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par Otaku Sh?am » 19 déc. 2004, 20:02
Le marchand n’avait pas souvent vu de rokugani, il savait qu’ils vivaient au-delà des plaines sèches et qu’ils ne s’aventuraient jamais aussi loin de leur Empire… Pourtant, cette femme qui arrivait était rokugani à n’en pas douter… Ce qui frappa Tarik, ce fut la pâleur de sa peau, elle avait la couleur de cette poudre qu’il n’avait vu tomber du ciel qu’une fois quand il était enfant… Elle marchait d’un pas lent, ses vêtements en lambeaux, exposant un peu plus sa peau claire, de longs cheveux noirs cascadaient jusqu’au milieu de son dos. Elle prenait appui sur un long bâton noueux, deux épées, une courte et une longue pendaient à son flanc gauche ; en bandoulière sur son épaule, un sac de toile grossière et un arc court.
- Elle est belle ! s’exclama son fils en tendant le doigt vers l’étrangère.
Tarik le gratifia d’une tape sèche derrière la nuque mais il disait vrai, les jambes de la femme étaient fines, fuselées, sa taille mince serrée par la ceinture qui portait ses armes. Elle était magnifique…
- Range un peu les articles, qu’elle aie au moins envie d’en acheter ! gronda l’homme.
Le garçon déguerpit sans demander son reste. La rokugani atteignit l’étal et leva ses yeux vers Tarik, ses cheveux mangeaient le côté gauche de son visage mais on devinait son ovale parfait, son œil droit était magnifique, d’une couleur ambrée, un fin sourcil s’arquant au-dessus de sa paupière. Le gaijin connaissait des rudiments de la langue de la femme, son père avait tenu à ce qu’il soit capable de vendre à ceux qui vivaient de l’autre côté, le vieil homme croyait qu’un jour, leur pays serait le plus puissant et que tous viendraient à lui… On attendait encore ce jour-là…
- Bonjour ! fit-il d’un air jovial.
- Bonjour, marchand.
Sa voix était éraillée, celle de quelqu’un qui n’a pas bu depuis longtemps…
- Un peu d’eau ?
La femme hocha la tête, fouilla dans une des poches de sa veste et lui tendit une pièce en cuivre.
- Gratuit, gratuit ! fit-il en lui tendant un bol en bois rempli d’une eau légèrement brunâtre.
- Merci.
Elle rangea l’argent et porta le bol à ses lèvres avec lenteur.
- Comment t’appeler ?
La femme sembla mettre un temps à comprendre puis articula lentement.
- Haruka.
- Moi, Tarik ! Je peux vendre à toi choses très utiles pour désert !
- J’aimerais que tu me vendes ces choses dont tu parles…
Le marchand hocha la tête et pria la jeune femme de l’attendre, il allait chercher des choses pour elle dans sa cabane.
Haruka finit l’eau, elle avait un goût de terre mais elle lui permettait au moins de rafraîchir sa gorge… Trois longues années mais elle avait fini par y arriver… Les terres brûlées, enfin… Le clan du Scorpion n’irait pas la chercher ici.
Tarik revint, vu l’allure de l’étrangère, il doutait qu’elle survive plus de quelques jours dans la fournaise mais les affaires sont les affaires ! La jeune femme observa attentivement ce qu’il lui présentait et troqua ses sandales de bois pour des bottes de cuir, ses jambières de laine et sa veste de coton contre tunique et pantalon bouffant blancs, ajoutant parfois quelques pièces en contrepartie. Pour Tarik peu importait le nom de koku ou de bû, ce qui comptait c’était le métal dont ces pièces étaient faites.
- Toi ferait mieux de prendre ça pour ta tête. fit Tarik en lui tendant un turban.
- Hum…
Haruka se saisit de l’étoffe et releva ses cheveux. Tarik retint une exclamation d’horreur. Son œil gauche n’était plus qu’un cratère de chair boursouflée et une longue cicatrice courait sur sa joue. Elle enroula ses cheveux dans le tissu et laissa une mèche cacher son œil mutilé.
