Critique du film Shinobi

Forum dédié aux hors sujets.

Modérateurs : Magistrats de Jade, Historiens de la Shinri

Togashi Dôgen

Critique du film Shinobi

Message par Togashi Dôgen » 16 mars 2011, 00:26

Critique du "film" Shinobi
by Togashi Dôgen


Ce texte a pour but une critique amateur du film Shinobi, et une comparaison avec les autres versions de l'histoire : l'originale romancée de Yamada Futaro-senseï, ainsi que les versions mangas et anime connue sous le nom de Basilisk Kôga Ninpo Cho.

Commençons par le commençement. Un jour, un homme du nom de Yamada Futaro laissa tomber ses études de médecine pour devenir écrivain. Homme cultivé et patriote, Yamada Futaro écrivit des livres romancés se basant sur la culture et l'histoire de son pays. Ainsi naquit Kôga Ninpo Cho, version "japanisée" et "shinobisée" de "Roméo et Juliette". Kôga Ninpo Cho fût un immense succès et devint l'ancêtre vénéré des mangas de ninja.

Tous les mangas, jeux vidéos et romans de ninja s'inspirent de l'oeuvre de Yamada Futaro-senseï. Et le plus célèbre, "Naruto" de Kishimoto Masashi-senseï, n'en est qu'une pâle copie. Fort de ce constat, ce n'était qu'une question de temps avant que les japonais n'adaptent ce chef d'oeuvre au cinéma.

Je viens de voir ce film et... Franchement, on sent l'écart de niveau par rapport à l'oeuvre originale. Comment dire ? Je me sens comme un fan de Dragon Ball Z qui vient de voir l'adaptation Hollywoodienne de sa série culte, mais avec une envie de meurtre moins importante (quantitativement et qualitativement parlant ^^).

Bien sur, les scénaristes, réalisateurs et metteurs en scène ont souvent tendance à mettre leur sauce, leur touche personnelle dans une adaptation, lors du passage du manga à l'anime. C'est une pratique courante, bien que rarement réussie (Kyô Samurai Deeper, dont les modifications sont comme des cicatrices déformant le visage d'une jolie femme...) et à l'inverse, ceux qui s'en abstiennent ou qui ne retouchent que légèrement, font bien de s'en abstenir (Death Note, Hikaru no Go, Kurozuka qui ne sont que légèrement retouché...).

Ainsi donc, le réalisateur Ten Shimoyama rejoint Oussama Ben-Laden, Adolph Hitler, Heinrich Himmler, Gavin "Fluff Killer" Thorpe, Mao Zedong et les autres enfoirés du siècle dernier, au rang d'Homme à Abattre et de figure Honnie d'un Passée que l'on voudrait oublié, mais qui ne peut l'être à cause des documentaires d'Arte. Brrr...

Anti-râleurs s'abstenir.


Points positifs :

-Relativement bien tourné, sans être du Kurosawa. Les effets spéciaux sont corrects également, sans être pour autant digne de Tsui Hark. Les lames des sabres ont l'air moins factices que celles de la plupart des autres films chanbara récents (sans doute par ce qu'il y a pas de gros plans sur les sabres), y compris Fûrin Kazan. Ceci est un gros plus, car à ma connaissance, mis à part Toshiro Mifune qui voulait utiliser impérativement des figurants de scènes de sabre pour tourner des scènes de sabre (et donc augmenter le coût du tournage par ce choix sélectif des figurants) il n'y a pas grand monde qui ait le bon goût de faire les choses dans l'ordre.

-C'est le seul film avec des vrais acteurs inspiré d'un manga ou anime que je connaisse où les personnages ne sont pas complètement ridicules (le film DBZ, ça vous dis quelque chose ?), même s'ils arrivent quand même à l'être un peu. Rien que ça, c'est un record qui nous sauve du Gérard.

