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par Seppun Kurohito » 23 déc. 2004, 14:27
Chaque membre de la procession s'arrêta un instant devant l'arche torii, inclinant la tête dans une silencieuse prière aux ancêtres bénis, à commencer par l'Impératrice et son hôtesse de la famille Kakita.
Une fois dans l'enceinte sacrée, les murmures se firent plus rares et les comportements plus solennels, toutes les dames imprégnées du caractère religieux des lieux.
Ca et là, on pouvait apercevoir quelques membres de la famille Asahina occuper à leurs offices ou quelques moines solitaires pratiquant le zazen.
Tombeaux et mémoriaux, richement ouvragés, étaient soigneusement entretenus, les offrandes renouvelées consciencieusement et les murs nettoyés avec soin.
Tout autour de la colline, le dernier repos des plus grands héros de la famille Kakita marquaient le monde pour l'éternité, leur nom gravé dans la pierre immuable autant que dans la mémoire plus éphémères des hommes.
Si la Guerre des Clans avait vu le saccage de Kyuden Kakita, il était impossible de dire si le repos des morts avait été troublé, tant le site avait retrouvé le même faste qu'antant...
Certains, comme le mémorial du célèbre bushi Kakita Rensei, dont le corps n'avait jamais été retrouvé, étaient larges, sobres et austères.
D'autres étaient de véritables oeuvres d'arts, ornés de fresques finement ciselées et réhaussées de couleurs racontant la vie et les exploits de Kakita Wayozu, première femme à devenir maître de l'académie et sensei de tous les arts, y compris le iaijutsu, ou encore Kakita Shoju, l'un des plus grands dramaturges de l'époque de la fin des Hantei.
Les tombeaux des plus grands kenshinzen cotoyaient ceux des artistes les plus renommées, qui avaient sublimé toute les formes de beauté et fait la grandeur de la civilisation de Rokugan, et des maîtres-forgerons créateurs des plus fines lames Kakita.
La Voie Centrale, qui aboutissait au sommet de la colline, était bordée de petits temples érigées à la mémoire de tous les seigneurs de la Maison Kakita, depuis Kakita Shimizu, fils de Dame Doji et du seigneur Kakita, jusqu'aux plus récents, un complexe de trois sanctuaires aux toits brillants qui honoraient la mémoire du grand maître Toshimo, et celles de ses deux fils, Toshimoko et Yoshi, qui avaient veillé aux destinées de la famille lors de la Guerre des Clans.
Une statue du précédent Champion d'Emeraude, le seigneur Toshiken, trônaient fièrement devant le tombeau de Kakita Kaiten, prédécesseur de Noritoshi en tant que daimyo et sensei de l'académie de iaijutsu.
Un plaque indiquait que l'Empereur Toturi 1er avait, des années auparavant, honoré ces lieux de sa présence, lors d'une cour d'hiver.
Les tombeaux de Kakita Ichiro, fils de la Grue Grise, et de Kakita Ryoku, tante de Hantei XXXVIII et auteur du célèbre roman Hiver, ouvraient sur la Clairière du Repos Céleste.
Celle-ci était un chef d'oeuvre de beauté végétale, marquée aux quatre points cardinaux par les grands temples dont les murs étaient dorés à l'or fin, respectivement pour Dame Doji, le seigneur Kakita, leur fils Hayaku, fondateur de la Maison Daidoji et Asahina.
Bien que les plus grands temples de Dame Doji, Daidoji et Asahina se trouvaient tout naturellement dans les Palais principaux de chacunes de ces familles, ceux-ci n'en étaient pas moins magnifiques...
Un sanctuaire plus petit et plus austère avait été rajouté au temple de Kakita, pour la mémoire de sa soeur Kiyamori, et ce bien que la descendance de la dame ne comptât plus pour le Clan de la Grue.
Durant tout le trajet, les dames s'arrêtait devant certains tombeaux, priant un parent ou un aïeul, alors que d'autres admiraient les ouvrages sublimes.
Kakita Mai parlait peu désormais, présentant avec révérence les hauts faits de tel ou tel ancêtre, selon les attentions de l'Impératrice, et démontrant par là sa connaissance irréprochable de l'histoire de sa famille.
Doji Yasuyo renseignait quant à elle Bayushi Ryumi, avec une amabilité non feinte.
Arrivées près de la Clairière du Grand Repos, les dames s'arrêtèrent un instant pour admirer les Quatres Temples. Sur le côté, assis sur un pierre plate, un vieux moine rasé au visage parcheminé, sa robe safran élimé, demeurait immobile telles les anciennes statues qui l'entouraient. Il ouvrit néanmoins les yeux à l'approche du cortège. Beaucoup des femmes tournèrent le regard, faisant mine de l'ignorer, et un vague embarras passa sur le visage de dame Mai.
Le regard brillant et pénétrant du vieux moine irradiait d'une douceur que démentait le petit sourire ironique, naissant à la commissure de ses lèvres sèches.
Une bien étrange expression devant l'épouse et les proches du Fils du Ciel, à vrai dire, aux limites de l'irrespect...
Son regard passa de Kakita Mai à Shikizu, puis à Doji Yasuyo et Bayushi Ryumi, avant de se reporter sur les ongles sales de ses mains osseuses, sans même un salut de la tête...
Bien que toutes les dames ignorèrent totalement le vieux fou, un silence choqué s'abattit un instant sur l'assemblée.