[Nouvelle] Akumu (Cauchemar)

[Moto Shikizu]

« Hajime Machite, Matsu Yoshida desse. Dozo Yorochiku ! » ou alors « Je suis Matsu Yoshida ! Fille ainée de Matsu Yorinoko, descendante de la lignée de Matsu Noyabihime !! Prépare toi à mourir ! » Voilà comment je me serais présentée à vous il y a peu. Mais je n’en ai plus la force…

Ma première bataille ! Combien de temps l’avais je attendue ? Combien de fois l’avais-je imaginée ? Elle devait être magnifique ! Glorieuse ! Et source de maints honneurs ! J’en avais rêvé ! Et à présent je vis un cauchemard… La plaine que notre commandant a choisie pour affronter les troupes scorpionnes, est devenu un bourbier sans nom en une nuit, et une unique averse. Notre charge sur les troupes ennemies s’en trouva perturbée au point que certaines unités ne sont arrivées au contact que plusieurs minutes après les plus rapides. Ce faisant, la victoire tant attendue, se transforma en un massacre horrible. Le sol est jonché de cadavres, et les survivants se battent à présent à un contre deux. L’or de nos armures est maculé de sang et de boue, si bien que certains ne font plus même la différence entre alliés et adversaires… Et je suis là. Immobile au milieu de la mêlée. Le regard hagard. Les scorpions qui passent à coté de moi, ne prennent pas la peine de m’achever. Mon sabre est dans ma main, souillé de terre, du peu de sang que j’ai versé, et surtout de mon propre sang. Mes bras pendent à mes cotés, incapables d’esquisser le moindre geste, alors que la vie me quitte…Le flot de sang s’échappe de ma blessure en jets réguliers et puissants, noyant mon avant bras, ma main, et mon sabre…

[Moto Shikizu]

Je ne comprends toujours pas comment cela s’est produit. Les images repassent devant mes yeux en surimpression de la mort de mes camarades en ce moment même, alors que je ne fais rien pour les aider… Après être arrivée au contact avec une grande partie de mon unité, j’ai affronté tour à tour deux ashigarus et un samurai, vétus du noir de nos ennemis. Ma rage et mon entrainement ne leur ont laissé aucune chance. J’exultais et cherchais un nouvel adversaire, quand j’aperçus une samurai-ko tout de rouge vêtue. Tel un prédateur au milieu de ses proies, elle avançait calmement entre les combattants. Avec horreur je la vis décapiter d’un geste vif et souple une de mes camarades aux prises avec un autre samurai. Je rugis et me portais à sa rencontre, bien décidée à lui faire payer son crime. Elle me repéra instantanément et me laissa approcher. Je levais mon katana, et m’apprêtais dans le même mouvement à l’abattre sur l’impie. Elle n’était plus là ! Un éclair… Je ressentis une vive douleur au bras droit. Je baissais le regard, et découvris effarée mon bras sectionné juste au niveau du coude, ne tenant plus que par un morceau de chairs sanguinolentes, tandis que ma vie s’enfuyait dans un bouillonnement écarlate… Je pensais sentir le coup de grâce se poser sur mon cou, mais il ne vint jamais… Et depuis, je suis là, inerte, attendant la mort. J’ai déshonoré ma famille, mon école, et mon clan… Je ne suis plus rien. Je ne suis même pas capable de me faire seppuku !… Alors que cette constatation se fait jour dans mon esprit embrumé, je commence à pleurer…

[Moto Shikizu]

Encore des ennemis qui passent devant moi sans me jeter plus qu’un regard. Je sens le mépris dans leurs yeux. C’est insupportable. Et je n’y peux rien. Je ne suis rien. Pas même une gêne. Indigne d’une mort honorable… Je tombe à genoux. La boue éclabousse les corps qui m’entourent. Je suis sur le point de tomber la tête la première sur le sol, quand elle apparaît. Si menue, si innocente… Si étrangère au carnage alentours. Une enfant. Guère plus d’une dizaine d’année. Que fait-elle ici ? Qui a amené une enfant sur le champ de bataille ? Elle s’incline près d’une de mes camarades, tombée sous le nombre. Une de celle à qui je n’ai été d’aucun secours. Elle n’est pas morte. Elle relève la tête et elles parlent. Ma camarade sourit ! Ses yeux pétillent et son visage respire la fierté. La fillette met sa paume ouverte sur le front de ma consœur. Celle-ci se fige, puis sa tête tombe lourdement. Son sourire et sa fierté figés à jamais. Elle est morte dans la gloire… L’enfant s’approche de moi. Elle me regarde avec des yeux apaisants et dénués du moindre reproche. Cela me fait encore plus mal… Je baisse la tête.