-Tokugawa Ieyasu joue un rôle plus important dans le scénario et a plus de présence que sur les autres supports. Il est plus humanisé que dans les autres supports et que dans les livres d'Histoire classiques. Je l'aime bien moi, Ieyasu.

-Oboro... L'actrice jouant le rôle de Dame Oboro, miss Nakama Yukie, correspond à tous les critères de beauté japonaise. Mais à mon sens, se sont surtout ses yeux qui sont absolument magnifiques (le meilleur plan du film est un gros plan sur son visage au moment où elle combat Gennosuke, on voit alors distinctement l'éclat de ses prunelles), exhubérence mammaire exceptée, elle frôle la perfection, mais elle ferait fureur dans une carrière de mannequin. Toutefois, le personnage perd son innocence et son pouvoir est complètement différend (forcément, à cause des changements apportés aux autres persos et la diminution de nombre de pouvoirs surnaturels et de techniques ninja "magiques", on ne pouvait pas garder sa technique Dôjutsu originale). Au passage, elle perd hélas un peu du côté Juliette qui la caractérisait sur les autres supports, par contre elle gagne de la ressemblance avec la Reine Esther (cf. Ancien Testament) à cause de son courage et de sa maturité. Elle est donc beacoup moins gourde et fleur bleue que dans les autres supports (le fait que Nakama Yukie soit plus âgée que l'Oboro originale doit y être pour beaucoup aussi).

-Yakushiji Tenzen ressemble à s'y méprendre à un chien de meute Daidoji, très classe, c'est mon petit préféré. En revanche, sa personnalité change complètement. Il perd ses côtés intelligent, égocentrique, pervers, sadique, impitoyable, mais ses aspect raffiné, théâtral, sournois et son talent au sabre demeurent.. juste un peu. Le gros changement, c'est qu'il désire la mort (cf désavantage Heisho, dans la liste des désavantages de L5A). Mais le rôle de grand méchant lui est retiré pour mettre en valeur la relation Oboro-Gennosuke. Donc exit les scènes de sexe avec Kagerô et la scène de torture avec celle-ci qui est... d'un raffinement culturel inouie à ne pas manquer. Les altérations produites sur Tenzen indiquent que le film est devenu tout publique, par rapport à l'oeuvre originale.

-La perte d'une bonne partie du côté monstre de foire et fantastique de l'original fait gagner en réalisme à l'oeuvre, même si les techniques restent très fantaisistes et l'ambiance moins ninjutsu que dans l'original (dans le roman, il y a de nombreuses explications sur la plupart des techniques, celle de Asuki Rosai est dûe à une mutation de ses articulations, celle de Shôgen est dûe à une mutation arachnisée, les explications sur les techniques tels que la course rapide et furtive pratiquée par les shinobi, etc).


Points Négatifs :

