[2.14-all] Des profondeurs au Tengoku

[Hida Koan]

- Merci, Retsu-san. Je venais juste de demander à Chohime-sama, si elle avait remarqué quelque chose d'inhabituel lorsqu'elle a discuté avec Daidoji Yoshiko-hime.

[Vlad]

"Ha, très bien." répondit Retsu.

Le jeune samurai se garda bien de faire remarquer que la question avait été posée au moment où il sortait de la pièce.
Elles avaient donc dû parler d'autre chose en son absence... Au moins elles ne s'étaient pas sautées à la gorge se dit-il...

"Et donc ??" demanda-t-il.

[Kakita Inigin]

- Yoshiko-chan est une jeune femme courageuse mais projetée dans une situation qui la dépasse complètement. Elle a été très protégée, vous comprenez, et sa nouvelle situation ne fait pas partie des choses qu'on lui a enseignées jusqu'à présent. Je parle, bien entendu, de l'ambiance de guerre civile et des assassinats. D'autant que la présence de diplomates aux moeurs... légèrement équivoques n'était pas pour l'aider à y voir clair.

D'autre part, la culture de son époux dénote légèrement pour une jeune femme - presque une enfant - élevée dans un environnement très honneur-honneur, vous voyez.

[Hida Koan]

- Donc vous n'avez rien remarqué ma Dame. Et Yoshiko-hime n'est pas encore mariée Chohime-sama, précisa Kei.

Un serviteur passa la porte, déplia une minuscule table, un plateau presque et leur servit a tous du thé.

[Vlad]

Retsu leva sa tasse de thé et l'approcha de ses lèvres.

"Excusez-moi de vous poser cette question, Bayushi-gozen, mais vous connaissez Yoshiko-hime depuis longtemps ??"

[Kakita Inigin]

Chohime se redressa.

- Kei-san, au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, je porte le mon de la Famille Bayushi dans mon dos et sur mon coeur.

Elle prit une tasse de thé, tandis que la poignée d'un sabre s'interposait entre la main de Retsu et sa tasse. Retsu n'avait rien senti, aucun bruit, aucun mouvement, mais la yojimbo était dans son dos et elle lui murmurait : " Ce serait impoli, Hida-san, ne trouvez-vous pas ?"

Puis Chohime souffla la chaleur de son thé et la température de la pièce reprit un niveau normal. Jusqu'à ce qu'elle parle, avec ce ton didactique qui la faisait apprécier dans toutes les Cours où elle se rendait.

- Je représente Bayushi Shoju-dono ici. Je ne sais pas dans quel lupanar on vous a appris l'étiquette, mais dans mon Clan, lorsque la personne de plus haut rang parle, les inférieurs évitent de la reprendre pour des futilités... à mauvais escient, qui plus est. Il est constant, en droit rokugani, que l'existence de relations suivies entre samurai officiellement promis l'un à l'autre vaut mariage légal, puisque le fiancé ne peut alors plus rompre les fiançailles sans se déshonorer. Il y a, pour exemple, au moins trois cas où la fiancée d'un Champion de Clan du Clan du Crabe a assumé la régence pour son fils bâtard après la mort du Champion. Et, lorsque votre second Champion a renié son épouse légitime et offert la succession à son bâtard, la mère de votre troisième Champion a été traitée comme l'épouse légitime du Champion quand bien même il ne l'avait pas épousée, occupant les appartements jadis attribués au Dragon du Tonnerre à Kyuden Hida.

Quant à vous, Retsu-san, je connais manifestement Daidoji Yoshiko depuis longtemps avant que vous appreniez la courtoisie. Quand une haute dame se sert de thé, il est malavisé de se servir avant elle, comme un glouton et un malappris. C'est dommage, la Courtoisie est une vertu du Bushido et on m'avait dit que la Famille Hida en était friande... plus, en tout cas, que les Yasuki.

