Kuyden Bayushi, 1160
Bayushi Taneka vagadondait dans les rues encombrées de Ryoko Owari, se bouchant le nez à chaque étal. La fraîcheur ne caractérisait pas le poisson qui arrivait dans cette partie de la ville. Ni d’ailleurs les personnes qui la croisaient. Pas de petit samourai, pas de petit courtisan à qui faire découvrir les délices d’une si grande cité. Taneka remonta vers l’école des courtisans Bayushi, mais elle ne changea pas son attitude d’un iota. Elle était bien une des filles les plus en vue de l’école, et une absence de plus ou de moins se remarquerait peu. Ce n’est pas comme si Taneka manquait pour la première fois un cours. Dès qu’elle avait su que le cursus pour devenir courtisane comprenait des cours sur l’économie de tous les grands clans, elle avait pris la décision qu’on ne verrait jamais son kimono dans cette matière. Autant elle était l’élève la plus assidue dans les cours de séduction, de déguisement, et de courtisan, et elle brillait dans ces matières à la fierté de ses senseis, autant étudier la production de riz du clan de la grue sous Hantei XXXVIII ne l’intéressait pas. Non que la grue ne l’intéressait pas en temps normal, mais elle préférait des choses plus terre-à-terre.
Soudain, alors qu’elle était absorbée dans ses pensées, un jeune samouraï s’arrêta devant elle. Il semblait attiré autant par son kimono qui laissait présager monts et merveilles que par son visage d’ange. Instantanément une voix se fit entendre dans la tête de Taneka : son ancêtre, Yogo Asami se rappelait à son bon souvenir :
Le samouraï : Konichiwa scorpion-sama, mon nom est Kakita Hojui. Votre splendeur m’a tout simplement ébloui et j’aimerais savoir quel est votre doux nom.
Y A : Mignon le petit grue, mais bon son approche est légèrement niaise, personne n’utilise plus ce langage depuis des lustres. Il doit être un novice, n’attends pas Taneka.
Taneka se para de son plus beau sourire en pensant à ce que son ancêtre venait de dire. C’est vrai que ce grue n’était pas déplaisant et pourrait fournir une agréable distraction pour le reste de la journée. Son visage prit une légère teinte rouge, et Taneka prit la posture d’une jeune fille effarouchée. Ce grue ne sait pas masquer les sentiments de son visage, pensa t’elle alors que son ancêtre revenait à la charge.
Je m’appelle Bayushi Taneka, élève à l’école des courtisans bayushi, Hojui-sama répondit t’elle en prenant un air ingénu. Quel vent vous porte à Ryoko Owari si cela n’est pas trop indiscret ?
Je suis actuellement élève à l’école des courtisans doji et mon sensei envoyé ici pour mieux comprendre la philosophie du clan du scorpion, fit-il en jetant un regard furtif vers la poitrine de Taneka.
A ce moment elle savait qu’elle le tenait. Permettez que je vous serve de guide pour découvrir dans le détail toutes les subtilités de cette ville fit-elle, à quoi Hojui répondit par une sublime révérence.
Bien trop facile pensa Taneka, ces grues alors, tous les mêmes, la poésie les séduit le temps d’une ode, mais vite lassés par ces enfantillages ils se tournent vers la seule vraie beauté.
Elle emmenait le jeune grue vers les jardins de Ryoko Owari, non sans à mainte reprise préciser qu’ils ne valaient pas ceux de Kuyden Doji. Le grue semblait aux anges.
Ce n’était d’ailleurs pas le premier mâle à se trouver aux anges en la présence de Taneka. Son charme commençait à être connu au-delà de son école, ou il avait déjà fait des ravages. Il est vrai que l’héritage de son ancêtre, Yogo Asami aidait : en plus d’une apparence physique plus que désirable, celle ci lui avait légué un ensemble de lingerie qui ne pouvait laisser aucun homme indifférent.
Nombre d’apprentis courtisans s’étaient risqués à courtiser cette rose, pour se retrouver aussitôt détesté de ses congénères. Mais l’espoir savamment distillé est le meilleur des poisons : et bien que connaissant sa réputation, chaque jour des admirateurs lui envoyaient des poèmes ou des origamis. Son plaisir suprême était d’observer les réactions de ses chers senseis quand elle se levait pour s’entraîner à parler en public.
Après avoir passé de longues heures dans les jardins pourtant petits de Ryoko Owari, la nuit surprit les deux courtisans. C’est alors que d’un commun accord ils décidèrent de partager une cérémonie du thé. Une fois dans le salon de thé, ils purent enfin délier leurs langues, et chacun s’appliqua à vanter les mérites de son école respective. Le charme de Taneka agissait progressivement sur Hojui, et elle voyait à la lueur dans ses yeux qu’un désir montait en lui.
C’est l’heure de s’amuser pensa Taneka, ce à quoi son ancêtre répondit par un borborygme qui semblait vouloir dire : encore un dont tu ne profiteras pas.
Taneka resservi une coupe de saké à Hojui, tout en lui dévoilant une partie l’héritage de son ancêtre. Elle voyait que Hojui avait du mal à tenir sa coupe tellement le désir le consumait. Pourtant il réussit à prononcer le nom de Taneka suivi de cithare. Taneka rayonnait intérieurement, et s’apprêtait à donner l’estocade finale en lui jouant un air de musique avant de se lever et de disparaître, le laissant seul et désespéré. Le meilleur moment serait quand il partirait à sa recherche, elle le surveillant mais trop bien déguisée pour qu’il puisse la reconnaître. Combien de samouraïs avait-elle piégé dans cette maison de thé, elle ne se souvenait plus. Mais sa cousine, Bayushi Iori qui gérait la maison de thé elle tenait un compte précis et aidait sa cousine à se déguiser, avant d’aller consoler le pauvre samouraï
Pourtant, quand Taneka se retourna ce ne fut plus Hojui qu’elle vit mais Bayushi Agotsu, le responsable de l’école de courtiers. Après un sursaut de surprise, elle se reprit et s’inclina devant son supérieur. Agotsu affichait un rictus de satisfaction qui était visible même à travers son masque.
Je suis confus Agotsu-sama, parvint-elle à articuler.
Ce n’est rien. Les surprises les plus désagréables sont les plus instructives. Quoique mon déguisement n’aurait plus tenu longtemps.
Taneka n’osait bouger de peur.
Je viens de me voir assigné une mission d’un caractère un peu particulier et je pense que vous pouvez m’être utile.
C’est un trop grand honneur bredouilla t’elle.
Si vous parvenez à surprendre ce qui se dira à la réunion à laquelle je vais participer, alors vous saurez quoi faire. Sinon voici un ordre de mission, en cas d’échec vous partirez immédiatement vers les terres de la famille shiba.
La terreur avait fait place à une froide détermination dans les yeux de Taneka.
Pourquoi ces yeux taneka-kun ?
Taneka sursauta devant l’utilisation d’un tel suffixe.
Où nous étions nous arrêtés dit-il d’une voix remplie de sous-entendus.
Et un sourire d’illuminer le visage de Taneka