[Moto Shikizu]

« Qu’attends-tu ? », me demande une voix fluette. Je relève le chef, et mon regard croise le sien. « La mort » est ma seule réponse. « La mort ? Et pourquoi donc ? Tu es en vie.
- Mon bras… je ne sers plus à rien… Mes camarades… Toutes mortes… Je…
- Tu ne sais rien… Tu t’apitoies sur ton sort, alors que tes sœurs meurent par dizaines. Est-ce ainsi que combat une fille de Matsu ?
- JE N’Y PEUX RIEN ! ! ! Je ne peux plus combattre ! ! Je suis déjà morte…, répondis-je en hurlant
- Tu n’auras pas cette chance. Pas aujourd’hui. Ton heure n’est pas arrivée… »
Mes cris attirent l’attention sur nous. J’entends des éclats de voix. Des scorpions se dirigent vers nous. Ils vont l’enlever, ou pire encore. Je hurle « Fuis ! ! ! Ne les laisse pas te prendre ! ! ». Elle me regarde calmement, et en portant sa main droite à son obi, elle m’assène d’une voix qui me transperce : « A toi de choisir comment je vais survivre aujourd’hui. Fais ton choix, et fais le vite ! Ton indécision n’a déjà que trop coûté ! » Elle sort un tanto, découpe une partie de son kimono, puis s’approche à me toucher. J’entends quelque chose tomber dans la boue. Je me sens plus légère. Elle se baisse, puis en se relevant me tends quelque chose… « Ceci t’appartient. Il est grand temps que tu t’en souviennes, et que tu lui rendes l’honneur que tu lui as fait perdre… » Ses yeux flamboient. Aucune crainte n’a de prise sur elle. Deux samurai sont sur nous. Et c’est alors que je vois le mon sur son cœur. Kitsu… Je hurle ma rage, mon impuissance, ma douleur ! ! Ma main gauche se referme sur le pommeau de mon sabre, et j’attaque. La violence de mon attaque pallie à ma maladresse. Le premier samurai, s’écroule incrédule. Le second me porte un coup qui m’aurait transpercée si j’avais eu quoi que ce soit à faire de ma propre survie. Mais, je n’ai rien, plus rien. Je n’esquive pas. Et d’un tsuki violent, je lui arrache la gorge...

[Moto Shikizu]

Je ne sais pas combien de temps je me suis battue, ni combien d’adversaires j’ai combattu et vaincu. Je sais juste que la fillette est restée à mes cotés sans bouger tout du long. Le sérieux de son visage contrastant singulièrement avec son air juvénile. La nuit est tombée… Les renforts sont arrivés, et l’on me dit que la bataille est une victoire ! Que je suis une héroïne ! Un exemple pour les générations futures !… Je ne comprends pas… Je ne les vois pas vraiment. Ce sont juste des ombres. Je ne vois qu’une seule personne. L’enfant. Elle va de proche en proche sur le champ de bataille et parle aux blessés et aux mourants, Lions et Scorpions indifféremment. Et tous lui sourient, l’espace d’un instant. Je ne peux pas sourire. Je la suis… Je lui appartiens…

[Moto Shikizu]

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Au petit matin, je n’ai pu trouver aucune trace de la fillette. Depuis, je la cherche. J’interroge toutes les unités, toute personne qui aurait pu la voir. Mais je ne trouve pas le moindre indice sur sa présence hier, ni même son identité ou sa nature. Quelques uns paraissent surpris de mes questions. La majorité fait comme si de rien n’était. Passées les premières heures après la victoire, je suis devenue une bête curieuse, qu’on observe de loin, et avec qui on évite tout contact direct. Je sens dans leurs yeux de la considération, voire de l’inquiétude, parfois de la réprobation. Je ne trouve pas un seul Kitsu dans tout le campement, pas même parmi les shugenja qui soignent nos blessés…

