[Background] Shosuro Kurenaï

Ce Forum est dédié à être un recueil pour les histoires que les Forumistes rédigent dans le monde de L5R.

Modérateurs : Magistrats de Jade, Historiens de la Shinri

Avatar de l’utilisateur
Yogo Kaneda
Samurai
Messages : 357
Inscription : 11 mai 2004, 19:09

[Background] Shosuro Kurenaï

Message par Yogo Kaneda » 14 oct. 2004, 11:59

Shosuro Kurenaï



Rouge Sang.


J’ai toujours aimé cet endroit, aussi loin que remontent mes souvenirs. La source chaude où mon père avait l’habitude de m’emmener depuis ma plus tendre enfance. Malgré tout… La septième. Celle de trop peut-être. Il me tolérait . Septième fille, tel était mon nom. Il y a longtemps. Où peut-être était-ce dans une autre vie. Parfois il m’arriverait de le souhaiter.
Tu as raison de penser cela. Et tu sais que je ferai rien pour te détromper. Tes pitoyables inquiétudes et ton indécente nostalgie sont tes entraves, septième fille. Et pourtant…

Un endroit seul connu de moi aujourd’hui… et de ces singes. Des animaux singuliers que ces macaques. Viennent-ils ici pour y réchauffer leur corps ou y viennent-ils pour se décharger du fardeau de leur conscience ? Comme moi, ils affectionnent cette cascade mais jamais ne m’approchent. Il n’y a personne pour voir cela…
Ces viles créatures t’ont toujours attirées. Elles nous ressemblent, aimais-tu à dire… Quelle folie. Ils se protègent du froid voilà tout.

-Qu’est-ce qui peut t’obséder à ce point ?
-Pourquoi me fixes-tu comme cela ?
-Tu n’as pas répondu à ma question…

J’avais cru rêver un instant. Mon père m’avait parfois parlé des vertus exceptionnelles associées à cet endroit. Quoique j’ignorais jusqu’ici que les vapeurs de la source puissent devenir hallucinogènes. Personne n’aurait pu venir ici et empoisonner l’air. Je l’aurais senti. On m’avait élevée pour sentir de genre de choses.
Alors qu’attends-tu ?
En un clignement d’œil, il se tenait devant moi et me fixait de son regard sombre. Jamais je n’avais vu telle expression. Et jamais personne ne s’était tenu aussi près de moi… Quelle indécence.
Tiens donc…

Raconte-moi ton histoire. Septième fille.
Pour la première fois de ma vie, j’étais vraiment prise au dépourvu. J’avais alors l’impression que la vapeur dégagée à la surface de l’eau n’était plus naturelle. Je me sentais comme passée de l’autre côté d’un miroir. Si ce macaque m’avait adressé la parole, ne comptez pas sur moi pour le jurer. Il posa sa main sur son menton et continua à me dévisager. Il était le seul être vivant à avoir contemplé mon visage démasqué depuis des années et lui seul l’a vu depuis… Mon masque est la plus redoutable de mes armes mais d’autres pourraient vous en parler mieux que moi, pourvu que vous puissiez communiquer avec les morts.
Mon histoire n’a aucun intérêt. Et je ne discute pas avec les singes.

Qui te parle de discuter ? Tu lui parleras et il fera semblant de t’écouter. Ces enfantillages sont ridicules.
Je m’apprêtai à quitter le bassin dans lequel je m’étais trop longtemps prélassée. Je devenais folle. Encore un de tes sales tours, vieux fou. Je suis plus forte que toi et tu as eu l’occasion de t’en rendre compte. Tes dernières paroles furent à la hauteur de ta bêtise. Tué par le sabre de ton père que tenait ta fille honnie. Vivant, tu me haïssait. Mort, tu n’es même plus digne de mon mépris.
Je me levai puis me drapai dans un linge blanc. Un étrange frisson me parcourut mais la bise n’y était pour rien. Enfin, je remis mon masque, prête à retourner à mes affaires. Ce dernier tomba au moment où je tournai le dos à la cascade, se brisant en mille morceaux qui me renvoyaient le reflet de mon visage.