-Déjà, on passe de dix shinobi par village à cinq, premier haussement de sourcil ! :what:
-Second haussement de sourcil, les motifs de la guerre des shinobi, qui sont autrement plus réalistes et terrifiants, surtout dans la façon où ils sont présentés, dans le roman, l'anime et le manga (le visage de Nankobo Tenkai est terrifiant dans le manga, quand il explique que les vies des ninja n'ont aucune valeur, puisque ce sont des eta) malgré qu'il y ait toujours Tenzen pour mettre de l'huile sur le feu (plus exactement, on a l'impression qu'il assaisonne les flammes avec une bouteille d'huile entière, surtout dans le roman).
-Tout le côté intrigue "polar" et suspens disparaît. Intolérable.
-Plus aucune scène de sexe... Même la scène cultissime où Tenzen s'envoie en l'air avec Kagerô en se faisant passer pour Saemon qui se fait lui-même passer pour Tenzen afin de berner les samouraïs ennemis qui les observent, même cette scène géniale a disparue... C'est un scandale ! :france:
-D'ailleurs, dans l'original, Gennosuke et Oboro sont seulement fiancés, ils ne sont pas mariés. Or, un marriage est enterriné par la conception d'un enfant, traditionnellement, dans le Droit féodal japonais (c'est aussi le cas dans les comuneautés rurales).
-En parlant de scandale : en temps de paix ou de guerre, les ninja ça a toujours du travail, c'est comme les juifs, les marchands et les marchands juifs. Et plus encore avec le pouvoir central qui a besoin de contrôler les bas-fonds et les dessous table de la politique et de la diplomatie. Il n'y a presque aucun intérêt à travailler avec les perdants d'une guerre pour les clans Ninja (surtout les plus forts clans de l'époque, qui sont Iga et Kôga justement). Surtout que les clans Iga et Kôga n'avaient aucune chance d'être employés par le clan Toyotomi et ses partisans, surtout que le géniale Momochi Sandayu était mort depuis longtemps à ce moment de l'Histoire du Japon, et que lui seul aurait put avoir des raisons ou la volonté de s'y opposer. Et en admettant que le pouvoir central ne soit pas suffisant, travailler comme espion ou tueur à gages pour des marchands ça le fait aussi.
-Ni le clan Iga, ni le clan Kôga n'avaient intérêt à se révolter contre Tokugawa Ieyasu, le film manque donc de crédibilité. Sérieusement, vous imaginez un état militarisé sans services secrets ? Impossible. Surtout que Ieyasu avait Iga dans sa poche depuis qu'il avait sauvé et abrité les survivants de l'attaque d'Oda Nobunaga, plus que ça même, littéralement, Iga Tsubagakure lui mangeait dans les mains : ils avaient une longue relation de confiance et de services mutuels. Par la suite, il y eut la tradition de l'Oniwaban, et il est fort à parier que les Oniwaban étaient issus de la maison Hattori, elle-même originaire d'Iga (Hattori Hanzo commandait les services secrets du Shogun, avec plus de 200 shinobi d'Iga sous ses ordres).
-Personnages trop humanisé, alors que dans l'oeuvre originale ce sont tous des monstres sanguinaires (surtout Tenzen qui est, comment dire, la version ninja de Zolf J. Kimblee) avec des sentiments très humains (ça ressort encore plus dans le manga à cause de certains plans, où on les représente parfois comme des silhouettes ombragées avec des yeux et des sourires carnassiers et brillants). Nankobo Tenkai lui-même perd la dimension "vieux politicien retors" qu'il a dans l'original.
-On a perdu le côté galerie des monstres avec tous les gros mutants de l'oeuvre originale et qu'on retrouve dans le manga : Jimushi Jubei qui vaut le coup d'oeil en terme de mutations génétiques, Udono Josuke qui est un véritable monstre sous son apparence de gentil petit gros amoureux transi d'Akeginu, Amayo Jingoro qui est écoeurant en plus d'être un salaud de première et le perso le plus moche de la série et surtout Okoi et Akeginu qui sont des pures bombes Shosuro mixées avec des vampires, et j'en passe.
-Excepté Tenzen et Kagerô, les morts des personnages perdent leurs côtés théâtral, un gros moins ! Surtout pour celle de Saemon, qui est grotesque par rapport à l'originale.
