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par matsu aiko » 30 mai 2010, 15:29
Un peu plus tard…
- Superviser l’entraînement du dojo ?
La bouche de l’impératrice se crispa légèrement.
Superviser un entrainement, voir des combats…qui savait quel pourrait en être l’effet sur l’esprit impressionnable de Suzaku.
En même temps, inspecter les troupes faisait partie des devoirs d’un souverain – il fallait bienqu’il s’y habitue.
Elle fixa quelques instants le jeune officier qui venait de faire cette audacieuse proposition, son allure avenante et assurée, le sourire timide du Prince. Le général et les arts martiaux pourraient-ils avoir une influence salutaire sur Suzaku ?
Oui…cela valait la peine d’essayer. Avec quelques précautions.
Kokiden referma son éventail.
- Masashige-san, merci de cette proposition. Nos guerriers devraient sans nul doute se sentir honorés de montrer leurs prouesses en présence du Prince Aîné.
Cependant l’expérience m’a appris que si la présence de leur seigneur, a fortiori d’un prince impérial, galvanise les troupes, cette tension et cette attention à la performance sont hélas temporaires et ne valent que pour la durée de l’événement.
Or en tant que maison impériale nous nous devons d’atteindre l’excellence. Il faut donc qu’à chaque fois qu’ils s’entraînent, nos guerriers se comportent comme si le Prince surveillait leurs moindres faits et gestes, pour que ce souci de la perfection devienne une habitude de vie.
Vous pourriez, par exemple, leur annoncer que dorénavant le Prince Ainé venir observer l’entraînement au travers d’un shoji, d’un dais ou d’un paravent disposé à cet effet. Ils ne sauront pas si le Prince est là où non, et donc se sentiront obligés de tendre à la perfection en permanence.
La manifestation symbolique d’un pouvoir invisible d’origine divine a beaucoup plus de force que sa manifestation réelle, comme vous le savez certainement, acheva-t-elle avec un sourire suave.
Et cela permettra, si jamais cela se passe mal, de faire ramener discrètement le Prince dans ses appartements…compléta-t-elle mentalement. Bien sûr, il fallait aussi prévoir l’entourage adéquat. Mais depuis le temps, elle avait tout le dispositif nécessaire.
- Une telle façon de procéder vous paraît-elle envisageable, Masshige-san ? demanda-t-elle poliment.
Masashige savait que la question était rhétorique. Un souhait de l’Impératrice avait force de loi.
- Parfait, conclut cette dernière après son assentiment.
Se tournant vers Suzaku :
- Mon fils, vous avez là l’occasion d’apprendre aux côtés d’un samouraï d’une famille illustre pour ses talents guerriers. Ecoutez et regardez, sans manifester votre présence. Ne dites rien, ne faites rien, ce n’est pas nécessaire. Quand vous en aurez le loisir, je serai ravie que vous me fassiez part de vos impressions sur nos troupes.
Allez-vous reposer à présent, Prince. J’ai quelques détails sans intérêt pour vous à régler avec le général.
Elle lui sourit avec affection. A son signal, deux serviteurs vinrent emmener le Prince.
Une fois le Prince sorti, l’impératrice se tourna vers l’officier. Son visage aux traits aristocratiques était lisse comme celui d’une statue au milieu de la splendeur de ses habits, de ses bijoux et de sa coiffe. Mais l’harmonie des traits, le calme de l’expression et la douceur de la voix étaient en contraste complet avec l’expression intense, impérieuse et concentrée de ses grands yeux noirs.
- Masashige-san. Vous comprenez à présent la nature du problème, et pourquoi la discrétion est essentielle pour tout ce qui concerne le Prince Aîné.
Nul ne doit savoir.
Masashige reçut le message aussi clairement qu’un coup de poing en plein visage. Garder ce secret, faire en sorte qu’il ne s’ébruite pas, reposait à présent sur ses épaules. L’honneur de cette maison, et le sort de l’Empire, dépendaient de ses actions à venir.
Nul ne doit savoir.
- Je vais par ailleurs vous donner les moyens d’assurer la sécurité du Prince.
Elle frappa dans ses mains, légèrement.
Un homme de taille moyenne, plutôt trapu, aux cheveux striés de gris, entra dans la pièce. Il se déplaçait avec une souplesse et une économie de geste que n’aurait pas renié un duelliste Kakita. Son allure – un kimono d’un bleu sombre, éteint, des sabres qui avaient vu des jours meilleurs – n’avait rien de remarquable. Cette impression disparaissait quand on croisait son regard. Ses yeux gris étaient d’une intelligence froide, efficace et d’un calme totalement dénué d’émotion, presque inhumains dans leur détachement. Derrière la calme compétence de l’individu, c’étaient les yeux d’un homme qui tuait sans la moindre hésitation, sans le moindre état d’âme.
- Général Matsu Masashige-san, je vous présente Daidoji Ryoma-san.
- Ryoma-san, vous reporterez désormais, ainsi que vos hommes, à Masashige-san en ce qui concerne la sécurité du Prince.
Sa main blanche et gracieuse ajouta un geste à l’intention de l’homme.
Le Daidoji s’inclina profondément devant l’impératrice, puis devant le général.
Masashige comprit qu’à présent il avait sous ses ordres l’âme damnée de l’impératrice, son exécuteur des basses œuvres. Cet homme prosterné devant lui exécuterait ses ordres – quels qu’ils soient.