[Récit de partie][1] "Bon retour parmi nous"

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Hida Koan
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[Récit de partie][1] "Bon retour parmi nous"

Message par Hida Koan » 05 nov. 2010, 00:08

Alors alors... Je vais essayer de planter le décor.

Nous jouons la même campagne depuis 7 ans et demi IRL et 5 ans en jeu.

Protagonistes principaux :
Matsu Aku : Magistrat d'Emeraude, bushi matsu rang 5
Shosuro Naomi : Magistrat d'Emeraude, bushi Bayushi rang 5 (ou 4 je ne sais plus...)
Hida Koan : Magistrat d'Emeraude, bushi Hida rang 5
Persos tout neufs ^^ :
Matsu Hanabi : Magistrate (D'Emeraude?), bushi Matsu
Atsuki : Magistrat du clan de la Mante, bushi Yoritomo rang 2 (ou 3... même le joueur ne sait plus ;) )

Nous avons commencé péquins de base comme tout le monde et nous sommes actuellement magistrats d'Emeraude depuis plusieurs années.

Après une bonne période à Ryoko Owari (guerre de l'opium and co), nous avons eu de très mauvais moments (La Tombe de Iuchiban, Les Fortunes Perdues, et autres joyeusetés). Nous avons découvert l'existence de la Folie Noire, avec notre rencontre avec Imoko (la petite fille du scénar du clanbook scorpion) qui a été adopté par la famille d'un PJ (le mien).

Nous avons ensuite été demandé à la Cour du clan du Phénix, afin que deux des PJs puissent courtiser la nièce de l'Empereur, sur ordre express de leur clan.

Suite à ces péripéties (car pour ceux qui connaissent le scénar, ce sont effectivement des péripéties), nous avons été affecté à une région maritime perdue du clan du Phénix. Nous y avons séjourné quelques mois.

Tout ce temps "poursuivis" par des sbires de l'ombre (merci au cas où vous diriez quelque chose de ne rien dévoiler à ce sujet : je ne connais pas la vérité)...

Dernier scénario en date :

Nos pas nous ont mené à accepter une mission jusqu'au terre du clan de la Grue, puis de la Mante, pour enfin atterrir dans un palais de la famille Daidoji dans lequel se tenait une réception ("récompense" de notre dernière aventure chez les Mantes). Réception qui était le cadre d'un "audit" par la championne d'Amethyste, représentante officielle de l'Empereur, ici pour juger de la pertinence de réaliser la prochaine cour d'hiver dans ce palais Grue (et également de juger des personnalités susceptibles de s'y rendre).

Pour les deux PJs masculins, il va de soit qu'il était nécessaires de se faire bien voir auprès de Otomo Kaiseki, afin de pouvoir se rendre à la cour d'hiver et continuer de courtiser la fameuse princesse impériale.

Malheureusement tout ne s'est pas passé comme prévu et la chambre de l'émissaire impériale a été visitée et des papiers lui ont été dérobés. L'enquête a de suite accusée un représentant du clan du Crabe : Yasuki Kakuro. C'était trop évident. D'autant plus que les PJs ont découvert que les documents dérobés l'avaient été par une personne aux pouvoirs très spéciaux (un sbire de l'ombre). Malgré tout, les preuves désignaient Kakuro... Qui sous un accès de stress intense a dépassé les bornes en présence de la championne d'Améthyste, en ayant un comportement violent. Il a trouvé la mort sous le sabre de Matsu Aku (impétueux...). L'enquête s'est cependant soldé, contre toute attente -sauf celle des PJs- par une espèce de non lieu rokugani, proncé par Otomo Kaiseki elle-même (donc irrévocable). "Kakuro s'est donné la mort par sepukku, trop honteux d'avoir été accusé." Les PJs ayant avancé dans l'enquête, un suspect a été pointé du doigt (secrètement évidemment Folie Noire oblige). Ce suspect ayant pris la fuite, les PJs ont avancé leur départ du palais, non sans avoir prévenu Otomo Kaiseki des risques qu'elles semblaient courir [ceci fait l'objet d'un PBEM mais je ne sais pas encore si je vais le mettre ici]. Les PJ ont poursuivi le fuyard. Ils l'ont rattrapé tout près de Ryoko Owari Toshi, il semblait vouloir se rendre à Kyuden Shosuro. Si près de la grande cité, ils ont décidé d'aller mener l'interrogatoire là-bas.

