Définir à la tablée le contenu des compétences sociales et des Traits mentaux permet d'une part de comprendre leur utilité, leur domaine d'application et a contrario leur domaine de non application. Ce dernier étant alors libre et RP (ou jet de Trait si on veut accélérer la scène).
Plus le nombre de compétences et de Traits mentaux est important et plus il existera de points d'achoppement entre les caractéristiques du PJ et sa représentation par le joueur.
Ainsi, politesse et Etiquette ; mensonge et Sincérité ; convaincre et Rhétorique ; questionner et Enquête ; plaire et Séduction sont autant de sources de complications …
Il faut donc trancher au cas par cas en choisissant toutes les possibilités entre les deux extrêmes, soit la définition du contenu et donc de son domaine d'application de la Compétence / Trait fait que son développement devient obligatoire (cas de l'Etiquette chez Seppun Okuma par exemple) soit elle devient inutile (et autant la supprimer pour éviter d'avoir des joueurs éprouvant du ressentiment à développer une compétence qui ne sert jamais).
Supprimer des compétences sociales (ou tout du moins limiter leur nombre) permet d'éluder le problème mais il est possible aussi de définir différemment un domaine selon si le personnage est joueur ou non joueur. Dans Rêve de Dragon par exemple, le score d’Intellect est l’Intelligence pour un PNJ et uniquement la capacité de mémorisation pour un PJ, la capacité de raisonnement étant celle déployée par le joueur.
Ainsi, on ramène un peu trop souvent les capacités sociales aux facilités d’élocution, au bagou. Avoir un haut score en Etiquette ou en Courtisan ou en Rhétorique n’est pas forcément être un beau parleur et inversement …
Aussi, le problème n’est pas toujours la Compétence du PJ mais dans les cas d’opposition l’écart de compétences entre les différents intervenants.
Qu’importe que le joueur déploie toute sa magnificence alors que son personnage n’a pas Rhétorique ou est moyen en Intuition si l’interlocuteur PNJ est au même niveau.
Tirer les joueurs vers le bas, le limiter dans son rôle m’apparaît donc rarement comme une bonne solution.
En fait, le problème n’est pas tant la capacité sociale du PJ ou du joueur mais l’incapacité du MJ à y faire face, à s’élever au niveau du joueur ou à mettre en œuvre un PNJ supérieur socialement à celui campé par le joueur, à prendre le pas en roleplay.
Le MJ peut effectivement le rappeler à l’ordre hors jeu ou lui faire faire un jet de dés mais cela coupe la scène et peut brimer le joueur.
Ce n’est pourtant pas toujours nécessaire car le MJ peut corriger le tir avec des procédés plus ou moins simples. Par exemple :
- A Rokugan, le statut social prend le pas sur l’argumentation mettre en avant le statut social supérieur du PNJ pour dire « j’ai raison ! » ou « vous m’insultez ! ».
- Décrire la réaction de l’assistance au discours du joueur pour le déstabiliser. Désapprobation, rires moqueurs, air catastrophé des alliés du PJ, yojimbo qui mettent la poignée sur le saya. Le MJ a la maîtrise du milieu.
- Si le joueur manie un langage sophistiqué au-delà de sa Compétence Etiquette, ne pas hésiter à le reprendre sur son vocabulaire même employé à bon escient. Les tournures de phrases françaises ne sont pas forcément les bonnes en Rokugani. « Vous me présentez vos condoléances. Comment osez-vous ? Vous êtes d’une grossièreté monsieur ».
- Mettre le joueur sur un terrain inconnu. « Ce que vous me dites est bien intéressant monsieur, mais que faites vous du traité de Shimoyara ? ». Bien sûr, Shimoyara ne dit rien au joueur et hors de question de faire un jet à ce moment de jeu.
- Préparez vos PNJ forts socialement. Ceux-ci ont des capacités d’école de courtisan, mettez les en œuvre préalablement à une rencontre avec vos joueurs. Au besoin, faites des jets préalables pour détecter les faiblesses des joueurs. Prévoyez des répliques, des terrains d’attaque, choisissez le moment. Vous connaissez leur feuille de perso, profitez-en. C’est déloyal, mais si il faut que vous campiez un PNJ fort socialement crédible en RP, il est préférable d’avoir un maximum de matières pour prendre le pas.
Le joueur se refuse à développer des compétences sociales malgré vos recommandations et s’obstine à camper le parfait courtisan à la cour impériale. Il est vraiment très fort en roleplay et vous ne vous sentez pas de taille à l’affronter.
