[Biblio] Hagakure

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matsu aiko
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[Biblio] Hagakure

Message par matsu aiko » 21 janv. 2006, 18:46

On m'a prêté le Hagakure, que je viens de terminer. En dehors des inspis JdR (où je me dis que finalement mon perso n’est pas si extrémiste que ça ?), je viens de comprendre comment ce petit livre a fait tant de dégâts, non seulement chez Mishima mais aussi chez tous les japonais jusqu'à la deuxième guerre mondiale...

Extraits choisis.

« Lors d’une crise, quand il existe autant de chances de vie que de mort, il faut immédiatement choisir la mort. (…) Nous préférons tous vivre, et il est tout à fait naturel que l’être humain se trouve toujours de bonnes raisons pour continuer à vivre.(…) Celui qui meurt après avoir échoué, meurt d’une mort fanatique, qui peut sembler inutile. Mais il ne sera pas, par contre, déshonoré. Telle est la voie du samouraï. »

« La seule façon de se venger est de foncer sur le camp ennemi et de combattre jusqu’à la mort. Un samouraï qui se jette désespérément dans le combat ne peut tomber en disgrâce. »

« Les 47 rônin…auraient dû se suicider rituellement et immédiatement. (le seigneur Kira) aurait pu mourir de maladie avant qu’ils aient pu exécuter leur plan. Ils auraient, dans ce cas, raté irrémédiablement l’occasion. »

« Si on n’envisage pas à l’avance et avec soin toutes les éventualités, on ne se trouve pas en mesure d’y répondre correctement et on est déshonoré. »

« Le samouraï valeureux ne pense pas en termes de victoire ou de défaite, il combat fanatiquement jusqu’à la mort. C’est seulement ainsi qu’il réalise sa destinée. »

« S’il veut être prêt à mourir, un samouraï doit se considérer comme déjà mort. »

« L’attitude pendant l’orage (..) : si on se prépare mentalement à l’idée d’être trempé, on sera en fin de compte peu contrarié à l’arrivée de la pluie. »

« Mieux vaut se préparer dès le début à l’idée que le destin final du samouraï au service d’un seigneur est de devenir rônin ou de faire seppuku. »

« Il faut devenir fanatique et développer la passion de la mort. On ne peut accomplir de grands exploits quand on est dans une disposition d’esprit normale. »

« Décidez-vous dans l’espace de sept souffles »

« Si vous n’avez pas été rônin sept fois, vous ne pouvez revendiquer le titre véritable de samouraï.Trébuchez et tombez sept fois, mais relevez-vous à la huitième. »

« Si, sur le champ de bataille, vous ne laissez à personne le soin de conduire l’assaut et que vous avez la ferme intention de pénétrer les rangs ennemis, vous ne tomberez pas, votre esprit sera brave et vous manifesterez votre valeur martiale. »

« Il est plus méritoire de mourir pour son maître que d’abattre un ennemi. »

« Ne pas accepter de souffrir est mauvais. »

« Un samouraï doit être remarqué pour son excessive ténacité (…) Il faut « en faire trop » pour ne pas commettre d’erreurs. »

« La voie du samouraï est celle de l’action immédiate et c’est pourquoi il est préférable de foncer tête baissée »

« La condition du samouraï c’est en premier lieu la dévotion corps et âme à un maître. En deuxième lieu, il faut cultiver l’intelligence, la sincérité et le courage. »

« Alors même qu’on vient d’avoir la tête tranchée, on devrait être encore capable de faire avec sûreté une dernière chose (…) Cela relève de la détermination. »

« La seule chose qui compte, c’est la résolution du moment. Un samouraï prend une décision après l’autre et l’ensemble remplit toute sa vie. »

« C’est une erreur impardonnable que de se laisser abattre par les épreuves. »

« Maintenant c’est l’heure et l’heure c’est maintenant. (…) Il faut se préparer constamment à l’événement imprévu. »

« Ce qui est capital, c’est d’agir toujours avec dignité et sincérité. »

« Un samouraï doit connaître son envergure, observer la discipline sans se laisser distraire et parler le moins possible. »

« La meilleure attitude à avoir à l’égard de la parole, c’est de n’en pas user. »

« On doit aborder chaque aube en méditant tranquillement, en pensant à sa dernière heure et en imaginant les différentes manières de mourir (suit une description très variée et imaginative). Quand vous quittez votre toit, vous pénétrez dans le royaume des morts ; quand vous quittez votre porte, vous rencontrez l’ennemi. Cette maxime ne préconise pas la prudence mais la ferme résolution de mourir. »

