Au coeur de la tempête
Malgré les shoji grand ouverts et les rayons de Dame Amaterasu, il régnait dans la chambre une atmosphère oppressante.
L’air, saturé d’encens, ne couvrait guère les odeurs de sang et de sueur. Agenouillée au centre du tatami, Kakita Naishime s’agrippait farouchement aux bras de ses dames d’atour, dont les visages étaient tels des masques de Nô.
La délivrance s’annonçait mal.
La frêle jeune fille avait perdu beaucoup de sang et l’enfant se présentait à l’envers, un bien mauvais présage.
Mai, la sage-femme, turban défait et visage moite, priait tout en exhortant sa maîtresse à réguler son souffle. Elle craignait que la dame ne soit prise des tremblements annonciateurs d’une nouvelle crise, qui entraineraient irrémédiablement la mort de la mère et de l’enfant. Naishime hurla en expirant encore une fois de toutes ses forces. Son corps, d’ordinaire si doux et grâcieux, se tordit sous les assauts de la douleur qui embrasait ses entrailles.
Elle entendit à peine la voix rassurante de la vieille Mai, qui s’était occupée d’elle depuis sa prime enfance.
“En voilà un qui ne veut pas vous quitter, Madame ! Attendez ! Je le vois…”
Enhardie par ces dernières paroles, la jeune Kakita tendit toute sa concentration vers une unique pensée : pousser.
Brutalement, elle sentit la souffrance l’inonder alors que son enfant respirait pour la première fois les odeurs du monde. Le cri de son fils résonna longuement dans son âme alors que le néant s’emparait d’elle…
Kakita Noburoto, assis en lotus sous un dais de soie claire, tournait la délicate porcelaine d’une main experte en humant les arômes délicats du thé sombre, tentant de chasser les violentes émotions qui menaçaient de lui faire perdre son contrôle habituel. Depuis le cri déchirant de son épouse, résonnant dans les murs lambrissés du palais, chaque minute rajoutait à son appréhension.
Des pas rapides résonnèrent dans le couloir. Noburoto reposa la tasse sans y goûter, et inspira profondément, alors que deux servantes de la maison de son épouse s’agenouillaient devant le fusuma ouvert.
Avec une rigueur calculée, Noburoto parla d’une voix sèche.
“- Alors ?”
Shatsu, la plus âgée, marquant davantage son salut, lui répondit d’une voix tremblante.
“- Vous avez un fils, Monseigneur.
Noburoto expira lentement, chassant peu à peu l’angoisse de ces dernière heures. Un fils…
Son visage se décontractait à mesure que son soulagement laissait place à une joie nouvelle.
Soudain, un ombre dans son esprit le fit frissonner.
“- Comment se porte mon épouse ?”
Les servantes posèrent toutes deux le front sur le sol et le jeune samurai sentit leur crainte presque palpable.
“- Elle ne veut pas se réveiller, Kakita-sama, et l’Ancienne demande à ce que le maître shugenja veuille bien la visiter…”
Noburoto rejeta sa longue chevelure blanche en se redressant.
“- Faites savoir à Mai que je le fais quérir immédiatement.
- Hai, Kakita-sama”. Les deux servantes répliquèrent de concert, avant de disparaitre aussi rapidement qu’elles étaient venues…
Le pâle après-midi avait cédé sa place à une nuit glacée.
Les flocons de neige dansaient dans le vent du nord, et le ciel lourd masquait la lumière d’Onnotangu aux yeux des mortels.
Par la fenêtre, Noburoto ne discernait qu’un tableau bicolore, une voûte de ténèbres sur un manteau de pureté.
Son fils était né au coeur d’un tempête, et son épouse n’avait repris conscience qu’un instant, le temps de murmurer un nom…
Setsuko…
Ce serait là le nom d’enfant de son fils. Dans l’antichambre des appartements de Naishime, Noburoto reçut son vieil ami Asahina Kotashi. Le prêtre avait bien dix ans de plus que le jeune kenshi, mais semblait du même âge.
Dans un austère kimono de cérémonie de lin bleu où des fils de soies argentées dessinaient de délicates vagues, Kotashi avait l’élégance inhérente à la Grue, et même son visage quelconque était mis en valeur, encadré par une longue chevelure tressée et une courte barbe en collier. En comparaison, le port noble et le regard d’acier de Noburoto lui donnait une dureté qu’il n’avait pas en temps ordinaire.