Quelques temps plus tard, l’étrangère repartit finalement avec une gourde de cuir, de nouveaux vêtements, de la viande séchée et cinq cent grammes de semoule fine.
La longue silhouette s’éloigna petit à petit de la cabane du marchand dont le fils revint enfin.
- Tu lui a dit où était le puit, papa ?
- Oui mais elle ne tiendra pas sept jours…
- Pourquoi ?
- Le soleil, mon fils est le pire des ennemis. Cette femme est sans doute pareille aux amazones que nos grand-pères virent passer, il y a de cela des siècles, elle a connu semble-t-il moult ennemis mais le soleil elle ne le connaît pas et elle le sous-estimera.
- Elle va mourir ?
- Sans doute, à moins que les Mercenaires n’en décident autrement, après le soleil, c’est eux qui commandent.
- Les Mercenaires ?
- Je t’expliquerai une autre fois.
Haruka secoua sans conviction la flasque de cuir… Dire qu’il y a quelques années en arrière elle aurait été dégoûtée par un tel objet… Elle vérifiait enfin le précepte de son ancien clan selon lequel la fin justifiait les moyens.
Elle avait terminé le lapin qu’elle avait tué il y a de cela deux jours et elle était affamée, autour d’elle, que du sable ; du sable et du soleil… Amaterasu la déesse, mon oeil ! Un démon plutôt ! Le soleil brûlait tout ici, à cause de lui pas de vie possible… Elle n’avait pas vu un seul arbre depuis bien longtemps… Sa dernière blessure à la jambe la faisait atrocement souffrir et les distances parcourues étaient bien maigres, son œil gauche la lançait terriblement, elle n’avait jamais guéri complètement du coup de sabre porté par son daimyo… Elle avait voulu fuir Rokugan et elle était piégée par les terres brûlées, sale destin. Elle posa sa tête sur le sable, elle aurait presque crié au contact de sa peau brûlée par le soleil avec les minuscules grains. Tout était fini et personne n’entendrait son cri, à quoi bon ?
- Qu’est-ce que tu fous, Hassan ?
L’homme voilé de noir se tourna vers son frère.
- Il y a un corps là-bas !
- Et alors, t’es un de ces foutus vautours ?
- Y’a peut-être quelque chose d’intéressant…
- Tu es un guerrier, pas pilleur de tombes, merde ! grogna Hassim.
Hassan l’ignora et dévala la dune. Son frère le suivit à contre cœur.
- C’est une femme et elle est vivante !
- Une femme ? Dans le désert ?
Hassan regarda l’inconnue, sa peau ne devait pas avoir l’habitude du soleil, il fallait l’amener à l’ombre et l’hydrater sans quoi elle mourrait… Une femme dans ces étendues sablonneuses était une véritable aubaine, les hommes seraient contents, il avait encore eu une sacré intuition !
- Aide-moi, Hassim !
Il la saisit aux jambes tandis que son frère la prit aux épaules.
- Oh bordel, qu’est-ce que c’est que ça ? hurla-t-il en la lâchant.
- Fais gaffe, tu vas l’abîmer !
- Regarde son œil, Hassan !
Son orbite gauche grouillait de vers blancs, l’homme réprima un frisson.
- Ce doit être une guerrière, Malika pourra sans doute quelque chose pour son œil…
- Mais personne n’en voudra !
- Oublierais-tu le devoir de l’hospitalité ? fit Hassan. Allez, soulève-la.
- L’hospitalité si la personne la réclame !
- T’auras qu’à cacher son œil si y’a que ça qui t’intéresse !
Hassim soupira et reprit la femme par les épaules, évitant de regarder son visage.
Haruka sentit une odeur de plante, elle essaya d’ouvrir ses yeux et fut tristement rappelée à la réalité, seul son œil droit y voyait. Autour d’elle une toile de tente, de l’ombre, de l’eau, une femme à la peau brune.
- Qui êtes-vous ? murmura le ronin.
La femme lui répondit dans une langue inconnue.
