[0.4-all] Soupçons

[Kakita Inigin]

Les leçons succédaient aux leçons. Leur troisième année avait été l'occasion d'introduire, aux côtés des leçons de lutte, de lecture et des exténuants exercices de première année, aux exercices de tir et de boken, aux cours d emaintien et de géographie et de théologie de deuxième année, des enseignements spécifiques concernant l'Outremonde, la guerre et la Souillure. Des enseignements assurés par une professeur pas commode du nom de Kuni Tomako.

Les cours théoriques étaient compliqués, les exercice spratiques destinés à reconnaître la Souillure également, et les visites dans la Désolation Kuni ne pouvaient pas être considérées comme plaisantes. Mais la vie au dojo était plaisante, les jeunes bushi trouvaient toutes sortes de loisirs durant leurs rares périodes de repos.

Si si, vous avez envie de détailler vos repos ?

[Vlad]

"Koi-koi" fit Retsu à l'attention de son camarade. Cela ne manqua pas de faire pester le jeune homme.

"Mais c'est pas possible !!" protesta-t-il.

"T'as rien vu..." fit Retsu en posant une carte où se trouvait un dessin représentant un cerisier en fleur sous lequel on pouvait voir un jinmaku.



"Et voilà... Shiko plus Hanami..."

"Merde !"

"Allez, je vais mettre un terme à tes souffrances. Game... On arrête-là..."

"Ouais ben on arrête tout court !" fit le géant en se levant.

Il farfouilla un moment dans ses manche alors que Retsu ramassait les cartes.

"Tiens !" fit Shigeru en envoyant une cordelette où étaient enfilés des zeni à son adversaire.

"Mais c'est la dernière fois que je joue aux karuta avec toi !"

"On sait tout les deux que c'est faux, Shigeru..." Comme on sait tout les deux, qu'on boira ensemble l'argent que je viens de gagner...

Alors que Shigeru s'en allait, écœuré de sa défaite, Retsu rangea ses cartes de hanafuda dans sa manche où elles rejoignirent les piécettes qu'il venait de gagner...

[Hida Koan]

Le choc fut rude et Kei s'étala en travers des branches. Les rires des autres fusèrent..

- Bah dis donc tu t'es pas raté!

- Je suis allée plus haut que toi, Kido alors tais-toi un peu.

Le grand jeune homme ferma sa bouche et décida de retenter sa chance, il s'approcha de la paroi de pierre.

Ils essayaient ça régulièrement... Derrière le dojo, une fois passée les salles d'eau, on se retrouvait face à la paroi de la montagne. Tous avaient essayé au moins une fois d'escalader la roche, et c'est celui qui grimpait le plus haut qui se voyait offrir sa tournée du soir. Depuis que Kojiro s'était cassé le bras en tombant, ils s'arrangeaient pour faire leurs essais au dessus du bosquet de feuillus... Ca avait le mérite d'amortir un peu les chutes. Pour le moment, c'était quand même Kojiro qui gagnait... Il était monté très haut une fois, certainement pour ça qu'en tombant il s'était pété le bras d'ailleurs. Il y avait des plus motivés que les autres, certaines fois ils étaient plus d'une dizaine à se lancer. Il n'y avait pas eu d'autres incidents à déplorer et les sensei laissaient faire : ce genre d'épreuve stimulait l'esprit de compétition, l'agilité et la force physique, ils n'auraient presque pas pu trouver mieux...

[Vlad]

Alors qu'il rejoignait sa chambre en sifflotant "sakura sakura", Retsu s'arrêta un instant pour regarder les élèves qui se defiaient à l'escalade.

Même si il n'était pas mauvais dans ce genre de discipline, ce n'était pas sa tasse de thé et il était loin d'être aussi bon que Shigeru ou Kojiro...
Et puis il fallait être un peu inconscient pour se livrer à ce genre de bêtise... Kojiro s'était cassé le bras suite à une chute de la paroi mais cela n'avait pas empêché cette pratique de se poursuivre.

J'espère que personne ne se tuera...

Ce fut alors qu'un des concurrents glissa de la paroi avant de chuter lourdement dans les branches d'un cerisier, provoquant la chute de milliers de pétales roses pâles.

Il se redressa, apparement indemne au milieu des rires de ses camarades. Ce fut alors que Retsu la reconnu. C'était Hida Kei, sans doute la fille la plus tête brûlée de la promo. Elle pris à partie ce gros idiot de Kido, faisant taire les rires.

