[Roleplay 3.1] Duel au bord de l'eau

[Kõjiro]

Kõjiro s'était levé comme tous les jours un peu avant l'aube. Se lever tôt fut d'abord une contrainte qu'il s'imposa pour pouvoir s'entrainer malgré ses obligations diverses lorsqu'il était plus jeune. Avec l'âge c'était devenu une manière de vivre. Après avoir rapidement passé un simple hakama bleu nuit et un kimono de même couleur sans la moindre décoration il prit Seïmitsu et se dirigea d'un pas preste vers la rivière. Avisant une large pierre non loin de la rive il s'y installa agenouillé en position de méditation. Kõjiro resta ainsi quelques longs moments, laissant son souffle s'accorder au vent et son esprit au flux de la rivière. Au bout de quelques minutes il prit pleinement conscience de son corps. Les sensation n'étaient plus des informations que son corps adressait à son esprit elles étaient en lui et lui était en elles. Une parfaite union qui donnait toute son importance à chaque sensation si infime soit elle. Kõjiro profita de cet état oubliant qu'il était un pour être enfin tout et surtout uni à l'univers. Il s'éveilla lentement de sa trance pour se relever. Les arbres qui bordaient la rivière s'inclinaient lentement sous la brise légère, tandis que Yakamo soleil faisait son apparition à l'horizon.

[Seppun Kurohito]

Lentement, Kurohito émergea des brumes du royaume des rêves. Les bruits matinaux des tâches de Kempo le ramenèrent à la réalité. Comme de coutume, ce dernier s'affairait depuis une bonne demi-heure avant les premiers rayons du soleil. Il se saluèrent simplement, et Kempo s'apprêta à s'agenouiller devant son maître lorsque celui-ci l'en empêcha d'un geste.
"Nous ne sommes pas aux palais, Kempo-kun. Pas de cérémonie lorsque nous sommes en privé, tu le sais.
- Hai, Sensei..."
Ce faisant, Kurohito revêtit un kimono légér de coton bleu, qu'il affectionnait particulièrement pour les entraînements. Il pria ensuite devant l'autel de ses ancêtres, puis devant le reposoir où Kashikoi attendait avec impatience. Pendant tout ce temps, Kempo regardait son maître fréquemment, visiblement curieux.
"- Je vais aller m'entraîner avec le Champion d'Emeraude, Kempo-kun"
Le visage du jeune s'illumina d'un enthousiasme spontané, que son maître fit mine de ne pas voir, curieux de voir jusqu'où l'audace du garçon irait. Un fois prêt, il prit son sabre avec dévotion, et s'apprêtait à sortir de la tente lorsque le jeune homme n'y tint plus :
"- Sensei ! Puis-je vous accompagner ? Je me ferai tout petit, je vous le promets..."
Amusé, Kurohito regarda le jeune homme avec une tendresse que seul son regard trahissait, puis, reprit d'un visage de marbre.
"- Soit... Accompagne-moi si tu le souhaites. Si le seigneur Kojiro n'est pas importuné par ta présence, tu pourras regarder. Et observes bien, Kempo-kun, car il faudra ensuite que tu me dises ce que tu en auras retenu. Et dis-toi que tu auras autant moins de temps pour ranger nos affaires..."
Kempo salua profondément, visiblement heureux.
Les deux hommes sortirent de la tente. Un homme vieux, calme, attendant la mort à chaque instant de son existence, et l'autre jeune, pétillant de vie, brûlant de promesses.
Passé et avenir ensemble..., furent les dernières pensées conscientes du maître Seppun.
Dans la lumière claire de l'aube, le Seigneur Yakamo surgissait du Monde Souterrain dans tous sa force
Ils descendirent vers la rivière.

[Kõjiro]

Se tournant, Kõjiro vit la silhouette de Kurohito s'approcher nimbée des premières lueurs du jour. Apparemment il venait accompagné. Kõjiro reconnu rapidement le jeune homme qui marchait légèrement en retrait du conseiller impérial : Kempo. Kõjiro regagna alors prestement la rive pour saluer les deux hommes d'un bref signe de tête. Encore baigné de la douceur de sa communion avec le vide Kõjiro n'éprouvait pas le besoin de parler. La présence du jeune homme au coté de son maître était naturelle. Cet entrainement matinal avec un homme qui avait eu les même senseï, avait pratiqué les même katas dans les même dojo était naturel. Kõjiro prit simplement une posture d'entrainement typique au Iaïjutsu. La même qu'il avait pris des miliers de fois aupravant et attendit patiemment que les deux hommes le rejoignent.