Assieds-toi et parle moi. J’ai tout mon temps et tu ne partirais pas sans ton masque, samouraï du clan du scorpion. Pas sans ton bien le plus précieux. J’étais nue et la source chaude un refuge… et après, j’étais seule sans personne pour me voir me couvrir de ridicule.
-Bien, je vais te dire ce que tu désires entendre. Tu comprendras alors pourquoi mon existence n’a aucun intérêt.
Je suis née il y a environ 20 ans, au cœur de l’hiver, au jour le plus froid de l’année selon les dires de ma nourrice dans Ryoko Owari Toshi, la ville que nous nommons « la cité des mensonges ». La dernière de sept enfants d’un homme influent de la famille Shosuro et celle qui conduisit sa mère au bûcher funéraire. Ce fut la première raison qui poussa mon père à me haïr car il aimait ma mère. La seconde était que je fus une fille. Ma première question était : pourquoi étais-je en vie ? je ne le compris que plusieurs années plus tard, quand le temps fut venu pour moi de quitter le cocon de l’enfance et la demeure familiale.
J’avais passé beaucoup de temps à apprendre de mes sœurs qui avaient rejoint les écoles de courtisan de la famille Bayushi et celle des acteurs de notre famille. Une d’elle ne se montrait que trop rarement : nul ne savait ce qu’apprenait ma troisième sœur. Mon père me tenait systématiquement à l’écart de ses autres filles. Il entendait m’élever comme son fils et c’était à l’assouvissement de ce plan que je devais ma survie. Je n’ai pas compté les coups que j’ai reçus de sa propre main. Chaque punition ou brimade ne faisait que renforcer ma haine contre ce misérable chien. Ce fut sa première leçon.
Et il y en eut d’autres, mais tu ne peux encore le comprendre.
Ce fut vers l’âge de sept ans que je partis au dojo de la grue rouge pour y subir l’apprentissage pour lequel j’avais été programmée. Je serais un bushi, avec de la chance un maître de la technique des masques parmi les masques. Cependant, les seules dispositions dont j’avais fait preuve jusqu’ici était une certaine maîtrise de l’art du déguisement. Le sabre n’avait aucun intérêt pour moi et les principes de son maniement m’échappaient, faisant de moi une des élèves les moins douées. Mon père dut user de son influence pour que je puisse continuer mon apprentissage. Au fil des mois vinrent la compréhension du kenjutsu et mes premiers progrès. Je n’étais ni la plus rapide, ni la plus intelligente, mais aucun de mes adversaires n’arrivait à savoir qui j’étais. Mes adversaires ne me connaissant pas, ou ne me connaissant que partiellement, ma tâche était simplifiée et la victoire me souriait.
Lors de mes retours à la demeure familiale, mes sœurs et moi nous engageâmes dans un plan dont le but était très simplement la mort de notre père. Et je lui donnerais le coup final. Les convaincre fut plus facile que prévu. La façon dont le plan fut échafaudé ne mérite pas sa place dans ce récit…
Après plusieurs années d’enseignement, j’étais prête pour mon gempukku. Je choisis alors de me nommer Kurenaï. Mon père m’offrit la lame de son père. Une lame sombre qui avait la particularité de ne pas refléter la lumière. Etait-ce de la fierté dans son regard ? A cet instant, je fus à deux doigts de le laisser vivre. Ce fut à cette époque qu’il m’emmena ici pour la dernière fois. Je ne le vis plus pendant plusieurs mois car je rejoignis ma sœur à la capitale. Je lui servait de yojimbo et parfois d’espionne, tantôt sous les traits d’une heimin ou sous ceux d’une geisha…
Mon père aimait les maisons de geisha et ce fut la cause de sa perte. Un soir, alors qu’il était dans une maison de geisha d’Otosan Uchi et que j’étais repartie vers les terres familiales, il fit une mauvaise rencontre. Une charmante jeune femme accepta de partager sa couche avec cet homme qui ne fut pas capable de reconnaître sa septième fille. Il était trop tard lorsque je lui enfonçai mon katana dans la poitrine. Ses seuls mots furent : « tu seras un homme ma fille. » Il trouva encore la force de défaire mon chignon. Nue, sur son corps ensanglanté, je savourai mon triomphe et goûtai enfin aux parfums de la vengeance et de la mort.
Depuis cette nuit, j’ai cessé de compter mes victimes mais la voie que mon père a choisi n’est pas la mienne. Un jour homme, un jour femme, je sers et j’exécute.
Le reste est accessoire.

-Mais toi, qui es-tu ?
-Peu importe. Il n’est pas dans nos habitudes de parler à des hommes qui ne peuvent nous comprendre mais parfois, nous prenons le temps d’écouter les petites filles qui choisissent une voie qui n’est pas la leur.

Pour la dernière fois, je sortis de cette eau chaude pour me draper dans ce drap blanc que l’humidité de mon corps rendait transparent. La bise venue de l’est me fit frissonner une seconde fois mais l’inquiétude faisait désormais place à la certitude. A cet instant, je compris que j’étais née pour combattre et que la voie que mon père m’avait jadis imposée m’appartiendrait à l’avenir.
Désormais, j’étais prêt.
Tu es enfin digne de moi… mon fils.