Retsu ne put s'empêcher de retenir un sourire. Il aimait bien cette fille. Elle était fonceuse et ne machait pas ses mots, remettant à leur place des élèves plus forts ou plus vieux qu'elle sans que cela ne semble la déranger.

Elle était tout ce qu'il n'était pas, se dit-il en la regardant descendre de l'arbre...

[Hida Koan]

Kojiro et Kei étaient assis dans le dojo et jouaient au Gomoku*. Ils avaient déjà été éliminés du tournoi de go improvisé qu'il y avait entre les élèves. Comme d'habitude sans être mauvaise, Kei était moyenne, tout comme le jeune homme. Ils s'étaient rabattu sur un jeu plus simple, moins long et plus amusant. Shigueru était à côté d'eux et regardait le tournoi. Pas mal de passes avaient déjà été faites et il ne restait pas grand monde.

Dans un coin, Kido organisait une petite compétition de lutte avec ceux des perdants qui étaient partants.

Hirozaku venait de battre Kamodo, qui vint se ranger à leurs côté. Retsu, un élève calme et réservé, qu'elle n'entendait pas souvent parler, était en pleine partie avec Yuri-sempai, ça durait presque depuis une heure. Visiblement ils avaient du mal à se départager. Personne pourtant n'avait l'air de s'énerver. Hirozaku jouerait avec le gagnant. Kei ne comprenait pas comment ce jeu pouvait être un amusement.. Les cours d'Art de la Guerre d'accord, ça, ça allait, mais le go? Les sensei disaient qu'il y avait un rapport entre les deux, mais c'était bien trop nébuleux pour l'adolescente.

Kido chahutait Shizuka et profitait visiblement de la lutte pour laisser trainer ses mains baladeuses. Kei posa son cinquième pion blanc "Gagné!" dit-elle. Elle se leva, alla près du plateau de go et essaya de voir si quelqu'un était en bonne posture ou pas.

"Kuzushi " entendit-elle derrière elle, Shizuka avait du tomber. "Pousse-toi de là Kido". Comme d'habitude... Kido battait tout le monde au Kobo de toutes façons, garçon comme fille; mais il prenait un malin plaisir à battre les filles et s'affaler dessus, ça c'était certains.

Les deux joueurs de go continuaient à être extrêmement concentrés. En face d'elle, de l'autre côté du plateau Hirozaku observait également la partie qui verrait gagner son prochain adversaire. "Gyakusente" siffla Yuri-sempai entre ses dents. Kei ne comprenait rien, perdre l'initiative pour empêcher l'autre de la prendre... Bref, un mystère ce jeu. Mais ça avait l'air de sentir la fin.

Elle bascula cul par dessus tête quand Kido l'attrapa pour la mettre sur son dos en rugissant "Ton tour, Kei-chan". Elle se laissa trainer jusqu'à l'autre bout de la pièce en déclarant le ton blasé "Mais lâche moi un peu Kido, tu sais très bien que tu vas me rétamer... Mais pousse ta main de mes fesses merde." Il la posa par terre, elle eut deux secondes pour lisser son vêtement.

"Ushiro Ukemi" clama l'arbitre du moment. Le choc l'avait projetée à terre. "T'es pas bien mon gars hein... Pousse-toi tu m'étouffes... Mais tu pèses trois tonnes, dégage de là." Elle sentit la main de Kido sur sa hanche. Shizuka, juste à côté, haussa les épaules comme pour dire On n'y peut pas grand chose. Kei se tortilla pour se dégager, sous le sourire goguenard de Kido. Quand ce fut possible elle lui balança un bon coup de genoux dans les parties. "Hon soku make ! Disqualifiée Kei". Kido roula sur le côté et jurant. "T'as perdu" dit l'arbitre à la jeune fille. "Bah y'a pas que moi qui ait perdu visiblement" dit-elle en montrant Kido. Il se relevait quand même rapidement.

Elle se dépêcha de retourner à la partie de go comme si ça la passionnait. Elle était prête à partir en courant au premier signe de problème. Il était peut-être fort, mais il ne la rattraperait sûrement pas si elle ne le voulait pas. Il avait l'air d’avoir jeter son dévolu ailleurs de toutes façons. La honte sûrement, espérait-elle. Parce que se faire prendre par surprise par Kido n'était jamais très agréable. Ce serait bien qu'il ne lui en veule pas trop...

