[Roleplay 5.1] Le bec dans l'eau...

[Hida Koan]

Le daimyo du clan de l'Ours venait de prendre congé de l'Empereur. Il était visiblement dépité. Alors que le shoji s'apprêtait à se refermer derrière l'homme, le commandant Mifune avanca d'un pas, incliné. Koan se retourna, visiblement surpris que quelqu'un ait enfin daigné répondre à son appel.

"- Mifune-sama." articula Koan distinctement "Vous êtes le premier, et je pense que vous serez le dernier ce jour. Je ne peux régler cela en votre présence seule, bien qu'elle soit, sachez-le fort appréciée. Je vous prie de regagner vos quartiers et de vous présenter ici demain dès la première heure du jour. J'ose espérer que mon conseiller et le champion seront là... cette fois." ajouta-t-il irrité.
"Navré que vous vous soyez déplacé pour rien." Koan s'inclina subreptiscement, puis se retourna. L'homme fit preuve de bien du tact, il arriva même à s'excuser d'être venu Si ce n'était pas un comble...

La nuit était très avancée. Koan prit un parchemin et y écrit soigneusement Demain à l'aube. Sans faute. Il le plia sans trop de convenance, fit glisser le shoji principal et le tendit à un garde. "Ne faites entrer personne, donner cela aux deux prochains hommes qui se présenteront." dit-il en tendant le bout de papier. Il savait que Kojiro et Kurohito arriveraient dans peu de temps... Mais il fallait dormir, d'un oeil surement, mais dormir un peu: la journée avait été longue, le début de cette nuit également. A la pensée de cela, il en put s'empêcher de se demander où était Shikizu... Mais elle avait toujours été comme ça, c'est comme cela qu'il l'avait connu, elle le resterait.

Koan alla s'allonger sur le futon, et attendit le sommeil.

[Seppun Kurohito]

Dans les couloirs obscurs et silencieux du palais, les pas des deux hommes résonnaient sans rythme. Chacun portait le rouleau marqué du sceau impérial qui leur demandait de se rendre instamment auprès du Fils du Ciel.
Le premier, Doji Kojiro, avait le regard brillant et le visage fermé tel une statue de marbre. Ses pensées étaient tout entière tournées vers la façon de présenter son rapport avant de remettre sa vie dans les mains de son seigneur, afin de laver son nom du déshonneur des derniers événements.

Le second, Seppun Kurohito, devinant les pensées de son ami, ne lui avait guère adressé la parole depuis qu'ils avaient quitté les jardins où avait eu lieu leur rencontre nocturne. Il observait l'obscurité en tentant de faire le vide dans son esprit. Un heure bien incongrue pour rencontrer le souverain. Ce dernier devait les attendre depuis plusieurs heures et le conseiller devinait que leur maître ne les accueillerait pas de sa meilleure humeur...

Ils parvinrent finalement devant les magnifiques panneaux peints qui fermaient les appartements impériaux. Dans le large couloir, de chaque côté, une rangée de guerrier assis en lotus montaient la garde, l'esprit tout entier concentré sur leur environnement. Devant les portes, le capitaine de la garde de nuit bomba le torse et salua respectueusement les deux hommes. Vu l'humeur de son compagnon, Kurohito s'avança d'un pas et parla d'une voix légère.
"- Bonsoir capitaine... Sa majesté l'Empereur a demandé à nous voir sans délai."
Ce faisant, chacun mit en évidence les rouleaux frappés de la signature impériale. Le capitaine eut l'air troublé un instant. Puis, il demanda quelques instants aux deux hommes avant d'ouvrir le panneau et d'appeler un serviteur. En quelques secondes, des pas étouffés approchèrent. Les appartements étaient silencieux et plongés dans les ténèbres...
Le serviteur, aux couleurs de la maison de l'Empereur, s'agenouilla devant l'entrée et salua, front sur le sol. Puis, il sortit délicatement une feuille de riz roulé qu'il tendit vers les deux hommes avec révérence. Sans un mot, Kojiro fit un pas et le prit. L'éclat de son regard s'accrut encore à sa lecture avant de le tendre à Kurohito...


Demain à l'aube. Sans faute.

Kurohito masqua habilement son désappointement. L'aube poindrait dans deux ou trois heures, tout au plus. Les deux hommes remercièrent le capitaine et quittèrent les quartiers du souverain. Kojiro demeurait indéchiffrable.
Avec un échange silencieux, qui se passait de paroles, ils se saluèrent sans formalités. Kojiro adoucit les traits de son visage et se permit un léger sourire à Kurohito.

Dans le silence des dernières heures de la nuit, le Champion d'Emeraude et le Conseiller de l'Empereur se quittèrent...