Les voilà donc de retour à Ryoko Owari Toshi. Le suspect a avoué le vol, et autres choses étranges... Avant d'être tué comme le chien qu'il était. Les PJs sont donc dans la Cité des Mensonges, dans leur esprit pour quelques jours à peine, mais sait-on jamais? (puis c'est vrai, je ne sais rien ^^ )

Bon voilà. Il manque évidemment des tonnes d'informations mais bon... Sinon je suis partie pour écrire jusqu'à Noël sans discontinuer!

Bref, ce qui suit n'est pas une nouvelle, c'est juste un morceau de PBEM en cours entre le MJ et moi (je compte bien d'ailleurs lui mettre la pression pour qu'il se bouge pour écrire en mettant ça ici ;) )
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Re: [Récit de partie] Retour à Ryoko Owari

Message par Hida Koan » 05 nov. 2010, 00:11

En se levant de bon matin, Koan eut la désagréable surprise de trouver peint à l'intérieur même de sa chambre "Bon retour parmi nous". Quand il fit mander Hei pour en savoir plus, ce dernier lui transmis un petit pli.

Pendant que le serviteur examinait le mur, Koan le lut avec attention.

" Je suis ravi d'apprendre que notre grande cité vous accueille à nouveau.
J'aimerais profiter de votre présence cet après-midi... Si bien sûr vous acceptez de prendre le thé avec moi.
Votre dévoué,
Shosuro Jocho."

Koan chiffonna le papier, un peu énervé. Jocho parlait comme s'il avait été un de leurs vieux ami. La situation telle qu'ils l'avaient tous trois laissée en partant de Ryoko Owari n'était pourtant pas si rose. Le marché de l'opium avait été divisé entre les familles Shosuro et Bayushi mais cette dernière avait complètement explosée en vol... Les Kami seuls savaient dans quel état était la ville actuellement. Il serait bon de se renseigner là dessus avant d'aller voir le capitaine de la Garde Tonnerre.

Koan laissa Hei essayé de comprendre ce qui avait bien pu se passer cette nuit et se décida à aller voir Naomi. Au passage il héla un autre serviteur, lui dit d'aller prévenir Matsu Aku que l'après-midi les verraient invités à un rendez-vous avec le fils du gouverneur et lui demanda également d'aller informer Shosuro Jocho qu'ils acceptaient tous les trois son offre de déguster le thé avec lui.

Naomi était encore dans sa chambre. Koan entrouvrit le shoji et se mit de côté.

"Je peux entrer, Naomi-san?"

Une voix féminine s'éleva jusqu'au couloir. "Oui, oui tu peux entrer."

Le bushi entra, trouvant la magistrate prête à aller petit-déjeuner, habillée de pied en cap de rouge grenat et groseille, un fin masque de dentelle carmine couvrant le bas de son visage. Naomi reprenait vite les habitudes de la grande cité et ses toilettes se faisant plus recherchées que lorsqu'ils étaient sur les routes. Koan resta devant le shoji qu'il referma tout de suite derrière lui, empêchant ainsi la jeune femme de sortir. La discussion serait privée.

"Nous avons eu une invitation de Jocho pour cet après-midi. Il nous convie à prendre le thé." Elle avait la mine réjouie des gens retors qui savent qu'ils vont mettre le doigt dans une affaire compliquée. Naomi aimait bien ça, contrairement à son alter ego du clan du Crabe. Il continua.

"Nous avons quitté la ville assez précipitamment la fois dernière, en laissant pas mal de choses en plan. Ce magistrat Phénix, en poste, actuellement... Comment s'appelle-t-il déjà? Enfin bref, peu m'importe… Il n'a pas l'air de savoir grand-chose d'intéressant. Je te propose que nous allions discuter avec notre chère veuve Bayushi. J'aime autant préparer un peu l'entretien avec Jocho. Ca te dit de passer la voir?"

Naomi pris la parole le sourire aux lèvres et le ton beaucoup moins protocolaire que sa tenue soignée "Alors comme ça on va revoir cette vieille Saisho. J'espère qu'elle aura des choses à nous dire parce qu'on n'a pas chômé de notre côté, on a réussi à lui faire pas mal de publicité... Et en terres Phénix et en terres Grue. Mmh... Dis-moi, Aku a été invité aussi par Jocho je présume?"

Koan opina et elle enchaîna.

"Bon et bien, dépêchons nous d'aller voir Saisho-san avant qu'il s'aperçoive même qu'on est partis... Il s'étoufferait de savoir qu'on essaie de travailler avec un réseau d'espions Bayushi. Nous viendrons le chercher plus tard."
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Re: [Récit de partie] "Bon retour parmi nous"

Message par Hida Koan » 05 nov. 2010, 23:28

[...]

