Voeux

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Otaku Sh?am
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Voeux

Message par Otaku Sh?am » 11 avr. 2006, 13:55

Le jeune homme planta son tanto dans le sol et posa un regard plein de douceur sur les derniers rayons du soleil qui dansaient sur la lame. Un bruit de cavalcade lui fit détourner les yeux. La poussière de la terre imprégna sa gorge de manière agréable. Il ne toussa pas. Il huma l’air comme un parfum, accueillit l’odeur brun-roux avec un sourire. Il savait que bientôt, il serait privé d’odorat.
Alors que le bruit de la course se rapprochait, l’odeur de chair putréfiée le frappa au visage. Il rengaina son tanto et posa son regard sur l’horizon. Sa tête toujours baissée, ses cheveux masquant le soleil dont il percevait les reflets encore un instant plus tôt. Deux pieds bottés cerclés de métal apparurent sur le sol. Les bottes étaient noires et pointues, fatiguées par les nombreuses chevauchées. Le jeune homme regarda à nouveau danser les rayons du soleil sur les éperons de l’arrivant. Des éperons verdâtres, étrangement luisants dans la pénombre naissante. Des éperons teintés par le sang des onikage talonnés.

- Bonsoir, mon garçon.

Le jeune homme se leva. Sa tenue de toile et de cuir craqua de même que ses articulations restées immobiles ces dernières heures. Il leva finalement ses yeux noirs sur l’arrivant. Son adversaire. Et comme il était poli, le jeune homme répondit à l’appel.

- Bonsoir.

L’adversaire était étrangement vêtu de vêtements d’un cuir dont le jeune homme ne savait que trop la provenance. Un cuir plus pâle, plus doux, plus fragile. Un cuir d’homme. Une cape de fourrure le drapait. Seule la garde d’un sabre, tellement râpée qu’on pouvait sans mal en deviner l’âge, apparaissait à son côté. Elle luisait, elle aussi, semblant le narguer.

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Les deux enfants s’élancèrent dans la prairie, s’efforçant d’ignorer les cris derrière eux. Shin les incitait toujours à courir.

- Ne vous arrêtez pas ! hurla-t-il d’une voix tellement adulte que les deux enfants ne purent qu’accélérer leur course.

Shin n’avait que quinze ans. Sa voix n’avait pas encore irrémédiablement muté pour devenir celle d’un homme, ce qui lui valait moult moqueries de la part de ses pairs plus âgés. Mais ce soir, personne n’aurait ri de lui. Parce que personne ne le pouvait plus. Le village brûlait.

- J’ai peur. fit la fillette.
- Tais-toi ! Ou ils viendront ! siffla le garçon en se rapprochant d’elle malgré tout.

Ils n’entendaient plus Shin...

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- Je ne pensais pas que tu serais là.
- Je tiens mes promesses.
- Des hommes plus âgés que toi ne les ont pas tenues.
- Est-ce que cela a changé quelque chose ?

Le visage du Moto sembla sourire dans l’ombre de son capuchon.

- Non. Tu es un garçon très logique.
- Merci.

Le jeune homme continua de détailler l’adversaire. Grand, élancé. Son visage apparaissait par moments. Long, brun et lisse. Trop lisse. Trop anguleux. Trop parfait. Mais l’odeur était traîtresse. Le jeune Moto avait beaucoup de respect pour les odeurs

- Es-tu prêt ?
- Oui.

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La nuit était totale autour d’eux. Pas un bruit ne venait. Seule la lueur des flammes qui ravageaient le village leur parvenait de temps à autre. Emiko lâcha la main du garçon et inspira profondément.

- Ils sont partis !
- Je ne crois pas... murmura-t-il.
- Mais si ! Et puis Shin doit être ici, en train de nous chercher. Viens !

A contrecoeur, il s’avança. Les hautes herbes caressantes sur ses mollets lui firent peu à peu oublier sa peur malgré l’odeur de chair brûlée qu’il sentait toujours. Mais il trébucha. La nausée le saisit. Il venait de trébucher sur la lance de Shin ! La sueur déferla sur ses reins. Il voulut rappeler Emiko mais c’était déjà trop tard. L’onikage avait surgi devant elle. Ses dents démesurées brillaient au clair de Lune, sa langue noire dégoulinait sur son poitrail putréfié.

- Bonsoir, jeunes gens.