Dès l’entrée du prêtre, il lut dans son regard azur que quelque chose n’allait pas. Toujours calme et affable, il salua Kotashi avec cérémonie, et ce dernier répondit aux convenances en posant son shakujô contre le mur. Le bâton du prêtre, duquel pendaient plusieurs plumes colorées, comportait à son sommet quatre anneaux de métal, signe de son avancée spirituelle. Noburoto s’assit en invitant son hôte à faire de même, avec le moins de formalisme possible, afin de donner à cette entrevue une allure plus amicale.
“-Kotashi-san, je vous remercie d’avoir agréer à ma demande si rapidement. Votre présence auprès de moi est un signe des Fortunes auxquels je rends grâce, et je compte prouver mon contentement en jeûnant jusqu’à la nouvelle lune, où j’irai faire offrande au temple…”
Le shugenja salua avec douceur à ces paroles, mais tout sentiment était absent de son visage, ce qui ne fit qu’accroître l’inquiétude du Kakita. D’un ton mesuré, le maître Asahina épargna à son ami une trop longue attente.
“- Je me ferai une joie de vous y accompagner Noburoto-san, et joindre mes prières aux vôtres, pour la prospérité de votre maison.” Kotashi accompagna ses paroles d’une gravité marquée.
“- Je vous en prie, Kotashi-san, parlez sans détours. Mon épouse est-elle remise ?”
Kotashi plongea son regard pénétrant dans celui de son interlocuteur, et reprit d’une voix mesurée.
“- Votre épouse dort, pour l’heure. Mais je veux être entièrement sincère avec vous, Noburoto-san. Sa survie tient du miracle et je présage que sa santé en demeurera irrémédiablement affaiblie. Naishime-gozen est très fragile, vous ne l’ignorez pas, et… elle ne vous donnera pas d’autres enfants, mon ami.”
Noburoto salua lentement à ses paroles, le temps d’assimiler la nouvelle, et tenta de mettre dans ses propos un peu d’entrain.
“- Les Fortunes ont voulu que mon épouse me donnent un fils, Kotashi-san, et si leur volonté est qu’il soit mon seul enfant, j’accepterai mon karma et me réjouirai du bonheur d’être un bon père, et un bon époux.”
Le prêtre lui répondit par une vague sourire, mais son regard soucieux démentait toute joie. Il reprit, plus hésitant.
“- Je ne peux que louer votre sagesse, mais votre fils… votre fils est fragile…il est trop petit, même pour un nouveau-né, et sa respiration est difficile.”
Noburoto s’était raidi, et son visage avait pris la dureté de la pierre. Devant son silence, Kotashi reprit.
“- S’il passe l’hiver, il aura toutes ses chances. Son thème astral est prometteur, Noburoto-san, mais… il portera certainement les faiblesses du sang de votre épouse…”
Le jeune père crispa la mâchoire sous le couperet de la sentence. Il descendait d’une lignée forte, et il pria silencieusement ses ancêtres de le pardonner. Quelle faute avait-il pu bien commettre pour que les Cieux lui envoient un héritier malade ?
Il laissa ses sombres idées glisser sur son esprit acéré et remercia le shugenja pour sa franchise.
Après avoir quitté Asahina Kotashi, Noburoto entra un instant dans la chambre où dormait son épouse. Ses dames d’atour avaient accroché plusieurs lampions autour de la couche afin de chasser l’obscurité et les mauvais esprits, et, les unes à côtés des autres, s’appliquaient à calligraphier des poèmes de louange et de réconfort, en prévision du réveil de leur maîtresse.
A l’entrée du maître de maison, elles cessèrent leurs ouvrages pour le saluer. Après un bref hochement de tête, Noburoto regarda la frêle silhouette, allongé sur les draps de soie. On lui avait revêtu un yukata de coton léger, clair et ostentatoire, qui avait fait partie du coffret de mariage offert par la Maison Seppun lors de ses noces. Seppun Naishime, alors promise au jeune chui, avait été une jeune fille douce et enjouée, curieuse du monde et fervente du Tao. Avec le temps, elle avait laissé place à une épouse dévoué, fidèle et appliquée, mais si fragile…et chaque année plus silencieuse, plus détachée, plus inaccessible…
En quittant la pièce, il croisa le regard brillant de la première dame de compagnie, Toda Yoshome. Un feu brûlant s’éveilla dans son coeur, écho de l’ardeur de la courtisane. Mais pour l’heure, il avait besoin de solitude, et de réflexion. Il quitta la maisonnée silencieuse d’un pas assuré.
