Tetsuo a écrit :
Les peintres, De Vinci par exemple, avait deux occupations : la création artistique et les peintures sur commandes des mécénes.
pas que les peintres en fait, mais la quasi-totalité des artistes jusqu'à une époque assez récente.
actuellement, l'artiste ne cherche plus un mécène qui va acheter son oeuvre mais un éditeur. D'ailleurs, comme le mécène, l'éditeur passe aussi souvent "commande" à l'artiste une fois qu'il est connu. L'éditeur n'achète pas pour lui-même mais pour assurer la distribution de l'oeuvre et donc il investit dans l'artiste.
actuellement, artiste est une profession mais ça a longtemps été davantage un statut lié à la bienveillance du ou des mécènes.
les peintres échappent un peu au problème avec les galeries d'exposition mais ça revient quand même à chercher un intermédiaire pour que l'oeuvre soit connue, et vendue
de fait, en matière de musique, de cinéma, d'écriture, de peinture entres autres, n'importe qui ou presque peut désormais s'autopublier sur internet. Certains dessinateurs et musiciens le font depuis des années déjà et dans les arts visuels, cela prédate même toute la controverse générée par le p2p...
est ce qu'ils en vivent bien ? j'en sais rien et c'est pas la question dans le fond.
ce qui est assez curieux, c'est que depuis que l'on a lancé dans la mare publique la controverse des droits d'auteur, on a assisté à quoi de la part de leurs défenseurs ? essentiellement à des argumentaires mis en avant par des avocats ou des éditeurs regroupés en associations... les artistes eux-mêmes ont été nettement moins monolithiques dans leurs affirmations et si aucun n'a clairement déclaré "je suis pour l'art gratuit", une quantité appréciable de gens qui ne sont pas forcément des inconnus ici ou ailleurs a clairement déclaré en matière de musique et de cinéma entres autres que leur rémunération n'entrait pas directement en ligne de compte dans le problème du p2p
hors, le p2p est le premier phénomène de diffusion de masse des contenus artistiques sans regard de la part du créateur ou de l'éditeur.
maintenant, si on prend en compte les deux impératifs économiques qui sont :
- l'artiste a le droit d'être rétribué pour son oeuvre
- en matière d'art, on a le droit de viser le meilleur prix pour une oeuvre en tant qu'acheteur
alors on a pas 36 solutions : soit les éditeurs s'adaptent et revoient leurs marges à la baisse, soit ils sont condamnés à disparaitre et les artistes devront vivre sur les donations volontaires du public qui deviendra un ensemble de mécènes qu'il est impossible à gérer de manière collective
en fait, c'est ça la problématique de fond : un tas d'artistes tentent de se débrouiller pour passer outre les éditeurs et se rétribuer directement au contact du public. C'est plus aléatoire, ils n'y trouvent pas forcément leur compte mais ils essaient. Le problème c'est de savoir qui contrôle la diffusion de l'oeuvre et quelle valeur elle a si elle cesse d'être une simple marchandise pour redevenir une création rétribuée à la discrétion de l'acheteur.
et là, on manque de données fiables en matière de shareware, de p2p gratuit incitatif et j'en passe. En clair, on n'a aucune idée de l'impact que ces initiatives ont globalement sur les revenus des artistes car elles sortent du cadre de la diffusion centralisée et "monopolisée" par les éditeurs.
maintenant, on peut viser ce qu'on veut, il faut savoir une chose : tant qu'il faudra payer même 1 centime pour quelque chose, il y aura toujours qqun pour te le proposer moitié prix ou en échange d'un clic ou par pack de 8000 oeuvres au prix d'un euro. Qu'il s'agisse de contrefaçons de produits finis ou de distribution d'oeuvre originales reproductibles, on échappera jamais à ça
ça n'est pas le phénomène qui gène, c'est son ampleur. Et la diversité des comportements qu'il représente. Parce que tous ceux qui accèdent gratuitement à une oeuvre payante ne l'achètent pas forcément...mais que certains oui et qu'une proportion qui reste à déterminer ne l'aurait sans doute jamais achetée autrement qu'en l'obtenant gratuitement au préalable
ce que ça veut dire ? que là on a déjà un début de l'artiste rétribué par l'acheteur sur la base du volontariat, c'est à dire sur la base de l'estime qu'il a pour l'oeuvre et son créateur....
c'est une contradiction inhérente au système libéral : ils voulaient rentabiliser la création en en faisant un marché ou tout le monde trouvait son compte mais le consommateur les a pris au mot : il ne paye plus que ce qui lui plait mais il essaye tout ou presque.
je pense que c'est dans cette direction qu'il faudrait creuser : si on en arrive à un système de distribution décentralisée et majoritairement gratuite, ça n'est pas l'éducation à la marchandise qu'il faut donner aux enfants mais l'éducation à
l'appréciation qu'on a d'une oeuvre. Parce que à la base, on est pas censé acheter une création artistique parce qu'elle vaut un prix X ou Y mais parce qu'on l'aime et qu'elle n'a absolument aucune dimension utilitaire.
mais ça aussi, ça implique que les réseaux d'intermédiaires de la distribution mis en place par les éditeurs et les détaillants en prennent plein la poire. Donc, on ira pas dans cette direction autrement qu'un canon dans les reins.
le paradoxe est là : on peut obtenir un permis de conduire même si ainsi on peut provoquer des morts accidentelles, voire un permis de port d'arme mais on ne sait pas délivrer de permis d'apprécier les artistes alors on est d'entrée de jeu hors la loi