- Seigneur Hassan, elle est réveillée.
- Elle parle ?
- Une autre langue, je crois…
- Et son œil ?
- J’ai retiré les insectes mais il faudra brûler les chairs pour éviter l’infection… Je me demande comment elle a fait pour survivre…
- Cautérise la plaie, alors. Les cadavres attirent de sales bêtes.
- Oui, Seigneur Hassan.
Haruka suivit l’échange sans en rien comprendre. La femme avait sûrement la trentaine mais ses traits étaient tirés et son visage fatigué, creusé de rides. L’homme était immense, sa peau brun foncé, une épaisse barbe noire lui mangeait le bas du visage, il semblait dominer la femme et lui donner des ordres. Il se rapprocha d’elle.
- Tu comprends ce que je dis ?
Sa langue était bizarre, faite de sonorités gutturales… Il se pencha encore vers elle et lui caressa la joue.
- Ma foi, tu n’es pas trop mal avec un œil bandé correctement…
L’étrangère essaya de se contorsionner pour lui échapper, Hassan la retint, son œil droit le foudroya.
- Tu ferais mieux de lui expliquer qu’il faut obéir, Malika. Sinon, nous la jetterons dehors !
- Oui.
Haruka détestait qu’on la touche, surtout au visage, elle aurait pu tuer quelqu’un pour moins que ça !
L’homme grommela quelque chose puis sortit. La femme posa une main sur sa poitrine et articula lentement.
- Malika.
Haruka la regarda de son œil ambré puis posa difficilement une main sur sa poitrine.
- Haruka.
La femme désigna l’extérieur.
- Hassan.
Ce devait être le nom de son agresseur… Son œil étincela de colère et aussitôt Malika secoua la tête en répétant des mots étranges.
- Non, non, non !
Elle s’inclina à plusieurs reprises devant la sortie de la tente. Haruka soupira, pourquoi ceux qui détenaient l’autorité étaient-ils toujours des imbéciles ? Malika désigna l’œil blessé puis le feu.
- Quoi ? demanda Haruka.
Malika s’approcha du feu et en retira un pointe de flèche chauffée à blanc. Haruka comprit soudain et essaya de se redresser mais elle n’avait pas vu un autre homme à sa gauche qui la maintint sur le matelas.
Hassan expliquait l’arrivée de l’étrangère au campement quand un long hurlement s’échappa de la tente des femmes.
- Qu’est-ce que c’est ? demanda le chef des Mercenaires.
- On soigne les blessures de la femme, grand Mahir…
Haruka bouscula l’homme avec une force qui surprit Malika et se leva d’un bond, des larmes de sang ruisselant sur sa joue gauche, elle tituba jusqu’à la sortie, se heurtant et renversant divers objets, écartant violemment ceux qui voulaient la retenir. Elle n’y voyait plus rien, la douleur était terrible, on lui avait pris son daisho, on…
Hassim lui asséna un violent coup dans la nuque et elle s’effondra sans crier. Il n’avait pas apprécié qu’elle l’envoie dans le feu… Il tira son cimeterre quand Malika s’interposa en le suppliant.
- C’est une intervention très douloureuse qui fait perdre les esprits, laissez-la se rétablir, seigneur Hassim, je vous en prie !
Il hésita quelques instants, sa lame suspendue au-dessus des deux femmes puis la rengaina.
- Tiens-la hors de ma vue jusqu’à ce qu’elle soit remise. Après, elle aura son compte !
- Oui, seigneur Hassim !
L’homme quitta la tente furieux. La femme du désert réfléchit quelques instants et ordonna aux hommes qui montaient la garde à l’entrée de rallonger l’étrangère. Il y avait bien un homme qui parlait une langue étrange et qui était arrivé au campement il y avait deux ans de cela… Akizo… Malika attendit que les hommes aient fini puis elle leur demanda d’aller chercher le guerrier. Haruka recommença à bouger, elle s’approcha d’elle et lui indiqua d’un geste doux qu’il ne fallait pas bouger. Les pans en peau de bête de la tente furent écartés et un homme de haute taille rentra, il avait la peau brune lui aussi mais les yeux bridés, son visage n’était pas celui d’un homme des terres brûlées et il parlait la langue des Mercenaires avec un accent étranger.
