[Récit de partie][0] Passage à Mura Sabishii Toshi

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Hida Koan
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Re: [Récit de partie][0] Passage à Mura Sabishii Toshi

Message par Hida Koan » 11 déc. 2010, 13:41

Quand elle mit sa tête contre mon cœur je crus un instant mourir. Je ne crois pas qu'elle se rendait réellement compte de ce qu'elle faisait. Je suis loin d'être une bête, contrairement à la réputation que je peux avoir... Pourtant j'avais du mal à maîtriser mes envies. Je sentais son corps contre le mien, blotti dans mes bras, l'odeur de ses cheveux et de sa peau. J'avais tout le mal du monde à me contenir, mais cette étreinte me faisait le plus grand bien. Il y avait longtemps que je n'avais pas tenu une femme dans mes bras, surtout comme cela. Quoiqu'il se passe, jamais cette rencontre ne deviendrait une histoire qui s'oublie. J'avais l'impression de respirer comme un soufflet de forge, je l'entendais à peine pleurer. Sa main était posée sur mes côtes, légère comme un papillon sur une fleur. Elle sanglotait et était agitée de petits soubresauts. J'entourais son corps d'un de mes bras, posais ma paume et caressait son dos, comme on cajole un enfant triste. La soie de son kimono était fine comme une brume de printemps et j'imaginais sa peau plus douce encore. Le contact de son corps chaud sous mes doigts me fit frémir. Je mis mon autre main sur sa nuque, pour diffuser un peu de chaleur.

- Nous autres, bushi, nous faisons souvent masser les cervicales. Ca détend.

J'appuyais ma joue sur sa tête. Je savourais plus encore cette odeur de fleur... Du magnolia peut-être. Je n'étais pas très versé dans les arts des plantes. J'étais sur le fil du rasoir. Mon corps abritant le brasier du désir et mon esprit essayant de ne pas céder tant bien que mal. Mais le corps est aussi retors que l'esprit. Juste une main, ça la réchauffe; juste un geste, ça l'apaise. Quelle mascarade de se tromper soi-même. Je continuais à lui caresser le dos et à soutenir sa nuque. Je n'osais plus bouger. Je craignais d'exploser.

- Ca va aller, répétai-je tout bas au creux de son oreille. Tout ira bien maintenant.

Au bout d'un long moment son souffle s'apaisa. Elle était bien ainsi, blottie contre lui, sentant la chaleur de forge de son corps irradier tout autour d'elle. Ses larges paumes caressaient son dos et sa nuque poudrée, en un geste à la fois apaisant et tendre.

"Mon maquillage et ma coiffure sont fichus" pensa-t-elle de façon incongrue.

Elle repensa à son défunt mari, feu Otomo Senzaemon. Jamais il ne l'avait touchée ainsi. Quand on les avait mariés, elle avait douze ans, il en avait cinquante passés. Pour le vieil homme, elle n'avait été qu'une jolie fleur à son service, là pour satisfaire ses caprices et ses exigences. Elle avait subi ses mains sèches sur son corps comme un devoir inévitable, et n'avait conçu que dégoût pour les épisodes sordides où il avait voulu satisfaire ses appétits de vieillard. Puis il y avait eu le long épisode éprouvant de sa maladie. Sa mort, qui à vingt deux ans la laissait libre de ses mouvements, avait été une délivrance.

La remarque prosaïque du bushi la fit sourire au milieu de ses larmes. Elle réalisa que d'une certaine façon, il était aussi désemparé qu'elle-même. Ils étaient deux inconnus, cherchant à tâtons un peu de réconfort ; un îlot de chaleur tiède dans un monde hostile où la violence pouvait se déclencher à tout instant. Elle sentait sa joue rugueuse sur sa tête, la tension de son corps, l'équilibre fragile.

- Que va-t-il m'arriver ? Souffla-t-elle.