[Seppun Kurohito]

Il ne restait que quelques heures avant que le seigneur Yakamo ne commence sa lente ascension quotidienne. La fraîcheur des derniers instants de la nuit vivifiait Kurohito qui décida qu'il serait de bien meilleur forme en demeurant éveillé plutôt qu'en cherchant un sommeil aussi court qu'inconfortable. Après avoir quitté son ami, ses pensées s'enchainaient sans cesse. Les raisons de l'audience de l'Empereur, le destin de Kojiro, les implications de l'attaque, les festivités du jour approchant... Tout cela augurait une journée longue et fatigante.
Aussi décida-t-il de se plonger dans la méditation et le recueillement au coeur des magnifiques jardins du palais, si propices à ce genre d'exercices, afin d'apaiser son esprit. Si son esprit était en paix, son corps même épuisé, ne lui poserait aucun problème...
Assis au milieu d'un jardin de pierre minimaliste, il laissa ses pensées s'emporter dans le fleuve de son chi, la force qui parcourait son être et qu'il avait appris à ressentir, à canaliser et à renforcer tout au long des décennies. Une fois l'esprit vide, il admira avec le regard d'un enfant les jeux d'ombres du jardin, les touches colorées de lointains cerisiers en fleur, la fraîcheur tombant sur le monde et les premières gouttes de rosée, lavant la terre pour accueillir la bénédiction du Seigneur Soleil...
L'aube approchait. Rassénéré, il se leva en s'étirant, et se rendit sans tarder dans ses quartiers, où son jeune disciple, inquiet, l'attendait. Après quelques laconiques recommandations, il passa prestement dans un bain chaud et parfumé, délassant ses muscles noueux, avant d'enfiler un de ses plus beaux kimonos de cour, pour honorer leurs hôtes et les manifestations prévues dès la matinée. Tout en ceignant son obi, il jeta un coup d'oeil à son jeune serviteur.
"- Kempo-kun, prépare un message à l'intention de seigneur Kakita Atoshi, où tu lui indiqueras que je suis disposé à notre rencontre à l'heure où nos devoirs respectifs nous le permettront... Je repasserai sans tarder...
- Hai, sensei..."
Prenant respectueusement Kashikoi, il se rendit aussitôt aux portes des quartiers de l'Empereur. La relève venait d'avoir lieu, et le capitaine en faction le salua avec solennité.
"- Mes respects, Kurohito-sama.
- Bonjour à vous, Taisa-san. Sa majesté Koan-dono m'attend à l'aube, en compagnie du seigneur Doji Kojiro."
En acquiescant, le capitaine ouvrit le panneau coloré et fit entrer le Conseiller Impérial dans l'antichambre des quartiers du monarque. Alors que plusieurs serviteurs se prosternaient, il se plaça sur un dais de soie clair, en tailleur, et attendit, le dos raide, le bon vouloir de son seigneur. Déjà, un des serviteurs allait annoncer son arrivée. Tournant son attention vers le panneau encore ouvert, Kurohito guetta l'arrivée du Champion d'Emeraude...

[Kõjiro]

Kõjiro laissa son regard errer quelques instants sur le dos de son ami qui allait sans doute profiter du peu de répit qui lui était accordé pour se reposer.

C'est grâce à des hommes comme lui que je pourrais partir l'esprit serein...

Puis regardant vers les jardins,

Inutile de dormir, l'heure est déjà trop avancée.

Traversant les couloirs déserts du Kyuden Kakita, Kõjiro laissa son esprit s'affranchir progressivement de toute pensée, se vider des turpitudes de l'existence. C'est l'âme paisible qu'il traversa le jardin attenant à ses appartements pour se rapprocher d'une petite bâtisse visiblement assez ancienne située au fond de celui ci. Dame Hitomi lui donnait suffisamment de lumière pour qu'il puisse avancer avec assurance et le fin gravier étouffait chacun de ses pas et lui donnait la sensation de marcher sur un épais tapis. Ses yeux s'attardèrent sur les deux magnifiques bonzaï disposés de chaque coté du petit escalier menant dans la bâtisse. Chacun d'eux devait avoir plus de deux cents ans et être passé entre les mains de très nombreux jardiniers. Le champion d'Emeraude admira le travail de coupe et les minutieux efforts qui leur avaient donné une forme si élégante. Ce symbole d'éternité lui rendit un sourire qu'il n'arrivait plus qu'à forcer depuis quelques jours. Et il se tourna alors vers le magnifique cerisier trônant au centre du jardin, Son tronc massif le dominait de toute sa hauteur tandis les délicates fleurs roses flottaient vers lui, poussées par la brise : l'éternel et l'éphémère unit en un seul être.