Jouez-la au second degré. Faites en le « bourgeois gentilhomme » de votre cour. Tournez-le en ridicule (voir absolument le film éponyme !). Par exemple :
- Laissez le parler face aux courtisans PNJ et notez ses tics verbaux. Le jeu sera pour les courtisans de lui répéter ce tic verbal un maximum de fois sans que le PJ le remarque.
- Les courtisans flattent et s’extasient les performances artistiques, la tenue vestimentaire, les tournures de phrases, le goût du PJ lorsqu’elles se révèlent déplorables. Le PJ ne manquera pas de les reproduire quand il se retrouvera face au daimyô …
- Multipliez les situations inconfortables en évitant la confrontation directe. Les courtisans utilisent des mots qu’il ne comprend pas, il surprend des sourires de connivence, on se tait quand il rentre dans une pièce. il est incapable de distinguer la maîtresse de maison de ses trois dames de compagnie, à laquelle s’adresser ?
- Inventez un code de l’étiquette afin de mettre en place des situations où il se piégera tout seul. Si prononcer le mot « chat » dans une demeure porte malheur, mettez un greffier sur les genoux de l’hôtesse.
Problème inverse, le RP du joueur est médiocre et le personnage est censé être un brillant courtisan.
C’est là que l’on touche une différence essentielle entre le JdR fortement RP et le théâtre c’est que le joueur ne connaît pas son texte par cœur et personne n’est là pour lui souffler (ce n’est certainement pas le rôle du MJ). On peut essayer de camper quelqu’un de moins « charismatique » ou moins manipulateur mais comment peut-on être « plus » ?
Multiplier les résolutions par jet de dés, parler sur le mode indirect, reformuler, rend le personnage peu crédible et fait sortir du jeu les autres joueurs et le MJ.
Dès lors, je pense d’une part qu’il ne faut pas être trop ambitieux dans le personnage que l’on campe, y aller progressivement quitte à se fixer des objectifs de jeu. D’autre part, comme dit précédemment de la même façon que l’on peut être un excellent bushi général et un piètre bushi guerrier l’on peut être un excellent courtisan négociateur et un piètre courtisan orateur. Il y a d’autres façons de mettre en avant des compétences sociales.
Inutile donc de se lancer dans de grandes tirades, de prendre systématiquement la parole si l’on ne sent pas les épaules. Au contraire même …
Quand bien même, je pense qu’il est du devoir du MJ de jouer l’environnement, mais là en faveur du joueur afin de lui faciliter son rôle, de lui permettre de hausser son jeu, de briller à la tablée. Si le MJ glisse au joueur ayant des compétences sociales préalablement à la rencontre importante que prononcer le mot « chat » dans une demeure porte malheur, peut être arrivera t-il à voir le risque et faire taire son camarade trop bavard ? Lui-même n’aura aucune difficulté à distinguer l’hôtesse de ses dames de compagnie à la largeur de son obi ou à la particularité de sa coiffe …
Donner plus d’informations à ceux qui ont la compétence ou le Trait idoine est rependu (le mieux étant que cela se fasse à l’insu de tous) mais je pense que quelquefois il ne faut pas hésiter à aller plus loin quitte à écorner le principe de « les paroles du joueur sont les paroles du personnage ».
Une bourde grossière pourra être prise pour un calembour par l’assistance qui réagira favorablement (une fois ça va …).
Les mêmes mots n’auront pas la même portée, ne seront pas pris en compte de la même façon entre celui qui a la compétence et celui qui ne l’a pas. Le joueur ne peut pas augmenter sa capacité à discourir mais vous pouvez réduire à l’esprit critique de vos PNJ spécialement pour l’occasion.
Celui qui aura une compétence Etiquette ou Courtisan élevé fera parti d’un certain milieu. Au cours d’une réception où il ne connait personne, les PNJ viendront spontanément auprès de lui afin de lier connaissance. Il n’aura pas besoin d’aller vers le milieu, de rechercher les informations, le milieu et les informations viendront à lui.
Tout ceci vise à ce que le joueur peu à l’aise dans l’expression orale acquière plus de confiance et prenne davantage d’initiative sociale, soit à l’aise dans son rôle.
En conclusion, pour moi il est nécessaire que les joueurs voient une utilité pratique à développer les compétences et Traits sociaux dans votre Rokugan (et donc qu’il en appréhende parfaitement leur contenu et leur utilisation dans le jeu) autrement que pour faire plaisir au MJ et avoir la correspondance somme toute artificielle RP / feuille de perso.
Voilà en gros ma façon de voir et de gérer le RP et les comp sociales (avec pas mal de RP

)
En cherchant la voie, vous trouverez le vide. Dans le vide est la force sans le mal.