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par Pénombre » 29 juin 2006, 10:43
L'été, en moins de 100 minutes.
A moins que vous ne me lisiez depuis l'hémisphère sud, une autre planète ou dans un futur assez éloigné de cette fin de mois de juin, à moins d'être tellement distrait qu'en comparaison une courgette passerait pour un esprit supérieur, vous aurez probablement remarqué en quelle saison nous sommes. A toutes fins utiles, je vais vous donner un indice, c'est avant l'automne et après le printemps.
Bien, maintenant que nous avons rattrapé tout le monde ou presque, faisons un peu le point sur un des gros mensonges de notre temps.
Oui, je sais, j'aime asséner ce genre de révélations bidon dans cette rubrique. On fait ce qu'on peut pour attirer l'attention, vous savez.
Tout le monde n'a pas l'occasion de devenir un type célèbre par ses écrits en pondant des biographies de personnalités connues à peine complaisantes, en dégoisant sur la revanche des binoclards à lunettes qui ont remplacé leur phallus par une baguette magique ou en partageant le lit d'Arielle D. A mon grand regret d'ailleurs. Et non, ça n'est pas pour les personnages célèbres ni pour les binoclards à lunettes… mais passons. De toute manière, j'ai percuté quelques années trop tard…
Depuis tout petit, déjà, chacun de nous est littérallement dressé à envisager l'été comme la saison ou tout va mieux, ou on s'éclate et ou la vie est belle. Ce qui en soi est totalement erroné comme nous allons le voir.
En premier lieu, on attend de l'estivant en vacances d'être justement en vacances. Ce qui amène nombre d'entres eux à considérer d'un air condescendant empreint de mauvaise conscience tous ceux qui ne le sont pas, en vacances. Le bonheur des uns fais le malheur des autres qui travaillent pour animer leurs vacances. Ces autres dont les patrons se vengent en réajustant de manière presque imperceptible la plupart des prix de leurs devantures… ça doit être un truc de justice karmique très ésotérique que j'ai jamais trop compris, hein. Non parce que je me rappelle très bien de mes boulots estivaux de quand j'étais plus jeune et les réajustements des prix, je me souviens bien qu'ils n'ont jamais été accompagnés de réajustements salariaux.
Enfin passons, les poujadistes en herbe, ceux qui bossent dans l'industrie touristique et un tas d'amis à moi vont m'en vouloir si je continue comme ça et mon prochain café en terrasse risque d'être très chaud et houleux…
Il faut aussi tenir compte du fait que l'été, c'est la saison des voyages. C'est tellement commun comme lieu de changer de lieu que lorsque vous avouez en regardant vos chaussures que "non, cette année je partirai pas, on restera à la maison avec ma femme et les gosses", vous ne voyez pas le regard accusateur et méprisant de vos vis-à-vis. Et derrière leur sourire de commande faussement compatissant, vous n'entendez pas leurs marmonnements dans lesquels ils vous traitent de mauvais français au service des intérets étrangers qui veulent nous empécher de vivre heureux… savez, genre les femmes de ménage dont le bronzage est de naissance et qui planchent à l'hôtel-club par 38°C à l'ombre durant deux mois pour quelques poignées d'euro gluants de sueur patronale accumulée autour du pastis. Ce genre d'odieux terroristes anti-vacanciers quoi…
Qui dit voyage dit voiture. Ce qui signifie, par un curieux mécanisme psychologique qui en dit long sur notre santé mentale collective, qu'un maximum de gens vont s'entasser dans un maximum de véhicules pour partir par une température maximale qui va permettre d'amplifier une pollution maximale. Le tout dans une ambiance de bonne humeur et de détente qui ressemble assez à une crise d'hystérie collective annonciatrice d'un génocide.
L'ai toujours dit, l'été, c'est bien la saison de tous les excès…
Après ces pérégrinations en tous genres ou la troisième guerre mondiale manque se déclencher dans chaque foyer dés que quelqu'un demande un truc dans le style "qui c'est qui devait s'occuper de la crème à bronzer ?", le vacancier arrive enfin sur le lieu ou il espère, naivement, passer ses congés estivaux.
Généralement, il s'agit soit d'un lieu archi-peuplé par des hordes saisonnières qui feraient passer Gengis et ses copains pour une bande de boy-scouts, soit d'un trou perdu au fin fond de la campagne ou le seul voisin est un berger qui refuse de parler autrement que dans son patois local.
Dans le premier cas, la moindre distraction, le moindre truc rafraichissant, la moindre bouchée ont le prix de l'or en barre et pas du tout la saveur qui va avec. On attrape des coups de soleil, on nourrit des armées de moustiques, on se prend le chou avec des étrangers écarlates venus de pays nordiques aux noms imprononçables et dont les femmes seraient plus charmantes avec 45 kg et 60 coups de soleil en moins. Et pour couronner le tout, on se réveille la nuit en sursaut, hurlant les paroles du tube du moment que l'on a subi 29871 fois en une semaine dans chaque café, restaurant, baraque à frites, hôtel, bar, boite de nuit et tabac-presse ou l'on a mis les pieds.