- Seigneur Akizo, il y a une femme qui vient d’arriver au campement et je crois qu’elle parle votre langue…
- Ma langue ?
Akizo s’approcha, sur un matelas de plumes recouvert d’une peau de chèvre était allongée une femme blessée, à l’œil crevé et sanglant mais sa peau et son allure étaient celles d’une rokugani.
Haruka observa l’homme, malgré sa peau foncé, il ressemblait à l’un des siens. La peur lui serra la gorge, serait-elle revenue près de Rokugan ?
- Comment tu t’appelles ? fit l’homme dans la langue de l’Empire d’Emeuraude.
- Haruka, samouraï-sama…
- Je ne suis plus samouraï. Que fais-tu ici ?
- J’ai quitté Rokugan, on m’accusait à tort.
- Quel était ton ancien clan ?
- J’appartenais à la famille Bayushi du clan du Scorpion.
- Qu’est-ce qui est arrivé à ton œil ?
- Mon bien-aimé daimyo l’a crevé ! fit-elle d’un ton sarcastique malgré la douleur.
- Je suis Akizo, j’ai appartenu à la famille Hida du clan du Crabe. Où est ton daisho ?
- Ils me l’ont pris.
Akizo hocha la tête et se leva. Il s’adressa à Malika dans sa langue.
- Cette femme est une guerrière, jamais les soldats ne pourront faire d’elle leur putain, elle préférera la mort que rompre son serment.
- Quel serment ?
- Dans mon pays, une guerrière doit faire vœu de chasteté et elle ne le rompra que si elle venait à se marier.
Haruka observa le grand Crabe discuter et sortir de la tente, elle n’était peut-être pas perdue…
- Comment ? s’exclama Hassim.
- C’est une guerrière, mon frère…
- Et alors, elle n’en reste pas moins une femme !
- Tu n’arriveras jamais à en faire une esclave. insista encore Akizo.
- Eh bien il n’y a qu’à la mettre à l’épreuve, Hassim contre l’étrangère et celui qui perdra sera banni. Trancha finalement Mahir.
- Soit ! Ce n’est pas cette fille borgne qui va gagner ! fit-il en riant. Je serai clément, je lui donne le temps que sa vision se répare et le choix de ne pas se battre !
- Il faut que tu lui rendes ses armes, Hassim.
- Elles sont dans ma tente, prend-les.
- Merci.
Akizo salua ses camarades et son chef puis quitta la tente de commandement.
- Il est toujours un peu raide, non ? fit Hassan en regardant le grand Rokugani s’éloigner.
- C’est dans leur culture. répondit doctement Mahir.
Haruka s’efforça d’ignorer la douleur pour saluer Akizo qui revenait. Avec des gestes imprécis, elle quitta son matelas et s’inclina.
- Akizo-sama.
- Il n’y a pas de titres ici, les hommes connaissent leur valeur et cela leur suffit, Haruka-san.
- Bien…
- J’ai récupéré votre daisho.
Il lui tendit les deux fourreaux écaillés de rouge ainsi qu’une longue robe noire et un pantalon bouffant assorti.
- C’est la tenue des Mercenaires.
- Mercenaires ?
- Des hommes qui se battent pour l’argent, les maîtres du désert, son armée.
- Des ronin des sables ?
- Oui.
Akizo se retourna sous l’œil surpris des autres femmes de la tente. Haruka se dévêtit lentement, épargnant sa jambe bandée par les soins de Malika, la douleur dans sa tête était intense. Elle enfila les habits noirs et autorisa Akizo à se retourner. Il lui tendit un bandeau.
- Il protégera ta blessure de la poussière et du soleil.
