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par Hida Koan » 24 mai 2005, 21:43
La partie de go venait de s’achever, le gong de retentir, Hiruma Lya s’éloignait à pas légers de la table de jeu et l’Empereur s’étira. Cherchent des yeux le vieux maître lubrique, il se surprit à le voir derrière son dos : « Alors j’ai bien joué à ton avis ? » puis lui susurrant à l’oreille « Alors donneur de leçons aux pucelles, tu veux que j’te montre moi aussi comme on joue ? ». Koan se retourna sans un mot de plus, le sourire aux lèvres alors que le vieil homme reprenait la teinte cramoisie qu’il avait lors de la première rebuffade, comme si les instants de la partie n’avaient duré que le temps d’un battement de cils. Il fit un rapide tour de salle des différentes prestations proposées puis s’en alla prestement dans ses appartements afin de se changer.
Les corridors paraissaient encore plus longs que le matin même. J’espère que les journées ne seront pas toutes comme les dernières que l’on a passées… Et pas aussi ennuyeuses que celles d’aujourd’hui… Nombre de serviteurs hantaient les couloirs, les yeux au sol, les bras chargés de paquets et les pieds si prestes qu’ils paraissaient ne pas toucher le sol. Chacune des personnes croisées s’empressait évidemment de ployer l’échine à qui mieux mieux devant lui. Un empoté fit même rouler au sol une quantité astronomique de boulettes de riz compactes dans la précipitation de la soumission. Déjà qu’en règle générale, je voyais que le haut de la tête des gens sans même qu’ils se baissent, la j’ai l’impression d’habiter un empire de perruques sur pattes.
Arrivé enfin devant la suite, gratifiant les gardes d’un regard, Koan fit glisser le shoji et rentra dans le petit salon. Quelques minutes plus tard, une servante s’affairait déjà à déplier un kimono des plus ravissants, encore plus pimpant que celui de la journée. Koan demanda du kan-sake, qu’on lui en apporte une pleine jarre avait-il dit… Ca lui ferait bien les quelques temps à passer ici. L’Empereur déroula le parchemin qu’il avait glissé dans sa manche après que Lya lui eut transmis. Fut amenée une jarre à sake ; déposée dans un coin de la suite impériale elle dénotait quelque peu avec le mobilier. Un serviteur s’empressa d’en remplir une cruche en terre cuite, ciselée on ne sait comment avec les délicatesses méritées pour la porcelaine et de servir un petit bol d’alcool fort à l’Empereur.
Les petites gorgées et longues rasades se succédèrent sans discontinuer, tant et si bien que le bain sembla apparaître de son propre chef, ses longs cheveux de jais se laver seuls et se démêler on ne peut mieux. Se laissant peu à peu engourdir par la chaleur de l’eau et celle de la boisson, Koan en vint à lâcher le parchemin à l’étrange symbole sur le sol. Une jeune fille s’en empara pour aller le déposer sur sa table de travail. Des paires de petites mains s’affairaient à le rendre présentable, et certaines plus aimantes que les autres, lui remplissaient prestement son petit bol de saké.
Sans avoir bien noté comment, le grand bushi se retrouvait au milieu de la pièce, entouré de perruques sur pattes qui l’habillaient. On lui refit le chignon traditionnel, parfuma ses cheveux et ses vêtements, ceignit ses pieds de sandales du plus bel effet. Enfin quand tout fut presque parfait au goût des petites mains, une femme d’un certain âge se présenta devant lui, une coupe emplie d’un liquide jaune opaque porté à bout de doigts. Elle porta la coupe à ses lèvres et cela lui fit un choc piquant : du citron… La brume d’alcool se dissipa rapidement, pour ne laisser dans son sillage qu’un vague mal de tête lancinant. Il articula un « Merci » à l’adresse de la vielle femme et soudain les serviteurs en présence parurent soulagés…
Shikizu, sa dame, l’attendait sur le trajet menant à la salle de réception. Il était grand, altier, le cheveux brillant, la démarche sûre. Son kimono flamboyait de broderies dorées et de perles cuivrées. Les mon impériaux disséminés ça et là sur le kimono de cérémonie attirait l’œil du commun autant que celui, avisé, des esthètes. Le obi large et de lin bleu marine tranchait savamment avec la délicatesse de l’étoffe du kimono. Les reflets des soieries faisaient danser les ombres quand son allure grandiose accompagnait ses pas égrenant les secondes. Il était grand, il était fort, il était beau… Et il avait un peu l’œil vitreux…
Flood Thunder - Koan jin'rai
Mille ans pour régner
L'éternité pour briller
Ma vie pour servir