Père ?
Dernière modification par Yogo Kaneda le 11 juin 2005, 20:45, modifié 1 fois.
Pour atteindre l'illumination, il faut suivre 3 règles:
1 - ne jamais accepter d'argent
2 - ne jamais accepter les avances des jeunes filles
3 - ne jamais accepter les règles stupides d'un petit moine pervers désireux de priver les autres de ce qu'il n'a pas ("La contradiction est la mère de la juste compréhension")

Avatar de l’utilisateur
Yogo Kaneda
Samurai
Messages : 357
Inscription : 11 mai 2004, 19:09

Message par Yogo Kaneda » 14 mars 2005, 17:16

la "suite" est en cours...
Pour atteindre l'illumination, il faut suivre 3 règles:
1 - ne jamais accepter d'argent
2 - ne jamais accepter les avances des jeunes filles
3 - ne jamais accepter les règles stupides d'un petit moine pervers désireux de priver les autres de ce qu'il n'a pas ("La contradiction est la mère de la juste compréhension")

Avatar de l’utilisateur
Yogo Kaneda
Samurai
Messages : 357
Inscription : 11 mai 2004, 19:09

Message par Yogo Kaneda » 11 juin 2005, 20:45

Entre l’ombre et la lumière.



J’avais survécu.
Sept années passées auprès de mon senseï, parmi les autres élèves du dojo de la grue rouge, et mon secret tenait toujours. Nul n’avait jamais su que le fils bien aimé de Shosuro Yoshida était la septième de ses filles. La voie du sabre m’était désormais moins étrangère. Néanmoins, mon « révéré père » avait fort bien réussi son plan : je n’étais plus moi-même, mais j’étais plus forte. Une maîtresse du déguisement et de la comédie doublée d’un combattant doué, discret et efficace… Doux comme une caresse, froid comme l’acier.
Pourtant, je savais qu’il ne s’en satisferait pas…
Je me souviens encore de son ton, le jour où il me remit mon katana. « Tu n’es même pas digne de poser ton regard sur la lame de ton grand-père. Mais saches que, dans ma grande mansuétude, je t’offre les services du maître Tadatsuke. Tu le trouveras et il forgera l’arme qui sera la tienne. Ainsi en ai-je convenu avec lui. Après tout, mon plan est réussi. Tous pensent que tu es un héritier digne de moi. La volonté est la clef de tous les succès. Même toi, jeune flagorneur, tu en conviendras… »
- Il en sera fait selon vos désirs, père. Je me soumettrai à cette épreuve que votre sagesse m’impose.
- Bien. Ton senseï a fait des miracles. Nous irons à la source chaude ce soir. Ensuite, tu partiras chercher ton dû. Et nous nous reverrons plus tard, quand le temps sera venu. A ce soir, mon fils.

« Cette chambre, ces bras fins qui m’enlacent et ce doux souffle chaud sur ma nuque. Où suis-je ? »
- Rendors-toi, petite sœur, ce n’était qu’un mauvais rêve.
- Les rêves ne sont ni bons, ni mauvais, Tomoko-kun. Ils ont un sens pour ceux qui savent le déchiffrer. Je me souvenais, rien de plus.
- Nous n’aurions pas dû te laisser assassiner père.
- Je voulais le tuer de mes propres mains. Et cette vision ne me hante plus.
- Tu n’as jamais su me mentir, Kurenaï. Embrasse-moi, oublie et aime-moi comme tu sais si bien le faire.
Alors, au plus profond de cette nuit hivernale, Kurenaï oublia au contact de ce corps doux et voluptueux, qui était celui de l’aînée de ses sœurs Tomoko. Parmi les sept filles de Shosuro Yoshida, elle était celle qui lui ressemblait le moins. Et pourtant, Kurenaï l’aimait plus que tout. Tomoko savait voir en elle comme nulle autre. Ses caresses et ses baisers lui firent oublier tout ce que ce monde avait de sombre depuis que le seigneur Shoju avait exécuté le plan, qu’il avait demandé à leur sœur Kyono d’élaborer. Kurenaï avait suivi Tomoko à la capitale quand, après que le trente neuvième Hantei a prononcé la déchéance du clan du scorpion, le clan du crabe et ses alliés de l’Outremonde avaient rasé Ryoko Owari. Elles avaient fui une cité agonisante dans laquelle elles n’étaient déjà plus rien, pour se rendre dans une cité désormais sous la houlette d’un empereur corrompu et de ses armées impies… Tomoko, même en cet instant désespéré, sut arracher un cri de plaisir à Kurenaï, qui, quelques instants plus tard, put se rendormir, enfin apaisée. Son sommeil la conduisait une fois de plus à suivre le chemin de son passé.

