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par Ide Akio » 09 sept. 2004, 10:39
Seigneur Soleil venait de se lever. Encore une belle journée, semblait-il à Akio, tandis qu’il émergeait doucement des brumes du sommeil…
- C’est seulement à cette heure-ci que vous vous réveillez ? lança-t-on de l’autre bout de la chambre.
Le ton était clairement désapprobateur et la voix désagréablement familière.
- Je ne pensais pas que vous teniez à ma sécurité au point de partager ma chambre avec moi, grinça le jeune diplomate. D’ailleurs, pourquoi mes yojimbos vous ont-elles laissé passer.
- Elles n’ont pas vraiment eu le choix, indiqua la légionnaire en secouant la tête. Normalement, elles devraient se réveiller dans quelques instants.
- Je vois… fit le jeune Ide en croisant ses doigts fins. De quel art martial s’agit-il ? Du mizu-do ?
- Non, c’est un dérivé de jiujutsu. On l’appelle le kobo.
Akio allait répondre quand la cloison de sa chambre s’ouvrit violemment alors que trois Vierges de Bataille déboulait dans la pièce.
- Akio-sama ! rugit la plus proche. Vous êtes en vie !
Sa voix semblait exprimer un sincère soulagement.
- En effet, Kasuko-kun, répondit froidement le jeune homme. Et ce n’est pas grâce à vous.
Il se leva, faisant signe à Shinjo Minori de l’imiter.
- Kasuko-kun, reprit-il, veuillez m’escorter jusqu’aux bains, je vous prie. Quant à vous, Minori-san, vous commencerez dès ce matin à entraîner les soldats de mon escorte. Je ne veux plus que ce qui s’est produit cette nuit arrive à nouveau.
- Bien, Ide-sama, s’inclina la jeune légionnaire.
- Parfait. Kasuko-kun…lâcha-t-il en sortant de la pièce.
La jeune shiotome l’imita, non sans lancer avant un regard chargé de haine à la fille au bandeau noir.
Les bains étaient chauds et calmes à cette heure de la journée. Les rares samouraïs avec qui il les partageait étaient doucement dissuadés d’engager la conversation avec lui, grâce à la présence de son yojimbo. Et, à cette heure-ci, c’est tout ce qu’il souhaitait.
De retour dans sa chambre, celle qu’il aimait à appeler en lui-même « son heimin personnelle » l’attendait, près de sa table basse, sur laquelle était posée une tasse de thé et un paquet de petits gâteaux.
Il étaient enfin arrivés ! Akio dut faire appel à toute sa réserve pour renvoyer ses deux serviteurs, sans que cela paraisse inconvenant. Ensuite, seulement, il se jeta sur le paquet de gâteaux, le vida consciencieusement de son contenu et en extirpa un petit rond de bois.
- Zut, lâcha-t-il en le posant sur la table. Je l’ai déjà, celui-là…
Le rond de bois état en effet gravé et représentait un homme, un diadème sur le front, qui semblait se promener près de grands arbres. En dessous était inscrit « Shinjo Yokatsu en forêt ».
Un peu déçu, Akio s’attaqua alors à manger ses gâteaux et à boire son thé.
- Il est mignon, non ?
- Mais un peu stupide, quand même.
- Ide-sama ! C’est tout de même votre descendant !
- Si peu… A le voir, la lignée s’est bien abâtardie, depuis que je l’ai créé…
- Et Tadaji ?
- Mon dernier motif de fierté. Dommage qu’il ne laisse aucun successeur digne de ce nom.
- Alors, pourquoi continuez-vous de veiller sur lui, s’il est si dénué de valeur ?
- Délicieux, ces gâteaux. Comment s’appellent-ils, déjà ?
- Ils portent mon nom, Ide-sama…
- Désolé, Chibokiko-san. Je crains que la mort ne soit pas très indiquée pour la mémoire…
- Je comprends. Vous savez, j’ai été assez étonnée de me retrouver ici, après ma mort. J’aurais plutôt pensé finir dans le Meido…
- Et moi donc… Mais je suppose que c’est après notre mort que nous sommes vraiment reconnus et, d’après ce que j’ai vu, vous méritez largement votre place ici.
- Pour un seul acte ?
- Avoir adopté et élevé comme votre propre fils un enfant gaijin n’est pas à la portée de n’importe qui, Chibokiko-sama…
- Arrêtez de me flatter, vil courtisan !
- Sans vous, cet enfant serait mort de faim, de soif, ou de je-ne-sais-quoi d’autre. Vous lui avez donné un foyer, une famille… J’imagine que la moindre des choses qu’il pouvait faire était d’honorer votre souvenir… et celui de votre mari.
- Yokatsu ? ce n’était pas un méchant homme, vous savez. Il ne faisait que ce qu’il estimait être juste. Et, à défaut d’être tendre, il n’était pas cruel…
- Un regret ?