Dans le second cas, la moindre opportunité de quitter ce trou perdu pour échapper au sempiternel apéro-belotte-merguez prend des allures de course effrenée alors que chacun tente désespérément de se porter volontaire sous n'importe quel prétexte afin de retrouver quelques brefs instants la civilisation. Jamais autant vu d'amateurs de courses au supermarché, de vaisselles, de ballades interminables et de visites chez le médecin pour une écharde dans le pouce…
Quant à ceux qui ne parviennent pas à s'évader, ils ont toujours comme prix de consolation de mettre la radio en route pour entendre eux aussi le tube de l'été. Ca leur fera des nuits agitées au moins…
(Que ceux qui se croient malins en restant à la maison et en faisant le bonheur des vendeurs de climatiseurs et de ventilateurs se rassurent. Les feuilletons estivaux sont calculés pour ne pas faire trop chauffer des neurones déjà portés à ébullition par la température et servent simplement, eux aussi, à placer l'esprit dans un état réceptif pour qu'il se mette à fredonner à son tour le tube de l'été… des années après, des tubes comme ça j'en ai encore un tas qui se promènent dans ma tête, se croisent, se mélangent, se mettent sur la figure pour s'imposer à moi… Je les hais, mais alors je les hais…).
Evidemment, une certaine presse et un certain nombre de gens qui croient avoir eu ce genre d'idées tous seuls (pauvres idiots…) vous assènent régulièrement que puisque c'est la saison ou l'on va vous voir avec un minimum de vétements, c'est le moment ou vous allez pouvoir vous livrer à de multiples débauches sexuelles pudiquement camouflées sous le terme des "amours estivales". Amours censées être sans lendemain si ce n'est quelques souvenirs nostalgiques après une série de coups de fils et d'échanges peu concluants une fois les amants séparés.
Las, là aussi, il y a maldonne.
D'abord, la plupart des gens sont bien trop assommés par la chaleur, le pastis frelaté, les merguez de Carrefour et le prix du café en terrasse pour réaliser des prouesses de cet ordre. Et ne prétendez pas le contraire, personne ne vous croira.
Ca pour transpirer et tremper les draps, vous y arriverez mais n'allez pas vous vanter que c'était pour faire grimper votre conquête aux rideaux. Non seulement ça serait grossièrement exagéré mais avec la mode des stores en lamelles et celle des ventilateurs de plafond, ça ne fera pas crédible une minute. Tout le monde cherchera des cicatrices que vous n'aurez pas…tout simplement.
Quand à la soit-disant envolée des ventes de capotes durant l'été, censée prouver qu'il s'agit bien d'une saison de débauche effrenée, c'est du pipeau. La majorité des acheteurs ont moins de 12 ans et ils se procurent tout ça pour une raison toute simple : l'été c'est aussi la saison des batailles d'eau. Paf. Tout bètement.
Hé oui… ça fait con, hein, la vérité ? Vous y aviez cru à la saison des amours torrides, hein ?
Malheureusement, c'était que des craques. On nait tous intelligents mais entre l'âge, le pastis et la chaleur, ça dure rarement… je sais ce que c'est. Je vis sur la côte d'azur et j'ai beaucoup abusé du pastis autrefois…
Accessoirement, les seuls partenaires sexuels possibles qui peuvent vous intéresser durant l'été sont soit
- tellement débiles que vous vous en voudrez pendant six mois de leur avoir laissé votre numéro de téléphone après vos parties de jambes en l'air. (Et ne dites pas que vous ne laissez jamais vos coordonnées. Tout le monde le fait. Tout le monde… juste pour pouvoir se dire que non, c'est pas comme les autres qui le font, avec moi, ça sera unique et ça durera au delà du 15 aout… triste et admirable illusion narcissique).
- tellement surveillés par leur conjoint que si un seul de leurs partenaires occasionnels doit être pris en flag et terminer à l'hôpital, ça sera forcément vous. Forcément. Et les infirmières de permanence, c'est pas les plus mignonnes loin s'en faut (les plus mignonnes, ce sont celles qui sont à la plage surveillées par leurs conjoints qui n'ont pas attendu l'été de votre arrivée pour aller regarder sous leurs blouses, eux…). Vous êtes prévenus…
Et si malheureusement pour vous, vous faites partie des gens qui sont le conjoint d'un partenaire potentiel, ben vous allez passer des vacances palpitantes à scruter le moindre buisson des fois qu'un bellâtre ou une demi-mondaine recalés au casting de l'ile de la tentation s'y cachent… (et tout ça pour rien messieurs, mais je n'en dirais pas plus par galanterie pour vos dames… et par souci de mon état de santé…).
