Le coût des fraudes sociales estimé entre 540 et 808 millions d'euros en 2009
Le montant des fraudes aux prestations sociales est estimé entre 540 millions d'euros et 808 millions d'euros en 2009 et concerne environ 200 000 allocataires, soit 2,15 % du total, selon un rapport de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) révélé, jeudi 29 avril, par Le Parisien. Ce document, dont le quotidien publie un extrait, souligne que "le taux d'allocataires qui seraient auteurs d'une fraude en 2009 est estimé à 2,15 %" et que "l'impact financier de la fraude serait compris par an entre 0,91 % et 1,36 % du montant total des prestations versées en 2009, soit entre 540 et 808 millions d'euros".
Dans un entretien au quotidien, Daniel Buchet, chargé de la lutte contre la fraude à la CNAF, estime que "si l'on se réfère aux idées reçues selon lesquelles les fraudes seraient massives en France, ce travail montre en revanche que ce phénomène reste relativement modeste". Le quotidien fait valoir néanmoins que le coût des fraudes en 2009 serait "sept à dix fois supérieur" à celui de 2008, que la CNAF avait estimé à 79,77 millions d'euros, en septembre 2009. Ce rapport de la CNAF s'appuie sur des "vérifications systématiques" menées "auprès de 10 500 allocataires choisis de façon aléatoire" et dont les résultats ont été extrapolés au niveau national.
Le pourcentage des fraudes varie fortement selon les aides, souligne le quotidien : très faible pour les allocations familiales (0,43 % des sommes) ou la prestation d'accueil du jeune enfant (0,24 %), le taux atteint 3,1 % pour l'allocation de parent isolé et 3,6 % dans le cas du revenu minimum d'insertion (RMI).
On a donc une évaluation du coût de cette fameuse fraude aux allocs', au rmi etc... bref cette fraude qui occupe tant de pages dans les magazines comme le point ou dans les reportages de TF1. Souvent avant des élections présidentielles d'ailleurs, cf le dossier du Point d'avril 2007 sur "la France assistée" qui faisait une large part à ces histoires de fraudes (
lien) ou encore l'édifiant "droit de savoir" de Charles Villeneuve passé sur TF1 entre les deux tours de 2007 sur "la France qui triche" (
lien). Avec des exemples aussi intéressants que celui de Thierry, 44 ans, qui vit à Roanne et a réussi l'exploit de vivre des Assedic depuis 24 ans ! Grâce à ses indemnités chômage et aux allocations logement, il a même réussi à devenir propriétaire d'un trois pièces. Salaud !
Dommage, le droit de savoir à l'époque n'enquêtait pas sur des cas comme celui de Laurence Pineau-Valencienne héritière d'une des familles fortunées de France, assujettie à l'ISF mais ayant touché le RMI pendant 6 ans (
lien). Ou sur le HLM d'Henri Leconte à Levallois (fief de Balkany) (
lien1,
lien 2).
Bon évidemment la fraude mise en évidence ici n'est qu'une partie de la fraude sociale totale (il y a aussi la fraude aux assedics notamment).
Mais quand même. Qu'est ce qu'on entend parler de cette fraude, notamment de celle au rmi ou aux allocations familiales. Alors qu'elle représente quoi ?
Prenons quelques chiffres juste pour situer l'ordre de grandeur (et non comparer ce qui ne peut pas forcément l'être évidement) :
- Un tribunal arbitral a accordé près de 400 millions d'euros de dédommagement au seul Bernard Tapie dans l'affaire addidas (
lien).
- Le coût du bouclier fiscal est estimé (provisoirement) à environ 700 millions d'euros pour 2009. Sur ces 700 millions, environ 694 millions concernent des gens assujettis à l'ISF (99,2% de la somme) et environ 450 millions des gens dont le patrimoine est supérieur à 16 millions d'euros (63%) (
lien 1,
lien 2).
- Je pourrais revenir encore sur le coût des niches fiscales estimé entre 70 et plus de 100 milliards par an. Évidemment ces niches ont une fonction mais leur efficacité reste à prouver pour nombre d'entre elles et on peut se demander qu'elle est la part de simple "cadeau" fiscal aux plus fortunés dans cet ensemble (
lien).
Plus intéressant (et pertinent). Les estimations sur le coût total annuel de la fraude fiscale et sociale varient entre 29 et plus de 50 milliards par an. Là on ne parle pas des "dépenses" indues (comme celles évaluées dans le rapport de la CNAF) mais des recettes non perçues. Donc de l'argent qui ne rentre pas dans les caisses de l'état. La fraude à l'impôt sur le revenu c'est 4,3 milliards d'euros. Celle sur l'impôt sur les sociétés c'est 4,6 milliards. La fraude à la tva c'est environ 10 milliards. La fraude sur les prélèvements sociaux c'est encore plus, peut être 20 milliards (
lien 1,
lien 2).
La totalité des recettes générées par l'impôt sur le revenu est de moins de 60 milliards par an (
lien). C'est à peu près équivalent à ce qui n'est pas perçu du fait de ces multiples fraudes (qui ne concernent pas que l'impôt sur le revenu évidemment - c'est juste une question d'ordre de grandeur encore). Et c'est largement inférieur à ce qui n'est pas perçu du fait de l'extension incessante des niches fiscales qui font qu'aujourd'hui on exonère peut être 2 à 3 fois plus qu'on ne perçoit (140 milliards selon la CC au max contre 60). Dans le cas, théorique et probablement non souhaitable dans un certain nombre de cas, où l'on supprimerait toutes les niches on multiplierait par 2 ou 3 les recettes de l'IR. Par ailleurs on voit que la fraude à l'IR c'est environ 7% du total (plus de 4 milliards sur moins de 60) : à comparer avec les 3,1% du rmi ou les 0,46% des allocations familiales (même si là aussi on compare des dépenses et des recettes ce qui n'est pas la même chose).
Bref, tant de reportages, de discussions de café du commerce pour ces quelques centaines de millions d'euros, si peu pour ces dizaines de milliards. Tant de lois, de mesures de contraintes et de surveillance faisant peser un soupçon constant sur des populations pauvres mais à plus de 99% honnête (cf les chiffres citées plus haut) pour économiser quelques bouts de chandelles. Presque rien pour faire rentrer les milliards de la fraude, dont la majorité ne vient probablement pas des plus pauvres (qu'il s'agisse des individus ou des entreprises). Forcément, la fraude est proportionnelle au montant sur lequel elle s'exerce (c'est comme pour le bouclier fiscal).
Pour synthétiser la chose on pourrait dire qu'on braque le projecteur sur des types qui volent quelques œufs (souvent simplement pour les bouffer) pendant que d'autres (moins nombreux en plus) se tirent avec des troupeaux entiers de bœufs.