[Nouvelle] Rendez-vous manqué

Ce Forum est dédié à être un recueil pour les histoires que les Forumistes rédigent dans le monde de L5R.

Modérateurs : Magistrats de Jade, Historiens de la Shinri

Avatar de l’utilisateur
Ide Akio
Gokenin
Messages : 1708
Inscription : 15 mars 2003, 00:00
Localisation : Grenoble
Contact :

[Nouvelle] Rendez-vous manqué

Message par Ide Akio » 15 oct. 2004, 15:06

Le Palais Impérial résonnait des échos de la bataille. La demeure, que tout Rokugan considérait comme un havre inviolable, était à présent la proie de combats acharnés, aussi insensés que sanguinaires.
Dans un coin de la pièce, un petit garçon d'une dizaine d'années sanglotait doucement, ses bras minces entourant ses genoux. En l'espace d'une nuit, Hanteï Sotorii avait vu mourir son père, trahi par celui qu'il
considérait comme son ami le plus cher, et l'endroit dans lequel il avait
grandi violé et souillé par le sang et les cris.
Quand il regardait les teintures du salon où il s'était réfugié en compagnie
de son protecteur, l'enfant ne voyait plus les murs de briques solides à l'abri desquels il vivait, mais les parois sanglantes de l'antre des Adeptes du Sang, à laquelle il avait échappé, il y avait déjà cinq ans. Mais, malheureusement, il n'y avait pas de Yotsu pour le sauver, cette fois-ci, et il mourrait seul, laissant s'éteindre avec lui la lignée du puissant Hanteï...
- Seigneur... lui murmura-t-on à l'oreille.
Sotorii sursauta et tourna son regard vers celui qu'il considérait comme son ami le plus cher.
- Qui y a-t-il, Dairu-chan ?
L'héritier du Scorpion étrécit ses yeux gris et tendit la main vers le
dernier Hanteï.
- Calmez-vous, mon Seigneur. Les renforts ne devraient plus tarder.
- J'espère que tu dis vrai, fit l'enfant en essuyant ses larmes d'un revers
de main. Je n'aime pas ce qui se passe ici. Avec des soldats, je pourrais
peut-être mettre fin au massacre...

Mettre fin au massacre... Oui, c'étaient exactement les mots que son père avait utilisé pour justifier ce qui se déroulait en ce moment...Dairu se souvenait parfaitement.

C'était le dernier moment qu'ils avaient partagé avant... cela. Le jeune
homme se rappelait sa nervosité en entrant dans les appartements de Shoju-oto-sama. C'était si rare...
- Dairu-kun... l'avait-il accueilli, en restant dans son large fauteuil aux reflets sombres.
- Hai, oto-sama... avait-il seulement trouvé la force de bredouiller, en
s'inclinant gauchement.
Contrairement à l'habitude, son père ne l'avait pas réprimandé pour son
manque de manières. Il lui avait simplement fait signe d'approcher.
- Dairu-kun... Vois-tu, dans quelques temps, un terrible évènement va se
produire et tu y auras un rôle à jouer...
D'abord incrédule, puis de plus en plus horrifié, le jeune homme avait écouté son père lui expliquer, étape par étape, les atrocités qu'il aurait à
commettre pour le bien de l'Empire.
D'abord, isoler l'héritier du trône de ses éventuels soutiens, puis le bercer
de fausses promesses d'assistance pour le distraire au moment de...

La main de Dairu se porta vers son katana. Il le devait, sinon l'Empire...
Son bras se crispa, aussi indécis que son propriétaire sur la conduite à
adopter.
- Dairu-chan ? s'étonna Sotorii, les yeux agrandis par la surprise.
Le jeune scorpion serra les dents et sa main se posa enfin sur la poignée de l'arme.

Allez, attrape-moi ! T'as absolument aucune chance !

Sotorii-sama, est-ce vraiment raisonnable ?
Mon père n'en saura rien ! Allez, viens, apprends-moi à me servir de ça !


Dairu laissa sa main tomber à son côté. Il ne pouvait pas ! Que les Fortunes lui pardonnent, il ne pouvait pas !

Rappelle-toi que, si un seul d'entre nous devait faillir, l'Empire sombrerait dans les ténèbres. Tu ne peux échouer !