[Moto Shikizu]

Je suis sur le point de me rendre aux tentes pour les soins réservées à nos ennemis, lorsque Matsu Fumine, ma nouvelle gunso, vient à ma rencontre. « Yoshida-san ! Kihime-sama demande à vous voir. Le plus tôt sera le mieux. » La Taisa de ma Daibutai me fait convoquer ? « Haï ! Je m’y rends sur le champs, Fumine-san ». Je me hâte et trouve la capitaine Kihime à la tente de commandement. J’attends que son entretien avec les Shoko Kanbu se termine. Sortant de la réunion stratégique, elle m’apperçoit et vient directement vers moi.

« Yoshida ! Te voilà ! Comment vas-tu ? » me salue-t-elle en me donnant l’accolade. Je suis surprise. Autant de familiarité de la part d’une Taisa est pour le moins inhabituel… Devant mon mutisme, et percevant sans doute sans mal mon effarement, elle reprend : « Je me suis laissé dire que l’inactivité te pèse ? » Levant la main droite paume ouverte, elle interrompt ma tentative de réponse. « Je sais qu’une première bataille est toujours quelque chose de très important pour les troupes tout juste sorties de l’école, d’autant plus dans ton cas. Mais il ne faut pas se laisser emporter par l’excitation du combat et ressentir son abscence comme un vide. Ce serait une erreur grave. Une erreur qui peut mener à sa propre perte, surtout en dehors de nos terres. Voici des papiers de voyage et une autorisation d’absence de dix jours. Retourne dans ta famille, et repose toi. Reviens nous en pleine forme ! Nous aurons à nouveau besoin de tes talents contre nos voisins d’ici peu. Ils n’apprécieront pas la défaite que nous leur avons infligée, alors que tout indiquait une victoire éclatante pour leurs troupes. La prochaine fois tu seras leur cible privilégiée. Tu devras y penser sans que cela ne t’empèche de combattre avec maestria.
- Mais, Taisa ? Je n’ai pas besoin de repos…
- Bien sûr que si ! Tu ne ressens pas la fatigue grâce à ta victoire, mais d’ici peu, elle te rattrapera, n’en doute pas… Retourne chez toi. Repose toi. Amuse toi. Puis reviens nous. Si tu as besoin de quoi que ce soit, dis le moi.
- Non… je n’ai besoin de … Si ! Je cherche quelqu’un mais je ne la trouve pas »
Le regard de Kihime-sama se ferme légèrement.
« Qui donc ?
- Une fillette… Une Kistu qui était présente lors de la bataille…
- Une enfant ? Sur le champs de bataille ? Tu n’y penses pas ? … Tu vois ! La fatigue te rattrappe ! Il est fréquent pour les jeunes de se croire accompagné par l’esprit d’un ancêtre, ne t’inquiète pas !
- Mais…
- Oublie celà ! Certes il est étrange que tu ais cru voir une enfant Kitsu plutôt qu’une de tes vénérables ancêtres, mais il ne faut pas que cela te perturbe outre mesure. Après quelques jours, tu n’y penseras plus ! Sur ce je dois y aller. N’oublie pas, si tu as besoin de quoi que ce soit demande le ! A bientôt, Yoshida !
- Domo Arigatogozamisse, Kihime-sama… » Et elle part sans plus un regard vers moi…
Même ma hiérarchie nie jusqu’à l’existence de l’infante. Je ne sais plus que penser… Je me perds dans mes réflexions, et reste assise sous un arbre la journée durant… Le soir, les buchers ont remplacé les troupes. Les shugenja et des moines venus les rejoindre, commencent les prières mortuaires. Lorsque Dame Amaterasu se couche, les brasiers sont allumés. Leurs lueurs remplacent celle bienveillante de la Mère des Cieux. Je m’endors sous la protection des âmes de mes sœurs mortes au combat.