Kõjiro s'inclina rapidement devant l'entrée puis se déchaussa avant de finalement pénétrer doucement dans la petite bâtisse. Après avoir allumé quelques bougies projetant sur l'unique pièce une timide et douce lumière, le vieil homme s'approcha respectueusement d'un autel dédié à Dame Doji-Kami et dressé contre l'une des paroi de la pièce. Il enflamma un peu d'encens pour faire fuir les mauvais esprits et s'inclina longuement devant l'autel. Enfin, après avoir prié la fondatrice de son Clan, Kõjiro toujours agenouillé s'éloigna lentement de l'autel pour gagner le centre de la pièce. Se tournant alors vers le jardin il disposa son sabre devant lui avant d'adopter une posture de méditation et de laisser son esprit s'envoler vers le vide.

[…]

Kõjiro fit doucement coulisser le panneau menant à sa chambre avant d'y pénétrer. Après l'avoir refermé avec la même délicatesse, il laissa ses mains suivre doucement les délicats motifs peints sur le shoji. La lumière d'une chandelle s'alluma alors sans qu'il ait fait le moindre geste, révélant un jeune homme au regard d'un bleu aussi profond que la mer du sud. Kõjiro ne se retourna pas encore, observant le ciel représenté sur le shoji il commença à parler.

Merci d'être venu.

Le ton était calme, presque formel, on aurait dit que le Champion d'Emeraude administrait un dossier avec un collaborateur proche. Mais celui a qui cette simple phrase était destinée ne s'y trompa pas. Le regard du jeune homme se troubla légèrement, ses yeux se mirent à briller et à se colorer, un peu de sang dans l'océan, tandis que son visage se crispait sous l'effort qu'il produisait pour rester maître de lui même. Kõjiro observait maintenant la Terre et une peinture du Kyuden Kakita sur l'autre battant du shoji.

J'ai laissé quelques instructions et une lettre que tu remettra à ta mère le cas échéant…

Celui qui n'était plus un enfant par l'apparence ne put retenir un sanglot à ces derniers mots et c'en fut trop pour le vieux Kenshinzen. Trop longtemps, il n'avait pu se comporter comme un père, trop longtemps il avait du refouler son amour pour ne pas choquer. Aujourd'hui, il n'en pouvait plus. Il se retourna et accueilli le jeune homme dans ses bras pour l'étreindre avec force et douceur. Un instant de sublime félicité, un bonheur pur et simple au delà des mots. Un court moment dans le temps, une éternité dans le cœur.

Peu à peu le jeune homme se ressaisit, reprit le contrôle de lui même puis se détacha doucement de l'épaule de son père. Et c'est d'une voix assuré qu'il repris.

Haï Otosan, je ferais comme vous le souhaitez.

[…]

Le jour se levait à peine et Kõjiro avançait calmement vers les appartements impériaux. Arrivé devant la porte il vit alors que celle ci était encore ouverte et il aperçu Kurohito agenouillé dans l'antichambre. Le vénérable conseiller impérial semblait reposé mais il était visiblement préoccupé bien que ce fut difficilement perceptible. J'aurais au moins un dernier service à vous demander Kurohito-kun, il vous faudra me prêter assistance de votre main et de votre sabre… Vous êtes le seul qui puisse le faire…

D'un signe de main Kõjiro intima au taisa de laisser la porte ouverte. Sans un mot le robuste soldat (sans doute un Crabe) s'effaça tandis qu'il pénétrait dans l'appartement pour aller prendre place aux cotés de son vieil ami. Silencieusement toujours, un autre serviteur alla prévenir le souverain de l'Empire d'Emeraude que son champion était présent.

[Hida Koan]

Le shoji glissa au quart. Les deux serviteurs se pressaient devant, regardant habilement vers le côté pour qu'il ne soit aucunement possible qu'ils distinguent quoique ce soit à l'intérieur de la pièce.

"Seigneur." dit l'un d'eux, espérant que sa voix porte à l'intérieur. "Seigneur, le champion d'Emeraude et votre conseiller sont là." Le shoji s'ouvrit complètement laissant apparaître l'Empereur. "Je sais." Les deux hommes s'inclinèrent puis reculèrent avant de disparaitre.
Le commandant Mifune arriva dans la pièce à cet instant précis.

Koan s'était réveillé il y a peu, mais il était déjà prêt. La nuit avait été courte et cette journée s'annonçait pénible. Devant lui, Doji Heïshiro Kõjiro et Seppun Kurohito venaient de se lever. Il regarda les trois hommes présents, inclina la tête en voyant Mifune, dont il se rappelait la venue la veille, puis fixa les deux autres, le regard plein de reproche, mais pas de méchanceté.

