Message
par Hida Koan » 22 sept. 2004, 00:21
Le Champion d’Emeraude acquiesça de la tête. Yakamo-soleil était maintenant sorti complètement de sa torpeur. Le disque lumineux tel un joyau étincelant jouait malicieusement avec les gouttes de rosée éparpillées ça et là. Le vent faisait frémir les feuilles des arbres alentours. L’Empereur ne savait trop comment faire part de sa décision à Kojiro.
« - Le ciel et la terre contiennent l’horizon, Peu importe le profil déchiqueté, le ciel s’y adapte fidèlement. » Koan marchait dans le jardin, suivant des chemins tortueux, revenant sur ses pas de temps à autres, marquant de brusques virages ou d’harmonieuses courbes pour guider les pas de son invité.
« -Voyez cet arbre Kojiro-san. C’est un ziyu, un orme rouge. Il acquiert cette couleur si intense en vieillissant. Les années le teintent comme cela. Jeune et fort, il est brun clair, dur et dense, d’un grain merveilleux mais assez commun. Le temps passant il devient un bois précieux… On l’appelle bois de sang. Chacun de ces arbres a vécu plusieurs vie d’hommes et pourtant inéluctablement il tient debout, montrant majestueusement toute sa beauté. Pensez-vous qu’il soit fatigué de vivre ? Pensez-vous qu’il aimerait sécher et périr… lui aussi ? »
L’Empereur fit face au mur de végétation, semblant guetter quelque chose. Il écarta les branches soigneusement, mit un pied dans la terre fraîche et s’engouffra dans les arbres. Le Champion d’émeraude le suivait.
« - La pluie éparpille les pétales du prunier. Les gouttes perles sur la terre, on ne peut que s’abriter. Cet arbre est un buis, son écorce est blanche comme la mort. C’est un arbre triste à mes yeux. » Le regard de l’Empereur s’assombrit, il pensait à la demande de Kojiro, à la tristesse qu’il avait ressenti mais aussi à celle que son ami avait du éprouver lors de son refus. « Les ébénistes s’en servent souvent vous saviez ? Pas pour de grosses pièces non, seulement pour de petits ornements comme la marqueterie. »
Le grand bushi partit en avant, tentant de trouver un chemin plus praticable qu’à l’aller. Il marmonnait comme un poème « Vous et moi pensions que c’était à jamais quand nous devînmes compagnons. Mais aujourd’hui vous partez, malheureux. Le ciel tourne en feu amer, que n’adoucit pas la résignation. » Touchant les écorces, observant de jeunes arbrisseaux à peine plus grands que des brindilles, l’Empereur paraissait savoir ou il allait.
Il s’arrêta devant un gros tronc au bois couleur de nacre. « Les fines veines que vous voyez ici ne vous rappellent rien, Kojiro-san ? » Elles découpaient l’écore en de fines lamelles, toutes assemblées comme les rémiges d’un oiseau. « Ne seraient-elles pas magnifiques pour symboliser des plumes ? L’un des côté d’un arrête est froid et humide, l’autre côté est chaud et sec. Par le simple choix de votre position, vous modifiez votre destinée. » L’Empereur s’arrêta, fixant Kojiro. « Et vous avez fait ce choix cher ami. Je ne peux me résoudre à vous blesser de la sorte. » Rapidement, comme complètement absorbé par ses pensées, Koan avança rapidement, tournant encore et encore, semblant connaître d’un seul coup ce jardin comme sa poche.
A grands pas il atteignit un être magnifique : grand de plusieurs mètres, les feuilles larges d’un blancs jaunies, ornée d’une multitude de gousses orangées, trônait magnanime, au centre d’une petite place, le grand ébénier. « Son bois est dur, lourd et solide… D’un admirable noir de jais. L’ombre d’une bordure n’est jamais sur la bordure. Le moment de considérer la fin est avant la fin. » L’Empereur resta un instant à fixer le grand arbre. « Voyez comme l’art de la marqueterie est complexe. Rien que pour réunir tous ces arbres en ce jardin, il a fallu un dur labeur. Le chemin de l’achèvement est parfois long. Mais si la tâche n’est pas finie, le travail ne doit pas cesser. Cependant… » dit Koan hésitant. « Je sais que vous souffrez. » L’instant paraissait figé, il ne savait s’il avait bien sur se faire comprendre, si ses actes reflétaient une quelconque cohérence, s’il ne blessait pas son ami, plus encore qu’il ne l’aurait du. « Pour laver votre honneur, Kojiro-san, je vous laisse le temps d’une œuvre d’art. Et tous ces arbres que viennent-il faire ici me direz-vous ? Voilà ce que je souhaite pour vous. » L’Empereur déroula lentement le parchemin sous les yeux attentifs de Kojiro.
En son centre se révélait un dessin. C’était un coffret oreiller, sa forme était aisément reconnaissable. Chaque face de l’objet était détaillée, un encart dessiné étant réalisé sur le côté. On voyait une représentation particulière sur chaque paroi de l’objet. Une foultitude de traits indiçait l’image : buis, orme, ébène, plumes de phénix, bois de sang. « Les couleurs sont encore à imaginer mais… » Voyant que Kojiro scrutait le dessin, il continua « Là, au centre sur le couvercle ? C’est bien comme cela qu’il est ? Me suis-je trompé ? » Un mon habillait le dessus de la boîte. Plusieurs grues se reposaient près du bord d’une rivière, leurs pattes dans l’eau, un cerisier étendait ses branches au-dessus de l’onde, et le soleil décroissait. C’était exactement le mon des Heïshiro… En tout cas Koan l’espérait.
« Ce matin même, un coursier est parti pour Otosan Uchi, un plan similaire avec lui. Il trouvera là-bas Kato Mitsutoki, c’est le meilleur artisan ébéniste de l’Empire. Il doit réaliser le coffret selon les cotes remises, avec les différentes essences de bois que j’ai choisi. Quand je recevrais la boîte terminée, vous devrez voir révélé ce qui était caché, ce pour quoi vous estimer avoir failli. Si votre enquête est complète, si vous avez châtié les impudents, alors je vous offrirais cette boîte, et avec votre nom… Si ce n’est pas le cas, ce coffret sera remis à la personne que vous désirez, elle contiendra le dernier haïku que vous aurez composé avant de mourir… »
Flood Thunder - Koan jin'rai
Mille ans pour régner
L'éternité pour briller
Ma vie pour servir