[Background] Misère

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Hida Kekkai
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[Background] Misère

Message par Hida Kekkai » 15 oct. 2004, 18:40

voici une partie du BG du personnage d'une de mes joueuses, il fait 28 pages, je ne mets que le début, il s'agit d'une heimin devenue ise zumi :
Elle marchait dans les rues de la bourgade, dans les quartiers mal famés, une bouteille de saké négligemment tenue à la main et les cheveux crasseux qui lui retombaient sur les yeux et les épaules. Elle venait de perdre au jeu son arc, son argent. Il ne lui restait plus que l'alcool comme cadeau de consolation. Et c'est dans un esprit de découragement profond qu'elle marchait sans hâte.
Des rires dans une ruelle devant elle. Les brumes d'alcool sont lourdes, ses gestes sont lents, trop lents pour écarter les personnes qui s'agglutinent à elle en riant. On la prend, on s'amuse avec elle, à la faire tourner, des mains, des rires. L'alcool lui tourne la tête. Elle baragouine des imprécations, des rires lui répondent.
On la transporte, on la déshabille et soudain… froid!!!! L'eau glace sa peau et ses pensées reviennent brusquement, la dessaoulant rapidement. Elle se lève dans l'eau et retombe aussi vite, les jambes n'arrivant pas à la porter. Quelques mains traînent sur elle, des rires répondent. Elle se débat et soudain…
- Quelqu'un vient! Vite! Partons!
Les mouches disparurent, l’hyène approchait. Elle essaya de reprendre son souffle. L’eau lui emmêla les cheveux et la terre et l'alcool se diluèrent dans les ondes. Elle ouvrit enfin les yeux et regarda ou elle était. Les bordures du lac étaient vides, désertes. Ses vêtements avaient disparu… elle était nue.
Elle se leva d'une manière un peu plus assurée et longea les arbres, cherchant des yeux un moyen de couvrir sa nudité.
Elle murmura d'une voix un peu plus fermes des imprécations contre les stupides hommes crôtteux qui n'avait rien de plus à faire que de l'énerver.
Fallait-il qu'ils aiment la merde pour ainsi l'embêter. Leurs parents avaient sûrement du être élevés parmi les poules et les déjections.
Sa voix était à peine plus qu'un murmure pour qu'on ne l'entende pas. Par contre, ce qu'elle entendit, elle, c'était des clapotis d'eau. Elle s'approcha à la lisière des branchages et vu une jeune femme en train de se baigner. Femme d'environ une vingtaine d'année, comme elle et qui déroulait ses longs cheveux dans l'eau pour les purifier. Un masque traînait à terre a quelques pas d'elle, un masque terrifiant, de même qu'une tenue rouge sang très foncée, un arc ainsi qu’un carquois d'une grande beauté. L'arc aussi noir que la nuit. Elle saisit les deux très discrètement marcha a reculons et se mit à courir. Un bruit derrière puis plus rien.
Elle courut longtemps dans la forêt et lorsqu'elle fut hors d'haleine, avec plaisir, elle essaya la tenue qui lui allait si parfaitement.
Elle repartit sur les chemins d'un pas plus tranquille en se disant que de toute façon, si elle retrouvait cette femme.. Elle n'aurait qu'à courir encore plus vite.. Ou bien la tuer.
- Vous êtes enfin la!!!
Elle se retourne.
- Oh ! L’homme s'incline, c'est un grand honneur que vous me faites de me montrer votre visage.
Ses yeux expriment la peur, peur que cet honneur lui coûte la vie. Elle le regarde avec étonnement sans rien dire, les brumes d'alcool l'empêchant de répondre rapidement. L'homme se racle la gorge, prenant le silence pour une acceptation de l'état de fait et l'attente froide de ce qu'il avait à lui dire. Il fouille quelques instant sa poche et lui tend une bourse de koku.
- Comme convenu...
- Convenu ?
Il blêmit. Elle se balança d'un pied sur l'autre, la station debout étant difficile si longtemps. Elle frémit de froid.
Il déglutît difficilement et sortit une pierre précieuse, prenant ses gestes pour de l'impatience
- Et bien sur ce petit rubis que... vous mettrez en valeur avec votre... tenue.. et votre... beauté...
- Evidemment...
Elle le prit avidement. Il sursauta et avec peur partit à reculons.
- Au revoir, Misère, et enchanté d'avoir pu faire des affaires... et...
Il s'enfuit. "Misère" fit quelques pas, et rendit tout l'alcool qu'elle avait dans le ventre au pied d'un arbre... Il n'était plus là pour voir ça.