Naomi et Koan se retrouvèrent à arpenter les rues du quartier noble. Cela faisait presque un an qu'ils n'étaient pas retournés à la Cité des Rumeurs.

Ici pourtant, ils se sentaient vraiment chez eux. C'est donc sans encombre qu'ils arrivèrent à la demeure de feu Bayushi Korechika, sans même se rendre compte qu'ils avaient évité une foule de promeneurs matinaux et de serviteurs à la tâche. Pour nos deux compères, c'était devenu comme une seconde nature et c'était encore pire dans la résidence du Magistrat d'Emeraude où régnait toujours un faux sentiment de sécurité malgré les événements passés.

De l'extérieur, la demeure n'avait pas trop changé quoiqu'on ait remplacé la porte d'entrée par un modèle plus solide, que même un charpentier Kaiu n'aurait pas renié. Derrière les hauts murs se tenait toujours le magnifique jardin aux oiseaux exotiques et le logis principal gardait son imposante splendeur. En revanche, les deux bushi remarquèrent immédiatement le nombre important de gardes : il avait doublé depuis l'époque « Korechika ». Et pas que des budoka car certains portaient le daisho et le mon Bayushi. De toute évidence, ils ne connaissaient pas leurs invités car ils les regardèrent d'un air méfiant comme si la présence de deux étrangers leur était intolérable. Ce dernier point acheva de sortir les deux magistrats de leur torpeur nostalgique.

Oui, nous sommes bien de retour à Ryoko Owari. Et oui, cette ville est toujours aussi dangereuse, songèrent-ils.

Néanmoins, les gardes maintinrent leurs distances. C'est une jeune servante grassouillette au visage rond et rieur - une nouvelle elle aussi -- qui vint les accueillir sur le perron de la demeure en s'inclinant poliment.

« Konnichi-wa samurai-sama. Avez-vous mangé du riz aujourd'hui ? » Dit-elle gaiement.

C'était vraisemblablement beaucoup plus conforme à la bienséance que la dernière fois qu'ils étaient venus, alors que la maisonnée se remettait à peine de la mort toute proche de feu le propriétaire. Naomi prit la parole.

"En effet. J'espère que vous aussi. Veuillez demander à votre maîtresse si elle accepte l'impromptue visite de ses amis magistrats d'Emeraude? Nous sommes arrivés en ville hier et n'avons pu venir lui présenter nos respects avant."

La servante s'éclipsa, toujours tout sourire, laissant les illustres visiteurs poireauter sur le pas de la porte. Saisho serait toujours Saisho, si Hantei lui-même arrivait sans prévenir, il attendrait certainement dehors. Les joies de l'étiquette rokugani sont impénétrables. Quoi de mieux pour redorer son blason que de la respecter à la lettre? Les faire moisir un peu ne pouvait pas lui porter préjudice... Et ses nouveaux gens, frais émoulus de je ne sais quel lieu convenable, ne comprendraient certainement pas qu'on rentre ici comme dans un moulin.

Naomi et Koan attendaient sous le regard concentré et lourd d'interrogations des gardes... Il ne faudrait tout de même pas que ça dure trop longtemps.

Quelques minutes fort déplaisantes plus tard, le temps que les gardes cessent de leur prêter attention, la domestique revint d'un pas allègre.

Sans se départir de sa gaieté, elle leur répondit :

« Je suis navrée mais Saigo-sama est absent pour le moment. Si je puis vous suggérer de revenir en soirée, je suis certaine que mon maître saura vous accorder toute l'attention que vous méritez ». Elle inclina alors légèrement la tête, comme pour saluer quelqu'un à qui on dit au revoir.

Qu'est-ce qu'il fait encore ici? Fût la première remarque que se fit Koan.

La mort d'Otado avait été vengée depuis des lustres maintenant... C'était étrange qu'on ne laisse pas une femme gérer des affaires... Enfin partout ailleurs ç'aurait été normal mais ici justement ç'aurait pu se justifier.

C'est vrai que certains Bayushi étaient restés fidèles à Korechika, d'autres pas. Le genre de subtilités qu'on oublie vite... Koan se rappelait maintenant que le réseau de Bayushi Saisho était réduit. Il allait falloir la retrouver rapidement.