[Moto Shikizu]

Lorsque je me réveille. La journée m’apparaît des plus ternes. Je ne comprends pas la joie affichée par la majorité des samurai. Seuls les tentes réservées aux blessés sentent la douleur, et les regrets. Et encore ! Même là, la victoire semble atténuer la souffrance, et la remplacer par l’allégresse. Peut être est-ce parce que les bléssés n’ont plus à craindre pour leur vies ? Ceux que les Shugenja n’ont pu sauver ont rejoint leur ancêtres à présent, ceux qui restent survivront. J’erre pendant une bonne partie de la matinée sans but. Après le repas, lorsque quelques cousines viennent me féliciter pour mes combats et le repos bien mérité qui m’a été accordé. Je n’en peux plus. Je les salue vivement, puis je m’éloigne rapidement. Je retourne voir les buchers. De nouveaux sont en préparations. Ils seront allumés ce soir. En les voyant, je sais que je ne peux pas rentrer chez moi. Comment pourrais-je regarder mes parents en face. Comment raconter mes « exploits » à mes sœurs cadettes ? Surtout à la benjamine ! A 5 ans, Saoko m’adule. Dans sa dernière lettre, ma mère m’a expliqué qu’elle jouait avec les autres enfants du château en prétendant être moi… Je ne supporterai pas leurs regards. Je ne supporterai pas son regard… Sa tristesse. Ses larmes. Sa solicitude… Je ne puis rentrer…

[Moto Shikizu]

Je retourne au campement, et demande audience auprès de Kuhime-sama. Alors qu’on me répond qu’elle a du s’absenter, une voix familière m’interpelle : « Yoshida-chan ! Vous êtes une héroïne m’a-t-on dit ! » Je me retourne. Devant moi se tient Harute-chan. Je devrais dire Harute-sama. Bien que nous ayons été éduquées ensemble depuis de nombreuses années, elle est la fille de notre daymio. Je vois son regard s’attarder sur mon bras perdu. Une lueur de pitié, bien vite remplacée par un visage convenable, souriant. Elle est accompagnée par deux conseillères et une yojimbo. Je les salue.
« Harute-sama. C’est un plaisir de vous revoir
- Et pour moi donc ! J’aurais aimé être là avec toi ! » Si tel avait été le cas elle serait morte, comme les autres…
« On me dit que tu rentres pour quelques jours ? Très bien ! Je tacherais de ne pas te faire honte en ton absence ! Et lorsque tu reviendras, nous combattrons ensemble !… Qu’as tu ? Quelque chose ne vas pas ?
- Harute-sama… J’ai failli ! Je vous demande humblement l’autorisation de rejoindre mes ancêtres pour y remédier.
- Qu…
- Je vous demande l’autorisation de me faire seppukku !… »

[Moto Shikizu]

Toutes me regardent surprises et choquées. « Reposez-vous. Nous y réfléchirons. », me répond-elle. Puis elle part. Ma demande l’a désarconnée. En s’éloignant, elle en parle avec ses conseillères, et me jette un dernier regard, rempli d’inquiétude… C’est plus que je ne peux en supporter. Je médite le reste de la journée, et alors que la nuit tombe, je demande à l’intendance un kimono blanc. Les samurai présents s’arrêtent un instant, me dévisagent, puis vaquent à leurs occupations en me saluant d’un vague hochement de tête. Je suis sur le point d’en attraper un pour lui faire savoir de quel bois je me chauffe, quand je me fige : « Tu ne te penses pas assez forte pour vivre, mais bien assez pour faire des misères à ces pauvres gens… Quel courage est ce donc là ? … » Je me tourne, personne. Pourtant… Je crois que c’était sa voix… Je pars précipitamment, ce qui ne manque pas de soulever plus de doutes à mon sujets encore… Je rejoins l’arbre qui m’a abrité les nuits précédentes, surplombant la plaine et les buchers…

[Moto Shikizu]

Au petit matin, je rédige une lettre pour mes parents, et un haiku.

