Plusieurs choses :
- un samurai doit "à chaque instant de sa vie se rappeler qu'il est destiné à mourir", selon le Hakagure. Donc, la mort en tant que telle n'a pas la moindre importance, qu'on soit ou non un guerrier.
- un samurai doit affronter tous ceux qui entachent son honneur, ou celui de son suzerain, sans avoir à attendre qu'on lui dise (rappelez vous ce poncif du film de chambarra ou un personnage fait/dit un truc ambigu et se retrouve devant une demi-douzaine de sabres à moitié sortis du fourreau...).
- "n'importe quel homme peut apprendre à tuer. On apprend au samurai à mourir" disait un certain Akodo.
Ces trois points étant rappelés :
- n'importe quel homme doit mourir, on apprend au samurai à
bien mourir. Qu'est ce que bien mourir ? deux choses, ensemble ou l'une des deux seulement : parce que ton seigneur te le dit/parce que c'est utile à ton seigneur.
- un samurai qui prend chaque affront comme demandant réparation court au suicide car il sera aisé de le provoquer d'une manière qui le forcera à se déshonorer davantage, ou le placera face à quelqu'un qui est bien plus dangereux que lui. C'est un autre poncif du chambara d'ailleurs :
tous les samurai qui ruent dans les brancards et sortent leur sabre dés qu'on les regarde de travers finissent mal

le plus souvent, dans la minute qui suit leur acte, parfois plus tard, mais toujours.
- un samurai doit agir spontanément mais pas n'importe comment. Comment faire la différence ? parce qu'il s'est imprégné du bushido, il sait quand il agit en écoutant son esprit samurai, ou quand il se comporte comme un paysan. Si son honneur est fort, s'il est concentré, s'il est serein (rappelez vous que la métaphysique samurai repose beaucoup sur l'invulnérabilité intérieure), alors, il agira toujours spontanément de la bonne manière. Comme pour sortir un sabre, comme pour tirer une flèche, chaque décision ne souffre aucune hésitation car elle est naturelle. Miyamoto Musashi disait "prend chaque décision en moins de sept respirations, quelle qu'elle soit. Plus longtemps serait tergiverser pour rien". Mais il faut être un samurai, un vrai, pas juste un homme avec deux épées et un nom de famille, pour être assez imprégné de sa propre valeur afin d'agir ainsi.
- un samurai ne doit jamais mourir parce que c'est ce qui l'arrange, mais parce que c'est nécessaire. La nécessité, c'est d'écouter dans l'ordre du moins au plus important : ses sentiments d'être humain, son honneur de samurai et enfin les exigences de cet honneur : un samurai mort ne sert à personne. On meurt parce qu'on le doit, pas parce qu'on n'avait rien de mieux à faire aujourd'hui.
- la témérité n'est pas l'inconscience : un samurai peut mésestimer l'adversaire et se jeter sur lui alors qu'il est condamné d'avance. Si c'est ce que son seigneur ordonne, ou que c'est implicite à sa mission présente (= nul ne doit franchir ce pont), alors il meurt comme il le doit. Si c'est parce qu'au détour d'un chemin il tombe sur un bandit et que celui-ci a dix complices avec des arcs, c'est parce que c'est son destin et que son destin n'était pas de mourir en servant son seigneur mais juste en combattant. Cela ne doit pas pour autant l'encourager à se jeter sur le brigand s'il voit que les dix autour le tueront avant qu'il y parvienne. Une telle situation peut sembler sans issue, et elle l'est généralement. Il ne reste donc plus que deux choses à faire : se coucher ou mourir. Ce qui revient au même. Mais il y a une troisième voie : celle de regarder le premier bandit dans le blanc des yeux : moi, samurai, je suis prèt à mourir sachant que je n'ai aucune chance. Toi, bandit, es tu prèt à mourir sachant que je te tuerais avant que tes compagnons me tuent ? le samurai ne peut vaincre par les armes, mais il peut vaincre par l'esprit. C'est en cela qu'il n'est pas juste un homme sachant bien manier un sabre mais un guerrier.
- L'acceptation n'est pas l'idiotie : si je sais que dix bandits avec des arcs m'attendent, alors, y aller les mains dans les poches est totalement stupide. Se jeter face à dix bandits l'épée au clair alors qu'on avait d'autres solutions est idiot, ça ne sert personne, et ça ne fait même pas du mort un guerrier. Juste un imbécile mort.
J'ai donc deux possibilités : trouver un autre chemin, ou trouver un moyen de les vaincre. Selon vous, laquelle des deux solutions est la plus honorable ? faire un détour, ou prendre l'ennemi à revers ?