Le bushi commença "Bien. Mais où..." et fut tout de suite coupé dans son élan par Naomi : "Vous remercierez votre maître pour la disponibilité dont il nous fait grâce. Nous sommes enchantés de pouvoir apprécier sa présence ce soir. A quelle heure devons-nous nous présenter?" demanda-t-elle le plus naturellement du monde.

La domestique releva légèrement la tête avant d’observer une pause bienséante. Puis elle reprit de sa voie enjouée :

« Je vous suggère humblement d’arriver pour la fin de l’heure du Coq. Qui devrais-je annoncer ? »

"Hida Koan et Shosuro Naomi, Magistrats d'Emeraude." Elle hésita un instant, feignant l'embarras. "Mais nous voulions simplement présenter nos respects au nouveau représentant Bayushi en ville… Si Saigo-sama préfère que nous venions un autre jour, ce sera également avec plaisir."

La servante sourit "Ce sera parfait. Nous nous reverrons à l'heure du coq alors. Magistrats-sama." Elle s'inclina très bas, marquant ainsi la fin de leur échange.

Les deux bushi s'éloignèrent. Naomi planta Koan devant le premier yatai venu, le laissant commander des ramen fumants pour le petit déjeuner. Elle revint quand il finissait son deuxième plat. Elle s'assit face à lui, la mine triomphante.

- C'était beaucoup plus simple que ce que je croyais. Saisho vit toujours dans son ancienne demeure. Elle a des appartements privés chez Bayushi Saigo.

- Ah… Tu vois que j'aurais pu demander où elle était.

- Pas besoin d'informer la terre entière qu'on va voir la veuve de Korechika. Quelle raison a-t-on d'y aller ? Tu crois qu'on peut faire croire à une visite de courtoisie ? Laisse-moi rire… Des fois je me dis que la nature est bien faite : avec tous les faux pas que tu fais, heureusement que tu es si robuste.

- T'es aussi drôle que t'es maligne, dis-moi. Et donc on fait quoi Madame Parfaite?

- Je pense qu'on devrait arriver à la croiser au temple d'Amaterasu. Il paraît qu'elle s'y rend souvent. Elle est devenue d'une piété, dit-elle les yeux au ciel, sarcastique. Par contre, ça je te laisse gérer, je crois avoir compris que tu as tes entrées là-bas.

- On peut toujours essayer. Pour peu qu'elle y aille de bonne heure, on n’aura peut-être pas perdu notre matinée.

Il se levèrent et se dirigèrent vers le quartier des temples.
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Re: [Récit de partie] "Bon retour parmi nous"

Message par Hida Koan » 06 nov. 2010, 16:31

[...]

Koan entra dans la grande bâtisse, suivi de près par Naomi. Il alla droit vers l'autel principal dédié à la déesse Soleil et se recueillit quelques instants. Il apostropha un moinillon.

"Fais savoir à la grande prêtresse que j'aimerais lui présenter mes hommages. Je suis Hida Koan. Je ne pas eu l'honneur d'être reçu par elle depuis longtemps. Je pense que ça lui fera plaisir de me revoir" Déclara-t-il.

"Mais avant ça, j'ai besoin que tu me dises où se trouve Bayushi Saisho." Le bushi avait l'air sérieux et motivé à avoir son information. A dire vrai, il avait surtout l'air mal luné.

"Alors ? Me conseilles-tu les alcôves ou faut-il que je profite du beau temps dans les jardins?"

Le jeune novice se retourna vivement avant de répliquer effrontément :

"Je vous conseille surtout de rentrer chez vous pour prendre un peu de repos. Et tout membre de la famille Hida que vous êtes, vous êtes surtout un soudard du Clan du Crabe !"

Naomi se dit alors que rien ne pourrait arrêter la fureur du bushi Hida, dont les yeux furibonds lançaient déjà des éclairs contre l'insolent bonze.

"Par les mille joyaux de Jotei [la Fortune de la Rosée Matinale qui protège les fous purs de cœurs], faites qu'un miracle se produise !", implora t-elle.

Pourtant, le puissant Koan n'avait pas bougé. Quelque chose l'avait arrêté.

Peut-être était-ce la silhouette du novice qui, à y regarder de plus près, était clairement féminine malgré le crâne rasé. Ou bien était son accent du sud, si familier ? Toujours est-il qu'un prêtre prit l'initiative de réprimander son apprentie et ainsi lui sauva certainement la vie.

"Hiji ! Combien de fois t'ai je demandé de ne pas troubler la sérénité du temple et encore moins d'importuner les pèlerins !?" vociféra t-il.