NB:On va continuer en dialogue là je crois...
NB2: excuse j'ai des idées alors je les écrit là j'ai peur de les perdre: boite acajou, temps, objet particulier, mon heishiro?, Kojiro faut que je te parle

[Seppun Kurohito]

De nombreux encensoirs étaient régulièrement entretenus par les serviteurs personnels de l'Empereur, diffusant une odeur de santal doux. L'antichambre des appartements montrait déjà le goût raffiné du Clan de la Grue, et l'application dans leurs devoirs d'hôtes. Un magnifique arrangement floral trônait dans une alcôve, au-dessus duquel une peinture représentait un seigneur Yakamo flamboyant, chef d'oeuvre incontestable d'un maître Kakita offert avec les nombreux présents reçus la veille. Le reste témoignait d'une élégante sobriété, démonstration supplémentaire de l'art des artisans Kakita à ravir chacun selon ses goûts particuliers. Un magnifique mon surplombait l'arche menant à la chambre même du souverain, chrysanthème parfait taillé dans un bois de cerisier jeune et clair. La lumière de l'astre solaire montante entrait chaque instant davantage par les ouvertures qui jalonnaient les murs est et ouest de la salle, séparées les une des autres par des fusuma artistiquement colorés, représentant les hauts faits de Koan dans les événements de l'année passée. On y devinait, par subtiles ajouts la présence de l'animal symbole du Clan des Doji, tantôt volant de part et d'autre du soleil, tantôt au bord d'un lac où le monarque était représenté, ralliant ses armées pour la bataille finale...

Kurohito salua son ami de la tête à son approche. Le panneau des appartements s'ouvrit devant la personne massive de l'Empereur. De toute sa stature, il regardait les deux hommes avec un air lourd de reproches...
Immédiatement, Kurohito s'inclina, mains sur le sol, attendant que son souverain prenne comme il se devait la parole en premier... Kojiro avait salué de concert, le visage lisse et serein. Le commandant Mifune, bien que sa mise soit irréprochable comme toujours, présentait un visage grave et des traits tirés par la fatigue. Avec une certaine raideur, il vint se postionner un peu en retrait du Champion d'Emeraude et du Conseiller Impérial.

Devant les trois hommes,l'Empereur salua d'un mouvement sec de la tête. Lui aussi, semblait n'avoir que peu dormi.

[Hida Koan]

"-Messieurs, vous savez ce que vous faites ici. Ce qui s'est passé hier aurait nécessité une réunion encore plus tôt. J'attends de vous, toute observation, tout commentaire, qui pourrait nous éclairer quant à l'ignominie qui a eu lieu. Vous n'êtes pas sans savoir que cet épisode m'irrite grandement, il nous a touché au moment ou nous nous y attendions le moins. C'est inadmissible." Commencer la journée d'une humeur si massacrante n'était pas, contrairement à ce qu'on pourrait le penser, une attitude courante pour l'Empereur, mais l'heure était grave.

Il toisait les trois hommes. Hommes en qui il avait une entière confiance. Il ne leur reprochait pas leur échec, tout le monde avait échoué... Il leur reprochait de ne point être venu faire de rapport plus tôt. Il les connaissait. Quelque chose devait les avoir empêchés d'être là. Mais quoi?

Par delà son énervement, Koan savait qu'il devrait gérer quelque chose d'important pour lui, il le savait mais y avait réfléchi cette nuit, durant les quelques heures de repos qu'il avait pris...

"-Suivez moi." L'Empereur passa deux shoji, ils se retrouvèrent dans une pièce bien éclairé, donnant sur le jardin fraichement réveillé, frémissant encore de la douceur de la nuit. Le pépiement des oiseaux commençait à se faire entendre. Dans la pièce, juste à côté de la porte qui donnait sur l'extérieur, était une petite table de bois blanc. Reposait sur un plateau une théière ouvragée et quatre petites tasses. Des chibokiko ( ) encore fumant étaient disposés sur une petite assiette de faïence. Un parchemin roulé effleurait les petits gateaux... Koan fit un signe de la main, priant ses trois hôtes de prendre place, lui resta debout.

"-Allez-y. Expliquez-vous."

[Seppun Kurohito]

Tranquillement, Kurohito attendit que le Champion d'Emeraude se lève pour suivre l'Empereur, et lui emboîta le pas, aux côtes de Mifune...
Avec un regard vers le magnifique jardin sur lequel donnaient les appartements, le vieux Seppun admira les éléments de décoration de la salle, tous plus magnifiques les uns que les autres... sans avoir le temps de s'y attarder. Le souverain leur fit signe de s'installer face à lui, ce qu'ils firent sans attendre. Un serviteur emplit prestement mais avec grâce les quatre tasses de thé, avec des gestes courts et rapides. Les samurais en auraient presque oublié sa présence. Même l'éducation des serviteurs étaient soignés, dans les Palais de la Grue. Le domestique disparut alors que la discussion commençait...