La Championne d’Améthyste était encore bouleversée. Je ne savais pas trop quoi faire, agenouillé là, au milieu d’un petit salon dans un palais du clan de la Grue avec une Otomo dans les bras. J’avais évidemment les idées bien arrêtées sur ce que je désirais réellement mais le peu de volonté qui me restait encore résistait tant bien que mal, même si ce n’était qu’à un fil. J’avais l’impression que si elle bougeait d’un cheveu je ne pourrais plus tenir.

- Il vous arrivera la même chose qu’à moi je suppose. Vous allez reprendre une vie normale : Vous lever chaque matin, vous appliquer à la tâche avec la même ardeur qu’auparavant, peut-être plus même. Vous occuperez votre esprit au maximum de vos capacités pour oublier un peu, rien qu’un instant tout ce qui vous hante. Des fois vous repenserez à ce jour, ce jour où tout a basculé. Ce matin. Ici.

J’y pensais fortement également en réalité. J’y repenserais certainement longtemps. Je la plaquais un peu plus fort contre mon corps. C’était idiot en réalité ! Je ne me voyais pas me dégager d’elle maintenant, j’avais honte qu’elle me voit comme ça au milieu de la pièce, au garde à vous… Au moins, la tête enfouie sous ma gorge elle ne pouvait rien voir. C’en était peut-être encore plus ridicule, parce qu’à défaut de pouvoir regarder, elle ne pouvait certainement pas passer à côté. Elle avait son ventre au niveau de mon bassin, et plus j’y pensais moins j’arrivais à me dominer. Je continuais la voix un peu cassée.

- Quand vous serez seule, vous y repenserez. Il faudra juste ne pas flancher. Mais je suis persuadé que vous saurez le faire. Parce qu’au fond, qu’importe que le vent hurle, la montagne jamais ne ploie devant lui.

Etait-ce la solennité de cette dernière réplique ? Le contrecoup de la tension précédente ? Le comique de la situation apparut soudain à Kaiseki. Elle était là, dans les bras d'un valeureux magistrat du clan du Crabe qu'à l'évidence sa présence embarrassait au plus haut point, et ce dernier lui expliquait, après l'avoir rendue à moitié folle de terreur, que sa vie allait continuer comme avant.

Les épaules de la jeune femme tressaillirent, et un curieux petit soupir lui échappa, soupir qui se transforma rapidement en rire étouffé, puis en un fou-rire incontrôlable. Un peu surpris, le bushi relâcha sa prise.

Elle se redressa, la main devant sa bouche, et parvint à articuler entre deux hoquets :

- Pardonnez-moi, Koan-sama...mais la métaphore de la montagne s'applique mieux à vous...qu'à moi.

A un double titre, d'ailleurs, pensa-t-elle.

Voyant son expression, elle tenta de retrouver son sérieux :

- Sumimasen, je ne voulais pas vous offenser.

Je restais comme deux ronds de flan, à genoux et immobile. Au moins sa franche rigolade eut l’effet que je recherchais depuis plusieurs minutes. Je rougis, mais cette fois plus par honte et vexation qu’autre chose.

- Je vois que vous vous portez déjà mieux, déclarai-je d’un ton un peu emprunt de susceptibilité.

Elle que j’avais vu complètement maîtresse d’elle-même, sauf peut-être lors de la mort de Kakuro, venait d’offrir en une heure une palette d’expressions impressionnantes : le recul, la peur, la panique, les pleurs, le rire… J’étais gâté. Elle était encore plus belle maintenant, les pommettes rosies, les yeux réjouis et le sourire aux lèvres. Et moi j’avais des réactions physiques qui passaient du chaud au froid et du froid au chaud en quelques secondes.

J’attrapais du thé en me penchant en avant un peu brutalement. Après tout elle n’allait tout de même pas prendre mal que je la frôle en prenant ma tasse, elle venait de se jeter dans mes bras. Je n’aurais pas du m’approcher autant. Je ne pouvais rien y faire, son parfum si subtil et élégant quand on se tenait à distance respectable était tout à fait grisant quand on était proche d’elle. Je bus le bol d’une traite. La boisson était tiède et m’arracha une petite grimace.