Il était déjà là, baignant lascivement dans l’eau de la source, tous ses sens en éveil, la contemplant, vêtue d’un drap de lin. Il avait ce regard acéré des courtisans Bayushi, ce regard qui déterminait vos faiblesses en moins de temps qui en fallait pour s’en rendre compte. Il avait le corps fin, un port de seigneur. Il avait la quarantaine séduisante, enfin pour quiconque hormis ses sept filles. Celles-ci avaient en effet pris fait et cause pour leur plus jeune sœur. Assez curieusement, depuis le remariage de Yoshida et malgré la naissance du jeune Edoro, qui serait alors son héritier légitime, sa haine pour sa septième fille n’avait pas diminué.
- Tu es en retard, Kurenaï.
- Je voulais simplement attendre que l’obscurité gagne ce lieu pour ne pas vous imposer la vision de mon corps, père. Même si nous sommes censés être entre samouraï… Bien. Pourquoi m’avoir conduit ici ?
- Pour que nous puissions faire semblant : que je suis un père aimant et que toi, tu es fils dévoué.
- Faire semblant ? Rien d’inhabituel alors. Soyons brefs : où trouverai-je ce maître… Tadatsuke ?
- Tu apprendras où il se trouve par ta seule intelligence. Souviens-toi que ceci est ton épreuve.
- Je suis un samouraï désormais, ainsi a parlé mon sensei ! J’ai relevé toutes les épreuves avec succès malgré les obstacles et mes propres faiblesses.
- Pas pour moi. Au revoir.
- Que je réussisse ou non, notre prochaine rencontre sera marquée de votre sang. Je prendrai le temps qu’il faudra, mais par les Kami, vous n’y survivrez pas.
- Tu oses me menacer, moi, ton propre père. Tu ne dois ta vie qu’à moi, n’oublie pas.
- Je ne le sais que trop, père. Je ne vous menace pas. La menace est la parole du faible qui se sait acculé. Ce n’est pas une menace mais une promesse faite par l’homme que vous avez vous-même créé.
Au fond de ses yeux brûlaient rage et frustration. Quand Shosuro Yoshida quitta la source, elle perçut de la satisfaction chez son père. Ce dernier savourait déjà son triomphe futur sur sa fille honnie.

