Tiens un article que j'avais trouvé très "amusant" du Monde Diplo est désormais disponible (il date de décembre) :
La tourmente financière vue d’un paradis fiscal.
Quelques extraits :
[...]les sommes mobilisées par les seuls pouvoirs publics américains pour soutenir l’activité ou garantir des actifs avoisinent 8 500 milliards de dollars. Une fraction aboutira sur les comptes d’établissements domiciliés dans des paradis fiscaux. Là où, malgré les gesticulations des responsables politiques, les grandes entreprises ne connaissent pas la crise…
« Eliminer les paradis fiscaux ? Oui, j’en ai entendu parler à la BBC [British Broadcasting Corporation]. Il paraît que votre président est très remonté. Eh bien, si vous trouvez une seule personne par ici qui prenne sa menace au sérieux, soyez gentil, vous me la présentez ! » Dans un rire saccadé, le col blanc écrase son mégot et s’engouffre dans sa ruche.
Monsieur Ozouf détient un titre de gloire : il est l’inventeur de la Goods and Services Tax (GST), une taxe de 3 % levée en 2008 sur les biens et services — hors ceux de la finance. Cette ponction doit servir à compenser la disparition de l’impôt sur les sociétés étrangères, qui a creusé un trou de 100 millions de livres (118 millions d’euros) dans le budget annuel de l’Etat. Un des aspects folkloriques de la GST, c’est qu’elle s’applique à tous les produits de première nécessité, comme les médicaments ou les fournitures scolaires, mais pas au fioul pour les yachts. Une exonération compréhensible, quand on sait que les grosses fortunes sont assez à cheval sur leur pouvoir d’achat.
« C’est vrai, concède M. Cook, chez nous, les riches paient moins d’impôts que les pauvres. Mais c’est une différence de culture. Chez vous, on pense que les riches ne sont utiles que par les impôts qu’ils paient. Ici, ils ont d’autres moyens de rendre service à la collectivité, par exemple en contribuant aux œuvres de charité. » Avec fierté, le patron du marketing jersiais vante la simplicité de l’impôt sur le revenu dans sa version autochtone : 20 % pour tout le monde, sauf pour les plus riches, qui bénéficient d’un abattement proportionnel à leur fortune. « Les gros revenus paient 20 % sur leur premier demi-million, puis de moins en moins par tranches successives », précise M. Cook. Ils peuvent même ne rien payer du tout.
Pour drainer sur son sol déjà surpeuplé encore plus de milliardaires, le gouvernement de Jersey a en effet créé une catégorie fiscale à part, dénommée « 1(1)K », qui permet à ces résidents choyés de négocier directement leur taux d’imposition avec les autorités. Le marchandage se conclut en général par un bon 0 %, accordé en échange d’une taxe forfaitaire annuelle de 100 000 livres (118 000 euros), « à peine le montant des honoraires qu’ils versent à chacun de leurs avocats », note M. Le Cornu.
M. Terry Le Main, ministre du logement, ne le croit pas. Sa fortune à lui n’est pas immense, mais il la doit à une économie bien réelle, celle du commerce de voitures d’occasion. Une affaire de moindre envergure que l’ingénierie offshore, mais qui rapporte quand même dans une île de treize kilomètres sur sept engorgée de bolides aux peintures criardes. Ce septuagénaire qui en a vu d’autres a pleinement confiance dans l’avenir des relations franco-jersiaises : « Ce qui préoccupe les Français, ce n’est pas les paradis fiscaux, c’est l’impossibilité de monter une affaire sans se faire laminer par les taxes. Chez vous, les entreprises sont dirigées par les syndicats. Sarkozy veut mettre un terme à cette situation et c’est pourquoi, au gouvernement, nous soutenons totalement ses réformes. »
Edit : précision, Jersey a un gouvernement dont six membres sur dix sont multimillionnaires.
Voir aussi les deux articles connexes :
Un inextricable maquis de filiales et
Flibustiers des Caraïbes, pirates offshore.
A suivre dans Alternatives économiques :
Enquête exclusive : la présence des entreprises du CAC40 dans les paradis fiscaux.