(A propos de la victoire) « Il faut saisir toute possibilité et ne jamais laisser s’échapper une occasion. »

« Si on n’a pas au préalable maîtrisé son esprit et son corps, on ne peut vaincre un ennemi. »

« Les armures et les équipements militaires trop voyants peuvent être considérés comme un signe de faiblesse et de manque de force »

« Quand le sabre est brisé, il faut attaquer avec ses mains. Quand les mains sont coupées, il faut se servir de ses bras. Quand les bras sont coupés, il faut mordre le cou de dix, voire quinze ennemis. Voilà ce qu’est le courage. »

« Un homme qui sert son maître que s’il est traité avec bonté n’est pas un samouraï. Celui qui le sert quand il est dur et déraisonnable est un samouraï. »

Anecdote : le fils de Mori Monbei rentra légèrement blessé à la suite d’un combat. Dialogue :
- Qu’as-tu fait à ton adversaire ?
- Je l’ai abattu avec mon sabre.
- As-tu porté le coup de grâce ?
- Oui.
Le père dit alors :
- Tu as certainement eu raison et tu n’as aucun regret à avoir. Mais à présent, même si tu fuis, tu devras de toute façon te faire seppuku. Quand tu auras fortifié ton âme, fais seppuku, il vaut mieux mourir des mains de ton père que de celles d’un étranger. »

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Pénombre
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Message par Pénombre » 21 janv. 2006, 20:08

pour la petite histoire, le sieur Yamamoto Tsunemoto auteur du bouquin n'a jamais connu la guerre de son vivant et s'est retiré dans un monastère après la mort (de causes naturelles) de son- seigneur... ça se pose là comme référence du genre crédible et comme modèle de vie à suivre quand on veut être "un vrai samurai".

je dis pas que ce bouquin est bourré de conneries ou qu'il n'a pas été l'objet d'une certaine vénération par des samurai (ou des gens nostalgiques des samurai) par la suite mais c'est un truc d'intello caricatural, déconnecté des réalités et qui a vécu en contre-exemple presque parfait de son oeuvre

et c'est ça qui rend les choses encore plus hallucinantes : il y a des gens qui ont pris ce truc au pied de la lettre

On peut concevoir que par la suite on le fit parfois lire aux samurai pour les endoctriner, mais c'est surtout durant les années 1920-1930 avec la main-mise que les militaires avaient sur tout le japon que ce bouquin a été répandu et a contribué à bourrer le cràne de pas mal de gens envoyés au casse-pipe

ceci dit, le père Mishima y a cru parce qu'il voulait y croire et était au moins aussi déconnecté de cette "époque idéale" que Tsunemoto

un délire de nostalgique brandi comme un exemple à suivre...

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matsu aiko
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Message par matsu aiko » 21 janv. 2006, 20:26

On est bien d'accord.
De toute façon un bouquin qui t'explique que pour être un parfait samouraï il faut être un fanatique anormal à tendances suicidaires, ça laisse rêveur...
Mais le pouvoir de nuisance, lui, est bien réel.

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Message par Kõjiro » 23 janv. 2006, 09:14

+1 avec vous deux.

Par contre je me demande quel est le sens initial des mots traduit par "fanatique" en français. Je me demande s'il n'y a pas un premier degré d'interprétation au moment même de la traduction.

En fait je ne vois pas un fanatique dire qu'il faut être fanatique. Déterminé, prêt à tout, volontaire, sans consesson etc... mais pas fanatique.
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Message par Mirumoto Ohmi » 23 janv. 2006, 09:34

bon ben on est quatre... Mais peut-être que le terme fanatique a évolué depuis? (un peu comme machiavélique...). En dehors du prêche pour le suicide et la guerre à outrance, il a proposé autre chose?
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Doji Satori
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Message par Doji Satori » 23 janv. 2006, 19:07

Je plussoie à cette belle assemblée notamment sur le pouvoir de nuisance de ce livre, véritable outil de propagande à une époque noire du Japon et encore à nos jours vu par certains comme l'expression traditionnelle du bushidô.

Néanmoins, pour comprendre vraiment ce livre il faut aussi s'intéresser au contexte de son époque et de son écriture.

