attention, ce qui suit n'est pas une récrimination, ni une attaque. C'est un constat

au départ, le jeu laisse pas mal de choses dans l'ombre, faisant des premiers mjs des précurseurs qui tentent de remplir ces vides
puis, viennent les suppléments détaillants territoires/factions/personnalités/conflits et une première révision de la vision globale du jeu, pour la plupart des acheteurs qui n'ont pas pu voir les intentions des auteurs dés le bouquin d'origine.
ensuite, on profite des évènements pour introduire des personnalités et de nouvelles factions en plus de celles existantes. Là, un certain nombre de mjs se retrouvent un peu génès aux entournures car ils se retrouvent avec un truc officiel qui prend la place d'un machin qu'ils avaient commençé à développer par eux-mêmes sur une idée de base similaire. Fallait pas non plus utiliser ses neurones. Mais rassurez vous, toutes ces belles idées ne seront pas perdues... on va le voir bientôt.
ensuite, certains évènements font que divers personnalités/factions/problèmes ne sont plus d'actualité, ce qui provoque souvent un premier départ massif et la création d'une nouvelle génération de mjs qui commence à faire jouer après les évènements cruciaux. Ca permet un certain nombre de quiproquo et de prises de bec dans les conventions et ça aide un certain nombre d'adolescents attardés à prendre un coup de vieux en jouant les vieux sages blasés. Faut être adulte pour croire que le jeu ça sert juste à s'amuser

histoire de remettre un peu toutes les pendules à l'heure, le noeud cataclysmique de l'évolution du monde sert généralement de prétexte plus ou moins avoué à une nouvelle édition du jeu et amplifie la dychotomie entre "les anciens" et "les nouveaux" mjs/joueurs. On appelle ça "avoir une communauté dynamique, vivante et remplie d'échanges intenses". Plus prosaiquement, ça veut dire "donner l'illusion d'une activité réelle en faisant beaucoup de bruit sur pas grand chose".
dans l'intervalle, la communauté online s'est constituée en effet. Du sein de cette communauté sont issus un certain nombre de "notables" qui par leur vision souvent pertinente du monde ou leur grande gueule se font remarquer de leurs petits camarades et servent de référents à une grande partie des autres membres mais aussi à certains des développeurs.
Certains jeux en tirent partie en proposant à ces personnes de rédiger tout ou partie d'une aide de jeu ou d'un scénario officiels en tant que freelance, parfois même freelance rétribués (la consécration diraient certains "amis" à moi). Comme en plus bon nombre de contributeurs chroniques à la communauté souhaiteraient bien s'investir en semi-pro dans le milieu du jdr ou apprécient l'effet que ça fait à leurs chevilles un surcroit de notoriété, tout le monde y trouve son compte.
systématiquement, mais alors sys-té-ma-ti-que-ment, l'éditeur finit par déplorer que certains trucs ne soient pas vendables. C'est à dire qu'il avoue que tous ses anciens produits ne sont pas intéressants financièrement (surtout les bouquins sur une faction spécifique ou les scénarii) alors que ce sont ces mêmes bouquins qui ont vraiment fait décoller son jeu. Curieux, hein. Chaque nouveau jeu évolutif commence sur le même modèle et doit sa croissance à un certain type d'ouvrages qu'il est de bon ton de dénigrer ensuite.
Comme de juste, il est plus intéressant de proposer des livres plus hybrides, censément plus généralistes donc plus vendables. Dans les faits, ces livres hybrides servent surtout à présenter des idées qui seront développées dans le livre suivant et ainsi de suite... on ne "feuilletonise" pas ouvertement la gamme mais dans certains jeux, ça se voit presque


dans le même temps, on ne veut pas couper les ponts avec "le mythe des origines" (faut dire que ça devient fouilli tout ça) et donc, si on avait fusillé le gros problème/méchant/axiome de base du jeu au préalable, dans un effort louable de contenter les nostalgiques et de renouer avec "le jeu comme il était au début" (c'est toujours bien sur les plaquettes commerciales de donner cette impression de continuité mouvante), hop, on ressuscite le grand méchant ou on nous "révèle" que pas du tout, il y avait un méta-problème derrière le méga-problème censément déjà réglé. Et quand ça marche bien question ridicule et invraisemblable, on passe un coup de fil à Hollywood pour postuler dans l'équipe scénaristique de Lost

quand on sent la lassitude poindre à l'horizon devant la pléthore de trucs d'une qualité qui déchaine régulièrement les passions, quand une partie des "notables" semi-contributeurs officiels ont laissé tomber pour passer à autre chose ou ont laissé leur égo les pousser à créer des sectes alternatives au truc officiel, on fait une nouvelle édition. On a suffisamment de trucs à recadrer en termes de règles, on peut toujours inventer un nouveau cataclysme majeur pour créer la rupture (voire le combiner avec le comeback du gros méchant initial) et puis un relooking n'est jamais désagréable pour les yeux. On en profite pour s'appuyer sur de nouveaux "notables" de la communauté des consommateurs, qui veulent faire leur trou eux aussi et suivre/dépasser l'exemple de leurs ainés dans la quête du gonflage de chevilles et de portefeuille à travers l'adulation (et la contribution financière) des foules
au final, qu'observons nous et qui y trouve son compte ?
- l'éditeur fidélise une partie de son public sur une gamme qu'il peut recycler et décliner périodiquement en nouvelles éditions ou les remaniements de fond se mélangent allègrement au copié/collé. Les prix des bouquins augmentent mais les frais de rédaction, eux, chutent. C'est presque un cas d'école en fait.
- les acheteurs peuvent s'empoigner à tout bout de champ lorsqu'ils n'ont rien d'intéressant à dire sur le jeu en allant pinailler ad nauseum sur de vieux "débats" d'il y a dix ans
- ceux qui n'ont pas envie de remanier l'univers et ne voient pas d'objection à ce que ses grandes directions demeurent la province des concepteurs du jeu peuvent mettre la main à la poche afin d'avoir de la matière première pour leurs propres campagnes. Ca leur permet de rester dans une vie feuilletonnée entre deux séries télé et la routine quotidienne.
- ceux qui aiment pinailler peuvent mettre la main à la poche et adopter ce qui leur plait en dénigrant ardemment le reste, arguant du fait que puisqu'ils ont payé un truc ils ont le droit de le descendre même si on a tous compris qu'ils l'ont justement payé pour ça au départ
- ceux qui veulent jouer les puristes de la première heure peuvent aller faire un tour ailleurs en tirant la tronche, entretenir leur complexe martyrologique et revendre au prix fort leurs vieux bouquins sur ebay, ce qui leur permettra de financer l'achat d'une nouvelle gamme, peut-être même chez le même éditeur... et quelques mois plus tard, si tout va très mal, ils seront à nouveau à se prendre la tête sur un nouveau jeu, avec les mêmes forumiens, sur les mêmes sujets
c'est vraiment un loisir très prenant, le jeu de rôle évolutif. On sait comment on tombe dedans mais pour en sortir...