Elle l’enfila. Ainsi, elle recouvrait sa beauté, celle qu’elle avait du avoir avant son accident… Elle prit le katana et le wakizashi et les passa à sa ceinture de cuir puis elle suivit Akizo dehors, enfilant des sandales de cuir. Haruka fut stupéfiée par l’extérieur, en plein milieu du désert se trouvait la vie, des plantes, de l’eau, des fruits. Autour d’eux, de nombreuses tentes étaient installées, de toutes les couleurs, de teintes claires ou bariolées de rouges, de bleu et de jaune. Elle observait tout avec une révérence inattendue.
- Comment est-ce possible ? murmura-t-elle.
- C’est une oasis. Une forêt en plein désert, l’espoir de survie de tout voyageur. Peut-être aimeriez-vous vous rafraîchir un peu ? Je surveillerai les alentours.
- Volontiers.
Haruka suivit l’homme mais une chose l’étonnait, en bon Scorpion elle avait appris la méfiance, peut-être à l’excès.
- Pourquoi faites-vous ça pour moi ? demanda-t-elle soudain.
- Parce que les miens me manquent. Parce que vous êtes une guerrière et que vous avez mes valeurs, celles de notre Empire, parce que vous êtes une goutte d’eau précieuse dans le désert et l’aridité de ce peuple.
Haruka avait mal à la tête et elle décida de le croire, accueillant avec bonheur l’eau claire de l’oasis, Akizo la laissa en compagnie des femmes des Mercenaires qui l’aidèrent sur ses ordres à se laver et à soigner ses plaies. La plupart furent étonnées de voir tant de cicatrices sur un corps de femme. Elle se sécha dans une peau de mouton et rejoignit l’ancien Hida.
- Peu d’hommes décident d’entreprendre le voyage vers les terres arides… commença-t-il. Je suis arrivé il y a deux ans, dans un état guère meilleur que le vôtre, un autre homme pareil à vous et moi n’a pas survécu à ses blessures et au soleil et il est mort peu après mon arrivée ici. Les Mercenaires m’ont accepté car dans leur pays et surtout dans le désert, quand les clans ne sont pas en guerre, l’hospitalité et la charité sont nécessaires à la survie… Je leur dois la vie et je resterai avec eux. J’ai été banni injustement, lors d’une cour d’hiver... Je ne connaissais rein aux usages et j’ai commis une faute mais ce sont des Doji qui m’ont jugé, je ne représentait qu’un peu de distraction pour eux, nul n’a fait preuve de clémence à mon égard… Mais comment aurais-je pu savoir que je m’étais adressé à une princesse impériale et que j’avais insulté notre Empereur ! Elle ne s’était pas plainte de mes faveurs !
Akizo marqua une pause et baissa la tête.
- J’ai fui, j’ai été lâche. Mais je ne voulais pas mourir pour une faute aussi ridicule ! Je rêvais de gloire sur le mur et maintenant je me bats pour de l’argent dans un pays qui n’est pas le mien, je n’ai pas de camp, pas de clan, pas de patrie…
- Je comprends…
Haruka avait été magistrat d’Emeraude pendant un temps avant d’être le plus jeune sensei de son clan… mais c’était là bien loin derrière elle. Elle regarda Akizo, il n’était pas si vieux… A peine plus d’une vingtaine d’années…
- Et vous ? fit-il soudain.
- J’ai été trahie. J’ai payé, fit-elle en désignant son bandeau, pour ce que je n’ai pas fait.
- Qui vous a trahie ?
Oui, il était jeune, la stupeur de son ton, la naïveté de ses questions tout le prouvait…
- L’insoupçonnable, évidemment. fit Haruka avec un rictus amer.
- Et ?
- Ce n’est pas vraiment une conversation intéressante mais disons pour simplifier que j’ai fui pour échapper à mon clan, j’ai fui pour revenir. Je reviendrai et ils paieront…
Akizo regarda la femme avec un léger sourire.
- Vous aurez besoin de plusieurs personnes pour faire payer à un clan entier !
- Je ne veux faire payer qu’à quelques personnes… fit-elle en souriant. Je n’ai pas tant d’ambition !
- Je reviendrais peut-être un jour moi aussi… fit Akizo en regardant l’horizon.