Le voyage dans les montagnes du Toit du Monde avait été long et délicat. Kurenaï n’était ni forte ni résistante. Marcher en altitude lui avait provoqué de fortes douleurs dans la poitrine pendant les premiers jours. Elle aurait dû mourir alors, mais une force sommeillait en elle. Celle-ci lui venait de sa haine que lui inspirait son père et, peu à peu, la jeune samouraï l’apprivoisait. Ce périple, effectué alors que les neiges hivernales n’avaient pas encore fondu l’avait transformée. Ses rencontres aussi, notamment celle avec le vieil anachorète Yuji. Il lui avait finalement indiqué comment elle pourrait de rendre chez le mystérieux Maître Tadatsuke…
Au détour d’un chemin, derrière le rideau de mélèzes, elle devina le torrent qui s’écoulait sous le couche neigeuse. La combe au fond de laquelle se trouvait son but se dessinait. Il était près de midi et pourtant, la lumière du soleil ne semblait jamais y venir, comme si cela était dangereux pour elle. Un immense malaise envahit la jeune fille. Ce n’était plus le froid qui la faisait frissonner mais la peur. Quelque chose d’ancien, de puissant et dénué de bienveillance semblait s’être réfugié ici, attendant de s’éveiller quand son temps viendrait. Et Kurenaï n’avait aucune envie d’être liée à ce réveil. Elle n’avait pas le choix. Il lui fallait arpenter cette combe silencieuse et sombre. Elle ne percevait plus le son du torrent dont elle longeait le cours. Ses pas dans la neige ne laissaient que des traces et le vent dans les branches des arbres ne provoquait que du mouvement. A certains moments, il lui semblait que les couleurs avaient disparu. Elle balaya cette impression d’un revers de la main. Si elle se laissait submerger par ses sentiments, elle fuirait ou sombrerait dans la folie.
Son corps était meurtri par ces cinq semaines de voyage. Elle était amaigrie, elle le voyait quand elle contemplait ses mains, sa peau avait foncé à cause de la lumière du soleil. Ses bras et jambes étaient écorchés et meurtris, ses pieds la faisaient souffrir. Elle se sentait misérable et sale. Et elle avait raison. Seules ses lettres de cachet, que personne, de toute façon viendrait lui demander en ce lieu oublié de tout, la différenciaient des paysannes qui peuplaient ces vallées et combes.
Elle ne sut jamais combien de temps elle avait marché. Elle pensait avoir même rampé à certains moments. Il n’y avait pas le Soleil pour qu’elle puisse avoir un repère temporel. Mais la lumière d’un lampion lui fit comprendre qu’il devait faire nuit désormais. Une lueur blafarde dont l’intensité la fit sortir de sa torpeur.
Le monde autour d’elle demeurait sombre et incolore mais il reprit forme. Là, au pied d’une falaise s’étalaient trois bâtiments aux toits recouverts de neige qui s’étalaient paresseusement au milieu de ce qui devait faire office de jardin. Avec la nuit tombante, Kurenaï distinguait mal les détails. Pourtant, elle sentait une forte chaleur qui se dégageait de ce lieu. Mais celle-ci n’avait pas la douceur d’un foyer. Cette chaleur-là était sourde et puissante. Tout en ce lieu lui semblait irréel.
Sur le devant de la bâtisse centrale était accroupi un homme qui la regardait avec un air étrange. Dans ses yeux se mêlaient méfiance et étonnement. « Comment une misérable paysanne a-t-elle pu atteindre ce lieu oublié de tout ? » Une voix surgie de nulle part répondit à la place de la jeune Shosuro. « C’est parce qu’elle a été guidée jusqu’ici. Aucune paysanne n’y serait arrivée sans mon consentement. » Cette voix n’avait rien de naturel, enfin, rien d’humain en tout cas. Kurenaï avait cru sentir le souffle de cet interlocuteur invisible sur sa nuque. Elle l’avait entendue lui chuchoter « Tu es ici dans le seul lieu où tu trouveras le repos » alors qu’elle aurait juré que cette voix venait de nulle part. Kurenaï n’avait plus peur désormais. Elle était désormais habitée par cette force indicible qui résidait dans le domaine de Tadatsuke.
L’homme se redressa et se saisit d’un des lampions. Il était frêle et semblait être très vieux. Il avait le regard profond, les bras puissants et la démarche lente. Il se planta devant la jeune fille et lui demanda de sa voix grave : « Alors, petite souillon, que cherches-tu ? » Elle était au bord de la rupture, son corps allait la lâcher d’une seconde à l’autre. « Maître Tadatsuke, je me nomme Shosuro Kurenaï, voici un message de mon père » trouva-t-elle finalement la force de dire. « Intéressant, » se contenta-t-il de répondre. Puis il reprit : « Or donc, voici que Shosuro Yoshida-sama m’envoie un de ses séides… Soyez la bienvenue. Vous pourrez trouver le repos dans ma demeure. » Elle le suivit jusqu’à un futon sur lequel elle s’effondra.
A son réveil, deux jours plus tard, elle put contempler le visage du vieux forgeron de plus près. Il arborait un sourire amusé.
-Alors, votre père me demande de vous forger une arme. Pourquoi rendrais-je service à mon pire ennemi, à l’homme qui a provoqué ma perte ?
-Je n’ai qu’une seule raison valable pour que vous acceptiez. Si j’ai pu vous retrouver, d’autres pourront en faire autant. Vos crimes ont dû être particulièrement atroces pour que vous soyez forcé à vous cacher ici.
-Si vous m’avez trouvé, c’est parce qu’Il l’a décidé, vous l’avez entendu. Je ne peux rien pour vous, plus jamais je ne forgerai de sabre.
-Si vous accédez à la demande de mon père, je vous jure que cette arme fera couler son sang. Il est mon pire ennemi et j’emploierai tous les moyens pour le détruire.
-Vas te laver jeune homme car tu sens mauvais, mange, bois du thé, retrouve tes forces. Nous dînerons ce soir ensemble. Je vais consacrer ma journée à réfléchir. Un petit détail : ne sors pas de la maison une fois la nuit tombée.
-Haï, Tadatsuke-sama.
Pour atteindre l'illumination, il faut suivre 3 règles:
1 - ne jamais accepter d'argent
2 - ne jamais accepter les avances des jeunes filles
3 - ne jamais accepter les règles stupides d'un petit moine pervers désireux de priver les autres de ce qu'il n'a pas ("La contradiction est la mère de la juste compréhension")

Répondre