[Kõjiro]

Kõjiro s'inclina longuement et avec raideur avant de prendre la parole. Il était rarement aussi protocolaire même en présence de l'Empereur. Habituellement il ne pouvait s'empêcher d'adopter un comportement à la limite du paternalisme vis à vis de son souverain, tellement plus jeune. Mais aujourd'hui, c'est à son Empereur, son suzerain, qu'il devait parler.

"Votre majesté." Kõjiro inclina une nouvelle fois la tête avant de reprendre.

"J'ai personnellement jugé qu'il nous fallait agir au plus vite pour recueillir indices et preuves sur le lieu des événements tragiques d'hier avant qu'ils n'aient eu le temps de disparaître ou de s'altérer".

"Il nous fallait également nous concerter afin de conjuguer nos efforts. J'ai donc prit sur moi d'organiser une réunion afin que les différentes compétences requises pour enquêter puisse partager les premières informations acquises. Je suis navré si je vous ai privé de certaines personnes dont vous requerriez la présence."

Kõjiro supposait que l'Empereur ne serait pas dupe de ces demi vérités... Mais les circonstances se prêtaient parfaitement à ce qu'il endosse plus de responsabilités que nécessaire afin d'en dégager d'autres.

Kõjiro s'inclina de nouveau.

"Votre majesté..." La voix du Champion était claire et limpide, forte et puissante, semblable à une rivière chargée des eaux gelée des glaciers au printemps. "J'ai failli. J'ai échoué à assurer votre protection et celle de notre Impératrice lors du voyage vers Shiro Sano Kakita. Je vous demande donc l'autorisation de laver mon honneur et celui de mes ancêtres par le seul moyen qu'il me reste."

Après ces derniers mots, prononcés sans la moindre affectation, Kõjiro s'inclina de nouveau et resta courbé attendant la réponse de son Empereur.

[Hida Koan]

Koan écoutait attentivement Kõjiro, sachant que ce dernier mentait… Il ne se serait pas soustrait à lui faire un prompt rapport de son propre chef, la situation l’y avait certainement forcé. « J’ai failli » Ces mots résonnèrent en Koan comme dans une grotte. Le Champion d’Emeraude resta incliné, et après cette demande, à laquelle il s’attendait, l’Empereur resta pensif.

Koan s’avança lentement vers son ami encore courbé. « Kõjiro-kun » dit-il avec une sympathie beaucoup plus ressentie qu’à l’ordinaire. L’humidité encore palpable du matin faisait entrer dans la pièce une brume nacrée, semblant rendre le parquet semblable à un tapis de nuage. La fragrance de l’herbe fraîchement mouillée ajoutait à l’étrangeté de la situation : une vision céleste d’un palais ouaté, les pépiements des oiseaux matinaux, cette odeur si particulière… Et ces quatre hommes comme engoncés dans une chape de plomb, n’osant bouger dans la solennité de l’instant.

Et le fuurin’ tinta…

« C’est seulement lorsque le dernier rayon a été fixé sur la roue céleste qu’il y a achèvement. » Les mots faisaient écho dans la pièce et dans son cœur. Il vit la lame, le sang, la douleur. Il vit l’éclair, l’aide, la coupe. Il vit le désarroi, les larmes, et la fin. Il vit un corps, un homme, un ami. Il vit la mort.

Et le fuurin’ tinta…

Non cela ne pouvait se passer comme cela. La torpeur passée, l’Empereur articula « Je refuse Kõjiro-kun… Je refuse. » dit Koan nerveusement. « Redressez-vous. Relevez-vous. Relevez-vous et regardez-moi. » Le grand homme s’approcha très près du champion d’Emeraude, bien plus près que la convenance ne le permettait. Il courba l’échine, un peu, juste un peu, pour le regarder dans les yeux. Le commandant Mifune et le conseiller Kurohito ne bougeaient pas d’un pouce. « Vous ne ferez pas ça » articula l’empereur détachant les syllabes. S'il avait pu fulminer sans encore manquer de respect, comme il venait de le faire, à son fidèle compagnon, il l'aurait certainement fait. Il mourrait d'envie de lui montrer sa colère.

[Kõjiro]

"Si ce sont là les désirs de sa majesté, j'obéirais".

Kõjiro avait blêmi en s'entendant refuser pour la seconde fois de sa vie le droit de mourir dignement...