Cette nuit-là, Yashinka, le sabre de Kakita Noburoto dansa rageusement avec la neige et la glace jusqu’à ce que les premiers rayons de Dame Soleil ramène la paix dans son esprit…
Gempukku
L’hiver s’était attardé sur les plaines côtières des terres de la Grue.
Le manteau neigeux perdurait et rendait plus ardu les premières floraisons.
Depuis le salon de réception de sa demeure, Noburoto pensif, regardait la cour pavée où s’affairaient les serviteurs, en prévision de la réception à venir. Depuis le début de la saison froide, la visite de Nawashi Gura avait jeté le trouble dans son esprit.
Envoyé par le seigneur Seppun Shimmai, patriarche de la maison de sa première épouse, il avait était formel et très clair : il était temps de songer au sort de Setsuko, son aîné, et de lui préparer un avenir digne de sa lignée.
Kakita Noburoto évitait toujours de songer à son premier-né, dont la seule existence était une gêne, une source de malaise dans une vie sinon exemplaire.
Setsuko portait sur son visage et dans sa grâce l’héritage de sa mère, et rappelait à Noburoto les choix lourds de conséquences de ses actes d’alors.
La répudiation arrangée de Naishime, bien qu’acceptée de bonne grâce par les parties concernées, avait assurément courroucé la Maison Seppun, et il lui attribuait intuitivement son absence d’avancement au sein des armées du Clan.
Depuis ses noces avec son amour de jeunesse Toda Yoshome, sa maison avait perdu en prestige et le nombre des invitations aux Cours d’Hiver avaient diminué d’années en années.
Son regard s’attarda sur le pavillon des femmes, de l’autre côté de l’esplanade. Setsuko y vivait dans le confort, entouré de nourrices, de servantes et de précepteurs que Yoshome prenait invariablement sous sa protection.
Depuis qu’il avait succombé à l’une de ses terribles crises en présence d’invités, cinq ans auparavant, Noburoto avait ordonné que le chétif Setsuko soit cloîtré dans le grand pavillon, et qu’il ne paraisse plus dans les lieux communs de sa demeure. Avec le temps, la honte qu’éprouvait le duelliste s’était atténué, mais ressurgissait les rares fois où il croisait son fils aîné.
Mais l’enfant atteignait sa quatorzième année, et la décence demandait à ce qu’il soit retiré à son entourage féminin.
Le rire de Jiro le tira de sa rêverie. Son fils cadet faisait toute sa fierté, et Noburoto trouvait du réconfort à regarder sa chère épouse réprimander l’enfant turbulent, tout en reprenant Joko, leur benjamine, dans ses exercices de calligraphie.
Yoshome avait tenu à superviser elle-même l’éducation de ses enfants, et son mari ne lui refusait rien. Confiant Jiro aux bons soins de Shatsu, laquelle avait remplacé la vieille Mai lorsque celle-ci avait choisi de suivre Naishime dans sa retraite, Yoshome posa un regard empli d’amour sur son époux.
Sa seconde femme avait, contrairement à la première, une assurance et une autorité qui n’enlevait rien à la douceur et la délicatesse légendaire des dames de la Maison Doji. A l’époque où elle servait fidèlement dame Naishime, leur amour avait été comme un torrent incontrôlable, un embrasement des sens et de l’esprit. Mais depuis qu’ils connaissaient, en dépit des fâcheuses conséquences, la joie d’une union officielle, leur affection avait atteint une compréhension mutuelle qui transcendait la parole
“- Vous ne devriez pas vous mettre dans un tel état, mon époux… Je suis sûre que tout se passera bien. Setsuko s’est appliqué tout l’hiver pour vous plaire et honorer votre nom. Vous ne devriez pas être aussi dur…”
Noburoto n’avait jamais saisi la nature des rapports qui unissaient son épouse à un beau-fils dont les traits même étaient le témoignage d’un passé douloureux. Elle traitait le frêle garçon comme son propre enfant, et parlait toujours dans son intérêt à l’heure des décisions importantes. C’était sur son insistance qu’il n’avait pas, à la naissance de Jiro, rejoint la Confrérie de Shinsei, comme l’avait souhaité Noburoto. Au-delà des arguments réalistes et convaincants sur la réaction possible de la Maison Seppun, une véritable compassion animait Yoshome. Des attentions que ne lui rendait pas l’enfant.