- Je ne sais pas. J’ai eu de charmants enfants et une vie relativement tranquille. Peu de gens peuvent en dire autant. Mais…
- Hum ?
- …Quand je vois ma Haruko-chan, je me dis qu’une vie comme la sienne n’aurait pas été si désagréable, somme toute.
- Je suppose que nous avons tous notre rôle à jouer. Comme disait Shinjo : « Aucun flocon de neige ne tombe au mauvais endroit ». A moins que ce soit Togashi… Oh, je les confonds tous… Quelle idée aussi, de laisser toutes ces petites phrases à la postérité ! Un mortel fait ça et ils l’imitent tous, comme des moutons ! C’est pour ça que j’aimais bien Otaku. Jamais une parole inutile ! Mais bon, au niveau de la communication…
- Ide-sama…
- Maintenant que nous sommes morts, je peux le dire, les rapports conjuguaux, c’était pas ça…
- Ide-sama !
- Oh pardon, je vous ennuie peut-être…
- Hum… Ce n’est pas totalement ça. Akio-chan vient de finir son thé et ses gâteaux.
- Et alors ?
- Et alors, je crois qu’il risque de rencontrer ce Scorpion…
- Celui aux trois yojimbos ?
- Je crois bien, oui.
- Et c’est tout ?
- C’est déjà beaucoup, vous ne pensez pas ? Vous aviez dit vous-même que son côté sombre…
- J’ai dit ça, moi ? Il ne me semb…
- Ide-sama !
- D’accord, j’ai PEUT-ÊTRE dit ça. Et alors ?
- Eh bien, vous croyez pas que…
- Croire quoi ? Que la trace autrefois connue sous le nom de Yogo Junzo puisse réveller le mal enfoui dans le sang de mon dernier descendant ? Je vous en prie !
- Eh bien, si vous le dites…
- De toute façon, abâtardie ou pas, ma lignée ne s’alliera jamais avec l’Outremonde ! Nous ne sommes pas des Crabes que je sache !
- Attention, je crois que Hida Kisada-sama regarde dans notre direction…
- Faites semblant de rien et passez-moi un gâteau. Mmm… Ils sont très bons !
- N’est-ce pas ?
- Akio-sama ! s’écria le jeune shugenja en déboulant dans la chambre.
- Oui, Notsuke ? demanda le jeune homme en s’époussetant soigneusement.
- Un évènement grave vient de se produire !
- Qu’est-ce donc ?
- Il n’y a pas assez de Chibokiko pour la délégation !
Akio recula d’un pas et considéra le shugenja de sa délégation, Horiuchi Notsuke. S’il disait vrai, tout l’équilibre mental de la délégation allait être perturbé. Apprendre que les Chibokiko étaient arrivés, mais qu’il n’y en avait pas pour tout le monde… Il fallait prendre une décision et vite !
- Bien ! Notsuke-kun ! Contactez immédiatement la Cité des Rives Blanches ! Que tous les shugenjas de la cité se débrouillent mais je veux un paquet pour chaque membre de la délégation, demain matin ! En attendant, étouffez les bruits de l’arrivée de Chibokiko, je ne veux voir filtrer !
- Hai, Akio-sama !
Juste à l’instant où Notsuke tendait la main vers la cloison, celle-ci coulissa, laissant entrer une Minori fourbue et couverte de sueur. Les doigts des deux samouraïs s’effleurèrent.
- Ohayo, Minori-san, bredouilla le shugenja, rouge de confusion avant de faire mine de prendre la fuite. Au fait, lança-t-il avant de disparaître, j’ai pris l’initiative de faire parvenir un paquet à l’Empereur !
- Bonne idée ! répondit Akio sur le même ton avant de faire signe à Minori d’entrer et de refermer la porte derrière elle. L’entraînement s’est bien passé ?
- Je dirais qu’il y a du travail, mais elles ont de bonnes bases. Je ne désespère pas d’en faire de bonnes guerrières. Et vous, quel est votre programme ?
- J’aimerais nouer quelques contacts avec la délégation Scorpion. Ce que j’en ai vu me paraît prometteur. Puis, je vais faire passer mes rapports à Notsuke pour en informer Shoan-sama, Oto-sama et Tadaji-sensei.
- Notsuke, c’est le nom du shugenja qui vient de s’enfuir ? Comment connaît-il mon nom ?
- Les ragots, sûrement. Maintenant, si vous aviez l’amabilité d’aller prendre un bain…
- Bien sûr, Ide…sama !
Akio sourit en entendant son yojimbo sortir en claquant la cloison. En attendant qu’elle revienne, il fit parvenir à Bayushi Hiryu-sama une invitation, finement écrite, à bavarder dans les jardins du Kyuden. Puis il écrivit quelques mots de remerciement à Bayushi Ryumi :
Un havre de paix
Qu’un voyage avec vous
M’a fait découvrir.
Voilà, c’était assez satisfaisant. Il s’assit et commença à compter ses petits ronds de bois.