Tu t’es fourvoyé. Tu as payé ta négligence avec la vie de ma fille. Tu as cru, toi, présomptueux chien, être capable de défendre seul mon plus beau joyau. Pour ton arrogance, je te prive de ton nom, tu ne le mérites pas, tu entaches son prestige. Pour ton échec et ta couardise, je te prive de tes ancêtres, Seimitsu ne sera plus jamais tien, tu avilis ta lignée. Pour ton mépris évident, je t’interdit de laver ton honneur. Tu vivras, tu vivras avec ce fardeau, et tu souffriras de n’être plus rien

Ces mots de colère, de haine, de tristesse infinie ne l'avaient jamais quitté... Aujourd'hui le contrepoint était subtilement différent. La haine avait cédé la place à l'amitié voire à une certaine forme d'amour. Les mots ne cherchait pas à avilir, blesser ou terrasser mais l'aboutissement était le même. La vérité et son objet ne font qu'un... Mais quelle cruelle vérité pour un si bel objet aujourd'hui...

Les yeux de Kõjiro se voilèrent, son regard déjà noir habituellement se durcit encore. Deux perles de jais au milieu d'un visage de marbre. Rarement son saki avait été aussi meurtrier qu'en cet instant.

A la sourde colère contenue de l'Empereur venait s'ajouter celle du Champion d'Emeraude. Toutes deux étaient parfaitement invisibles mais il n'était guère possible de ne pas les ressentir ou encore de les ignorer. Kurohito et Mifune étaient complètement paralysés par toute cette violence contenue, incapables d'effectuer le moindre geste comme d'articuler la moindre parole…

Le fuurin' tinta de nouveau...

Encore...

La tension devenait insoutenable pour ceux qui assistaient, impuissants, à cette scène ou tout semblait figé.

Et le fuurin' tinta un nouvelle fois...

Kõjiro céda le premier. Ses épaules s'affaissèrent légèrement, ses muscles se relâchèrent et son regard perdit son éclat sanguinaire.

"Que puis je faire d'autre pour mon Empereur ?"

[Hida Koan]

"Que puis je faire d'autre pour mon Empereur ?" Les mots avaient résonné comme un soulagement dans le grand néant. Cette histoire n'était plus... Cependant Koan ne pouvait se résoudre à blesser cet homme de la sorte.

"- Laver votre honneur... Et bien, pour laver votre honneur que j'estime immaculé, vous vous devrez de résoudre l'affaire qui nous préoccuppe..." dit l'Empereur comme si cela avait été réfléchi. " Je vous laisse du temps pour le faire mais pas un temps infini. Vous resterez ici à la fin de cette entrevue, je vous donnerais mes ordres." La fin de cette discussion ne souffrait aucune ambiguité, le sujet était clos. Et dans l'air pesant, malgré la légèreté du petit matin, il fallait continuer. Et l'Empereur pensait que la journée ne serait pas alourdit d'autres demandes de sepukku, il estimait avoir été assez clair...

L'Empereur continua "J'attends de vous trois de me dire comment l'attaque d'hier a-t-elle pu être organisée? Comment se fait-il que nous n'en ayons eu vent? Comment expliquez-vous cette débâcle? Sans remettre vos capacités en cause, mes sens m'affirment que vous n'y pouviez rien, mais maintenant, il faut trouver les coupables et les chatier." Koan s'arrêta un instant, songeant aux phrases récentes du champion d'Emeraude. Il regarda Kurohito et Kojiro et ajouta:

"J'aimerais également savoir ce que votre réunion d'hier a permis de mettre au grand jour..."

[Seppun Kurohito]

Le conseiller impérial demeura immoile durant tout l'échange entre son ami et son seigneur. Lorsque le refus de l'Empereur pour le seppuku de son Champion résonna dans la pièce, il fit appel à toute sa maîtrise pour cacher son soulagement, et demeura impassible. Il émanait une grande force des deux hommes qui se faisaient face, une puissance qui imprégnait le vieux Seppun, et le laissait figé . La force de la Montagne pour le premier, plus jeune, et la force que seule une longue avancée sur la Voie conférait, pour l'autre.