Là, on arrive au coeur du dilemne :
- faire un détour, c'est fuir. Mais c'est aussi, sans hypocrisie, ne pas se jeter du haut d'une falaise parce qu'elle est sur votre chemin. Ca ne veut pas dire que vous aviez peur de vous jeter du haut de la falaise, mais que ça n'était pas ce qu'on attendait de vous. Ce qu'on attend de vous, si on veut vous voir mort, c'est que vous obéissiez. Si vous faites un détour, vous arriverez jusqu'à votre seigneur. Si lui, il juge que vous avez été lache, alors, ouvrez vous le ventre sans regret. Mais comment l'aurait-il pu si vous n'étiez jamais arrivé jusqu'à lui ?
- prendre l'ennemi à revers, c'est faire usage de ruse. Combien de grands généraux de l'histoire japonaise ont vaincu sans ruse ? pas un seul. Ou une fois, incidemment, gràce aux circonstances, à la supériorité numérique, au terrain... ce que notre époque technologique nous montre, c'est que les moyens, même disproportionnés, ne suffisent pas toujours. Il ne suffit pas d'être le plus fort, il reste à utiliser cette force au mieux. Est ce de la lacheté ? non. La lacheté, c'est de ne frapper que quand on est convaincu de vaincre sans risque. La ruse, c'est d'y aller en se donnant toutes les chances de réussir. On n'utilise pas le poison, parce que c'est làche. On ne prend pas un adversaire unique à revers, parce que c'est làche. Mais on n'hésite pas à tomber sur plusieurs bandits sans les prévenir. Et sur le champ de bataille, il n'est pas plus déshonorant de mourir d'une flèche que d'un coup d'épée. Pourquoi serait-il alors plus déshonorant de tuer l'adversaire avec une arme ou l'autre ? A contrario, il est honteux de mourir poignardé dans son sommeil ou empoisonné. Un guerrier ne devrait pas mourir ainsi, et donc, il ne devrait pas tuer ainsi non plus. Parce que l'ennemi, aussi, est un samurai. Traitez le comme tel, parce que si vous, samurai, ne le faites pas, qui le fera ?
Enfin, faut-il fuir ?
A cette réponse, citons notre ami Shinsei qui disait "si tu ne fais pas ce qu'on attend de toi, quelqu'un d'autre devra le faire à ta place".
Donc, agir selon la priorité la plus élevée. Dans un combat, la priorité première, c'est de vaincre. Ensuite, de prévenir qui de droit que ça n'a pas été possible. Un samurai agit pour vaincre. S'il est seul, il ne peut faire que ce qu'un homme seul peut faire. S'il est accompagné, alors, un homme peut rester afin d'infliger autant de dommages que possible à l'adversaire - et montrer le courage de son camp - et un autre aller prévenir qui de droit que ca ne sera pas une victoire.
Qui doit rester, qui doit partir ? Un ashigaru, un paysan, obéit et lui aussi, il sert. Mais il n'est pas un samurai. Ce qui distingue le samurai, qu'il soit bushi, courtisan ou shugenja, c'est que ses actes sont forcément plus honorables que ceux d'un paysan, même ashigaru.
parce que sinon, il n'est pas un samurai. C'est à lui, pas aux ashigaru, qu'on demande de vivre selon le bushido. Le fait qu'il sache ou pas se battre n'a aucune importance. Il est samurai par son esprit et son honneur avant toute autre considération. Il n'est pas "n'importe quel homme auquel on apprend à tuer". Alors... vous savez qui doit rester et qui doit aller prévenir le seigneur, n'est ce pas ?
Cependant, la looyauté commande aux ashigaru, aussi, comme à n'importe qui, de privilégier son sacrifice à celui d'un supérieur. Il est donc normal qu'un ashigaru tente de vous convaincre de partir donner l'alarme pendant qu'il retardera l'ennemi, condamné à échouer. A ce moment là, rappelez vous que si vous acceptez ce sacrifice, c'est dans l'esprit de servir votre suzerain, qui de toute manière vous demandera des comptes sur votre échec. Si vous le refusez, c'est une manière d'assumer cet échec sans avoir à offenser votre seigneur par votre présence, pas de sauver la vie d'un paysan. C'est tout ce que le système attend de vous. Le reste, ça regarde vos pensées intimes, ainsi que les rapports plus ou moins sincères qui vous lient à votre seigneur. Car il est une question qui n'a pas de réponse ferme : vaut-il mieux se donner la mort pour ne pas avoir à offenser son suzerain par sa présence quand on a échoué, ou vaut-il mieux aller jusqu'au bout des conséquences de ses actes et les assumer dans leur intégralité, parce que la loyauté ne souffre aucune faiblesse ?
et ça, ça fait partie de la multitude de choses qui font qu'au delà des stéréotypes, il n'y a pas deux samurai identiques, même s'ils sont de la même école, portent le même nom et le même blason. Le bushido, c'est un ensemble vécu par des individus. Pas par des robots reproduits à l'identique.
Et oui, même s'ils s'appellent tous Matsu. Vous pensiez quoi ? qu'ils ne méritent pas leur 3.5 en Honneur ? ben vous aviez faux, voilà