Pas gênée le moins du monde, la jeune novice répliqua avec véhémence et une dispute s'engagea sous les yeux médusés des magistrats. Celle-ci se termina quand le prêtre, à court d'arguments raisonnés, utilisa sa bonne vieille canne sur la tête de Hiji. Dès lors, la jeune fille redevint docile, mais ne quitta pas sa moue boudeuse.

"Bien, en guise de pénitence, tu balayeras la cour. Et pour t'excuser auprès de ces samurai, tu leur servira de guide jusqu'à ce qu'ils te congédient." dit-il après un long soupir entendu. Puis le prêtre s'inclina devant nos deux samurai avant de repartir dans l'ombre d'une alcôve.

"Bon, suivez-moi samurai-sama" lança la jeune fille résignée. "Vous vouliez voir qui déjà ?" ajouta t-elle en se frottant sa bosse sur le crâne.

"Je veux voir Bayushi Saisho. Passe devant et magne-toi le train." Koan était passablement énervé. Il suivait la jeune fille avec Naomi, en devisant d'une voix forte. "Si j'avais une fille comme ça je l'enverrai au temple moi aussi. Mais ce n'est pas de sa faute… Elle n'a vraiment du rencontrer que des ivrognes du clan du Crabe. Après tout, à la supporter toute la journée, je comprends que les pauv' gars se réfugient dans l'alcool."

D’un pas rapide, Hiji traversa l’immense cour du Temple d’Amaterasu.

C’était le seul endroit en ville où on ne se sentait pas à l’étroit, un havre de paix derrière de beaux murs de calcaire blanc qu’on ne trouvait nulle part ailleurs en ville. La sérénité ambiante était entrecoupée des jérémiades de Hiji. La jeune fille de quatorze ans marmonnait que « ce n’était pas juste », qu’elle aussi aurait dû être samurai et que ses « vieux » étaient nuls de l’avoir conduite ici, le tout entrecoupé de « zakennayo ! » et autres jurons du Clan du Crabe. Pour autant, elle ne semblait pas prêter attention aux sarcasmes de Koan et se contenta de les conduire vers leur destination.

Hiji contourna par la gauche un jardin zen, ramassa un galet qui s’en était échappé avant de le lancer nonchalamment parmi ses semblables. Satisfaite de sa petite touche personnelle, elle sourit fugacement avant de poursuivre son chemin. Quelques instants plus tard, elle s’écarta pour laisser les deux magistrats apercevoir l’entrée d’un petit sanctuaire.

« Saisho-sama est à l’intérieur », dit-elle en joignant le geste à la parole.

Koan lui ordonna sèchement de l’attendre ici avant de s’engager à l’intérieur. Naomi lui emboîta le pas après avoir gratifié la gamine d’un clin d’œil malicieux. Visiblement la samurai-ko trouvait la situation bien plus amusante que son collègue.

Au fond de la pièce se tenait une statue d’Amaterasu recouverte de feuilles d’or. A ses pieds, Bayushi Saisho était assise sur ses genoux, les mains jointes en signe de prière. Elle avait allumé trois bâtons d’encens dont l’odeur achevait de se diffuser dans la pièce aux murs ornementés. Sur sa gauche un drap de soie jaune recouvrait une étrange boîte cylindrique.

Sentant la présence de nouveaux venus, elle termina sa prière avant de se tourner vers eux de trois-quarts. Puis, reconnaissant les magistrats, elle sourit avant de s’incliner respectueusement.

"Bayushi Saisho-sama" déclara Naomi d'un voix flûtée, en s'inclinant poliment, "Qu'il est heureux que les Fortunes aient guidé nos pas jusqu'ici!"

"Saisho-san" lâcha Koan inconvenant, encore plus derrière l'étiquette parfaite de sa consoeur.

Les deux magistrats s'approchèrent, sous le regard figé de la statue dorée. L'air était empli d'une odeur d'encens légère et agréable. Tout ici respirait le calme… Sauf le grand magistrat. Bayushi Saisho resta un instant inclinée et salua, comme si de rien n'était, ses deux visiteurs.

"Shosuro Naomi-sama, Hida Koan-sama. Avez-vous mangé du riz aujourd'hui?"

