Je crains que ce ne soit toi qui fasse légèrement fausse route, Tetsuo, dans la mesure ou ça n'est pas le travail qui est au coeur de la réthorique socialiste mais la répartition des richesses.
Et que son paradigme initial est le suivant : si un individu A (possédant) donne les moyens financiers qui permettent à un individu B (travailleur) de produire plus de richesse par son travail, pourquoi l'individu A devrait-il en être le principal bénéficiaire alors que par la suite, il n'investira en fait qu'une partie des richesses produites par B pour faire fonctionner ce même mécanisme et continuera à capter de plus en plus de richesses auxquelles il contribuera de lui-même de moins en moins ?
Et rien de plus
Je n'ai jamais lu nulle part dans la théorie socialiste que l'on visait à ce que les gens "travaillent plus" que ce soit ou non pour "gagner plus".
Au contraire, j'ai lu assez souvent quelque chose qui revient à dire "la richesse produite ne doit pas être accaparée par ceux qui ont procédé à l'investissement initial. Elle doit être une propriété collective et notamment elle doit être largement redistribuée à ceux qui en sont le véritable moteur, qui la multiplient par leur travail".
De fait, les travailleurs produisent de la richesse mais n'en ont pas l'usage. Donc, pour pouvoir en profiter, ils échangent leur force de travail contre une redistribution de cette richesse, détenue par ceux qui ont - à un moment - procédé à un investissement initial et qui récoltent donc ses retours.
Dans un monde socialiste utopique, cet accaparemment n'existerait plus et l'homme n'aurait plus à échanger sa force de travail contre de la richesse, puisqu'il serait maitre de ce qu'il produit.
Mais comment le produire ?
Dés l'ami Karl, à une époque ou le travail relevait surtout de l'agriculture et l'industrie, on envisageait l'automation (qui n'en était qu'à ses débuts avec les ateliers de filature notamment, et relevait plus de la prospective en fait) comme un moyen de
libérer l'homme du travail qui était son activité la plus ancienne et l'assujettissement collectif le plus global que l'on connaisse : l'obligation pour l'homme d'agir afin d'assurer sa survie et sa subsistance à la base (cf le "contrat social" entre lui et celui qui contrôle les richesses).
Le progrès technologique n'est pas du tout perçu de la même manière selon qu'on l'analyse selon une perspective socialiste ou capitaliste. Dans le premier cas, c'est un moyen de libérer l'homme du travail en lui permettant de le faire faire par la machine. Avec l'idée sous-jacente que si la société fonctionn globalement ainsi, la nécessité pour l'homme de travailler pour subsister ne sert plus à rien, puisqu'il n'est plus obligé de fournir son travail en échange des richesses lui permettant de payer sa subsistance. Mais pour cela, la machine doit devenir une propriété commune, comme la richesse qu'elle produit.
Alors que dans la perspective capitaliste, la machine est la propriété du capitaliste, comme le travailleur était assujetti à lui. C'est le monde que nous connaissons, dans lequel la machine a pu diminuer la pénibilité mais, sa production étant toujours accaparée par les possédants, elle n'a pu changer le rapport fondamental, parce qu'elle reste - comme le capital -
assujettie à la propriété privée.
Par ailleurs, dans la conception socialiste, on distingue clairement le "travail aliéné" c'est à dire assujetti à des paramètres sociaux de domination qui l'ont dénaturé et ont fait par essence du travailleur un esclave qui ne profite pas du fruit de son activité, du travail libéré, "post-communiste" qui en revient à une conception assez épurée de l'activité humaine, proportionnée à la nécessité sociale et débarrassée de la propriété qui mène en fait à ce qu'une minorité aliène le travail de la majorité afin d'en capter le produit à son usage propre.
Alors bon, on peut trouver un tas d'impasses dans tout ça, et on reste dans un cadre d'une théorie de l'homme post-révolutionnaire qui relève par certains côtés du mythe ou de l'idéal plus que de réalités concrètes, clairement.
mais on est très loin de ce que tu dis, Tetsuo.
Par contre, oui, si on se réfère aux publications, théories et théorèmes
soviétiques, la "valeur travail" se substitue complètement aux principes
socialistes, dénaturant en fait la notion de "travail nécessaire à la collectivité" pour devenir "travail au service d'un état soit-disant collectiviste qui récompense par des distinctions ceux qui dépassent les quota et font du zèle"
Ce qui nous ramène en fait à un fonctionnement très capitaliste : produire plus, gagner des sucettes en chocolat ce faisant et participer au même genre de mythe que le salarié du monde capitaliste : travailler pour que d'autres en récoltent les fruits et les monopolisent, tout en croyant participer à quelque chose de grand et y trouver son compte.
Ca n'est pas pour dire qu'il existe une idéologie marxiste-léniniste socialo-communiste parfaite et que tout après est une perversion de la chose, entendons nous bien. Mais il est inexact de dire que dans la théorie socialiste, le travail est une belle et bonne chose.
Le travail est une nécessité qui n'a pu encore être dépassée car elle reste contrôlée par les capitalistes, qui ont réussi, perversion suprême selon Marx, à faire en sorte que les travailleurs doivent continuer à produire sans cesse plus de richesses pour pouvoir s'en voir "redistribuer" une petite partie afin de simplement subsister, au nom du fait que la machine a été lancée au départ par une minorité qui continue à exercer sur elle une propriété totale.
Sans cet accaparemment des richesses et des moyens de production par la minorité, le travail tel que nous le concevons
perd toute raison d'être. Et là, on aborde justement le mythe post-communiste et toutes les théories qui découlent du marxisme : alors, lorsque les hommes ne seront plus assujettis à une minorité de possédants, que feront-ils ?
En espérant avoir éclairci certaines choses
