Gap a écrit :J'ai toujours entendu dire qu'il n'y avait pas de statistiques ethniques en France. "On m'auré monti ?"
Accessoirement, en Chuiche, on constate effectivement un taux de crimes et délits plus élevé chez les immigrés.
Pourquoi ? Pas parce qu'ils sont de sales étrangers pas comme nous, mais simplement parce que la pauvreté est criminogène, et que les immigrés sont surreprésentés dans les couches défavorisées. Je serais surpris qu'il en soit autrement en France.
A niveau socioéconomique égal, les taux sont similaires entre "natifs" et "immigrés". Bien sûr, l'UDC (parti le plus à droite, et accessoirement le plus important du pays) évite de le mentionner.
Gap a raison. Je poste en vitesse vu que je suis submergé par le taf et donc il n'y aura pas de liens parce que je n'ai pas le temps de les chercher.
Je vais juste préciser. Effectivement il n'y a pas de stats ethniques en France. Pas de recensement en tout cas. Néanmoins on a deux possibilités :
- Travailler à partir de données approchantes (en identifiant le lieu de naissance, de la personne ou des ascendants, parents ou grands parents) ou en travaillant sur la nationalité (en trois catégories : français, français par acquisition ou étranger). En général on croise les deux aspects ce qui permet de travailler sur les immigrations selon l'ancienneté et l'origine géographique. Les enquêtes de l'insee fonctionnent comme cela ce qui permet de parler, par exemple, des conditions de logement des immigrés. Ce type de méthode est imparfait (notamment parce que les catégories ainsi définies ne sont pas toujours homogènes et aussi parce qu'on "zappe" les fils de fils de... qui subissent eux aussi des discriminations) mais il fonctionne plutôt bien quand même et permet de mettre en lumière nombre de phénomène discriminatoires (ou pas d'ailleurs).
- Pour travailler plus spécifiquement sur le "faciès", l'"ethnie" etc. et sur des problématiques spécifiques (parce que sinon on en est réduit à utiliser les grandes enquêtes qui ne répondent pas forcément aux problématiques que l'on se pose) on peut faire une enquête ad hoc en identifiant les "faciès", la couleur, la consonance du nom et du prénom, le sentiment d'appartenance, ce que vous voulez. Ca passe à la Cnil qui en vérifie l'usage et la destination. On peut donc faire en France des stats "ethniques" mais dans un cadre très encadré et pas à des fins de constitution de fichiers autres que anonymes et destinés à des analyses dont le bien fondé sera validé par la Cnil... Je le sais j'en ai fait. D'ailleurs je me suis fait traiter de facho à l'époque

La Cnil surveille particulièrement ce genre de demande parce que c'est sensible (de toute manière dès qu'on bosse sur ce genre de sujet la pression grimpe en flèche à tous les niveaux) mais ils sont tout à fait ouvert à autoriser ce genre de process dès lors qu'ils ont toutes les garanties souhaitées.
Bref. Je peux développer pour ceux que ça intéresse mais le principal est là sur cette question.
Donc oui c'est un fait que les "immigrés", les noirs, les "arabes" (typés arabes) etc sont plus souvent impliqués dans des faits de délinquance. Mais ce que des études ad hoc montrent c'est que ce que gap décrit en disant que "à niveau socioéconomique égal les taux sont similaires". Dès que l'on neutralise ces caractères sociaux-éco-démo (cs, revenu, localisation géo, niveau d'études, type de famille etc.) alors le faciès n'a aucun impact. En très simplifié les noirs pauvres ne volent pas plus que les blancs de la même condition. En même temps faut quand même être très très con pour poser l'hypothèse que le taux de mélanine influence les comportements de cette manière. Comme quoi on fait parfois des études juste pour démonter des idées que l'on peut juger absurdes si on y réfléchi deux secondes... (bon ces études permettent aussi de hiérarchiser l'impact des déterminants autres, et c'est plutôt des résultats également utiles).
Autre point important, cette fois sur les seuls immigrés étrangers, ce qu'on constate (là c'est l'observatoire de la délinquance du merveilleux Bauer qui le dit) c'est que plus on monte dans l'échelle des délits moins les étrangers sont nombreux. Ils sont sur-représentés dans les petits délits (et, de manière plutôt logique, dans certains délits spécifiques comme celui dont parlais gap, l'infraction à la législation sur les étrangers), qualifiés souvent de délits de subsistance (vols sans violence de trucs alimentaires notamment), sous représentés dans les délits plus importants et finalement quasi non représentés dans les crimes.
La réflexion de la commissaire a l'apparence du bon sens. Bah oui forcément l'activité policière ne peut pas se caler sur la stratification de la population française vu que la délinquance ne le fait pas. Mais ça ne vole pas haut pour autant et au final c'est un discours dangereux car il légitime une pratique elle même dangereuse.