*******

Les années ont passé, le temps efface autant les blessures que possible mais laisse les cicatrices.
Elle devait savoir… Elle devait y aller, elle en était sure. Elle devait comprendre pourquoi dans la montagne l'homme connaissait son secret et ne l'avait pas fait chanter, elle devait comprendre les raisons d'exister de cet homme que l'on disait millénaire et qu'ils avaient aidé. Comprendre la fascination de Tonbo-Kun pour les dragons… comprendre ce qu'il y avait dans ces montagnes.. Comprendre qui elle était.
« une femme en plein changement… », murmura t'elle comme en réponse a ses interrogations.
Elle n'avait rien, sinon sa volonté et une soif inextinguible de vivre et de pureté. Etre ce qu'elle n'aurait jamais du être, être quelqu'un à part, une part de rêve, un espoir. Les mots avaient souvent du mal à sortir devant les autres, elle voyait, elle se rendait compte de son handicap. L'habitude de voir de telles personnes, samouraï, de les imiter, de chercher à être comme Yumi, commençait à rentrer, mais pas encore assez. Elle ne pouvait s'empêcher de bégayer ou trembler quand elle s'adressait à tous ces daimyos et nobles.. mais sa pensée , elle, était toujours claire.
Megumi lui avait prédit son changement, une voie qui la brûlait aux entrailles. Elle devait aller là ou elle aurait des réponses, dans ces montagnes que l'on disait infranchissable… se chercher soi-même… quelque part.
Elle expliqua ses raisons à Tonbo-kun, lui promit un retour prochain… cacha un dernier baiser aux yeux des autres, puis s'éloigna, masquée, vers ce lieu qui l'appelait.. Qu’elle appelait.
Les nuits étaient de plus en plus fraîches, et ses repas plus maigres. Refusant de manger les lapins dont elle se nourrissait auparavant, désormais elle en était réduite à chasser les oiseaux à l'affût, et parfois du poisson quand elle passait une rivière et avait de la chance. La faim lui tenaillait les entrailles alors qu'elle s'enfonçait dans les montagnes.
Aux abords de la frontière, elle fit un large détour pour éviter de rencontrer un magistrat. Elle n'avait pas de papier, rien qui ne soit en règle, ce n'était même pas pour son clan qu'elle approchait ainsi des terres, mieux valait ne rien dire. Elle s'expliquerait directement avec les dragons et s'ils la condamnaient, alors qu'il en soit ainsi.
Sur la route, elle plongea a terre quand un groupe approcha.. et se cacha derrière un buisson.. Les montagnes n'étaient plus loin… elle y arriverait, elle le devait! Arrivée aux pieds de la montagne elle se mit a sourire… et grimpa lentement le long du sentier.
Le vent charriait de la glace, il faisait si froid. Elle frissonna. Elle devait continuer à avancer, elle devait connaître les réponses qui l'obsédaient, elle ne pouvait plus continuer de vivre aussi simplement qu'avant, elle devait savoir.
La connaissance était paraît-il en haut, et si elle ne la trouvait pas, au moins aura-t-elle essayée. C'est ce qu'elle devait se dire. Les oiseaux se faisaient de plus en plus rare et ses provisions s'amenuisaient.. le feu prenait moins bien, le riz était de plus en plus difficile à faire. Elle n'osait que peu faire du feu, et quand cela se passait elle ne pouvait mettre que peu de bois de peur que quelqu'un ne le remarque. Elle se restreint encore plus… et elle continua à monter jusqu'à trouver quelqu'un.. ou trouver le sommet de la montagne.
Deviendrait elle folle? L'endroit ou elle avait son daisho est désormais vide ! Pourtant elle est sure que la veille elle l'avait bien posé la. Misère se leva brusquement en tournant autour d'elle-même, impossible, pas même une trace, même un animal aurait laissé une trace, tout être aurait laissé une trace…
A moins qu'elle ne l'ait perdu avant… mais non, c'est impossible, elle l'avait la veille, jamais, jamais elle n'aurait pris peu de soins a ses affaires. Elle qui rêvait d'avoir un daisho et voila qu'elle n'a pas assez de tête, d'honneur, de volonté pour s'en occuper!
La jeune fille, anxieuse, recommence le tour de son "campement" puis lève les yeux pour voir si on peut atteindre par les branches d'un arbre mais non.. il faut bien s'en rendre compte.. Elle l'a perdu… Peut être le vent… peut être est ce lui aussi qui a pris ses sandales et l'oblige a marcher pieds nus.
La neige finira par recouvrir le sol… Il serait plus sage de redescendre, bien plus sage. D'avouer son échec à Tonbo, avouer qu'elle n'a pu y aller, qu'elle a perdu son daisho celui que ses amis lui ont offert. Un daisho qu'elle ne méritait visiblement pas. Deux bouts de métal… mais elle ne méritait pas la symbolique..
Si elle redescend, elle n'aurait pas ses réponses.