“- Je ne mets pas en doute les intentions de Setsuko, Yosho-chan. Je sais simplement que son corps peut le trahir à tout moment, et un seul de ces instants peut suffire à détruire tout ce que ma famille a acquis. Je ne veux pas voir l’un de mes fils faire le déshonneur de ma lignée, voilà tout…”
Voyant que sa bien-aimée allait rétorquer avec véhémence, il reprit d’un ton plus incisif.
“- Son gempukku aura lieu avec tous les honneurs qui lui sont dûs, et je ferai apprêter une suite à son seul usage. Le seigneur Seppun Shimmai devra s’en contenter pour l’instant. Lorsque Jiro sera en âge, je le ferai reconnaître comme mon héritier et lui obtiendrai la faveur d’intégrer un dojo digne de notre nom. Ensuite seulement je permettrai à Setsuko…et bien, de prouver sa valeur. Peut-être qu’une éducation artistique serait envisageable…
Etes-vous toujours en bon entendement avec ce prestigieux dramaturge… Kakita Karumasu ?”
Yoshome, dont le visage s’était refermé, s’inclina avec résignation.
“- Hai, mon seigneur…”
Du coin de l’oeil, elle aperçut au loin la pâle silhouette de Setsuko, cachée dans l’ombre d’une fenêtre.
Comme chaque matin, il regardait avec un curieux détachement les entraînements des samurai de la demeure.
Comme chaque matin, elle ressentit la subtile morsure de la culpabilité dans son coeur…
Malgré la fraîcheur venteuse et le ciel couvert, la cérémonie, bien que sans faste, s’était déroulée à l’extérieur.
Setsuko avait, comme la coutume l’exigeait, jeûné depuis la veille et passé la nuit en prière.
Mais le remède énergisant que lui avait préparé Shatsu au préalable, lui, n’était pas coutumier.
“Pour te donner des forces” avait-elle dit avec tendresse.
Pour son plus grand malheur, l’isolement et la solitude de ses années d’enfance avait poussé son esprit à l’étude et la réflexion, et il ne lui restait rien de la fraîcheur, de l’insouciance et de la naïveté qui convenait à cette époque de la vie, si tant est qu’il l’ait connu un jour.
Il n’avait rien rétorqué, bien qu’il ne fut pas dupe. Son père ne souhaitait pas une nouvelle catastrophe durant la cérémonie.
Setsuko ne pouvait que reconnaître la justesse de ses craintes. La veille, à la simple évocation de ce qui l’attendait, sa tête s’était mise à tourner, et les tremblements annociateurs d’une nouvelle crise n’avaient cessé qu’au soir tombant, lorsqu’en prière, il avait mis à profit le recueillement pour retrouver un semblant de sérénité.
Dès l’aube, vêtu de son plus beau kimono, il fut conduit dans la cour où, sur l’estrade dressée, l’attendaient ses parents, entourés de quelques invités d’honneur, dont il ne connaissait pas la moitié : l’envoyé de la famille Seppun avec son long visage, Asahina Kotashi, le prêtre vieillissant, et quelques autres.
Son attention s’était surtout focalisée sur un homme au visage rond, dans un kimono azur élégant de simplicité, portant un sabre d’une beauté sans pareille.
Le seul à lui avoir souri.
Kakita Miroji était un sensei honoré du prestigieux dojo de Shiro sano Kakita. Setsuko avait eu du mal à le croire. Jamais il n’avait été en présence d’autant d’hommes, d’éminents samurai venus pour lui. Les frissons avaient commencé à le parcourir dès les présentations. Une vague de panique menaçait de le submerger.
Après les rites d’usage vint le moment pour lui de prendre la parole…
Son moment.
La tension avait alors atteint son paroxysme, et ses mains, posées sur le sol, commencèrent à trembler. Les mots menaçaient de rester dans le noeud de sa gorge.