-Chikuma Koshiro qui passe de fan boy d'Iga, disciple de Yakushiji Tenzen et amoureux transi d'Oboro , à membre de Manjidani Kôga... Et il est faible en plus (si vous lisez le roman vous comprendrez pourquoi c'est le second plus fort après Gennosuke, bien qu'il soit doux et naïf) ! Tout ce qui reste au pauvre Koshiro, c'est son agressivité stupide, mais il n'a même plus les moyens de l'assumée. Bref, c'est aussi abject que le café d'un hôpital bas de game sans aucune infirmière sexy en bas-résilles. >.>
-Yashamaru et son look gothique en puissance... Incroyable. Un gros moins pour ce personnage qui perd son côté Bishonen. Exit aussi ses fiançailles avec Hotarubi qui enrichissait considérablement les deux personnages. :/
-Kagerô est nettement plus attrayante et intéressante dans l'anime Ninja Scrolls, qui est pourtant assez boof... Toujours aussi garce par contre. Son pouvoir change également, il n'est pas bien explicité et est bien moins sournois et excitant, mais plus dévastateur (dans l'original, les hormones de Kagerô sécrètent un poison mortel et foudroyant se propageant à travers ses halètement et son souffle lorsqu'elle est sexuellement excitée, du coup aucun homme ne survie après l'avoir prise, hormis Tenzen, et tous les gros mutants de Manjidani sont prêts à mourir pour coucher avec elle et lui permettre de transmettre à ses enfants son pouvoir héréditaire, mais Kagerô ne désire qu'une chose, une idylle impossible, devenir la femme de son amour à sens unique, Kôga Gennosuke lui-même).
-Gennosuke devient un punk dans le film, il n'est même pas capable de comprendre le concept de féodalité, afin de faire de l'explication de texte et permettre à la jeunesse japonaise de s'y identifier plus facilement... D'ailleurs, il perd au passage tout son charisme et son raffinement (c'est un flûtiste talentueux dans les autres versions), ainsi que son côté visionnaire et optimiste, du gâchis. Tout ce que l'on peut dire de positif, c'est que l'acteur assume et joue bien les changements de caractère du personnage.
-Kisaragi Saemon qui devient le fils illégitime d'une Baboushka Russe et de Dark Vador au lieu d'un brave type quelconque avec un complexe du grand-frère et qui est pourtant terrifiant et d'une détermination à toute épreuve (il est, dans l'original, à peine moins terrifiant que Natsume Shin, pour ceux qui connaissent Tenjô Tenge)... C'est grotesque, je suis outré de voir cela.
-Hyoma perd tout son background, sauf son rôle et sa détermination. Il est beaucoup plus classe dans l'original. Par contre, le film le montre dans un design plus en accord avec le film que celui de l'anime. La perte de la scène de sa mort très dramatique est un gros moins (il meurt debout, et même mort, réussit à en imposer à Kôshiro).
-Exit le duel hyper sournois et romantique à la fois, entre Ogen et Danjo... :cut:
-Exit les passages cultes où les ninja barrent les noms des victimes avec du sang humain. C'est un crime odieux ! ><"
-Le faucon de Dame Ogen devient un faucon normal. Alors que c'est un faucon très intelligent, fidèle et... violent, dans l'original (il aide Ogen à tuer Danjo).
-On passe de 20 morts tragiques à 9 seulement, dont quelques unes qui sont assez ridicules (celle de Hyoma, pauvre de lui, et celle de Hotarubi, celle de Koshiro qui est lamentable à souhait).


Conclusion :

Si vous ne connaissez pas l'oeuvre originale, vous pourriez apprécier ce film comme un divertissement, une distraction. En revanche, si vous connaissez déjà les autres supports de l'oeuvre, vous serez sans doute très déçu. Car ce film est exactement l'opposé de la trilogie du Seigneur des Anneaux réalisée par Mr Peter Jackson, c'est à dire que "Shinobi" n'est ni complet, ni cohérent, ni respectueux de l'oeuvre originale dont il n'est qu'une pâle copie mal recopiée.

Avatar de l’utilisateur
Mirumoto Hijiko
Artisan de clan
Messages : 3217
Inscription : 12 mai 2002, 23:00
Localisation : 77
Contact :

Re: Critique du film Shinobi

Message par Mirumoto Hijiko » 17 mars 2011, 20:31

Ils ont fait un film sur le jeu vidéo sur Megadrive ? :)
Excuse-moi de pratiquer un héroïsme raisonné, cohérent et responsable. Moderne en somme.
- Féréüs le Fléau


Grand Stratéguerre - Team Crush the Bug - CPPJ

Répondre