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par Matsu Roro » 29 août 2010, 23:09
Une tempête d’or et de soies ivoires déferla hors des quartiers du Général de la Garde de la Droite, suivie de son escorte en direction du Daidairi.
Masashige s’approchait des portes du palais et crut apercevoir un moment fugace une expression d’étonnement sur les visages des gardes impériaux à moins que cela ne soit de l’incrédulité ? Non , il devait avoir rêvé. Alors qu’il parcourait les derniers mètres jusqu’aux portes, une escouade lourdement armée vint se positionner devant les portes du palais et un Chui s'avançait levant une main tendue vers lui, paume en avant lui signifiant de...s’arrêter.
"Veuillez me suivre Matsu Masashige-sama, seul, s'il vous plait." A cette demande la tension monta d'un cran, l'escorte du Général de la Droite fut prise d'un frisson perceptible. Masashige sentait bien que quelque chose n'allait pas. Il fit signe à son escorte de l'attendre ici et s'engagea derrière l'officier. Les gardes impériaux suivaient du regard le Général Matsu comme si celui ci était une menace permanente lorsque l'officier lui indiqua une pièce qui devait être une antichambre.
"Je vous prie de bien vouloir patienter ici, Matsu-sama".
Masashige fit tout son possible pour garder contenance et s'avança dans la pièce.
"J'espère que je ne patienterai pas longtemps..." dit il en fusillant des yeux le samurai qui refermait honteusement le shoji.
Le petit salon était somptueusement décoré, comme toutes les pièces se situant dans l'enceinte du Daidari. Un arrangement floral composé d'une branche au profil artistiquement torturé, d'ajoncs et de chrysanthèmes décorait un angle ; en face, se trouvait une estampe délicate, représentant un paysage de montagne où se découpaient les silhouettes violacées de pins, où se lisait le kanji 'Patience'. Masashige ne put s'empêcher de ressentir l'estampe comme un double message.
En attendant, le temps s'écoulait au ralenti, long, collant et poisseux comme du miel. Il était englué ici, dans cette petite pièce éclaboussée d'or, sans savoir pourquoi.
Il s'assit, puis se releva, incapable de rester en place. Marchant de long en large, son esprit dévoré de mille questions, il se tourna avec brusquerie quand enfin le shoji s'ouvrit.
Mais à sa grande surprise, ce ne fut pas la silhouette étincelante d'un garde impérial qui s'encadra dans l'ouverture mais celle de celui qui était depuis peu son subordonné, Daidoji Ryoma. L'homme s'inclina profondément devant lui.
Comme d'habitude, il était vêtu d'un kimono d'un bleu éteint. Dans la splendeur éblouissante de la pièce, il apparaissait presque comme une salissure.
"Matsu Masashige-sama."
"Ryoma-san," souffla Masashige comme si une partie du brouillard commençait à se dissiper. Que se passe-t-il ?
"Je suis venu m'enquérir si vous aviez besoin de quelque chose, Masashige-sama. Souhaitez-vous que l'on vous apporte une tasse de thé ?"
Le ton de l'homme était parfaitement neutre.
"Une tasse de thé ?!" Le Général partit d'un petit rire en se tournant vers l'estampe.
"Je suis retenu ici à moitié prisonnier aux portes du Daidairi sans aucune explication et toi tu viens te moquer de moi ! Quelle est donc cette mascarade ?"
"Je ne me moque pas de vous, Masashige-sama. Mais vous deviez bien vous attendre à ce que les évènements d'hier soir aient des conséquences... Qu'espériez-vous en venant ici ? Une audience auprès de l'Empereur ? De l'Impératrice ?"
Rien n'allait comme le Général l'avait imaginé ce matin en sortant du lit, une magnifique journée s'annonçait pourtant. Il ferma les yeux un moment pour se contenir malgré tout car le voile rouge tombait. Il se détourna de l'estampe et vint s'asseoir en face de l'âme damnée de l'Impératrice. Les yeux gris et froids le scrutaient, dépourvus d'expression.
"Ecoute-moi bien Daidoji-san, je ne suis pas venu pour demander une quelconque audience auprès de ta maîtresse ou de notre Empereur. Pourquoi le ferais-je ? Je tente d'accomplir mes devoirs comme un serviteur dévoué et l'on me retient ici contre mon gré en mettant mes nerfs à l'épreuve. Tu me parles des évènements de la veille, à ce que je sache il ne s’est rien passé hier soir. Alors je te donne quelques instants pour me dire ce qui s'est passé et pourquoi je devrais demander audience. Si ta réponse me satisfait je te laisserais probablement la vie."Le Général ne plaisantait pas, son visage était tendu, son interlocuteur savait que ce n'étaient pas des paroles légères.
Sans paraître ému le moins du monde, l’autre pencha un peu la tête, ses yeux se plissèrent.
"Pardonnez-moi, Masashige-sama, mais votre sortie des appartements du Ministre de Droite pouvait difficilement passer inaperçue. A l'heure qu'il est, il est probable que la moitié de la Cour est au courant. Si ce n'est pas la totalité."
Masashige se voyait déjà bondir à travers le peu d'espace qu'il y avait entre eux deux pour se saisir du col du kimono du Daidoji et lui hurler de cesser de se moquer de lui.
Il abandonna son masque et s'installa dans une position plus confortable, étalant son splendide kimono. Il arborait un visage radieux et tendit ses bras derrière lui.
"Hier soir j'étais avec ma femme, Ryoma-san. Je dois bien l'admettre, cela fait un bon moment que je n'ai pas eu le temps de me consacrer à ma tendre épouse mais je n'échangerai pas ma soirée d'hier pour une entrevue avec notre bon Ministre de la Droite...Maintenant j'ai bien envie d'un thé."
Les sourcils de l'homme se haussèrent très légèrement, seul signe d'émotion chez cet être impassible.
"Vous ne vous souvenez pas de votre entrevue avec Doji Saionji-dono ?"
Matsu Masashige fit la moue.
"Hier soir, vers l'heure du Boeuf ?" insista le Daidoji.
"Non et pour la dernière fois je n'ai pas vu Doji Saionji-sama hier soir."
Il rapprocha son visage du chien de garde de l'impératrice avec un air entendu.
"A moins bien sur, que notre Ministre ne se travestisse la nuit et adore se glisser dans la couche des ses généraux. Ce que je doute vu son grand âge." glissa Masashige avec un petit clin d'oeil.
S'il savait ce qui s'est dit, il ne prendrait pas la chose avec autant de décontraction...pensa Ryoma. Il eut un très léger soupir.
"Masashige-sama, puis-je me hasarder à vous recommander de demander audience, le plus rapidement possible, à l'Impératrice ?"
"Si vous le souhaitez je peux même lui transmettre la demande", ajouta-t-il.
Masashige leva les yeux au plafond. Voilà que l'exécuteur des basses oeuvres de l'impératrice se mettait à faire des recommandations.
"Oui Ryoma, dis lui que j'aimerais m'entretenir avec elle rapidement, je crois que nous en avons tous besoin."
"Je vous remercie, Masashige-sama. Je lui fais parvenir votre demande avec la plus grande célérité."
Il se rapprocha du shoji et s'inclina.
"Votre thé va vous être apporté."
Puis il poussa la cloison et sortit, laissant Masashige seul avec ses pensées après ce surprenant entretien.
Quelques minutes plus tard, le thé promis arrivait.
"There is no loyalty but to the Emperor. There is no honor but to die in his name."Matsu Tsuko