[2.14-all] Des profondeurs au Tengoku

[Vlad]

Retsu se redressa lentement.
Il semblait gêné mais il était difficile de savoir l'origine de cette sensation : la proximité inattendue avec la yojimbo de Dame Bayushi, la main de Kei-chan toujours placée sur sa cuisse ou la demande de Bayushi-gozen de jouer du shamisen.

Il adressa un regard interrogateur à sa camarade avant de reporter son attention sur l'ambassadrice.

"Hé bien... Si telle est votre envie, je vais envoyer un serviteur chercher mon instrument..." fit-il.

[Kakita Inigin]

- C'est mon... l'un de mes plus chers désirs.

L'air se chargeait d'électricité, comme si la tension qui s'évacuait partait du fait d'une brise légère, cotonneuse, qui amenait avec elle des nuages chargés de pluie.

[Hida Koan]

Kei se redressa juste avant Retsu, soulagée. Et n'ayant rien vu, ni entendu de ce qu'avait fait ou dit Atsuyo. Elle essuya la vapeur d'eau sur son front avec sa main libre. Retsu se releva alors et aux paroles de Chohime la regarda mais il n'y avait pas vraiment quelque chose à décider... Elle inclina brièvement la tête vers l'Ambassadrice Scorpion.

"C'est mon... l'un de mes plus chers désirs."

Faire une allusion salace sans que Kei la remarque était mission impossible... Elle même avait déjà tiqué à la proposition de Retsu. Mais là c'était si limpide qu'elle aurait tout aussi bien pu lui dire de but en blanc. Self-control! Elle fait exprès de toutes façons... de faire ça devant toi. Et vous avez manqué de vous faire zigouiller déjà deux fois aujourd'hui et on est que le matin... Alors calme toi un peu... Bêtement, en signe de possessivité débile, enfantine ou animale, elle ne savait elle-même pas trop, elle laissa sa main là où elle était, sur sa jambe à lui.

" Bien, mais nous ne pourrons rester très longtemps, Chohime-sama, nous avons des choses à faire."

Dire qu'elle avait prolongé elle-même son propre calvaire... Ses consciences n'avaient pas tort finalement. C'était une crétine quand il était là. Elle aurait été seule elle se serait sûrement engueulé avec la femme sans se poser de question...

[Vlad]

Retsu n'avait pas relevé l'allusion. Jusqu'à ce que le trouble manifeste de Kei-chan lui fasse comprendre.

Ha... ha... ha... songea-t-il sarcastique.

Dame Bayushi semblait s'amuser à jouer avec les nerfs de sa compagne... Comme pour la rassurer il posa sa main sur celle de Kei-chan... Elle était douce et chaude. Inutile de se cacher de toute façon, l'ensemble de la ville savait déjà que leurs relations dépassaient largement le cadre du travail...

Il appela aussitôt un serviteur à qui il demanda d'aller lui chercher son shamisen.

"J'espère qu'il va faire vite. Je ne voudrais pas que votre désir se mue en frustration..." fit-il avec un sourire.

[Hida Koan]

Elle apprécia que Retsu lui prenne la main. Ça faisait moins... Moins "supérieure hiérarchique, même temporairement, qui profitait de sa position sans demander l'avis de l'intéressé". Elle se détendit un peu.

Kei fit des yeux noirs au serviteur et glissa un "Et vite!" peu courtois, quand Retsu demanda qu'on lui apporte son shamisen.

Il répondit à Chohime calmement. Si même lui se mettait à faire ce genre d'allusion, la prochaine heure allait être longue...

[Vlad]

Si la tension semblait être retombée, Kei-chan n'était pas pour autant sereine.
Retsu lui caressa discrètement la main comme pour s'excuser de "jouer" avec dame Bayushi...

[Kakita Inigin]

Le shamisen arriva promptement, éclairant la pièce de sa chaude couleur verte. Chohime se disposa au plus près de Retsu, comme une élève qui voudrait étudier l'art du placement de doigts du maître.

[Hida Koan]

- C'est toi qui va être frustrée à force. Tu l'étais déjà hier soir. En plus ça fait plus de 48 heures que...

- Arrête de l'embêter... En plus ça n'en fait que 24, hier...

- Non ! Ça ne comptait pas ça ! C'était... C'était comme de la vapeur d'eau quand tu as soif !

- Tu exagères.

- Tu ne sais rien ! Tais-toi ! Tu n'étais pas là depuis toutes ces années ! J'étais toute seule à la supporter, à me faire pervertir, à devoir subir toutes ces relations !

- Bien sûr, je crois que c'est elle qui te subit : méchante, provocatrice, malpolie, insatiable.

- Tu sors d'où d'abord ! Avec tes leçons ! Nous sommes une de toutes manières, pas besoin d'en faire six fûts, six caisses.

- Je ne sais pas trop d'où je viens, mais je crois que c'est bien que je sois là.

- Moi je crois que je vous subit toutes les deux... Et que j'ai un peu l'impression de devenir folle.

- Mais non crétine. Ça devrait t'aider à réfléchir, peser le pour, le contre.

- Oui mais pourquoi j'ai ça moi ? Les autres gens ne l'ont pas...

- Je pense que tu l'as fait toi-même. Elle tu l'as faite il y a de nombreuses années, quand tu as voulu te punir pour un comportement que tu juges déviant. Et moi, tu as dû me faire quand il est revenu, ou plus précisément quand tu t'es rendu compte qu'il t'aimait et que de fait, tu ne devais pas être une si mauvaise personne que ça.

- Ouais du coup elle t'a faite pour me combattre moi, que je la ruine pas trop et que je gâche pas tout en fait non ?