Sentant son corps le trahir à nouveau, il leva un visage implorant et croisa le regard du maître Miroji.
Au-delà de son visage doux et compatissant, dans l’acier de son regard, Setsuko sentit une force incommensurable, une énergie de vie que son corps ne masquait qu’à peine.
Le temps se figea.
Comme un écho à la puissance du kenshinzen, le jeune homme ressentit une ardeur nouvelle s’éveiller dans son ventre. Il concentra toute son énergie sur cette chaleur, avant qu’elle ne l’abandonne.
Soudain, il comprit.
Son corps était son ennemi.
Il le serait toute sa vie, jusqu’à son dernier souffle.
Aucun ennemi n’aurait jamais autant de sournoiserie, de force impitoyable que celui-là.
Aucun adversaire ne profiterait jamais de sa moindre faiblesse, guettant chaque faille avec autant d’efficacité que sa propre chair.
Et Kakita Miroji le savait.
Cette révélation était apparue au maître de sabre comme une évidence, et elle prenait corps désormais en lui.
Comme par magie, la peur s’évanouit. Elle disparut comme la flammèche d’une bougie dans un vent violent, balayée par cette nouvelle lucidité.
Setsuko se releva et cita sans faillir le nom de chacun de ses ancêtres, sous le regard de proches d’abord sceptiques, puis surpris, et finalement soulagés par sa prestation.
Lorsque son père s’approcha solennellement pour lui remettre le wakizashi ciselé récemment sorti des forges de la famille Kakita, il observa cet homme qu’il n’avait pas vu depuis plus d’une saison.
Il pouvait lire de la satisfaction dans la dureté de ses traits, mais pas une seule étincelle de cette fierté qui illuminait son visage en présence de Jiro.
Le visage fermé, l’enfant reçut la lame qui faisait de lui un homme, et la brandit soudainement, comme pour braver les cieux.
“- Moi, Kakita Tadatori (1), accepte cette lame et fait serment de servir ma famille, mon Clan et l’Empire jusqu’à mon dernier souffle.”
Le choix de son nom d’adulte plongea l’assemblée dans une silencieuse perplexité. Chacun cherchait le sens de cette décision.
Tous, sauf un, dont le visage s’éclaira comme un radieux soleil.
“Je souhaite en faire mon élève, Noburoto-san”
Le visage de Kakita Miroji, mélange de fines rides naissantes et de lègères cicatrices, témoignait d’une vie bien remplie.
Son léger sourire, toujours présent, contrastait avec la dureté de son regard. Miroji maîtrisait le style Kakita et avait voué sa vie au iaidô.
Il comptait parmi les rares maîtres qui enseignaient à Shiro sano Kakita, bien qu’il se considérait toujours comme “l’élève de Toshimoko”.
Noburoto était quant à lui adepte du style Toshimo-ryu, une variante élaborée et perfectionnée de l’ancien style Kakita par le père de l’actuel maître de l’académie de duel, et n’avait jamais reçu d’enseignements de Miroji.
Il avait compté que ce dernier appuyat sa demande lorsque l’heure serait venue pour Jiro d’intégrer un dojo, mais voilà que tous ses projets étaient remis en question par l’absurde décision du sensei. Tournant et retournant dans sa tête une manière de montrer à Miroji son erreur, il se retrouvait pris au piège.
“- Miroji-sama, veuillez pardonner mon insistance, mais je ne suis pas sûr que le choix de Sets… Tadatori soit le plus approprié. Il…
- Mettriez-vous mon jugement en doute, Noburoto-san ?”
Le ton tranchant de Miroji ne laissait aucune place pour une réponse contraire à ses désirs sans risquer un duel. La perspective d’un affrontement n’effrayait pas Noburoto, mais la supériorité évidente du sensei en faisait déjà le vainqueur, et le père de Tadatori ne souhaitait rien moins que de perdre la face.
Anéanti, il baissa la tête et répondit difficilement.
“- Non, Miroji-sama… Sans doute ne puis-je voir la sagesse d’un tel choix… Je faire savoir à mon fils qu’il se tienne prêt pour votre départ.”
Souriant, Miroji rajouta, comme pour lui-même :
“- Il le sait déjà…”
(1) Terme rokugani pouvant signifier "Mon pire ennemi"