[4.5] La vérité est ailleurs

[Vlad]

Retsu était resté silencieux, se contentant de détailler les nouveaux arrivants.
Il n'avait jamais entendu parler d'un clan de l'araignée...

La simple observation des membres de la délégation lui avait cependant donné quelques informations.
Tout d'abord ils portaient le nodachi, ce qui indiquait par là leur statut de hatamoto au service de leur daimyo, le dénommé Kumo Aritsune-sama... Les membres constituant l'ambassade n'étaient pas de simples samurais...
Enfin les nodachi étaient des armes très complexes à forger, ce qui indiquait également le talent des forgerons de leur clan. La lame qu'ils venaient d'offrir à Hida-sama devait être de très bonne facture...

Il fut interrompu dans ses pensées par le netsuke qu'on lui offrait et le refusa comme l'exigeait l'étiquette.

[Hida Koan]

Kei accepta le petit netsuke après des refus expéditifs et des insistances non moins expéditives. Après tout on ne pouvait pas se permettre d'y passer une heure par personne on y serait encore à la fin de la semaine. L'objet était joliment réalisé. Il laissait une impression angoissante à Kei, ce poisson qui se fait quasiment étouffer ne lui plaisait pas.

Malgré cela les nouveaux arrivants étaient très courtois, respectueux et agréables. Elle présumait qu'ils venaient donc vendre des armes ? Que pourraient- ils avoir d'autre à commercer ? En revanche, parler de leur soucis locaux... Et bien, elle compatissait mais il n'y avait décidément personne à envoyer pour les aider, si c'est ce qu'ils voulaient.

[Vlad]

Retsu finit par accepter le cadeau, remerciant son interlocuteur d'un salut avant de faire disparaître le netsuke dans sa manche. Il l'observerait à loisir en privé.

Son regard croisa celui, impatient, de Kei. Ce genre de mondanités n'était pas vraiment sa tasse de thé...

Il lui fit un sourire complice.

[Hida Koan]

Kei vit le regard de Retsu, mais dans le repas calme, plutôt que de continuer à se taire elle commença la conversation.

- Alors Arihito-sama que vous venez-vous donc commercer? Des armes ? Des vivres ? Vous semblez avoir beaucoup de ressources.

[Vlad]

Retsu reporta son attention sur la conversation.
Il fallait dire que le clan de l'araignée titillait sa curiosité...

[Kakita Inigin]

- Noble dame Hida-sama, nous cherchons des armes. Un maximum d'armes. L'épouse de mon frère nous a dit que votre Clan était friand de jade, et nous avons justement des mines de ce présent de Dame Soleil. Peut-être pourrions-nous parvenir à un accord ?

[Hida Koan]

- Vu ce que nous venons de vivre vous savez nous sommes un peu frileux quant à nous séparer des armes...

Mais du jade quand même pensa-t-elle...

[Kakita Inigin]

- Je suis sûr que vos forges, tant vantées par Chohime-chan, seront rapidement capables de reprendre la production d'armes en quantités bien supérieures à vos besoins.

La salle était plongée dans la ouate des conversations assourdies, tout le monde faisait semblant de discuter tout en écoutant cette conversation ou le mot "jade" avait fait son apparition.

[Vlad]

Retsu adressa un regard en coin à Kei-chan.
Il n'était pas sûr que d'être recommandé par Chohime-dono était un avantage pour se faire bien voir de son épouse...

Quant aux armes, le clan de l'araignée n'avait pas intérêt à être trop pressé... L'armée de la ville devait être rééquipée avant d'envisager de vendre la production de ses forges...

[Hida Koan]

Et bien au moins il avait des relations, pensa Kei, qui le trouva d'un coup d'un seul beaucoup moins sympathique. Mais de mauvaises relations c'est dommage... Et puis chan en plus...

- Le quartier des forges à terriblement souffert et les artisans aussi, répondit-elle sèchement. Nous ne pourrons sûrement pas vous répondre avant d'avoir fait un sondage approfondi auprès des responsables. De quelle quantité de jade parlons-nous, sans savoir où nous mettons les pieds il sera difficile de réfléchir, finit-elle pragmatique mais un peu abrupte.

[Kakita Inigin]

- Nous en produisons (20% consommation annuelle du Crabe). Mais si les montagnes étaient plus sures nous pourrions ouvrir de nouvelles mines.

[Hida Koan]

Elle crut un instant entendre sa mâchoire tomber sur la table. Elle vérifia en accrochant fermement ses doigts sur le rebord, que non, elle était certainement juste ouverte comme un poisson hors de l'eau, pas plus.
Sakamasu avala de travers et toussa adroitement un morceau de sushi dans son verre
Shiranai blêmit si tant est que c'eut été possible.
Et Oama sourit discrètement.

Kei ne tenait pas les comptes. Du plus petit zeni au plus gros koku qui avait pu lui passer entre les mains, de sa plus tendre enfance jusque ces plus sombres années dans la garde des eaux, elle n'avait jamais compté. Elle essayait seulement depuis quelques jours, depuis qu'elle était karo, de démêler les chiffres aussi bien que sa mère. Mais force lui avait été de constater que c'était là encore, chez elles, un point de discordance flagrant.

Pourtant, là, elle savait que c'était beaucoup. Du fin fond de son esprit de petites cellules s'activaient. Certainement qu'en réserve, au fond de son crâne, comme au fond de tous les crânes autour de la table, d'archaiques neurones, toutes pinces claquantes au dehors, comme un héritage séculaire de vieux comptables du Mur, s'excitaient en hurlant ("Beaucoup!!!" "Tournée générale!" "Prenez donc ma mère si ça peut servir au paiement!" Etc.). Peut-être même que certains se pâmaient en entendant l'information, déclanchant d'orgiaques fiesta dendritiques. Là haut, sa matière grise brillait du joli vert luminescent des frappes de jade futures.

Elle referma la bouche... Avant que ne déferle l'habituelle colère salvatrice des moments où elle perdait pied.

- Bien, dit-elle d'une voix plus aiguë qu'à l'accoutumée. Nous allons réfléchir... Vous serait-il, à tout hasard... Lors d'une promenade certainement bucolique dans vos jolies contrées... Vous serait-il venu à l'esprit qu'il aurait été... Judicieux... De nous informer de vos... Possessions... Avant?

[Kakita Inigin]

- C'est que... notre vallée est peu passante, verrouillée par des vols fermes l'hiver par la neige et l'été par la pluie, et notre Clan tout récent. Mais mon frère a fait un beau mariage et nous sommes doucement en train de nous ouvrir au monde.

Et puis il a fallu accéder aux puits de mine, aussi.

Sous-entendu : tuer toute la vermine qui était autour. Il arborait le sourire du chasseur qui avait longuement participe à libérer l'accès.

[Hida Koan]

- Comme je vous l'ai dit, nous vous tiendrons au courant de nos conditions (éventuelles) une fois que nous aurons fait le point avec nos artisans.

[Hida Koan]

Elle était sûre que cette traînée de Chohime y était pour quelque chose.

- Je peux savoir qui est donc votre belle-sœur, ajouta-t-elle comme un cheveu sur la soupe, faisant, non pas une entorse, mais une fracture ouverte à l'étiquette et au protocole.