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par Vlad » 03 oct. 2014, 16:23
Retsu rentra plusieurs heures plus tard. Il s'était lavé, purifié et avait raconté tout l'épisode à Kuni-gozen qui l'avait reçu très rapidement.
Il n'avait pas omis de préciser à la shugenja les révélations faites par Reika à savoir qu'une nouvelle apparition d'oni comme celle survenue lors de son gempukku était possible...
La jeune femme l'avait écouté sans rien dire et l'avait finalement renvoyé au dojo, avec plus de questions que de réponses.
En arrivant, il n'avait pas manqué de remarquer le retour du cheval dans son box et donc de Kei au dojo.
Il ne la vit cependant pas et se traîna jusqu'à sa chambre, où Kei n'était naturellement pas, avant de s'affaler sur son futon.
Il était fatigué.
Pas physiquement non.
Mais une atroce sensation de vide l'emplissait.
Il se dit qu'il devait dormir mais malgré ses efforts, il ne put s'empêcher de songer à tous les compagnons qu'il avait perdu.
Un sourire amer naquis sur les lèvres du bushi. Il connaissait plus de morts que de vivants...
Il priait pour eux et eux l'accompagnaient, lui, qui était toujours en vie après ces années sans que l'on sache pourquoi.
Ils quittaient rarement ses pensées et quand c'était le cas, ils restaient non loin, guettant l'occasion de revenir le hanter...
Il y avait eu Atasuke... Le premier camarade qu'il avait perdu. Un coup de masse lui avait littéralement fait éclater le visage...
Et Naoki, qui avait succombé à un coup qui lui avait ouvert la gorge. Retsu ne pourrait jamais oublier son regard. Celui d'un homme qui sait qu'il est condamné et qui a envie de vivre... Alors que moi je n'ai jamais eu l'intention de vivre...
Et puis Masamuchi, Akitoshi, Gennosuke, Doshun et Kiyomi qui avaient été tués par le gigantesque tetsubo d'un ogre, leurs corps démantibulés projetés contre les murs ou écrasés contre le sol comme quand on tue une mouche...
Et puis Sozen, une lame de bakemono plantée dans les reins... D'autres étaient tombés ce jour là... Goro, Noritoshi, Shigeryo...
Et Yoshisuke, Tokubei, Hisemasu, Honzo, Tokimasa, Toritaka, Takao, Toshimoko, déchiquetés par l'oni sans visage qui l'avait laissé aux portes de la mort et l'aurait sûrement tué sans le sacrifice de Reika...
Reika... Comment avait-elle pu faire ça ??
Retsu se passa une main sur le visage. Se damner pour le seul désir de mourir de sa main...
Il sentit la colère monter en lui. Voilà ce que l'on se gardait bien de parler aux jeunes bushi quand on leur parlait du Mur. Si vous ne prenez garde, vos compagnons se relèveront et chercheront à vous tuer... Sauf que la vérité était un peu plus nuancée... Certains se relevait, certains devenaient corrompu... Mais pour une raison inconnue, ils gardaient une parcelle d'humanité au lieu de devenir les morts avides qu'on les avait formé à combattre...
On ne les formait pas à ça. A devoir achever des camarades complètement bouffés par la souillure et qui au lieu de vous attaquer vous suppliaient d'aller voir leurs familles pour leur dire qu'ils étaient morts pour l'Empire ou qu'ils aimaient leurs gosses, leurs femmes, leurs mères...
Pour certains bushi, le choc psychologique était trop fort. Et c'est ainsi qu'ils avaient perdu Mototane, Norimoto, Masanoshin, Shizuma...
Ça aussi on ne le racontait pas. On préférait les récits de combats héroïques à 10 contre 1000... C'était à vomir.
Et pourtant régulièrement, on trouvait au petit matin les corps des samurai qui n'avaient pas tenu le choc et s'étaient suicidés.
Ils s'ouvraient le ventre, se pendaient ou se jetaient du haut du Mur...
Plaquant sa main sur ses yeux, Retsu se mis à pleurer silencieusement...