Mes sœurs, j’ai failli
Vous survivre je ne puis
Vous offre ma vie

Puis, j’écarte les pans de mon kimono, et sors mon wakizashi. Je ne respecte pas le protocole dans sa totalité, mais cela n’est qu’une faible faute, comparée à mes erreurs lors de la bataille, et à mes pertes de face depuis. Je ferme les yeux. « Oba-san, Otoo-san, Imooto-san. Mes Ancêtres… Pardonnez moi ! » Et je plonge mon wakizashi…

[Moto Shikizu]

La lame n’atteint pas mes chairs. J’ouvre les yeux. Une main enserre ma lame. « Que compte tu faire ? ». Le sang coule le long du métal. Une main d’enfant. Je lève les yeux. Elle est là. La fillette. Son regard tout à la fois dur et interrogateur me pétrifie. « Tu ne m’as pas écouté la dernière fois ? Ton heure n’est pas venue. Je te l’ai pourtant dit !… Montre-moi ton bras. … Pas celui-là, ta blessure ! … Hum… Ca commence déjà à guérir. Tu es très forte. Ca cicatrisera très bien. Et tu as prouvé lors de la bataille qu’un seul bras suffit… Tu n’es toujours pas convaincue ? Je croyais t’avoir montré la voie pourtant… Suis-moi, nous avons peu de temps, et tant à faire… ».

Machinalement, je nettoie la lame de mon wakizashi avec quelques feuilles de papier avant de le rengainer. Le vent les emporte. Elles flottent vers les derniers brasiers. Pétales opalins dans la lueur naissante du jour, elles s’embrasent en plein vol. Les cendres s’élèvent vers les cieux, portant mes regrets vers mes défuntes consoeurs.

[Moto Shikizu]

Elle m’entraine loin du camp. Nous aidons les villageois des environs, durement touchés par la guerre. Je vois là ce dont on ne m’a jamais parlé. La bataille, si belle dans les récits de mon école, s’est révélée n’être qu’une boucherie. Mes consoeurs sont mortes par centaines. Je les croyais être les victimes de ce carnage. Et voici, que je remarque que d’autres en ont souffert. Des personnes auxquelles je ne prête que peu d’intérêt en général. Elles aussi ont perdu des êtres chers. Elles aussi ont été bléssées. Elles ont perdu leurs champs, leurs maisons… L’hiver sera rude pour les survivants… Leur première réaction en nous voyant est une crainte indicible, je la sens. Elle est plus forte encore que celle que l’on m’a enseigné à distiller à mes ennemis. Après quelques instants, lorsque la fillette leur parle, la terreur se transforme en de la méfiance. Puis le sourire leur revient lorsque nous aidons à relever un mur, à porter un blessé, ou à en panser un autre. Quand nous les quittons, ils nous saluent plus qu’aimablement, je dirais presque joyeusement…

[Moto Shikizu]

J’ai observé la fillette toute la journée. J’ai à nouveau ressenti sa présence, son calme, sa certitude sereine. Je croyais avoir déliré il y a trois jours, mais je me rends compte que c’est depuis que j’en ai été victime… « Alors, as tu pris ta décision ? » me demande-t-elle soudain, son regard se perdant dans l’éclat du soleil couchant. « Haï ! Tu m’as dit que mon heure n’était point arrivée. Mais comment saurais-je lorsque ce sera le cas ?
- Tu le sauras. N’en doute pas un instant. Ta vie est lièe à mon existence… »

[Moto Shikizu]

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Plusieurs mois se sont écoulés. J’ai revu ma famille, et j’ai lu leur déception de me voir diminuée, mais aucun reproche, aucune récrimination. Quant à Saoko elle n’a montré que de la joie. La joie de me revoir, en vie, et victorieuse. Je ne sais pas comment la nouvelle a pu se propager aussi vite. A peine était-je arrivée que je recevais des messages de félicitations de tous les amis de notre famille, y compris du cousin Ikoma Reju basé à la frontière avec le clan de la Licorne !… Ne sachant pas comment réagir à ce que je considère encore aujourd’hui comme non mérité, j’ai préféré le silence. Mes parents se sont occupés des réponses traditionnelles, me demandant juste d’ajouter quelques mots polis à la fin de leurs lettres. Je me suis exécutée, pour leur faire plaisir...