Si elle redescend, pire, tout ce chemin pour rien.
Si elle redescend, la perte de ses affaires ne comblera rien… vide…
Elle est si vide.. si fatiguée… et il fait si froid. La tentation d'abandonner la ses projets la prit soudain. Elle ressentit comme l'hostilité de ce monde, éléments et personnes, face à une simple heimin qui refusait sa place dans ce monde… Refus… volonté... Si je dois échouer.. au moins que pour une fois, j'aille jusqu'au bout… oui… jusqu'au bout…
Elle continua sa route
La montée se faisait de plus en plus dure, de plus en plus pénible. Le souffle lui manquait, elle s'assit comme elle pouvait à l'abris derrière un rocher mais il lui semblait que même là, les grêlons réussissaient on ne savait comment à la frapper. La nuit tombait, elle leva des yeux épuisés vers le brouillard qui s'assombrissait puis se mit à masser ses pieds douloureux et ensanglantés.
« Je dois continuer.. je dois continuer », murmurait elle sans fin. Le froid s'insinua dans son kimono de coton qu'elle avait trouvé dans ses ronces. Peut-être la perte d'un voyageur ici, elle ne cherchait plus à comprendre. Ses affaires, perdues, une a une.. elle acceptait… Son voyage, plus difficile et éprouvant que sa vie… elle acceptait… Les grêlons toujours plus gros qui lui offraient une barrière, une douloureuse résistance a chaque instant, elle acceptait… renoncer…jamais…
La température tomba avec le jour. Elle était déjà si basse le jour, la nuit cela devenait intolérable. Elle avait perdu de même son amadou pour la réchauffer, elle ne devait plus s'arrêter. S'arrêter c'était s'avouer vaincu, c'était abandonner… mais c'était aussi la fin des souffrances. Souffrance pourquoi? Pourquoi souffres-tu Misère ? Pourquoi tout cela ? Personne n'a jamais attendu de toi que tu grimpes sur cette montagne où tu n'es même pas la bienvenue… Redescend Misère, tu seras plus utile en bas… tu n'es pas comme eux, et tu le sais. Mais si je redescends… j'aurai échoué… Et alors? Tu ne peux être parfaite, tu es humaine et non un roc ! Mais si je redescends… je ne serai que Misère… je n'ai même plus de nom… je ne serai plus rien… plus rien… Tu pourras redevenir l'empenneuse que tu étais, ou trouver un autre nom Je ne veux pas d'autre nom… je veux être moi-même… je dois continuer…
La jeune fille se releva et tout son corps fut balayé par les grêlons. Elle mit son bras devant elle pour chercher à se protéger et continua son calvaire.
Des qu'elle fermait les yeux, il lui semblait que son passé resurgissait devant elle.. elle se revoyait volant son Maître, sa fugue, la nuit, les bruits de sa mère avec les hommes. Elle revoyait également la nuit passé avec les frères de Taki, tant et tant de moments de honte, de doute, qui cumulé avec sa détresse physique la rendait de plus en plus fragile.
Elle ne devait pas craquer, mais qu'était-ce alors que ses larmes qui coulaient sur ses joues? Etait-ce les siennes?
Douleur physique ou morale?
Elle ne savait plus, tout cela se mêlait pour n'être plus qu'une plaie… sa vie était douleur, une plaie a vif… que chaque instant, chaque seconde rendait plus difficile, plus intolérable…
Elle voulait avancer.. mais ne pouvait plus, elle trébucha et tomba dans la neige mêlée de glace, ses mains se craquelèrent et la neige se tinta de rouge…
Elle voulait avancer… mais elle n'en avait plus la force..
- é …échoué…
La fumée blanche de ses mots s'éleva de ses lèvres et sembla découvrir un château au lointain : comment avait elle pu ne pas le voir avant?
Elle se mit à pleurer en rampant vers celui-ci, brisée… Avancer... avancer... La jeune fille ne voyait plus rien… plus rien que la porte..
Elle ne vit pas le garde qui avait posé son regard sur elle du haut de la tour, ne voyait pas le précipice à coté, elle ne voyait plus que la porte, la lourde porte massive.
En rampant, elle continuait à avancer, puis après plus d'une demi-heure d'effort inhumain, elle toucha son but.
Elle sanglota en souriant, heureuse sans comprendre, d'avoir atteint cette porte.
Heureuse.. soulagée… mais elle mis longtemps avant de se reprendre et de chercher à pénétrer à l'intérieur, elle restait la, attachée à la porte de bois, la caressant, ayant peur de la perdre elle aussi.
Son regard enfin fut attiré par l'intérieur, et les pieds en sang, le corps bleu et marqué de toutes les intempéries, saignant par endroit, elle entra dans le château, titubant et se raccrochant aux murs.
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"La sodomie, ça sert à élargir le cercle de ses amis" Nicolas S. dictateur

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