- Je ne savais pas que vous étiez versée dans l'art du sadane.
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Re: [Récit de partie][0] Passage à Mura Sabishii Toshi

Message par Hida Koan » 17 déc. 2010, 00:58

Elle posa sa main, légère, sur son avant-bras, la mine un peu confuse. Normalement, elle ne se serait jamais hasardée à ce genre de choses. Mais cela faisait déjà un moment que la normalité avait disparu, enfuie par la même porte que celle où il était entré ce matin.

- Pardonnez-moi, Koan-sama. Je ne riais pas de vous, mais de moi-même.

Elle ne se moquait pas de lui, mais il avait toutes les raisons de se sentir vexé. Elle décida de se faire pardonner.

De toutes façons, il en mourait d'envie. Et, pourquoi se le cacher, elle en avait envie aussi. Elle se souvenait de la sensation de ses mains sur son dos, sur sa nuque.

Depuis la mort de son mari, elle avait été courtisée à de nombreuses reprises, même si elle avait choisi de garder sa liberté, arguant un deuil bien commode. Elle avait eu des amants occasionnels, des courtisans discrets et bien élevés, s'inscrivant dans un contexte bien délimité. Aucun ne ressemblait, ni de près ni de loin, à Hida Koan.

- Vous ne devriez pas boire ce thé, il est froid...

Très doucement, elle approcha ses lèvres des siennes.

Elle avait sa tête à quelques centimètres de la mienne, les lèvres légèrement entrouvertes et les yeux clos. Mon cœur s’emballa instantanément. Cette montée de désir était assez comparable à l’excitation précédant un combat. On en sent les prémices dès le début de la bataille mais quand le premier assaut s’engage il y a une montée en puissance en quelques secondes qui ravage tout sur son passage. Je pris sa tête entre mes mains et la tournait rapidement de droite et de gauche. Ses yeux s’ouvrirent tous ronds. Je souris.

- Non, non, je vous assure. Même de près, je ne vois aucune trace de souillure.

Je ne lui laissais pas le temps d’avoir l’air offensé. Et je plaquais ma bouche contre la sienne. J’étais tellement excité que j’aurais pu lui briser une dent. Elle avait aussi bon goût qu’elle sentait bon. Je détachais mon visage du sien pour quelques secondes.

- Aucune trace ici, mais je pense que je vais devoir vérifier… Par acquis de conscience.

Kaiseki en eut le souffle coupe, tant de la fougue avec laquelle il l'avait embrassée que de surprise à cette preuve inattendue d'humour. Encore un préjugé qui s'envolait en fumée...

Elle eut une pointe d'appréhension - allait-elle vraiment survivre a l'expérience ? Si elle en jugeait par la force avec laquelle il avait pressé sa bouche contre la sienne, il risquait fort de la briser en morceaux par inadvertance... Elle avait l'impression d'être un jouet entre ses mains, une de ces poupées utilisées dans le théâtre bunraku... S'il la lâchait, elle allait probablement s'effondrer sur le sol, en un gracieux et inutile tas de tissu.

Après avoir repris son souffle, elle répondit, très digne mais avec une pointe de malice :

- Je vous en prie.

Je la pris dans mes bras et me relevai. Elle mit ses mains sur mes épaules, enfouissant son visage dans mon cou. Elle devait peser à peine cinquante kilos même avec tout son barda de kimono. J’avoue que l’idée de la prendre là, sur le sol, était particulièrement attrayante mais utiliser la propre chambre de ce fat de gouverneur l’était plus encore. Je n’eus aucun mal à faire glisser le shoji intérieur avec le pied. Tous les fusuma donnant sur l’extérieur étaient fermés, tous sauf un. Je m’approchai et le fermai promptement… Croisant le regard médusé de Seppun Sotan, à qui je fis un grand sourire avant de lui clore le panneau de bois presque sur le nez. Il ne dirait sûrement jamais rien mais n’en penserait pas moins. Sa maîtresse n’était visiblement pas morte ou en danger de toutes façons. Et garde Seppun ou pas, s’il avait essayé de gâcher ce moment là, je lui aurais fait goûter le parquet.