Lorsque le sujet fut finalement écarté, Kurohito parvint à se redresser. L'Empereur demandait des comptes sur l'attaque de la veille, et des résultats sur cette réunion à laquelle Kojiro avait fait allusion d'une manière bien détournée... Jugeant que le Champion d'Emeraude saurait faire un rapport plus précis sur le premier sujet, le Seppun prit tranquillement la parole au sujet de la dernière question, tentant ainsi de faire tomber une tension qui était devenue presque palpable.
"Monseigneur... Cette réunion, si elle n'a pas donné de résultats probants, nous a néanmoins permis de mieux cerner certains membres du convoi et des moyens à notre disposition pour mettre nos ennemis en lumière. Bayushi Hiryu, a, au nom de son Clan, fait part de son investissement personnel dans cette affaire en nous assurant que les agents du Scorpion se mettraient aussitôt à la tâche pour faire ce qu'ils ont toujours fait pour le Trône d'Emeraude..."
Il laissa ses paroles en suspens un instant, sans s'attarder... A travers ses propos et de la plus subtile manière, Kurohito se sentait une responsabilité quant à "l'éducation" politique du jeune monarque, dont le passé ne l'avait jamais préparé au rôle qui était le sien aujourd'hui. Si l'expérience de toute une vie pouvait servir Koan-dono, il la lui offrirait jusqu'à la dernière goutte...
"Yogo Kaneda, un jeune shugenja que l'on dit talentueux, l'accompagnait et s'est assuré de la confidentialité de notre entrevue. A son sujet, je ne saurai encore rien avancé...
Votre Majesté, vous m'avez demandé des comptes sur Bayushi Hiryu... D'ores et déjà, et même s'il convient de rester sur ses gardes, je dirais que ses méthodes et ses motivations, apparemment sincères, me porterait à considérer son soutien comme appréciable, et que nous pouvons utiliser les moyens de cet homme au mieux... Encore qu'il pêche selon moi par excés de confiance... Ses hommes, ainsi que Kuni Kuemon et la jeune Hiruma Lya, qui l'accompagne, s'affairent désormais à démêler les fils de ce complot..."

Attendant un instant en savourant le bref silence, il reprit, plus songeur. Bien qu'il s'apprêtait à parler de son intimité, cela ne le gênait guère devant ces deux hommes.
"- Koan-dono... Kojiro-san... Je me dois de faire état d'un fait d'importance...Plus tôt dans la soirée, alors que j'étais allé faire offrande dans le temple de Dame Doji-Kami, j'ai entendu la voix de mes ancêtres... Voyez-vous... la vénérable Dame Seppun murmure quelquefois à mon oreille, où me guide en songe... Sa voix, ce soir, était grave.... Elle me parla de l'ombre planant sur le couple impérial... et ses paroles furent claires : un des protagonistes de l'attaque, un traître corrompu aux buts peu avouables est ici, à Kyuden Kakita, dans la haute société du Clan de la Grue. Sans doute aura-t-il facilité la préparation de troupes corrompues au coeur des terres de l'Empire..."
Le visage assombri, il conclut d'un voix plus basse...
"... et ajouta-t-elle, cet homme est loin d'être seul... il fait partie d'un cercle... C'est le mot qui fut employé..."
Kurohito resta songeur un instant, en regardant l'Empereur et le Champion d'Emeraude. La présence de Mifune l'incommodait quelque peu, mais Kojiro lui faisait toute confiance, et avec les festivités à venir, il ne trouverait sans doute pas de moments plus adéquats pour parler aux deux hommes... Afin de ne pas rester sur ces paroles inquiétantes, il reprit d'une voix claire.
"- Le frère du seigneur Kakita, Atoshi-san, tente déjà de récolter des informations sur la teneur du convoi et les renseignements que nous pourrions avoir. Il est au courant de notre réunion de la dernière soirée... C'est un courtisan redoutable, qui manie le verbe et la rumeur comme d'autres manient le sabre. Et il n'est pas dans les meilleurs termes avec son frère... Je dois le voir dans la matinée, et soyez assuré que je m'occuperai de lui comme il se doit... Mais je suggère la plus grande prudence quant aux informations à mettre entre ses mains. Je tâcherai d'en apprendre plus par son intermédiaire sur les différentes personnalités du Palais, afin de pouvoir déjà établir une liste de suspects..."
Kurohito avait l'expérience en matière de cour et de réthorique. Il comptait bien retourner le jeu de Kakita Atoshi à son avantage...
" Au sujet de l'attaque à proprement parler, le seigneur Kojiro a avancé un raisonnement fort logique durant l'entrevue de la nuit dernière."
Ce faisant, Kurohito se tourna vers le Champion d'Emeraude et Mifune, et ne dit plus rien...

[Hida Koan]

-"Une liste de suspects." trancha Koan dans le silence récent. "Un traitre, ici même, au palais Kakita. J'avais songer à un traître dans les rang même de notre convoi, alors rien ne m'étonnera... Surtout ici. Je ne suis pas dupe, mon accession au trône partage les esprits. Il partage les esprits partout, sauf peut-être ici, où tous sont en parfait alignement quant à leurs opinions hostiles. Courbettes et protocole sont à la carte, mais dégout et sentiment de rancoeur sont sur la table. Ici encore plus qu'ailleurs je ne dois pas faire de faux pas. Que Yakamo-soleil me guide dans les méandres de cette intrigue. Et si je dois passer pour un imbécile, tel sera le cas, mais bien malheureux seront ceux qui penseront ceci quand nous découvrirons le fin mot de l'histoire. Alors les plumes traitresses tomberont devant la puissance de la montagne." L'empereur fulminait. Il aimait ce peuple, tout le peuple, mais savoir qu'une poignée d'individus prenait les hautes sphères du pouvoir en place pour des imbéciles le mettait hors de lui.