- Je ne... peux pas... murmura Dairu, les yeux baissés, avant de se redresser d'un coup. Je ne peux pas échouer !
D'un geste vif, il saisit la poignée de son katana et, le sortant de son
saya, en appuya la lame contre la gorge de son ami de toujours.
- Dairu ! gémit l'enfant.
Le scorpion ferma les yeux. Dans un tintement clair, la lame tomba au sol.
- Va... marmonna le jeune homme. Je ne peux pas.
Alors que l'enfant, effrayé, se ruait vers la cloison, celle-ci s'ouvrit
brusquement et une demi-douzaine de gardes se répandirent dans la pièce.
- Sotorii-sama ! s'exclama leur chef. Nous vous retrouvons enfin !
- Gardes ! Il a essayé de me tuer ! glapit l'héritier du trône en désignant
Dairu. Je veux...
- Malheureusement, il n'a fait qu'essayer... l'interrompit le soldat, d'une
voix douce, en dégainant son katana et en le pointant vers l'enfant.
Ce dernier, sous le choc, ouvrit la bouche et tomba en arrière, évanoui.

Sa tête venait à peine de toucher le sol que celle du garde y roulait aussi.
- Pourquoi, Seigneur ? demanda le scorpion le plus proche, le regard fixé sur ce jeune homme qui protégeait celui qu'il avait essayé de tuer, l'instant d'avant.
- Parce que je ne suis que moi... murmura Dairu, les dents serrées en se
jetant sur les imposteurs, le katana au clair.

Quand le dernier soldat s'écroula au sol, la gorge tranchée, Dairu l'aurait
presque envié. Il était couvert de sang, son bras gauche pendait à son côté et il avait l'impression que son coeur était sur le point d'exploser ! En se penchant pour ramasser Sotori, il s'aperçut que sa vue se troublait... Le
manque de sang, sans doute. Mais rien de tout cela n'était important au regard de son devoir envers le nouvel Empereur. Il attrapa l'enfant par les épaules.
- Sotorii-sama !
La jeune fille qui venait de lancer ce cri ne portait aucun mon distinctif, à
part celui du Champion d'Emeraude. Sa beauté exceptionnelle déparait en cet endroit dévasté, comme une fleur à peine éclose l'eut été dans le désert.
- Yotsu-san... murmura Dairu.
- Lâchez immédiatement cet enfant !
Ureiko était seule, mais bien décidée à honorer le serment qui la liait à
l'héritier du trône ! Mais -c'était évident- elle ne vaincrait pas. Même
blessé, Bayushi Dairu était un épéiste bien plus talentueux qu'elle ne le serait jamais. Elle pouvait juste espérer le retenir, l'affaiblir assez pour que Sotorii-sama ne soit pas blessé.
Elle cligna des yeux pour retenir ses larmes. Si seulement elle avait pu
vivre plus longtemps ! Il lui restait tant de choses à accomplir !
Puis elle serra les dents. Sa vie n'était rien en comparaison de celle de l'enfant évanoui devant elle. La jeune femme se rappelait encore, durant les heures les plus sombres de leur voyage jusqu'à la capitale, l'enfant qui passait des nuits à appeler sa mère d'une voix déchirante ! Elle n'y avait pas survécu, elle et sa famille, pour le voir mourir ainsi ! Jamais !
Elle sortit son katana et se positionna comme Toritaka-sensei le lui avait
appris.

Ureiko s'attendait à tout de la part d'un scorpion, mais pas à ce qu'il lui tourne le dos pour s'enfoncer dans les couloirs du Palais !
Une fois qu'il eut disparu de sa vue, la jeune femme s'agenouilla auprès de Sotorii et le prit dans ses bras. Il n'avait rien ! Il n'avait rien...
- Que les Fortunes en soient bénies... balbutia-t-elle, avant de laisser
enfin couler ses larmes.

Dairu courait dans les couloirs du Palais, dépassant sans les voir les
blessés et les mourants, qu'ils soient d'un camp ou de l'autre. Il devait rejoindre son père, lui expliquer son geste. Oto-sama comprendrait... Il n'avait tout simplement pas pu...
Il sentit le duelliste presque avant de le voir : élégant, même dans ce
chaos, ses longs cheveux blancs réunis en une queue de cheval immaculée. Ce dernier détailla le jeune homme d'un oeil critique :
- Eh bien, on dirait que le Scorpion a perdu de sa superbe !
- Que tu crois, Grue... murmura Dairu en se positionnant.
Le Grue l'imita lentement, un sourire carnassier aux lèvres. Le jeune homme savait pourquoi.

Une larme coula sur sa joue.

Adieu, père...
"Soyez doux avec le faible, le vieux et l'ignorant. Au cours de votre vie, vous serez les trois."

Shinsei

Un bon forum de rôlistes grenoblois !
http://rosedesvents.forumpro.fr/index.htm

Répondre