Je la posais sur les coussins avec conviction, pas comme un rustre mais pas trop délicatement quand même. Et je me retrouvais juste au dessus d’elle, un bras appuyé de chaque côté de sa tête, quasiment sans la toucher. Je pliais le cou et mon regard glissa vers le bas, observant l’espace entre nos deux corps. J’étais confronté à un problème très prosaïque.

- Princesse, vous m’excuserez, dis-je en lui passant un bras sous le dos et en la retournant le plus délicatement possible.

Les relations que j’avais eues auparavant avec des bushi, ne souffraient pas d’autant de complications vestimentaires, sans parler des filles de joie avec le obi noué sur le ventre. Je me retrouvais face à une espèce de monstrueux nœud de soie. J’entendis de petits rires étouffés venir d’en-dessous.

- Il semblerait que vous ayez un oni satiné accroché dans le creux de vos reins. Si vous ne voulez pas que je l’achève, vous allez devoir participer, Dame Otomo.

Question différence avec ses amants précédents, elle était servie...

Kaiseki hésitait entre l'outrage et le rire. Il y avait fort à parier que Hida Koan n'avait jamais eu affaire à quelqu'un de la Cour, ni même de la noblesse...La nièce de l'Empereur, si jamais elle changeait d'avis, lui devrait une fière chandelle...
Elle se faisait l'effet d'un paquet cadeau qu'un enfant impatient tentait de déballer.

- Si vous me permettez, Koan-sama, dit-elle avec toute la dignité qu'elle pouvait réunir, c'est à dire pas beaucoup quand on se retrouve retournée comme un vulgaire paquet de linge à plat ventre sur un tatami.

Elle se redressa à genoux, puis se releva, lissant de la main ses kimonos. Heureusement pour la soie de ceux-ci qu'il ne s'agissait pas de ses tenues de cérémonies mais juste d'une tenue d'intérieur...

D'habitude, la servante l'aidait à ajuster ses tenues compliquées, dont la préparation lui prenait trois quarts d'heures tous les matins. Heureusement, les enlever était un peu plus simple que de les mettre. Tentant au mieux de maîtriser le fou rire qui revenait au galop, elle lui signifia :

- Peindre les vues du Mont Fuji requiert plus que de simplement ouvrir un shoji, Koan-sama. Il faut aussi...un peu d'art et de patience.

Elle se tourna, et dénoua la fine cordelette qui liait l'obi supérieur. Ensuite venait le noeud compliqué du mono o-goshi. Elle le dénoua, et lui confia l'extrémité du lourd obi brodé, avant de tourner sur elle-même, ses longs cheveux tournant autour d'elle, jusqu'à ce que la ceinture de trois mètres de long tombe enfin au sol. Les pans du kake-obi violet s'ouvrirent sur un kimono couleur de crépuscule, brodé de minuscules étincelles, nommé kake-obi, et une nouvelle ceinture. A nouveau, celle-ci fut déroulée, et un troisième kimono, itsutsuginu, apparut, fait de gaze pourpre couleur pivoine.

Sous les yeux éberlués de Koan, qui commençait à se demander s'il y avait vraiment une femme sous cet amoncellement de tissus, huit autres kimonos furent ôtés de la sorte, avant qu'apparaisse l'uchiginu écarlate.

Je m’appuyais sur un coude et la regardait se déshabiller. A chaque nouvelle couche je levais les yeux au ciel. C’était cérémonieux au possible mais ce n’était pas désagréable du tout. Elle était si jolie et si gracieuse que ce lent balai était presque magique. Mais vraiment frustrant ! Je fredonnais l’air de la comptine « Le clair de Lune sur le château en ruine ». C’était d’un rythme assez lent qui convenait parfaitement à la cadence d’effeuillage de Kaiseki. Au sixième kimono, je m’impatientais tout de même sérieusement. Je ne me contentais plus de fredonner l’air de la comptine mais j’y adjoignais les paroles… Des paroles bien de chez moi. Les chansons traditionnelles étaient souvent détournées, surtout par les soldats. Et celle-ci qui mentionnait des fleurs qui s’ouvrent, des murs qui se dressent, des oies qui crient, des pins qui bruissent, était une des préférées des samurai de mon clan car elle se prêtait fort bien au détournement.