La partie de go n'était toujours pas finie, les deux joueurs étaient toujours concentrés et, Hirozaku, toujours là.

[Hida Koan]

Associés aux cours de lecture, ils avaient découvert la tradition de la pièce à tirage au sort qui datait d'Hantei XXXIV et avait été inventé par un général du clan du Crabe Hida Denzaemon*. Ca leur arrivait donc de faire ça... De temps en temps et pour tromper l'ennui. Le principe était simple : tout le monde tirait un petit papier dans un kabuto, certains tiraient des noms de personnages, d'autres des petits papiers blancs. Tous les acteurs avaient alors une semaine pour préparer une pièce, tandis que les autres attendaient sagement la représentation. Tout était permis ou presque, seul les représentations de l'Outremonde n'étaient pas permises et un combat était obligatoire.

Tous se rappelaient de la citation qu'avait donné le professeur de lettre, une citation d'un artiste Kakita qui avait découvert cette coutume de leur clan : "La pièce était grossière, bruyante, obscène, sans rythme, surjouée... mais néanmoins parfaite."

*L'empire d'Emeraude, 4ème ed. p59

[Kakita Inigin]

Shizuka pouffa dans un coin. Tetraebo venait de lui raconter quelque chose de drôle. Ou de risible.
- Tu racontes n'importe quoi. Mais comme je suis gentille, je n'en parlerai à personne.
- C'est vrai, je te jure.
- Mais oui, mais oui. Ecoute, parles-en à Kei, si tu es sérieux.
- Euh... non. Elle m'intimide.
- Pfff poule mouillée.
- Mais je te jure, Shizuka, j'ai vu... j'ai vu son tatouage.
Quand ? Quand tu la matais sous la douche ?
Tetraebo rougit et baissa la tête.
- Pervers. Et menteur.
Et elle partit, laissant le pauvre Tetraebo seul.

[Vlad]

Depuis son entrée en scène, au début de l'acte III, les rires n'avaient pas cessés une seule seconde.

Bien qu'il tienne le rôle principal de la pièce, Benten le voleur, Retsu était tout bonnement ridicule.
Son personnage était sensé escroquer un riche marchand en se faisant passer pour une femme voulant acheter du tissu pour sa robe de mariée. Mais cela avait été sans compter la fourberie des accessoiristes qui lui avait trouvé une tenue que même la dernière des trainées de Sunda Mizu Mura n'aurait osé porter de peur de faire vulgaire... Bilan, il n'avait même pas besoin de jouer pour provoquer l'hilarité de ses camarades.

Kei-chan jouait le rôle de Rikimaru, son complice, mais même elle avait du mal à ne pas rire de la situation.

"Sale voleuse !!" rugit Kido, qui jouait le rôle du marchand, avant de lui coller une baffe magistrale qui l'envoya littéralement voler, dans un éclat de rire général.

Kei eu du mal à reprendre son sérieux avant de sortir sa réplique.

"Comment oses-tu porter la main sur ma maîtresse ?? Ce tissu que tu crois qu'elle t'a volé est un échantillon que nous avons acheté. Tiens ! Voilà le reçu !!" dit-elle difficilement alors que Retsu se relevait. Elle envoya le morceau de papier à la tête de Kido, qui la regardait d'un air bovin.

"Donne-nous 100 ryos où le maître apprendra que tu as battu sa femme et il viendra prendre ta tête !!"

"Une femme, vraiment ??" fit une voix.

Un samurai, qui avait été témoin de la scène s'avança.
C'était Shigeru qui tenait le rôle de Nippon Daemon et qui démasquait Benten à cause de son tatouage à l'épaule, signe de son appartenance aux yakuza.

"Et quelle dame digne de ce nom porte ce genre de tatouage ??" fit-il en lui arrachant sa robe, provoquant l'hilarité générale.

[Kakita Inigin]

La dame passa droite, stricte, regard d'acier et mon croisé. Sentant une présence dans le couloir obscure derrière elle, elle se retourna lentement.

- Que voulez-vous, enfants ?

- Aaaaah !

Les deux garçons coururent comme des dératés, surpris dans leur manœuvre d'approche, leur tension et les boules d'angoisse qui croissaient dans leur poitrine transformées en explosion de terreur absolue. Ils ne s'arrêtèrent que vingt mètres plus loin, comme ils pénétraient dans une allée lumineuse et fréquentée.

