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par Kakita Inigin » 25 nov. 2014, 00:13
La bataille commença bien.
C'est-à-dire que, pour reprendre les mots célèbres d'un stratège Hida mort depuis des siècles, son plan échoua très bien au début, lorsque les premiers navires se rapprochèrent des quais sans voir âme qui vive et sans pouvoir picorer les rues de traits acérés : nul ennemi en vue. Cependant, les kobaya franchirent les piles du pont et se positionnèrent correctement, lançant leurs ancres au fond du fleuve, écrasant les barques mineures ballotées par les flots, et positionnant leurs archers à une position idéale.
Le plan échoua très bien au milieu, quand les sekibune heurtèrent les ruines des piliers des autres ponts cassés et affleurant la surface, commencèrent à dériver, puis se retrouvèrent contraints d'aborder la rive gauche sur les quais au nord de la rue du pont. Les troupes débarquèrent, de force forcée, et commencèrent à occuper les quais sans rencontrer d'opposition significative : quelques combattants éparses, faiblement armés, rapidement dispersés. Cela généra cependant quelques mouvements de troupes perceptibles dans le quartier sud.
Le plan échoua très bien à la fin : le Kaiyo Maru, quant à lui, dévia de sa route pour éviter la manoeuvre oblique des deux navires, mais parvint à s'arrimer au sud du pont, descendit son pont basculant, et quelques bushi commencèrent à débarquer, occupant l'orée du pont des deux rives, escomptant de s'appuyer sur les deux contingents descendus plus au sud et qui progressaient sans difficulté apparente.
Depuis le quartier noble, le mouvement de troupes ne passa pas inaperçu, et les troupes investissant la Voie sacrée alimentèrent un torrent de hourras de la part des samurai perchés sur les murailles de la cité intérieure.
Les charrettes se mirent en route.
La première charrette se mit en mouvement le long d'une maison, prit de la vitesse, écarta un ou deux bushi qui ne s'attendaient pas à la voir débouler, prit encore plus de vitesse, mais buta sur une bite d'amarrage en pierre et, au lieu de s'engouffrer sur le navire amarré et solidement tenu par des gardes et des bornes de pierre, s'engagea sur le pont des deux rives, sous la longue arche qui commençait à vibrer de bushi en marche triomphale.
Et explosa.
La base du pont fut soufflée. Entre deux piliers de pierre, plus rien ne demeurait ; des échardes de bois, des masses de poussière, suivies de blocs de pierre et de madriers, volèrent dans tous les sens. Le Kaiyo Maru vit son avant-pont tordu comme un papier à la flamme ; les troupes qui s'y engageaient passèrent à la baille, qui sur le quai, qui à côté, tous fracassés contre les pierres et les murs d'entrepôts du reste bien entamés. Le navire, cependant, ne coula pas, et les troupes qui y demeurèrent commencèrent à tenter de le manoeuvrer pour se rapprocher de la rive.
Au silence succéda le cri de guerre de dizaines de bushi attaquant de toutes parts, et la voie sacrée se transforma en champ de bataille.
*
La seconde charrette roula son bonhomme de chemin et heurta la porte du quartier noble. Kei eut juste le temps de se dire que les barriques en-dessous d'elle rendaient un son plein et que ce n'était pas normal, avant d'être envoyée dans un toit voisin. La structure entière de la porte se gondola, se raidit, dansa la carioca un instant, se découpla comme si elle était composée de trois sas finement collés par un architecte dingue et soudain décollés, rendue à la liberté et à la vie, et s'effondra dans tous sens.