En dépit du ciel grondant et de la pluie, ils sont venus nombreux admirer le départ du couple céleste, recevoir leur dernière bénédiction.
La ville semblera bien vide sans leur présence. "Que les kamis veillent sur leurs majestés et sur l'Empire". Cette silencieuse imprecation est dans tous les esprits des témoins de ce départ.
Ils sont venus nombreux, unis derriere l'Empereur en un seul esprit et ce malgré leurs différences. Gens du petit peuple marchand, simples artisans, serviteurs heimins, commis, tanneurs, mendiants mais aussi de nombreux samouraï, protégés des rigueurs tu temps par d'épaisses capes aux couleurs rehausées du mon de leur clan...
Quelques moines aussi...
Un en particulier.
Protégé des intempéries par l'avancée d'un toit, riant de tant de joie, participant simplement à la liesse par un sourire bienveillant, un tout jeune moine observe le cortège qui passe.
Qui remarquerait un être aussi démuni. Une tunique élimée, un peu trop grande pour lui, un simple baton de marche, un collier de prière en bois et un jingasa de paille, article presque luxueux pour un être d'un tel dénuement forment l'ensemble de ses possessions.
"Des enfants... Ce sont des enfants...". pense-t'il en lui-même. "Choisir un tel jour pour apprendre à marcher est en soi encourageant" se dit-il dans un sourire.
La foule se disperse lentement alors que la procession finit de passer. Le peuple est heureux et chacun semble avoir oublié la pluie.
Ajustant son jingasa, le moinillon sort de sous son abri et se mèle à la foule, suivant la direction du cortège.
Malgré son apparence discrete et sa carrure d'enfant, le moine n'a aucun mal à suivre celui-ci.
Chacun se pousse de son passage, certains sui sourient, certains le saluent ou lui adressent une supplique à voix basse, d'aucun lui ouvrent la route un moment, le quittant enfin dans un salut respectueux. Il a un mot pour chaque, un sourire pour tous. Son visage irradie la paix, la joie et la gentillesse.
Se collant à son cou, bien à l'abri sous le jingasa, un vieux corbeau semble sécher ses plumes et sait profiter en vieux sage d'un voyage sans efforts.
Ôka
La petite faiblesse qui vous perdra