Il est vrai que l'auteur de l'Hagakure n'a jamais connu la guerre, le Japon traversant alors une période de paix absolue sous la dictature de fer des Tokugawa.
L'anecdote du fils de Mori Monbei est l'illustration des mœurs particulières de cette époque d'Edo et du mal être de cette caste de " guerriers non combattant " où si l'on refuse un combat on est un lâche qui doit se faire seppuku et si l'on accepte, le vainqueur est condamné à se faire seppuku pour trouble à l'ordre public ...

La caste des buke (samuraï, bushi, ceux qui font la guerre) se recherche une place, un rôle dans la société en s'inventant un code moral (bushidô) sur les bases des traditions martiales ancestrales.
Yamaga Sokô (1622-1685), érudit, lettré, historien, moraliste de la tradition confucéenne, devint ainsi le premier des théoriciens du bushidô en publiant en 1656 un ouvrage de réflexion sur les devoirs de la classe militaire.
Pour lui, le samuraï doit se faire l'instituteur du peuple entier. Il donne le bon exemple, il se surveille et il surveille.
Sous l'influence du confucianisme, le guerrier se transforme en fonctionnaire méticuleux, attentif à gérer les intérêts confiés à ses soins. On souligne les valeurs de subordination, d'ordre, de discipline et interprète l'éthique du service dans le sens d'un travail utile et fructueux.

Le rationalisme s'impose, la mort d'accompagnement (junshi, oibara) parait vaine et barbare aux intellectuels confucéens. Son inutilité fut ressentie comme un scandale, comme un gaspillage de vie par le Bakufu qui l'interdit en 1663. Et lorsque qu'un vassal se tua à la mort du daimyô Okudaira, on muta le clan dans un fief de moindre importance et les deux fils du féal trop fidèle furent condamnés à mort, pas des rigolos les Tokugawa.

Aussi, Yamamoto Tsunetomo aurait sans doute fait junshi à la mort de son maître Mitsushige en 1700 si la pratique n'avait pas été interdite à la fois par le bakufu et par des règlements particuliers du clan Nabeshima dont il relevait.
Tsunetomo se rasa la tête et devint bonze. Ses réflexions et anecdotes furent consignés par un jeune samuraï du nom de Tashiro Tsuramoto de 1710 à 1716.
Il aurait demandé à ce que ces notes soient détruites à sa mort mais elles furent conservées confidentiellement dans le clan Nabeshima pour servir à l'instruction morale des jeunes samuraï.

Les réflexions de Tsunetomo se font donc en réaction et en opposition par rapport à une époque qu'il juge décadente, où il pense que les samuraï s'amollissent et perdent leurs valeurs ancestrales où la mort gratuite est considérée comme inutile et stupide d'où son insistance à valoriser la mort gratuite, le service désintéressé et spontané (par opposition au calcul) et l'obéissance absolue.

Un passage tout à la fois pitoyable et effroyable de l'Hagakure est quand Yamamoto Tsunetomo conseille d'endosser la panoplie de bourreau pour qu'un samuraï sache ce que c'est de tuer.
Mais aussi très révélateur d'une époque très éloignée de l'âge des guerriers :
" On peut s'en passer (ie décapiter des condamnés à mort) dit-on ; décapiter un homme ligoté ne constitue pas un exploit, c'est une faute, c'est se salir ... tout cela n'est que faux-fuyants. En fait, à mon avis, on délaisse la vaillance pour ne plus s'intéresser qu'à des joliesses, se polir les ongles. Analysez les sentiments profonds de ceux qui répugnent à tuer : c'est parce que le cœur leur manque qu'ils recourent à de beaux discours, et donnent toutes sortes de raisons pour ne pas tuer. "

L'Hagakure n'a donc jamais été l'expression du bushidô d'une quelconque époque où les samuraï étaient la classe dominante (erreur fréquente), il n'a strictement aucun caractère normatif. C'est juste l'expression radicale d'un vieux samuraï aigri contre son époque ...
Pris littéralement et sorti hors de son contexte, l'Hagakure fut un formidable outil de propagande pour le Japon ultra nationaliste qui proclamait en 1938 : Ichioku Isshin (cent millions d'hommes, une seule pensée).

On peut le lire comme l'expression du fanatisme aveugle, stupide et dogmatique ou le refus de s'asservir aux buts que l'on poursuit, aux devoirs que l'on remplit.