Ah, oui, si vous êtes un partenaire potentiel dont le pouvoir attractif n'est plus à prouver, c'est une toute autre affaire. Pendant que nous y sommes d'ailleurs, si vous êtes de sexe féminin, avez entre 18 et 40 ans (voire un petit peu plus), peut-être qu'on pourrait en parler entre quatres yeux, mmmm ? Et rassurez vous, vous ne risquez absolument rien après le 15 aout : je je note jamais aucun numéro de téléphone. Voilà. C'est dit. Mesdames, Mesdemoiselles… merci de votre attention.
Tousse… tousse…
Au final, donc, le vacancier va dépenser beaucoup d'argent pour aller là ou on saura lui faire dépenser le reste, espérant au mieux se faire arnaquer avec en guise de consolation quelques corps à corps intimes et transpirants au milieu des moustiques.
Pour échapper à cela, il peut toujours tenter le séjour à la campagne chez la grand-tante grabataire ou il fait sensiblement meilleur la nuit mais ou la dernière note de musique potable entendue dans le département remonte à 1640 et ou le sport local consiste à s'enfiler du mauvais rouge à longueur de journée en regardant la téloche et en comparant ce qui se passe dans la saga estivale avec les anecdotes du cru. Plus terrifiant que ça, à part la tronche du type que je croise tous les matins dans la glace, j'ai jamais vu. Même en essayant de regarder Harry Potter en version polonaise sous-titrée chinoise la tête en bas après avoir ingéré tout ce qui était buvable dans mon quartier, ça m'a pas faire pire…
Sinon, on peut aussi ne pas partir en vacances. Si on accepte de passer tout l'automne à raconter aux autres que non, on n'a pas bougé. Non, on n'a pas bronzé. Oui, c'était bien la série débile à la télé qu'on en a même profité pour se remettre aux mots fléchés et découvrir le Sudoku. Comme ça n'intéresse personne, un simple "non, je suis pas parti, j'ai passé des vacances tranquilles" sera amplement suffisant et coupera court à toutes les conversations. A moins d'être aussi poli que masochiste et de demander "et toi, c'était comment ?" ce qui revient à dire "si tu me racontais trois banalités et un tas de misères qui me convaincront que j'ai bien fait de rester dans le congélateur pendant huit semaines ?".
Si nous résumons l'essentiel, les vacances sont donc une arnaque à tout points de vue. Le temps, l'argent et le sexe. Trois choses dont on souhaiterait avoir plus. Et là, paf. Vous terminez avec moins de fric, vous avez surtout passé votre temps à vous prendre le chou avec un tas d'inconnus sans intérêt et question sexe, vous pourrez vous estimer heureux si votre partenaire ne sentait pas des pieds…
Enfin voilà, cette fois ci, je m'y suis pris trop tard. La moitié de la galaxie va venir se poser dans les dix mètres autour de ma serviette de plage en laissant à l'abandon des millions d'hectares de sable sous le prétexte débile que si moi je me suis fichu là et pas n'importe ou ailleurs au bord de l'eau, ça doit pas être pour rien… suspicion collective et paranoia de masse… vous parlez de vacances. Si au moins ils se contentaient de mourir bètement là par autocombustion au monoï… mais non, en plus, je vais encore me faire massacrer à coups de ballons, on va encore me jeter du sable dessus à coups de pelle et pour peu que j'arrive à survivre à tous ces crétins de 10 ans qui barbotent avec des fusils-harpons à 5 mètres du rivage pour chasser la méduse (….), ça sera encore pour constater qu'on m'a fauché ma serviette et mes fringues pendant que j'étais dans l'eau.
Et la nuit, la nuit… entre la chaleur, le couple d'à côté qui essaye encore et encore malgré leurs coups de soleil et les attaques de moustiques mutants descendus de norvège… super programme.
L'an prochain, je bosserai dans une boucherie hallal en chambre froide. Il fera bon, les merguez seront bonnes et tout le monde sera trop occupé à saborder ses vacances ou celles du voisin et accumuler des anecdotes pathétiques à raconter aux collègues de bureau pour faire attention à moi. Je le sais, je connais des gens qui font ça depuis des années. Les fourbes…
Bon, ben si vous avez lu ça en moins de 100 minutes et avant septembre, ben c'est toujours l'été. Il fait chaud, il fait con et j'en ai déjà marre alors qu'on est en juin et que je suis toujours au boulot.
Si ça continue, il va me falloir des vacances pour me remettre de mes vacances.
(ce texte est dédié à tous ceux qui ne prendront pas de vacances. Parce qu'il en faut bien. Et aussi parce que les connards qui nous mènent ne parlent d'inégalités qu'en période pré-électorales et en font bien plus en dehors, surtout l'été pendant qu'on a le dos tourné. Comme par hasard
Désolé, chers amis qui ne prendront pas de vacances. Désolé surtout parce que l'an prochain, vous risquez fort d'être dans la même situation que cette année. Bon courage, même loin d'ici, même entourés par le reste de notre pitoyable, égoiste et narcissique humanité, on ne vous oublie pas).