éclat métallique de mes ongles trahissent mon origine.
Heureusement, cette contrée est peu peuplée, et éviter les agglomérations était assez aisé. J’ai donc pu progresser assez rapidement.

Jusqu’à hier.

Mon corps immortel n’a guère besoin de subsistance ni de sommeil. Je peux me passer de l’un et de l’autre des jours durant. Cependant, il m’arrive d’avoir faim, ou d’être fatigué, plus des sensations fantômes que de réels besoins, à vrai dire. C’est comme si de temps à autre mon corps habituel se souvenait de l’ancien, et se rappelait qu’il est normal d’avoir faim ou soif.

J’avais marché sans trêve toute la journée quand j’ai aperçu la petite auberge. Douillettement nichée au creux de la vallée verdoyante, avec les voyageurs qui y entraient et les serviteurs qui s’y affairaient, elle était l’image même de la quiétude. Le soleil se couchait, et ses derniers rayons caressaient ses terrasses d’une chaude lueur dorée. Le crépuscule était d’une beauté sans égale. J’eus envie, l’espace d’un instant, d’être un de ces voyageurs de passage, de prendre une tasse de thé en contemplant le couchant, de laisser la fatigue couler plaisamment à travers moi après la longue journée de marche. D’être, en un mot, un simple mortel.
Absurde, n’est-ce pas ?
En fait non, ce n’était pas absurde : c’était stupide. Et encore plus stupide de céder à cette envie.

Le serviteur affairé à qui j’ai demandé du thé et une place à l’écart m’a installé et servi du thé sans apparemment se formaliser de ce voyageur emmitouflé jusqu’aux oreilles et qui s’exprimait d’une voix rauque.

Je me suis assis. Pour la première fois depuis longtemps, une grande sensation de paix m’a envahi.

J’étais donc en train de chauffer mes mains autour de ma tasse de thé, content de percevoir son agréable tiédeur en regardant le soleil se coucher, quand une voix jeune et policée résonna à côté de moi.

- Samourai-sama ? Puis-je m’asseoir en votre compagnie ?

- Passez votre chemin » ai-je grommelé sans animosité.

- Pardonnez-moi, je ne me suis pas présenté. Je me nomme Mirumoto Ichiro, fils de Mirumoto Kanesuke et de Mirumoto Miki, karo du daimyo de cette vallée. A qui ai-je l’honneur ?

- A quelqu’un qui ne souhaite pas votre compagnie » ai-je maugréé sans croiser son regard. Passe ton chemin, Mirumoto je-ne-sais-quoi. Tu n’as pas envie de me connaître.

- Vous êtes bien peu civil, samourai-sama. Auriez-vous oublié que la courtoisie est une des vertus du bushido?
Une pause.
- Ou peut-être craignez-vous que je découvre que ce large manteau n’est pas que la protection d’un voyageur frileux, et qu’il dissimule la souillure que vous portez ? » termina-t-il sur un ton toujours poli, mais empreint de menace.

Je lui jetai un regard de côté. Il était tout jeune, dix-sept ou dix-huit ans peut-être. Je ne souhaitais pas le tuer. Le crépuscule était trop beau.
Je me levai d’un bond et grondais :

- Est-ce ainsi qu’on accueille les voyageurs par ici ? Cette plaisanterie a assez duré. Je m’en vais.

Il se mit à rire doucement, avec un peu de satisfaction condescendante, comme si ma réaction lui procurait un plaisir attendu.

- Oh non, vous n’allez pas partir ainsi. Pas avant que je vous ai livré aux autorités.

Et il tira son sabre.

Je jurai in petto. Ce jeune imbécile allait me forcer à intervenir.

- Ecartez-vous de mon chemin, j’ai dit !

Et d’une bourrade, je le fis voler, sabre compris, de l’autre côté de la salle, où il alla s’assommer contre le comptoir avec un bruit mat. Puis je me dirigeai à grands pas vers la sortie, en promenant autour de moi un regard plein d’une lueur menaçante – ce regard incandescent par lequel je domine des armées entières et qui les fait trembler d’effroi.

Ce qu’il y a de bien avec les bushi du Clan du Crabe, c’est que nous avons beau nous combattre depuis des générations, il y a une sorte de compréhension mutuelle. Ils connaissent les périls qu’ils affrontent, ils combattent quand même, c’est ce qui fait leur dignité, et leur grandeur. De la même façon, j’apprécie en connaisseur quand ils montent une expédition ou une embuscade particulièrement audacieuse. D’une certaine façon, « nous sommes en relation », comme on dit, comme peuvent l’être des ennemis de longue date, même des ennemis aussi irréductibles que nous le sommes. J’apprends d’eux, et eux de moi.
Mais la renommée de l’Outremonde – et la mienne en particulier – n’était pas parvenue jusqu’à ce degré de longitude, réalisai-je en voyant s’interposer entre moi et la sortie un groupe de jeunes gens affublés de kimonos du même vert et or que celui de l’importun. Un samouraï du Clan du Crabe, lui, aurait été circonspect, pour le moins, et aurait parfaitement saisi que ce regard d’avertissement était pure mansuétude de ma part. Ces jeunes inconscients n’avaient pas la moindre idée de ceà quoi ils s’attaquaient.
De fait, ils se jetèrent sur moi avec un bel ensemble, alors que l’aubergiste s’égosillait et que les autres clients déguerpissaient prudemment.

La suite des évènements était relativement prévisible. Quelques minutes plus tard, il y avait des samouraï Mirumoto morts et une auberge en flammes, dont je m’éloignais à grands pas. Ils m’avaient gâché ma soirée.
Ce jeune imbécile…Je continuais à pester tout en montant le sentier à grandes enjambées. J’aurais peut-être dû tous les tuer. D’un autre côté, j’avais déjà perdu assez de temps, et ils ne me poursuivraient probablement pas de nuit après cette petite démonstration.

J’étais néanmoins conscient que cela compliquait les choses.

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