Hassim regarda l’étrangère, sa peau était plus foncée qu’à son arrivée et son œil était correctement bandé, elle avait coupé ses longs cheveux noirs qui se dressaient en pointes hirsutes. Elle tenait à deux mains un sabre comme celui d’Akizo, légèrement recourbé à la lame fine, le Mercenaire connaissait son tranchant… Un cordon rouge enroulé sur la poignée du katana retombait sur les poignets de Haruka. Ses longues jambes étaient écartées et fermement plantées de le sol. Hassim tenait son cimeterre d’une main et arborait un sourire de loup ; la femme allait perdre.
Tous deux s’élancèrent, Hassim poussa le cri que les guerriers des sables poussaient au combat depuis des siècles mais quelle ne fut pas sa stupeur en constatant que dans sa main droite, il ne tenait plus rien. Il se jeta en arrière assez rapidement pour éviter que son propre cimeterre ne vint lui trancher la gorge mais pas assez pour éviter le katana.
Les guerriers virent médusés le sable boire le sang d’un des meilleurs d’entre eux qui retomba en deux morceaux sur le sol.
Haruka laissa tomber l’arme de son adversaire et essuya calmement sa lame au vermeil luisant.
Un lourd silence tomba sur le camp puis Mahir s’avança.
- Sois bienvenue, guerrière de l’Empire d’Emeraude.
Haruka s’inclina. C’étaient donc des hommes de parole.
Quatre ans avaient passé, le ronin avait appris à lire dans le ciel et le soleil les tempêtes de sable, il avait appris à parler la langue du peuple du désert, il avait rencontré divers peuples, tribus, clans, il avait visité des dizaines d’oasis, il avait appris à connaître les serpents mortels qui se cachaient dans les roches et sous le sable, il avait appris à débusquer la nourriture, rongeurs, oiseaux, il avait rencontré les grands poneys que montaient les hommes des terres brûlées et les grands animaux bossus qui transportaient leurs campements d’un bout à l’autre de étendues de sable. Le ronin avait parfait son art du combat, son art du poison, en en découvrant de plus mortels hors de Rokugan, son art de la tromperie et de la discrétion, son art de la séduction, découvrant avec Akizo les plaisirs charnels. Mais le ronin n’était satisfait.
- Qu’y a-t-il plus loin ? demanda un jour Haruka à Mahir.
Le vieil homme ne regrettait pas le choix qu’il avait fait en prenant cette femme dans ses rangs, elle valait cinq de ses guerriers quand il l’avait connue, elle en valait maintenant dix malgré son œil… Sa peau était de la couleur du cuivre, elle portait ses cheveux mi-longs, protégée par un turban et un voile noir comme ses compagnons, sa démarche était souple et silencieuse et c’est à peine s’il l’avait entendue approcher.
- Je ne sais pas trop…
- Pourquoi ne pas y aller ?
- Pourquoi y aller ? rétorqua-t-il.
Haruka le salua et s’en alla, le vieil homme soupira, elle allait partir, encore.
Le ronin approchait de ses trente-quatre hivers, il aurait dû rentrer à Rokugan pour réclamer une vengeance mais un appel résonnait dans sa tête… Haruka l’entendait depuis plus de deux ans… C’était la voix d’une femme mais elle n’était pas sûre d’en comprendre la langue… C’était comme une mélange de rokugani et de tous les dialectes du désert… Elle s’éveillait souvent en sueur avec une envie irrépressible de quitter le camp et de descendre encore vers le sud… Elle regarda le Soleil se coucher, assise sur un rocher, elle attendit l’ascension de la Lune et sourit ; cette nuit, elle partirait.
Dernière modification par
Otaku Sh?am le 03 mars 2005, 17:23, modifié 1 fois.
Otaku Sh?am
Floodspeakeuse, supp?t de l'outremonde.
Inclinez cette carte et les unit?s ennemies s'en iront ramasser des petits cailloux...
Et dire que des gens oublient les petits cailloux, quelle honte!