- Je t'avais dit qu'on n'était pas prêts.

- Ouais. la prochaine fois, il nous en faudra.

- Le problème, c'est que c'est elle qui les garde.

- Oui, mais j'ai un plan.

[Hida Koan]

C'était un jeu de gamins mais ça leur arrivait régulièrement d'y jouer. Trop de pression disaient les sensei en se foutant de leur gueule.

Pourtant le soir, tard quand il faisait bien noir, ils jouaient à "Trouve l'oni" comme quand ils étaient petits...

Et des dizaines d'élèves du Sunda Mizu Ryu disséminés dans la grande bâtisse qu'ils connaissaient comme leur poche à se cacher dans tous les coins possibles et imaginables (et même des inimaginables), ça pouvait faire beaucoup de barouf.

Quand l'un deux était trouvé, s'en suivait une légère bagarre, si le "trouvé" gagnait, il avait le droit de partir se recacher. Sinon il passait dans le groupe des chercheurs.

C'était comme ça chez eux... Toujours un peu plus sportif qu'ailleurs.

En tous cas tout le monde trouvait ça drôle, l'adrénaline, ça leur faisait du bien.

[Hida Koan]

Tout était bon pour les faire travailler un peu, et par la même faire des économies. Pendant leur "temps libre" on demandait régulièrement aux élèves de descendre sur les docks. Le dojo, tout plein d'élèves Hida et de sensei gigantesques, devait souvent être ravitaillé en nourriture. Plutôt que de payer des livraisons, il était de coutume que l'intendant envoie les étudiants deux fois par mois récupérer toutes les marchandises sur les quais des embarcadères de l'est. C'était l'occasion d'observer aussi un peu la Garde des Eaux. En plus de leur stage obligatoire à la Garde Grise, ça leur permettait d'avoir une vision d'une fonction différente de la cité... Quand bien même ils n'étaient pas destinés à atterrir là-bas.

Ça se passait souvent très bien, cependant on ne pouvait pas passer au travers de tous les incidents. La compétition étant globalement forte entre eux, chacun voulait arriver le premier au dojo une fois ses colis récupérés. Les grandes cavalcades des élèves agitaient souvent les rues ces jours là, et ceux des habitants qui étaient au courant prenaient soin de ne pas sortir leurs charrettes ou leurs étals au plus tôt. Se prendre un élève du dojo de 13 ans mais déjà de 1,75 et 65kg à pleine vitesse et chargé comme un mulet n'était pas très agréable et pouvait faire des dégâts.

Ils s'attendaient en général tous en haut du grand escalier, félicitant les premiers, raillant les derniers... Ensuite, ils allaient tout ranger aux cuisines.

[Vlad]

"Pas d'objections ?" demanda la jeune femme uniquement vêtue d'un large haramaki blanc qui lui couvrait à peine la poitrine.

"Pas d'objections ?" répéta-t-elle, se tournant afin de présenter au reste de la salle le pot qu'elle tenait dans sa main droite.

D'un geste fluide, elle envoya les dés qu'elle avait intercalé entre ses doigts dans le pot avant de retourner ce dernier sur la table qui lui faisait face.

"Faites vos paris !" fit-elle alors que les joueurs misaient leurs jetons.

"Pair"
"Impair"
"Impair"
"Pair"

Retsu ne pu s'empêcher de jeter un coup d’œil à Shigeru. Certes ils avaient l'habitude de jouer aux karuta tous les deux et même de jouer de l'argent de cette façon mais c'était la première fois qu'ils mettaient un pied dans un tel bouge.

Où est-ce que tu nous a amené, Shigeru ?? se demanda-t-il.

L'un des videurs, un sumotori à la carrure impressionnante, donna un coup de coude à son acolyte qui était adossé au mur à côté de lui. Il fit alors un petit mouvement du menton pour désigner le jeune homme qui semblait ne pas vouloir jouer.

Le truand, un homme sec dont le corps était presque intégralement décoré de tatouages représentants des serpents, tourna son regard de fouine vers Retsu.

Ce dernier ramassa vite ses jetons, de grandes plaques de bois rectangulaires, les fit tourner pendant quelques secondes dans ses mains avant de finalement les poser horizontalement sur la table.

"Impair..." fit-il, laissant ensuite échapper un petit soupir.