- Combattre ce n'est peut-être pas le mot qu'il faut... Tempérer ?

- Je suis la seule personne qui s'autoparle hein... Si ça se trouve dans dix ans on sera quinze là-dedans et je saurais même plus comment je m'appelle.

- Non... Je ne suis pas sûre de ce que j'avance, mais je pense que ça devrait se calmer avec le temps. Ta vie, notre vie, a été chamboulée. Peut-être que le temps que ça se tasse on est là. Je suis sûre que tu ne faisais pas trop attention avant quand il n'y en avait qu'une... Je présume, qu'au mieux, on disparaîtra quand tu seras en accord avec toi-même; au pire, tu ne t'en rendras même plus compte.

- Bon on s'en fout de tout ça, ce que je voulais dire de base c'est : Tu as vu comme elle est belle, qu'elle lui fait du rentre dedans et que tu vas devoir regarder ça pendant une heure au moins ! Et qu'en plus t'as envie de lui depuis au moins hier et que "ceinture"! Jusqu'à ce soir a minima ! Et qu'ils vont tous faire des allusions bien salaces, qu'il ne vaudra mieux pas que tu répondes, mais qu'en plus ça va te liquéfier le cerveau ! Et pas que d'ailleurs !

- Merci...

- Mais il te tient la main. Je pense que tu peux avoir confiance. Ce n'est pas un enfant...

Kei aurait bien voulu parler pourtant, quand elle parlait elle ne réfléchissait pas tant... Elle attendait juste que le shamisen arrive, que Restu joue un air de cinq minutes et qu'ils s'en aillent... Faire tout ce qu'ils avaient à faire, tous ces contacts à relancer, ces enquêtes à mener, tout en fait. Encore une journée bien remplie, et qui commençait par quelque chose de désagréable, et d'imprévu en plus.


Elle vit le shoji s'entrouvrir, le serviteur entrer et l'Ambassadrice se rapprocher encore un peu plus. Elle crispa la main sur le muscle de sa cuisse malgré tout.

[Vlad]

Retsu sentit Kei se crisper d'avantage alors que Bayushi-gozen s'approchait de plus.
Il la caressa tendrement une dernière fois avant de lâcher sa main pour prendre le shamisen qu'on lui tendait.

"Merci." dit-il à l'attention du serviteur, gratifiant ce dernier d'une légère inclinaison de la tête.

Retsu s'assura que l'instrument était correctement accordé avant de se mettre à jouer.
Les premières notes s’égrainèrent lentement dans une mélodie mélancolique.

Il s'agissait d'un air intitulé Tosa No Sunayama (La montagne de sable de Tosa) et qui faisait référence à un tsunami survenu deux cents ans plus tôt. Quand la mer s'était retirée, il ne restait de Tosa que de gigantesques monticules de sable...

[Hida Koan]

Kei retira sa main, pour ne pas le gêner. Elle croisa ses deux mains sur ses cuisses et écouta, les yeux fermés. Nul besoin de tenter le démon, de s'énerver pour rien et de le perturber en irradiant la colère. Elle se prit à se dire intérieurement "Taisez-vous, toutes les deux, je veux écouter et me calmer." Personne ne répondit rien.

[Vlad]

Retsu ressenti une pointe de déception quand Kei-chan retira sa main de sa cuisse, mais au fond de lui il savait que c'était parce qu'elle ne voulait pas le distraire.

Il ferma les yeux un bref instant. La sérénité revenait à mesure qu'il jouait.

[Kakita Inigin]

- C'était très beau, commenta Chohime. Pourriez-vous me jouer une musique un peu... plus légère, peut-être ? Une chanson qui plaît aux dames, beau comme vous êtes, je suis sûre que vous en connaissez.

[Hida Koan]

Kei resta stoïque, les yeux toujours fermés... Elle s'énerverait plus tard. Elle ne pouvait décemment pas dire qu'ils prenaient congé, il avait joué à peine cinq minutes.

Sale pute en rouge
Prend ta chaudasse grise et
Laisse-nous tranquilles

Bien il faudra le noter celui-ci pense-t-elle.

[Vlad]

"Mais bien sûr..." fit Retsu d'une voix calme.

Il rajusta sa position avant de faire sonner longuement une note. Puis il enchaîna un air rapide et bien plus entraînant.
Il s'agissait une nouvelle fois d'un air traditionnel connu sous le nom de "Jongara Bushi" (Mélodie de Jongara).

Parfois, lors des fêtes populaires, une chanteuse improvisait des paroles et accompagnait l'instrument.

Retsu tâchait de rester impassible mais il semblait évident que le morceau était bien plus difficile à jouer que le précédent...

[Kakita Inigin]

- Les mains des bushi ne sont pas faites pour jouer de cordes si sensibles, Retsu-san, surtout de telle façon. Mais vous devez faire merveille dans toutes sorts d'arts manuels, sourit-elle après quelques mesures, en regardant Kei.

- Après ces magnifiques mélodies, comme je regrette de devoir vous quitter, hélas le devoir m'appelle. Il faudra que vous veniez jouer à la résidence de la Famille Bayushi, je ferai venir des alcools de Kyuden Bayushi et nous écouterons des musiciens jusqu'au bout de la nuit. Mais pour lors, mon service occupera la fin de la soirée. Le devoir est sans doute la vertu la mieux partagée entre Crabe et Scorpion : nous faisons toutes sortes de choses inavouables pour que vous puissiez mener à bien votre mission, et vous portez toutes sortes de fardeaux dont vous ne pouvez évidemment pas parler - surtout au Clan du Scorpion.