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par Pénombre » 17 juil. 2009, 11:37
La crainte actuelle envers les partis d'extrême gauche relève de fantasmes construits autour des actes de groupes terroristes comme Action Directe, mais les partis en question n'ont jamais pesé significativement.
A une exception près.
Le PCF fut un parti d'extrème gauche qui pesa effectivement au lendemain de la Libération et durant les deux premières années du premier septennat de François Mitterand... à part l'envolée de capitaux en 1981 vers la Suisse entres autres, voilà la seule terreur rouge qui eut lieu en France depuis 1945. No comment, donc.
La crainte envers les partis d'extrème-droite, et en France envers le Front National principalement, relève aussi d'une part de fantasme mais également de plusieurs faits. Notamment ce qui s'est passé dans les mairies FN, ainsi que du glissement inexorable vers le tout-sécuritaire. On n'a pas attendu le premier tour des présidentielles de 2002 pour cela, mais la droite "républicaine" a surfé sur ce séisme pour instaurer une politique visant à "désamorcer" l'extrême droite, en appliquant de manière plus ou moins larvée ce qu'elle prone. Principalement en matière de sécurité et d'immigration, qui sont plus emblématiques aux yeux de la population que les histoires de supériorité raciale ou les commémorations nostalgiques à la limite de la légalité.
Alors d'un côté, j'ai des partis d'extrème-gauche qui - à une exception près - n'ont jamais été au pouvoir depuis plus d'un demi-siècle. Et on attend toujours le déferlement des dangereux rouges avec leur couteau entre les dents. Qu'ils se la jouent trotskystes, post-staliniens ou alternatifs, la gauche de la gauche ne pèse guère jusqu'à présent.
De l'autre, j'ai un seul parti d'extrême droite qui a grimpé lentement depuis plus d'une génération, ne s'est jamais retrouvé au pouvoir mais a trébuché lorsqu'il s'est fait voler son discours "modéré" par la droite républicaine.
Dans les médias, le discours de l'extrème gauche est présenté comme contestataire, et souvent mis en parallèle avec "la france des grévistes". Il est donc dévalorisé.
Le discours d'extrème-droite fait l'objet d'attaques sur ses aspects racistes et fascisants, quand ils deviennent visible, mais tout son versant sécuritaire/anti-immigration qui sert de produit d'appel est quant à lui quasiment légitimé.
Aucun média grand public ne conteste la nécessité d'une politique plus sécuritaire, ou la lutte contre une immigration caricaturée à l'extrème parce que c'est plus facile. Tout au mieux, on a la mise en avant de faits divers et d'abus ponctuels, mais jamais la moindre analyse d'ensemble de ces phénomènes. Pas dans les journaux de 20h et ce sont quand même les canaux principaux d'information et de "culture citoyenne" que nous employons ou voyons employer.
Par contre, tout mouvement social soulève rapidement - que l'extrème gauche y tienne ou pas le haut du pavé - des questions visant à contester sa légitimité : et les non-grévistes ? et les usagers ? et la france qui travaille ? et les patrons-victimes ? et les fonctionnaires privilégiés ?
Il y a sémantiquement une grande différence entre des propos d'extrème-droite souvent présentés comme des "écarts" ou des "provocations" qui dépasseraient d'un corpus sécuritaire légitime et des propos d'extrème-gauche systématiquement présentés comme potentiellement violents, incitant à la désobéissance, à la grève ou à d'autres formes d'action susceptibles d'emmerder le monde.
Les médias ne s'y sont pas trompés, d'ailleurs. Historiquement, l'extrème-droite ou qu'elle se soit trouvée au pouvoir sur la planète n'a jamais chassé les puissants ou les nantis. Elle prétend le faire, mais elle ne le souhaite pas et ses avatars les plus "remarquables" sont assez parlants, en matière de collusion entre les puissants d'avant la prise de pouvoir et les ultras...
Par contre, l'extrème-gauche a plus rarement été en position de force mais cela a presque toujours été marqué - au moins dans un premier temps - pas des réformes visant à une redistribution des richesses. Dans des endroits comme le Nicaragua, c'est cette même extrème-gauche qui finit par réinstaurer un multi-partisme qui n'existait pas dans la pratique, et qui se fit pilonner électoralement lorsqu'elle cessa de suivre la ligne de conduite qu'elle s'était fixée.
Je pense qu'il y a beaucoup de fantasme dans la vision qu'ont les gens des deux polarités extrèmes, magnifiées par les actes certains régimes totalitaires se réclamant de l'une ou de l'autre durant les premières décennies du siècle dernier, et de groupuscules terroristes plus récents (on parle curieusement beaucoup plus du terrorisme d'extrème-gauche d'ailleurs, peut-être parce qu'il se revendique toujours comme tel alors que celui d'extrème-droite avance à travers ses déclinaisons ethniques/religieuses/nationalistes ?).
Je pense aussi qu'il y a un certain nombre de faits, ici ou ailleurs, plus récents ou longtemps "oubliés" qui sont très parlants. Mais à condition de vouloir les regarder en face pour comprendre que renvoyer dos à dos deux extrèmes, c'est quelque chose de facile, qui repose sur quelques réalités concrètes, mais autour desquelles on a organisé une vaste fumisterie, autant idéologique qu'historique.