"- Que vous m'en soyez témoins, aussi délicat que se présenteront les comploteurs, aussi habiles de leurs langues soient-ils, ils paieront le prix d'avoir mis l'Empire en péril. J'ai toute confiance en vous Kurohito-sama, je sais que vous saurez vous aussi déjouer les pièges de ce somptueux palais et dénouer les fils de cette sombre histoire. Que Dame Seppun vous guide sur le chemin déjà tout tracé de l'honneur... Celui qu'elle a tracé pour vous."

Koan pris un chibokiko et continua:

"-Ainsi donc vous avez fait la connaissance de ce Bayushi..." dit Koan pensif. "Et nous avons donc l'appui de tout son clan pour démêler ce qui se trame. Je suis ravi d'avoir au service de l'Empire un groupe maître dans l'art de dévoiler des complots." ajouta-t-il sarcastiquement. "Je me réjouis de savoir que Kuemon-san et la jeune Hiruma les aideront dans leur tâche ardue..." Le fuurin' tinta dans la légère brise du matin, marquant en cet instant la satisfaction de l'Empereur à savoir les Scorpion suivi par des gens faisant partie de ce qu'il estimait, certainement à tort, être encore son clan.

"Cependant cette affaire est l'affaire de tous." dit-il le regard froid "Kojiro-sama, Mifune-sama, quels sont vos nobles opinions?"

[Seppun Kurohito]

Agenouillé devant son souverain, Kurohito écouta avec attention les paroles de ce dernier...
"-... Je ne suis pas dupe, mon accession au trône partage les esprits. Il partage les esprits partout, sauf peut-être ici, où tous sont en parfait alignement quant à leurs opinions hostiles. Courbettes et protocole sont à la carte, mais dégoût et sentiment de rancoeur sont sur la table."
Kurohito se remémora la cérémonie du thé partagée avec Kojiro et Yoshimitsu, le soir même du départ de la Capitale, et du plan qu'ils avaient établis quant au Clan de la Grue... Il échangea un rapide coup d'oeil avec le Champion d'Emeraude...
Faut-il aviser l'Empereur de notre décision... Non, inutile...
Kurohito savait que l'Empereur était un homme profondément franc, honnête et entier... Leur plan lui serait profitable, qu'il en soit informé ou pas, et finalement, il était inutile de complexifier davantage la situation du souverain... Mais les paroles de l'Empereur l'amenèrent à une autre interrogation...
Où est donc passé Yoshimitsu-san ?
Il devrait poser cette question à Koan-dono avant qu'il ne les congédie... Ce faisant, le Fils du Ciel continuait de parler, la force de la Montagne dans sa voix.
"-... J'ai toute confiance en vous Kurohito-sama, je sais que vous saurez vous aussi déjouer les pièges de ce somptueux palais et dénouer les fils de cette sombre histoire. Que Dame Seppun vous guide sur le chemin déjà tout tracé de l'honneur... Celui qu'elle a tracé pour vous."
Le vieux conseiller salua respectueusement à ces paroles, avec une assurance certaine dans le regard. Par moment, Kurohito voyait, au-delà de la dignité impériale, le jeune guerrier élevé sur la Muraille, et il ne l'en respectait que davantage, au regard de la responsabilité écrasante qui était désormais sienne. L'intensité de son regard aux paroles de son maître parlait pour lui.
Mon sang est vôtre, ma lame est vôtre, chaque instant de cette vie vécue en des temps si intéressants est une modeste pierre sur lequel vous pouvez établir comme bon vous semble une assise pour votre règne

Lorsque le fuurin' tinta et que l'Empereur se radoucit, Kurohito voulut rajouter certains détails. Mais Koan faisait désormais appel aux avis de Kojiro et Mifune... Il parlerait plus tard. Pour l'heure, il se tourna vers son vieil ami, prenant tranquillement un chibokiko qu'il mangea rapidement, après avoir récupéré son contenu... Sur le disque de bois, la silhouette au diadème se dressait devant une vague fort joliment stylisée...
"Yokatsu à la plage"... Et bien, je ne l'avais pas... pensa-t-il, l'oreille toujours tendue vers ses congénères...