Je finis juste de chanter quand je voyais apparaître la dernière couche de vêtements : une fine veste écarlate. Je me redressais, prêt à lui sauter dessus, quand je me ravisai. Je me levai rapidement et lui fit face. D’un mouvement je dégageais mon obi laissant ainsi s’écarter le kimono et le simple sous-kimono que je portais par-dessus mon hakama. Je déclarais très sérieusement :

- Regarder le Mont Fuji en revanche nécessite seulement de faire glisser un shoji.

Malgré les fards, les joues de Kaiseki s'étaient empreintes d'une délicate rougeur. Il chantait d'une voix sonore, pas désagréable, mais les paroles...Elle n'avait jamais apprécié la vulgarité. Elle était à deux doigts de lui signifier qu'elle avait changé d'avis quand il se leva et dénoua sa ceinture, les pans de son kimono s'ouvrant sur son torse massif couturé de cicatrices.

C'était une vision tellement éloignée de tout ce qu'elle avait pu connaître qu'elle en resta momentanément bouche bée. Il y avait autant de différence entre ce torse immense de guerrier, brûlé et tanné par le soleil, constellé de cicatrices, traversé des sillons violacés d'anciennes blessures, et les corps pâles et déliés de ses anciens amants qu'entre un marteau de guerre et un éventail d'ivoire. La façon dont la lumière accrochait les creux et les bosses, dont roulaient au moindre mouvement les muscles sous la peau...Elle avait l'impression de se trouver non pas face à un homme mais face à une créature mythique, un demi-dieu qui tiendrait de la montagne et du dragon, plus puissante et plus impressionnante que quoi que ce soit qu'elle ait jamais vu précédemment. L'aura de sa présence, la chaleur de son corps, l'odeur musquée, poivrée de sa peau, la frappèrent avec une force presque physique.

Elle restait là, debout, interdite, incapable de bouger, le teint empourpré, le coeur battant à tout rompre, sentant une vague brûlante la parcourir de la tête aux pieds.
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Re: [Récit de partie][0] Passage à Mura Sabishii Toshi

Message par Hida Koan » 28 janv. 2011, 20:51

La suite est Dans le Quartier des Saules ici : viewtopic.php?f=41&t=8561&p=356125#p356124
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Re: [Récit de partie][0] Passage à Mura Sabishii Toshi

Message par Hida Koan » 31 janv. 2011, 20:14

[…]

Je l’avais enfin relâchée. Elle était allongée près de moi. Je m’approchais de son visage et y déposais un chaste baiser. Elle avait l’air soucieux. Je lui souris.

- Merci Princesse. Ce jour restera gravé en moi au fer rouge, dis-je avec entrain.

Gravé au fer rouge...Il avait l'air bien allègre, pour quelqu'un qui venait de lui faire l'amour avec une telle fougue...pensa Kaiseki.

Je me relevai et entrepris d’enfiler mon hakama. Tout en nouant la ceinture, je la regardais étendue sur le lit, les cheveux défaits. Elle avait une beauté moins convenue qu’au début de notre entrevue, mais elle était toujours aussi jolie. J’avais laissé quelques marques sur l’intérieur de ses cuisses et sur ses épaules. Je m’agenouillais à côté d’elle et fis courir ma main sur son corps. Un frisson délicieux me parcourut l’échine.

- Sumimasen, soufflais-je sincèrement. Je te prie de bien vouloir m’excuser. Ce… Ce n’était vraiment pas intentionnel, achevais-je gauchement.