Le garçon crispa les doigts sur la lance de Shin. Celui-là avait un cavalier. C’était lui qui les dirigeait !

- Laissez-la ! hurla-t-il. soulevant d’un coup une lance dont il avait toujours cru qu’elle serait trop lourde pour lui.

L’onikage rugit, ses sabots griffus fendirent l’air.

- Il aurait été plus poli de me répondre... murmura le cavalier d’un ton de reproche.

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Le jeune homme posa sa main sur la lance fichée dans le sol près de lui. Ses yeux noirs se plantant dans les yeux laiteux du cavalier. La main osseuse de l’adversaire caressa le pommeau abîmé. Le Soleil se refléta une ultime fois sur la pointe de sa lance avant qu’il ne s’élance, un cri guerrier sur les lèvres. Son nez, sa peau, son corps tout entier sentaient la présence de l’onikage près de l’adversaire. Mais il ne le regarda pas. Il savait ce qu’il verrait.
Le sabre se croisa contre la lance. Des dizaines de fois. Lao la fit tournoyer dans les airs, faucher le sol, griffer le cuir mais l’adversaire ne se fatiguait pas. Comme s’il lisait dans ses pensées, il argua avec un sourire.

- Un des avantages à être mort, mon garçon.

Il contre-attaqua. Sa lame remontait aisément la hampe de bois mais il semblait prendre plaisir à la joute.

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Le garçon considéra avec stupeur la pointe enfoncée dans le poitrail de l’onikage. Puis il se reprit et tourna, comme on le lui avait appris. Il sentit les os vermoulus se craqueler un peu plus et un cri d’agonie fit vibrer ses oreilles mais un coup porté à sa nuque le fit lâcher prise.

- Quel enthousiasme mon garçon !

Le cavalier quitta sa bête agonisante pour s’agenouiller près du garçon étourdi. Il sentait la mort. Une odeur de sueur, de chair ouverte, de peur.

- Tu ne veux pas mourir, n’est-ce pas ?

Il secoua la tête, incapable de parler. Emiko était figée, terrifiée à quelques pas de lui.

- Tu deviendras sûrement un grand guerrier, même si tu l’ignores. Un homme normal peut rarement toucher un onikage qui charge. Tu as... un don, mon garçon.

Il sentit des larmes couler sur ses joues.

- J’ai trop peu d’hommes de valeur à défier. Passons un marché. Je reviendrais d’ici dix ans. A cet endroit précis pour te défier et pour être sûr que tu sois là, je vais emmener ta camarade. Si tu peux me battre ce jour-là, elle sera à toi. Si tu ne le peux pas, vous m’appartiendrez tous les deux.

Il voulut crier que non mais il était toujours incapable de parler. Il regarda impuissant la cavalier repartir à pied, la fillette hurlant et se débattant dans l’étreinte de ses bras. Il laissa sa monture mourir derrière lui.

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Le jeune Moto sourit. Sa lance traversa le corps du cavalier souillé. Celui-ci s’effondra, son émettre un seul râle d’agonie. Il planta son arme à ses pieds, nerveux et se retourna vers l’onikage.

Il n’y avait personne.
Un rire grinçant comme une pluie de cailloux accueillit sa découverte.

- Tu es le vingt-deuxième crétin à venir mourir ici. Félicitations, mon garçon...

La lame du sabre perça ses entrailles.

- L’honneur... Peuh ! Il aura fauché plus de vies qu’il n’en a sauvées. Emiko a été une brave fillette. Mais elle a refusé de me donner ton nom, jeune Moto. Sois gentil, utilise ton dernier souffle et tu ne craindras plus jamais la douleur.

Le jeune homme ferma les yeux. Il revit Shin, sentit à nouveau le poids de sa lance souillée de sang. Il revit Emiko sa confiance aveugle. Il se remémora tout ce qu’il avait appris sur le combat, sur l'honneur et le respect de l'adversaire. Un sourire aigre fleurit sur son visage ensanglanté.

- Je m’appelle Lao.

Le vieux Moto sourit. Et entraîna le jeune homme avec lui. Il n’eut plus jamais mal et acquis enfin le sens de l’humour qui faisait défaut à tant de samouraï.
Otaku Sh?am
Floodspeakeuse, supp?t de l'outremonde.
Inclinez cette carte et les unit?s ennemies s'en iront ramasser des petits cailloux...

Et dire que des gens oublient les petits cailloux, quelle honte!

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