[Seppun Kurohito]

A chaque pas, Kurohito abandonnait une part de lui-même, pour ne plus sentir que le vent sur son visage, les senteurs florales, et les bruits d'écoulement de la rivière.
Arrivé devant Kojiro, il salua sans formalité. Le regard du Champion d'Emeraude à l'égard de son élève lui indiqua que sa présence ne dérangerait pas, et il lui signifia de la main de s'écarter.
L'esprit déjà tendu, il prit la posture d'entrainement traditionnelle, mains sur la garde de Kashikoi. Il oublia les muscles bandés, l'afflux de sang dans les tempes, pour n'être plus que la continuité de sa fidèle lame. Comme à chaque fois, il avait atteint une sensation de plénitude, l'intuition d'être enfin entier...
Il salua respectueusement son adversaire, sans parler.
Dans le silence, une hirondelle se posa sur la branche d'un cerisier.

[Seppun Kurohito]

Kojiro répondit au salut de Kurohito. Puis les deux hommes, sans rien ajouter, se fixèrent. Le corps arqué dans des postures jumelles, l'esprit vide, chacun rivalisait dans un duel invisible, le vent frais du matin pour seul témoin. L'esprit de Kurohito se déployai dans un flot de chi ininterrompu, pour rencontrer à chaque tentative la concentration impénétrable de l'esprit structuré du Champion d'Emeraude. Le regard soudain brûlant, ce dernier prit l'initiative, avec un imperceptible mouvement de la main vers la tsuka de son arme. Pourtant, Kurohito, telle un statue, ne bougea pas d'un centimètre puis écarta même sa main légèrement. L'attaque ne vint pas, Kojiro sentant que l'opportunité n'était pas encore arrivée. Kurohito choisit cet instant pour replacer sa main prête à la frappe, le regard pénétrant et brillant, auxquel Kojiro répondit par un mouvement du pied, qui l'ancrait solidement à la terre.

Kempo, agrippé à un arbre, sentait la tension palpable, la force que dégageait les deux kenshinzen, comme si la foudre passait de l'un à l'autre, guettant la moindre faiblesse. Il suait, les lèvres tremblantes et les yeux écarquillés. Jamais il n'avait vu son maître ainsi, et le puissant seigneur Doji dégageait une force qui l'empêchait, jeune arbrisseau qu'il était sur la voix du sabre, d'affronter son regard.

Kojiro et Kurohito firent une pression sur leur tsuka dans un même mouvement, les saya devenant parfaitement horizontaux. L'esprit de Kojiro fusa, comme le feu d'une victoire certaine, mais, contrairement à leur premier duel, lors du Championnat d'Emeraude, Kurohito ne fléchit pas. Il assouplit son poignet et répondit à l'ardeur du feu par la fluidité de l'eau. En l'espace d'un clignement d'oeil, d'un fragment d'éternité, le duel était terminé...
Une hirondelle s'envola d'un cerisier proche.

Les deux hommes se redressèrent, toute tension envolée, et se saluèrent dans un même mouvement, leur esprit encore en communion. Seïmitsu et Kashikoi n'avaient pas quitté leurs fourreaux. Sous le regard ébahi du jeune disciple, ils s'écartèrent en souriant, et Kempo remarqua une unique goutte de sueur, sur le front de son sensei. Le seigneur Doji, lui, semblait aussi frais qu'au réveil.
"- Je vous remercie pour cette leçon, Kojiro-san, ce fut un excellent entraînement...
Souriant davantage, Kojiro regarda son compère, et, comble de l'impudeur, lui mit la main sur l'épaule. Curieusement, Kempo ne trouvait pas cela déplacé en cet instant.
"- Votre victoire parle pour vous, Kurohito-san. J'ai été honoré de vous affronter à nouveau. J'espère renouveler l'expérience très bientôt."
Le visage de Kurohito semblait exprimer la même impatience.

Les deux hommes, le visage illuminé, remontèrent vers le camp sans rien ajouter. Kempo était abasourdi.

Plus loin, les deux duellistes aperçurent l'attroupement de cavaliers, tous de noirs vêtus, près de la tente impériale...

[Kõjiro]

Fin du sous chapitre. La suite de l'histoire se situe dans les chapitres [Roleplay 3.x], principalement pour Kurohito et Kõjiro : [Roleplay 3] Sur les terres de la famille Kakita, [Roleplay 3.6] Héron, petit, pas tapon ! et [Roleplay 3.5] Le Rokugani pur et l'étranger.