Comment avais-je pu songer un instant à accoupler un destrier de guerre avec un gracieux cheval de balade ? Pourtant si cela devait être à refaire, je le referais sans hésiter… Malgré toute l’estime que je lui portais, cela avait été trop agréable pour que je me refuse encore ce plaisir si d’aventure l’occasion se représentait.

Kaiseki se dit qu'elle risquait fort d'avoir du mal à marcher les jours prochains...sans parler d'autres courbatures qu'elle sentait s'annoncer dans tous ses membres... « Pas intentionnel » ?!

Pourtant, à le voir aussi maladroit, elle eut envie de rire. Il avait beau être immense, pétri de muscles et de cicatrices, un guerrier aux dimensions héroïques, il ne lui faisait plus peur, désormais.

- Il n'y a pas de souci. Je vous remercie d'avoir accédé à mon souhait.

Même ainsi dévêtue, les cheveux dénoués, elle réussissait à mobiliser une dignité qui l'habillait autant que ses tenues élaborées.

- Je prendrai plus de précaution la prochaine fois. Je veux que tu m’apprennes à faire attention à toi.

Je l’embrassais, longuement, délicatement. J’emporterais sa saveur avec moi en partant. Je me relevai, la couvris du drap, attrapais mon kimono au passage et me dirigeais vers le petit salon. La théière était toujours là, j’en brisai l’anse avant de revenir dans la chambre. Kaiseki était assise, enroulée dans la soie. Sous ses yeux, je cassais le morceau de porcelaine en deux.

- Je pense que nous avons trouvé un signe de reconnaissance extraordinaire aujourd’hui… Je ne manquerais pas de le remettre en pratique dès que possible.

J’avais le sourire aux lèvres rien qu’en y pensant.

- Cependant, il m’apparaît comme peu judicieux de l’utiliser en toutes occasions, notamment en public. Je te propose donc ceci.

Je lançais le petit fragment de faïence colorée vers elle.

- S’il te plait, garde-le toujours sur toi et n’en parle à personne. Quand je viendrai te voir, tu attendras que je te montre l’autre moitié. Si je ne te la donne pas dans les cinq minutes, tu me renverras. C’est bien d’accord ?

J’avais un ton impérieux, d’un seul coup. La voix de quelqu’un de très sérieux.

Kaiseki eut un soupir navré en imaginant la tête du gouverneur en retrouvant l'état de son service à thé. La délicate théière avait dû être le chef d'oeuvre d'un artisan du clan de la Grue.

Elle prit dans sa main le fragment de porcelaine, pensive. Malgré tout ce qu'il lui avait dit, elle avait du mal à concevoir que quelque chose d'aussi grand puisse exister en double.

"Le remettre en pratique dès que possible"... Comme tous les hommes, il ne doutait de rien. Comme le montrait d'ailleurs son usage du tutoiement, alors qu'elle avait sagement remis une certaine distance dans leur relation toute fraîche. Croyait-il que parce qu'elle avait cette fois cédé à la curiosité, ses appartements lui seraient dorénavant ouverts et ses faveurs acquises ? Elle n'était pas une servante que l'on culbute et qui se pâme sur le passage de son seigneur et maître.

Il méritait une petite leçon.

- Ton soupir veut dire que tu es d'accord? Ce n'est pas un jeu... Je ferai pareil avec toi. Je m'attendrai à ce que tu me montres ce morceau de faïence. Sinon...

Je m'arrêtai une demi seconde.

-Bien sinon j'aviserai, mais bon, je ne plaisante pas.

- Si nous nous revoyons, Koan-sama, j'attendrais de vous un rapport détaillé sur votre enquête, et pas seulement un morceau de porcelaine.

La température de la pièce venait de redescendre brutalement de plusieurs degrés.

Kaiseki percevait le ridicule de la situation. Elle était habillée en tout et pour tout d'un drap de soie qui avait quelque peu souffert de l'épisode précédent, et son interlocuteur était encore torse nu. Il restait essentiel qu'il se rappelle qui elle était, et le respect qui lui était dû.