Pour le " fanatique ", voilà une autre traduction :
" Quand on est pressé par le choix de la vie ou de la mort, il ne faut pas considérer la fin : tout le monde préfère vivre, et c'est sans doute aussi ce que veut la raison ; mais continuer de vivre sans avoir atteint son but est une lâcheté. On est donc là sur un terrain mouvant. Mourir sur un échec, c'est mourir bêtement, c'est de la folie ; mais ce n'est pas déshonorant. Voilà le terrain sûr dans le bushidô."
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Marumoto
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Message par Marumoto » 25 janv. 2006, 17:06

Matsu Aiko a écrit :« Les armures et les équipements militaires trop voyants peuvent être considérés comme un signe de faiblesse et de manque de force »
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Mastu Aiko a écrit :« Ne pas accepter de souffrir est mauvais. »
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Mastu Aiko a écrit :« La seule façon de se venger est de foncer sur le camp ennemi et de combattre jusqu’à la mort. Un samouraï qui se jette désespérément dans le combat ne peut tomber en disgrâce. »
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matsu aiko
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Message par matsu aiko » 25 janv. 2006, 17:12

excellent :)

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Doji Satori
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Message par Doji Satori » 26 janv. 2006, 17:33

J'aime bien le troisième. :)

Je reviens sur la notion d'obéissance absolue que pourrait suggérer certains passages de l'Hagakure mais qui est néanmoins à relativiser à une époque.
Avec la " Pax Tokugawa ", les rapports traditionnels féodaux vassal / suzerain, les liens de giri se sont modifiés par rapport aux temps où le samuraï était un guerrier vivant sur un fief. En contrepartie d'une rémunération, le samuraï n'apporte plus sa valeur combattante, un service armé. Ce rapport devient déséquilibré, le lien de giri est infantilisé, le samuraï se retrouve coupé de la terre sous la dépendance de son seigneur pour ses subsides sans qu'il lui apporte un réel service.
Dès lors, le samuraï n'a plus que la fidélité, sa capacité à obéir à offrir à son seigneur d'où l'importance démesuré qu'elle prit.
La maxime " un samuraï ne sert qu'un seul maître " date d'Edo. Durant l'époque Muromachi, les daimyô soucieux de diminuer leurs dépenses licenciaient certains de leurs samuraï, les faisant ainsi ronin (c'est d'ailleurs le cas du père de Musashi dans le roman " La pierre et le sabre ").

Cette notion est aussi à relativiser dans l'Hagakure, encore une anecdote :
Le jeune prince Nabeshima Tsunashige, fatigué d'une longue marche bien qu'il eut vingt ans, demande à l'un de ses hommes de lui tailler une canne dans une branche : au moment où ce vassal la lui tend, un autre, plus âgé, la lui arrache des mains : " Veux-tu faire de notre seigneur un traînard ? Il ne faut pas lui donner tout ce qu'il demande. A l'avenir, montre un peu plus de jugement ! "

A l'extrême, le suicide de remontrance, de censure, le kanshi est l'étape ultime de l'idéal de fidélité du samuraï pour résoudre le dilemme : je ne peux pas désobéir à mon seigneur mais je ne peux pas lui obéir car ses décisions sont mauvaises pour lui. En obéissant à des ordres mauvais pour mon seigneur, ne suis je pas un lâche ?

Traditionnellement, un samuraï est infiniment responsable de ses actes. Les liens de solidarité responsabilisent, au Japon, les personnes se sentent contrairement à l'occident où l'obéissance aux ordres déresponsabilisent.

Après, on joue les samuraï que l'on veut dans son Rokugan mais il ne faut pas se tromper : les samuraï rokugani tels qu'ils sont définis par AEG sont extrémistes. Quel que soit leurs convictions, leur moralité, quel que soient les décisions de leur daimyô, ils la suivent n'hésitant pas à tuer l'empereur ou à s'allier à l'outremonde dans une unanimité clanique.
Ce sont des samuraï du XXème siècle : Ichioku Isshin
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Message par Ujisato » 02 mars 2006, 19:29

Pénombre a écrit :pour la petite histoire, le sieur Yamamoto Tsunemoto auteur du bouquin n'a jamais connu la guerre de son vivant et s'est retiré dans un monastère après la mort (de causes naturelles) de son- seigneur... ça se pose là comme référence du genre crédible et comme modèle de vie à suivre quand on veut être "un vrai samurai".