Première remarque en passant, là comme ça : ça vous semble normal vous que l'activité policière ça consiste à arrêter des gens au hasard en espérant tomber sur quelqu'un qui a quelque chose à se reprocher ? Sachant que, si j'ai bien lu, près 75 à 80% des personnes interpelées n'ont rien à se reprocher justement. Et que dans le reste il doit y avoir quelques rebellions, outrage etc, conduisant à une action policière générée par l'intervention elle même... Attention je ne dis pas que c'est de la faute des policiers mais juste que dans un nb de cas dont je n'ai pas idée de la représentation dans les 20% restant il s'agit donc de faux cas. Déjà dans le principe ce type d'action est un peu "étrange" mais en plus il apparait que les résultats sont plutôt minables : emmerder 5 à 10 personnes pour éventuellement en avoir une qui a quelque chose à se reprocher... Mais visiblement ça n'effleure pas la commissaire que c'est peut être la méthode globale qui est à revoir et non le mode opératoire dans le détail... Et pourquoi ça ne l'effleure pas ? Parce qu'elle n'a pas le choix de toute manière même si ça l'effleure. Avec les objectifs chiffrés fixés par les politiques l'activité policière se tourne massivement vers la chasse à la boulette et au sans papier (plus la pute mais là c'est autre chose). Or comment faire pour arrêter du sans papier et du fumeur de joint : bin on choppe au hasard. Donc quand on vous dit qu'il FAUT faire comme ci, qu'on a pas le choix etc. ça ne concerne pas l'activité policière au sens large mais juste traquer les fumeurs de joints et les sans papiers, êtres des plus nuisibles à la société comme chacun le sait. Nan parce qu'à un moment on a quand même un peu l'impression qu'on essaie de nous faire croire que la police ne peut pas bosser sans les contrôles d'identité inopinés... Ca dépend un peu de ce qu'on lui demande de faire quand même. Si c'est assurer notre sécurité il faut surtout qu'ils soient nombreux et vigilants que peu nombreux et occupés à traquer les dangereux fumeurs de joints.
Deuxième remarque. Ok on doit cibler ceux qu'on contrôle. Comme on cherche des délinquants on cible des pauvres parce qu'il y a plus de délinquants chez les pauvres (je caricature mais c'est l'idée). Et finalement on utilise la proxy noir ou arabe = pauvre. Bon déjà admettre qu'on substitut un caractère "racial" à un caractère social, moi ça me gène un poil aux entournures quand même pour différentes raisons. Déjà parce que ça ne match pas non plus parfaitement, et ensuite parce que ce n'est pas franchement dans notre "contrat social"... Ensuite bon bin ils ciblent ok. Donc ça veut dire qu'un large partie de la population est généralement exclue des contrôles et qu'on se concentre sur une sous population. Pour autant malgré ce pré-ciblage ils arrivent encore à contrôler 6 fois plus de noirs et 7 fois plus d'arabes que de blancs. Je sais que les noirs et les arabes sont sur-représentés chez les pauvres mais tous les pauvres ne sont pas des noirs et des arabes... En tout cas pas 6+7=13 sur 14 soit 93%... On a pas 9 personnes sur 10 qui sont noires ou arabes parmi les pauvres délinquants potentiels. Ca veut donc dire que la proxy devient quasiment le seul critère... Je cherche des pauvres donc je cherche des noirs ou des arabes. En même temps c'est pratique, la couleur ça se repère assez bien, les caractères sociaux moins. Mais pour autant est-ce une bonne méthode ? Est ce qu'elle permet de bien contrôler cette fameuse délinquance dont on a vu qu'elle menaçait l'ordre public et la République dans ses fondements (rappel on parle de fumeurs de joints donc). Et bien même pas puisque finalement seule une sous partie de cette sous population est effectivement contrôlée, le groupe majoritaire ne l'étant pas vraiment. Donc la République n'est même pas sauve !
Après il y a des flics racistes qui pensent que les arabes et les noirs sont responsables de 90% des délits (vu qu'à 90% c'est eux qu'ils arrêtent il y a une certaine cohérence au moins), certains pensent même que les noirs et les arabes innocents emmerdés "pour rien" et donc victimes collatérales de cette "méthode" ne font que "récolter ce que leurs frères ont semés" (c'est un Procureur de Paris et un capitaine de police qui m'ont dit ça très sérieusement entre autres joyeusetés). Mais la plupart ne font finalement qu'appliquer la seule méthode possible ou envisagée pour satisfaire aux objectifs qu'on leur donne (avec la dose de pression qui va bien avec). Il y a aussi le fait qu'on ne semble pas remettre en cause la dite méthode pourtant visiblement non efficace et bourrée d'effets pervers (ressentiment, délitement du lien national, montée de la violence, sentiment d'exclusion). Et par ailleurs les orientations actuelles ne font qu'accentuer ce phénomène en recentrant à mort l'activité de la police sur des actions engendrant, à tort ou à raison, le recours à cette méthode.
Et pour finir, vite fait, parce que je repars aussi sec en réunion, le problème n'est pas de savoir si les gens sont racistes ou pas, mais s'ils pratiquent la discrimination. Point. Ils peuvent bien penser ce qu'il veulent (et moi ce que je veux d'eux) du moment qu'ils se comportent de manière neutre vs à vis de n'importe quel caractère stigmatisant.
Edit : correction de certaines fautes et ajouts + reformulation de quelques passages pour plus de clarté.