Je ne comprenais pas pourquoi elle devenait si froide d’un seul coup. Il ne m’avait pas semblé faire quoi que ce soit de répréhensible… Enfin rien de répréhensible avec quoi elle aurait été en désaccord. Je n’avais plus du tout le sourire maintenant.

- Vous aurez ce que vous attendez. Et pardonnez-moi d’insister mais vous me montrerez aussi ce que je désirerai voir… Je parle du morceau de théière, pas besoin de prendre cet air outré, finis-je aigri.

Et je me retournai pour me rhabiller.

Quelques instants s'écoulèrent, sans autre bruit qu'un froissement de soie.

- Retournez-vous, Koan-sama.

Le ton était impérieux. Il s'exécuta, amer. Quelle autre fantaisie lui avait passé par la tête...

Elle se tenait debout, seulement vêtue de sa chevelure, juste derrière lui.

- Baka. Embrasse-moi.

Elle avança ses lèvres entrouvertes. Ses yeux lui souriaient.

Décidément, je ne comprendrais jamais les femmes, ni les Otomo, ou les deux… Ou peut-être que je ne comprendrais jamais les femmes Otomo ? Sale petit mujina… Je fis ce qu’elle me demandait, docilement. Il ne me coûtait pas trop de répondre à cet ordre-là. Elle passa ses bras autour de mon cou, en se mettant sur la pointe des pieds. Cela me fit pas mal d’effet. Je ne pouvais m’empêcher de penser que Kaiseki faisait exprès… Exprès de mettre encore dans cette situation embarrassante alors que je m’apprêtais à m’en aller. J’aurais l’air fin en sortant dans cet état là…

Quittant ses lèvres, Kaiseki souffla à son oreille :

- Tu joues dans la cour des grands, Koan... Les choses ne sont pas si simples. Les faveurs s'acquièrent et se méritent...

Elle fit glisser ses lèvres le long de sa joue, posa ses doigts sur sa poitrine. Puis reprit, sérieuse :

- Prends garde à toi.

Je la regardais d’un autre œil maintenant. Je lui souris, une menace, un conseil, peu m’importait réellement. Ce qui m’intéressait c’est qu’elle ait bien retenu mes recommandations. Je m’écartais à contre-coeur, m’éloignais un peu. Il fallait que je me calme avant de sortir. Je me retournais pour ne plus la voir. J’allai ouvrir les fusuma quand je me rappelai qu’elle était toujours nue.

- Essaie de te procurer du cristal. C’est la dernière chose sur laquelle je n’ai pas vraiment insisté. Ça ne devrait pas être très difficile pour toi. Fais le monter en sautoir et garde le près de ton cœur.

J’hésitais un moment avant de continuer.

- Si tu peux t’arranger pour que ce soit un morceau tranchant ou pointu, ce serait utile.

Le matin était bien avancé maintenant, il fallait que je parte vite. Je m’approchais d’elle une dernière fois et la pris précautionneusement dans mes bras.

- Je dois partir. Votre voleur ne peut plus attendre. Je vous enverrai des missives pour vous informer des avancées de l’enquête. Vous les reconnaîtrez. Si vous ne rougissez pas à leur lecture elles ne seront pas de moi, riais-je.

Je la pris par les épaules et déposai un baiser sur son front. Je m’inclinai très bas.

- Je reviendrai vous voir dès que possible, Dame Otomo.

- Que les Fortunes vous gardent, Koan-sama, s'inclina-t-elle.

Je la laissais là, seule dans la pièce, au milieu de ce fatras de draps, dans une atmosphère chaude saturée de l’odeur de nos étreintes toutes proches. Avant de faire glisser le shoji, je m’arrêtai quelques secondes, sans me retourner.

- Arigato Gozaimasu, Kinu-hime.

Et je passai la porte.

Je sentais encore sa peau de soie sur la mienne et la sentirais encore longtemps. J’avais hâte de la revoir.

La soie sur la roche
La lame dans le fourreau
Le thé devient froid
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