[Hida Koan]

- Je ne me permettrais pas de vous reprendre pour des futilités Chohime-sama. Yoshiko-hime est en ville depuis une semaine et déjà deux hommes lui ont été promis et les tractations entre les deux clans, concernant le premier, étaient tout aussi avancées, peut-être plus puisque c'est par là qu'elles ont commencé. Je vous signifie donc simplement qu'il serait dommage de se laisser emporter à mettre la charrue avant les bœufs et de prendre certaines choses pour argent comptant. On ne sait jamais, mieux vaut prendre des précautions.
J'ai appris l'étiquette ici, au ryu. Je pourrais vous y emmener si vous le souhaitez, il n'a de bordel que l'image que vous avez l'air de vous en faire... à cause de moi sûrement. Je vous présente mes excuses pour ça. C'est une femme du nom de Hanabi qui dispensait les cours de bienséance avec sa maîtresse, si jamais cela vous intéresse et que par bonheur je la retrouve, je pourrais vous la présenter. Je n'ai pas manqué de cours d'histoire non plus. Nous aurons peut-être l'occasion d'en reparler quand nous discuterons de chevaux ? Ou quand les tunnels seront scellés ? D'ailleurs je vous prierai de bien vouloir nous communiquer un moment qui ne vous dérange pas trop pour que les travaux soient faits... Je ne vous ferais pas l'affront de vous conseiller de faire garder la sortie en attendant, je suppose que c'est déjà fait et bien fait.
J'ai l'impression que nous vous avons bien assez importuné. Quand les simples paroles résonnent aux oreilles comme des insultes c'est que la conversation est trop avancée non? Je ne voudrais pas me faire couper en rondelles pour une futilité.

[Vlad]

Retsu reposa la tasse.

"Excusez-moi, Bayushi-gozen" fit-il en s'inclinant.

Il prit une respiration.

"L'on m'a appris que quand une dame de haute naissance s'approche en minaudant, si près de vous qu'il suffit de tendre les lèvres pour l'embrasser à pleine bouche, que les considérations telles que savoir qui doit humer sa tasse le premier n'ont plus vraiment d'importance, tant la situation les surpasse en terme d'inconvenance..."

Il adressa un sourire à l'ambassadrice.

"A moins que vous n'ayez eu l'intention de me demander en mariage, bien sûr..."

Il coula un regard en direction de la yojimbo.

"Et je ne parle pas de la tradition qui veuille que tout samurai, fut-il yojimbo, laisse son katana à l'entrée quand il n'est pas chez lui... "

"Mais effectivement, j'ai dû être influencé par certains membres de la famille Yasuki... Dont les manières peuvent être déplorables... Malgré, j'imagine, vos efforts constants pour leur inculquer un semblant de savoir-vivre..."

Il haussa les épaules.

"Je pensais les membres de votre clan plus enclin à la tolérance quand l'on sauve l'une de leur proche amie ou qu'on les averti que des souterrains secrets sont découverts sous leur ambassade..."

"Je me suis trompé, et je vous prie de m'en excuser..." fit-il en s'inclinant une nouvelle fois.

[Hida Koan]

Le cœur de Kei s'accéléra brusquement... Ce serait quand même dommage de mourir ici...

- Tu... Vous vous égarez, Retsu-san. L'inconvenance est dans l’œil de celui qui regarde. Il n'y a personne ici pour regarder. Pas d'inconvenance donc, dit-elle, pas convaincue pour deux zéni.

- Chohime-sama n'a pas qu'une seule intime que nous connaissions. Yoshiko-hime, notre protégée et mon amie très certainement, l'est également. Ce qui fait que nous devrions nous entendre relativement bien. D'autant plus que nous avons tous des choses en commun. Je ne vous avais pas dit Chohime-sama que Retsu jouait du shamisen ? Il en a joué pour vous avant-hier, en quelque sorte.

[Vlad]

Retsu s'inclina.

"Veuillez m'excusez Hida-sama."

Il eu un petit rire en se redressant.

"Si vous n'en aviez pas fait la remarque, Hida-gozen, j'en aurai oublié le fait que nous avions également sauvé la vie de Yoshiko-hime..."

"Minako-gozen, Bayuri-sama, Yoshiko-hime... Nous avons décidément sauvé la vie de beaucoup de monde en quelques jours..."

"Pas un ne nous a remercié d'ailleurs... Par contre pour ce qui est des insultes et des remontrances nous avons eu plus que notre compte..." fit-il avant de se taire définitivement.

[Hida Koan]

Il était tout près d'elle, elle ne pût s'empêcher, elle mit la main sur sa cuisse et serra, très fort, juste au dessus de son genou. C'était ça ou lui mettre une claque. Des remerciements... Pourquoi pas une médaille... Dans le fond je suis d'accord... Encore que... On a autant fait de merdes que de choses biens... Mais à quoi bon se plaindre? Encore plus à l'Ambassadrice Scorpion ? Et si c'était pour voir une cinglée du sabre aussi silencieuse que le vent, les couper tous les deux en deux morceaux chacun avant qu'ils n'aient eu le temps de dire "ouf" c'était encore plus inutile...