je dis pas que ce bouquin est bourré de conneries ou qu'il n'a pas été l'objet d'une certaine vénération par des samurai (ou des gens nostalgiques des samurai) par la suite mais c'est un truc d'intello caricatural, déconnecté des réalités et qui a vécu en contre-exemple presque parfait de son oeuvre

et c'est ça qui rend les choses encore plus hallucinantes : il y a des gens qui ont pris ce truc au pied de la lettre

On peut concevoir que par la suite on le fit parfois lire aux samurai pour les endoctriner, mais c'est surtout durant les années 1920-1930 avec la main-mise que les militaires avaient sur tout le japon que ce bouquin a été répandu et a contribué à bourrer le cràne de pas mal de gens envoyés au casse-pipe

ceci dit, le père Mishima y a cru parce qu'il voulait y croire et était au moins aussi déconnecté de cette "époque idéale" que Tsunemoto

un délire de nostalgique brandi comme un exemple à suivre...
Tu as raison, je crois, sur de nombreux points.
Il ne faut cependant pas négliger le fait que la popularité de ce texte n'est pas sortie d'un chapeau. Le pouvoir Tokugawa s'est considérablement servi de la philosophie néo-confucianiste pour enferrer les guerriers dans ce code rigide, fanatique, et contrairement aux idées reçues, assez récent dans son acception écrite, comme le prouve les dates d'écriture de cette oeuvre phare.

Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le vainqueur américain, souhaitant couper le Japon de ses racines nationales jugées militaristes (pour le meilleur et souvent le pire...), déconseilla la lecture du Hagakuré, produisant ainsi l'effet inverse, en vertu de la vieille règle selon laquelle l'interdit fascine, et réhabilitant ainsi l'intérêt des japonais les plus nostalgiques. Ironie du sort, puisque le livre, chaudement recommandé par la frange dure des militaires au pouvoir durant la guerre et la décennie précédente, en avaient eux-mêmes fait l'instrument de la grandeur martiale nationale, lançant leur pays vers la défaite apocalytique que l'on sait.
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Message par Kzo » 02 mars 2006, 20:23

Mouais j'aime pas trop le discours, un livre extremiste (Qd tu parles d'esprit samurai tu sais deja que tu vas tomber sur de l'extreme...) responsable des atrocités du Japon pendant la 2eme guerre.
Dans ce cas Mein Kampf est responsable de la meme manière (je defends pas le contenu de Mein Kampf, je mets juste en doute son pouvoir). Je trouve ca un peu simple comme raisonnement; qu'il contribue à accentuer quelquechose deja existent soit. Et bon qd on voit le Japon maintenant ca vaut pas mieux... Le terreau pour que le livre soit bien accepté etait deja la.

Quand on lit le traité des cinq roues, ca laisse pas reveur non plus, c'est un livre un peu malsain (toute la vie de psycho qu il te faut pour etre le meilleur et écraser les autres), écrit par un maniac des armes.

Mais bon de la a dire que c'est de la merde c'est simpliste aussi, c'est juste qu il y a des trucs à lire (qui portent sur l'etat d'esprit, le calme, les relations sociales etc) et qui sont pas ininteressant.
Faut remettre ds le contexte, la situation actuelle n'est pas vraiment la meme que les gens à l'époque, faut revoir, réinterpréter. N'empeche qu'il a des choses dedans concernant les combats qui malheureusement sont tjs la.
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Message par Ujisato » 08 mars 2006, 17:00

Kzo a écrit :Mouais j'aime pas trop le discours, un livre extremiste (Qd tu parles d'esprit samurai tu sais deja que tu vas tomber sur de l'extreme...) responsable des atrocités du Japon pendant la 2eme guerre.
Je ne crois pas avoir laissé entendre cela, du moins n'était-ce pas mon intention. Disons pour faire court que je partage la vision de Satori. Pour ne pas rester acr-bouté sur ce qui demeure l'une parmi d'autres des lectures du code informel des guerriers, il vaut mieux recouper avec quelques autres ouvrages et éclairages.
La vision qu'en donne Mishima est en outre un exemple édifiant du décalage, voire même d'une certaine aliénation, consécutive à une lecture trop littérale de l'oeuvre.
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Message par Kzo » 08 mars 2006, 22:32

Ce que j'ai dit ne te visais pas particulierement, c'est juste le ton donné sur ce topic, que je trouvais plutot sans recul. D'entrée on diabolise le Hagakure, comme etant responsable de grands massacres. Enfin je trouve que le raccourci est du meme genre que "Nietsche est responsable de la Shoah". Le discours du Hagakure est peut etre tendancieux, mais il est mal interprété car les gens sont aliénés au moment ou ils le lisent et l'interpretent. J'ai pas lu dans le Hagakure que les Japonais "etaient la race superieure et devaient dominer l'orient".