Kei s'inclina assez bas pour mettre son front dans sa tasse, et laissa sa main sur le genou de Retsu, toujours serrée.

[Vlad]

Retsu retint une grimace en sentant les ongles de Kei-chan rentrer dans sa peau.

Il se tût définitivement et s'inclina, son front venant toucher le sol.

[Hida Koan]

Le temps se figea*. La vapeur du thé brûlant lui chauffait le front et sa main était maintenant emprisonnée au creux du corps de Retsu qui venait de s'incliner jusqu'au sol. Elle pensa tout juste à desserrer les doigts pour ne pas lui planter ses ongles trop profondément dans les muscles.

- Vous êtes des demeurés ! On n'a pas idée de faire ça. Chaque fois que tu prends une décision en ce moment, elle est stupide... et dangereuse ! Dès que tu ouvres la bouche, ça vous apporte plus d'ennuis!

- A sa décharge : lui aussi... Il fait pareil.

C'était presque drôle ces combats de conscience depuis quelques jours. Il y avait toujours eu quelque chose d'approchant, une conscience, vacharde et mesquine, qui la rabaissait tout le temps. Qu'il y en ait une de plus était presque rassurant... Et prouvait bien que quelque chose avait changé depuis qu'il était arrivé. En bien ou en mal elle ne savait pas trop mais au moins se disait-elle "j'arrive à savoir que c'est juste moi qui me parle... je ne suis toujours pas folle... Pas trop en tous cas."

- Mais il est pire lui ! Il ne dit jamais rien sauf expressément au moment précis où il faudrait qu'il la ferme.

- Et bien tu vois, on est à peu près d'accord.

- Non! Regarde-les, un peu... Combien de secondes avant de se faire planter un katana dans le dos?! Ou que l'ambassadrice demande leurs têtes?!

Kei resserra sa main sur la jambe de Retsu, elle ne voulait pas qu'il lui arrive quelque chose.

- Hmmm...

- Tu vois ? Elle est de plus en plus crétine quand il est là... Elle devrait s'inquiéter pour elle.

- Oui mais elle est amoureuse.

- Alors du coup tout est permis ? On remise l'instinct de survie au placard ?

Kei s'imaginait presque deux formes colorées, un peu comme des petites flammes, qui discutaient... Et redevenait sa conscience à elle, pleine et entière, quand enfin elles voulaient bien se recoller comme il fallait. Ce qui n'était pas arrivé... Depuis qu'elle avait fait l'amour avec lui.

- Je t'avais dit qu'il aurait fallu régler le problème de cette relation ce matin. Tu as voulu te voiler la face et faire l'irresponsable. Ne va pas te plaindre maintenant du fait qu'elle ne sait pas où elle en est et fait n'importe quoi. Moi je voulais écouter son coeur, essayer de tout ranger comme il fall...

- Mais ce n'est qu'une histoire de cul comme les autres !

- Non!!!

- ... D'accord... Si même toi tu t'énerves. D'accord je n'aurais pas dû. On ne va pas y réfléchir maintenant de toutes façons ! C'est tout réfléchi de toutes manières. Tu le sais, je le sais et elle aussi, elle le sait. Personne ne le dit c'est tout !

- Oui...

Comment ça j'ai décidé ? se dit Kei. N'importe quoi...

- Ne fais pas l'idiote, toi, dehors. Tu as décidé, là, ce matin, ici... En te plaignant comme une cruche qu'une femme le regarde... Le regarde ! Tu te rends compte ?!

- C'était mignon...

- Gnagnagnagna... On n'est pas là pour être mignonnes. J'ai déjà cru que Aikune allait nous incruster dans le parquet.

- Oui mais Aikune... Il n'est pas si affreux.

- Je sais ! C'est pour ça que je n'ai rien dit. Mais là... Là c'est carrément crétin. Je l'ai dit d'ailleurs, vous remarquerez.

- ...

- On ne dit plus rien Madame Gentillette ? Sans compter qu'il en a remis douze couches après, lui... Et c'est "ça" ? Tu veux te marier avec "ça" ?! Bah essayez déjà de passer la fin de la semaine ce sera pas mal...

Kei rougit de ses "propres" conclusions et voulut que toutes ces conversations intracrâniennes s'arrêtent net.

- Ne t'inquiète pas... Tu réfléchis plus vite qu'une goutte d'eau qui tombe. C'est ça le cerveau.

- Oui enfin, réfléchir pour en arriver à des décisions aussi connes, elle devrait se contenter de regarder les gouttes tomber moi je te le dis.

Retsu bougea un tout petit peu. Il ne devait pas avoir l'habitude qu'on le touche pendant un dogeza.

- Et bien retire ta main crétine.

- ... non...

- Petites princesses fleur bleue !

- .. peut-être mais j'aime bien quand elle le touche.

- Fermez-la un peu toutes les deux ! Je laisse ma main, c'est tout.

- Ah. Tu es revenue la suicidaire ? Et maintenant ?

- Maintenant... On attend.

* comme souvent avec le MJ :p

[Hida Koan]

Kei crut attendre de longues minutes.

- Mais nan... Pas de longues minutes... La goutte d'eau tout ça ? Tu te souviens ?

- Oui.

- Moi je vous conseille d'aller prier rapidement si vous sortez de là sur vos deux jambes.

- Ah bah faudra au moins ça oui ! Fukurokujin, ça vous ferait pas de mal... Jurojin ! Longévité... C'est ça qu'il vous faut, cons comme vous êtes...

- Benten ?

- Oui, bien sûr... Puis ils se marient ce matin aussi tant qu'on y est !

- ... Bah, ce serait peut-être pas id...

- Certainement pas ! J'ai le droit de décider ! Et on est des consciences, pas des inconsciences, je te signale.

- Bien ça calmerait un peu tout aussi...

- Hein?!

- La ferme ! Ce qu'il faut faire là c'est se bouger les fesses et enquêter pour de vrai, faire jouer nos contacts, essayer d'aller à la pêche aux informations même si on ne sait pas bien ce qu'on cherche ! Ça ne va pas tomber du ciel de toutes façons !

- Sans oublier de prier...

- Je me demande si ce n'est pas pour ça que tu l'aimes bien finalement. C'est pas sa grande piété qui me plait le plus à moi... Mais oui, prier, d'accord. En plus, vu que le prisonnier est un peu "mystique", ça ne peut pas faire de mal à l'enquête non plus.

- Vous pouvez la fermer. J'attends. J'ai peur.

- ... d'accord...

- Oui bah pour une fois que ton cerveau essaie de prendre de l'avance tu vas pas chouiner hein, ça fait bien assez longtemps que c'est pas arrivé. Tu pourrais... Fouiller les souterrains, essayer de trouver d'autres illuminés même dehors, enquêter sur Nikumizu, débusquer les maho-tsukai... Imagine c'est peut-être lié en plus : Nikumizu et Akemi... Sinon te renseigner auprès des heimin, savoir qui étaient les faux gardes, comment ils ont été recrutés. Être sûr que l'agression de Minako était bien du fait des illuminés et pas de quelqu'un d'autre. J'en profite pour glisser que s'engueuler avec elle, comment te dire : un jour peut-être, mais pas aujourd'hui d'accord? Demander à quelqu'un de surveiller Bayuri. Est-ce que ce ne serait pas réellement les écailles de la carpe qui voudrait faire capoter nos relations avec les Grues ? Sinon qui ?

- Finalement, elle n'a peut-être pas tort. Tu ferais peut-être mieux de te taire quand...

- Qu'est ce que le Daidoji vient foutre la dedans ? Lui qui a l'air de commercer peu ou prou ouvertement avec les Crabes, pourquoi un rapport avec les écailles qui font justement tout en lousdé ? Combler les souterrains une fois que...

- Tais-toi quand même. Ça bouge.

Kei espérait vraiment que c'était le stress intense qui faisait ça, la concentration... Elle ne savait pas si elle était prête à discuter avec deux autres elle-même jusqu'à la fin de ses jours...

[Kakita Inigin]

Avant de rentrer sa lame dans son fourreau, Atsuyo murmura à l'oreille de Retsu, si doucement qu'il aurait crû avoir rêvé si son sourire n'était resté quelques instants sur ses lèvres à peine masquées par le voile noir qui lui servait de masque :

- Vous épouser ? Ce serait une idée. Vos contacts dans le Clan de la Grue seraient très utiles à mon Clan.

Mais elle se retira sans l'embrasser (à moins qu'il n'ait pas rêvé l'effleurement du tissu sur sa joue) et reprit sa place dans l'ombre. Juste comme Chohime commentait la longue tirade de Kei :

- J'accepte vos excuses. Nous avons plus à gagner à travailler ensemble qu'à nous arcbouter à nos certitudes. Les souterrains sont bien gardés, je vous rassure. Et maintenant...

Elle prit sa tasse de thé et huma les arômes astringents.

- ... Retsu-san pourrait-il cesser de nettoyer le sol et, comme vous le proposiez, nous montrer ses talents au shamisen ?