A la base c'etait un code restreint seulement diffusé ds un fief, ensuite il reflete peut etre un etat d'esprit de l'epoque.

C'est comme qd je parle du traité des cinq roues, bien au chaud, sur un canapé on a tendance a dire "completement barré ce type". Dans un environnement hostile ou il faut se battre et survivre, son traité devient une bible.

C'est pour ca que je dis qu'il faut remettre les choses ds leur contexte. Quand des gens du XXeme siecle decident de suivre le Hagakure, bah c'est des gros cons, car il n'a plus de raison d'etre, la caste des samurai ayant disparu. Enfin je prefere mettre l'accent sur les gens responsables de saloperies, plutot que sur un bouquin de mecs morts depuis des siecles.
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Message par Pénombre » 09 mars 2006, 11:38

à titre personnel, j'ai dit ceci :
On peut concevoir que par la suite on le fit parfois lire aux samurai pour les endoctriner, mais c'est surtout durant les années 1920-1930 avec la main-mise que les militaires avaient sur tout le japon que ce bouquin a été répandu et a contribué à bourrer le cràne de pas mal de gens envoyés au casse-pipe

ceci dit, le père Mishima y a cru parce qu'il voulait y croire et était au moins aussi déconnecté de cette "époque idéale" que Tsunemoto

un délire de nostalgique brandi comme un exemple à suivre...
ce qui en résumé dit quoi :
- il y a des gens qui ont voulu le prendre littérallement et sans recul en sachant qu'à la base, l'ouvrage était l'oeuvre d'un samurai qui vécut en période de paix après ce que lui-même considérait comme "l'âge d'or" de sa caste.
- il y a aussi des gens qui s'en sont servis d'outil de propagande. Je ne pense pas avoir dit que le hakagure était responsable de l'idéal yamato perverti qui a provoqué les conflits que l'on sait mais je maintiens qu'il a servi d'outil d'endoctrinement interne.

Ca ne veut pas dire que l'auteur du Hakagure était de la même trempe que les militaires nippons du 20ème siècle mais qu'ils ont utilisé son texte à leurs propres fins, comme un outil de plus.

il me semble aussi que dire que le hakagure est "responsable" de l'idéologie nippone durant sa période expansionniste du début du siècle dernier est un raccourci un peu simple. Un peu comme de reprocher à Darwin de par ses théories ou à Wagner parce qu'on a repris sa musique d'être responsables du nazisme...

le hakagure est l'oeuvre d'un nostalgique d'une époque vécue comme idéale mais en dehors du traité de musashi, c'est un des rares bouquins sur la mentalité des samurai qui traversa le temps jusqu'à notre époque. Et là ou musashi parle surtout de discipline personnelle, d'individualisme et d'accomplissement martial, le hakagure met bien plus l'accent sur la relation vassal/suzerain et la dévotion (idéalisée et caricaturale) qui lie les deux.

je dirais que connaissant ce livre et pouvant arguer en travestissant un peu les faits qu'il s'agissait d'une "oeuvre des anciens", la police de la pensée militaire du japon de l'ère de la "paix brillante" aurait eu tort justement de ne pas le reprendre à ses propres fins en faisant de cet ouvrage une "bible" bien utile.

après, que Mishima, lui qui a vécu après la défaite japonaise, se soit entres autres "réfugié" là dedans pour nier certaines évolutions historiques de son pays, ma foi... au moins était-il plus près dans l'idéal de l'auteur que ceux qui utilisèrent son oeuvre pour leurs besoins de propagande.

C'est à dire déconnecté de son époque et soucieux d'oeuvrer à la restauration d'un "âge d'or" dont leur vision (à Tsunemoto et Mishima) était certainement entachée de bcp de romantisme

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Message par Kzo » 09 mars 2006, 12:13

Je suis tout a fait d'accord avec tes propos.

C'est l'eternel probleme de celui qui se cache derriere le travail d'un autre et qui le detourne à ses propres fins. On pourrait comparer ca à de la diffamation.
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