Koan masqua à peine son impatience. "Oui nous avons mangé du riz, des nouilles même pour être plus exact. Nous venons vous voir à propos de notre arrangement. Il me semble que nous respectons notre part du marché, nous venons donc quérir des nouvelles… Comme convenu. Quelle est la situation actuelle ici? Comment trouvez-vous le nouveau magistrat? Qui est Saigo? Comment se portent les cartels? Avez-vous eu vent d'affaires étranges concernant le conseil Daidoji? Et sauriez-vous me dire qui a envoyé un putain de ninja dans ma chambre cette nuit?"

Naomi resta stoïque, tiqua à peine un quart de seconde devant le comportement malpoli de Koan. La journée allait être longue… Elle regarda Saisho avec des yeux avenants "Nous prendrons tout le temps nécessaire pour discuter Dame Bayushi. N'ayez crainte, vous aurez le loisir de tout nous dire" ajouta-t-elle laissant planer le doute sur l'objet de son intervention : apaisement ou menace.

L’agressivité verbale de Koan déclencha un mouvement de surprise chez Saisho. Elle écarquilla les yeux un instant et laissa passer quelques secondes avant de se reprendre.

« Je suis ravie d’apprendre votre retour. Je suis sûre que nous allons pouvoir converser longuement sur vos pérégrinations et j’ai moi-même quelques nouvelles à vous apprendre. Mais vos questions sont nombreuses et l’endroit inconvenant pour y répondre. Me feriez-vous la joie de m’accompagner chez une amie ? Elle habite à deux pas d’ici. ».

Avant que Koan ne puisse rajouter quelque chose, Naomi avait déjà accepté poliment l’invitation. Saisho se releva donc et se dirigea vers la sortie du sanctuaire, abandonnant sur place son étrange paquet. La Shosuro lui fit remarquer gentiment son oubli et proposa de porter la boîte. Saisho s’excusa d’être si distraite et accepta l’offre de Naomi. Un léger gazouillis se fit entendre quand Naomi se saisit de l’objet. Puis, tous trois sortirent du temple.

« Et moi ? » s’écria Hiji alors que le trio la dépassait.

« Toi tu balaies la cour ! » lui lança Koan sans même s’arrêter.
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Re: [Récit de partie] "Bon retour parmi nous"

Message par Hida Koan » 07 nov. 2010, 22:32

La veuve n’avait pas menti. A peine avaient-ils bifurqué dans la rue à gauche que Saisho les invitait à entrer dans la boutique d’un potier. Le quartier était calme, contrairement aux autres allées marchandes et pas un commerçant ne se serait avancé à briser la sérénité de l’endroit en hélant les badauds. Ici, on attendait que le client pénètre dans la boutique pour l’aider dans son choix.

L’étal était propre et bien rangé, avec des étagères abritant des bols à thé de style wabi-sabi, simples et sobres. Ce détail esthétique suscita l’attention de Naomi et son intuition fut confirmée quand l’artisan vint se présenter.

« Je vous présente Hamada, un potier qui nous vient de la lointaine Kyuden Tonbo. » commença t-elle.

« Heureux de vous revoir Hamada » répondit Naomi au petit homme aux larges mains. « Comment se porte votre famille ? » demanda t-elle en posant son paquet sur une table.

Le potier répondit cordialement, visiblement ravi de revoir sa vieille amie. Naomi et lui avait noué des liens d’amitié lors de leur séjour au palais du Clan de la Libellule au mois de la Chèvre, l’année dernière.

Seulement, les affaires n’allaient pas fort et Naomi s’était résolue à ne pas laisser se perdre un tel talent. Aussi elle avait payé – avec ses propres finances – le voyage de Hamada et de toute sa famille jusqu’à la Cité aux Murs Verts, avec une lettre de recommandation pour Saisho.

Visiblement le bouche-à-oreille avait fonctionné car l’artisan prospérait.

Hamada accompagna ses invités vers l’arrière-boutique où une table les attendait. Il leur présenta un grand bol d’eau pour qu’ils fassent leurs ablutions, puis s’en alla préparer du thé.

Une fois seuls, Saisho entama les politesses d’usage (au grand dam de Koan) avant d’aborder le vif du sujet, en prenant soin de bien peser ses mots.

« Grâce aux cieux, la situation s’est considérablement améliorée à Ryoko Owari. Les anciens griefs ont été oubliés et les familles du Clan du Scorpion travaillent main dans la main. Il faut dire que Saigo-sama a fait du très bon travail pour restaurer la confiance. Comme quoi parfois, il suffit de la venue d’un étranger pour que les choses se dépêtrent d’elles-mêmes. Cela me fait penser à votre arrivée ici, je crois que je ne vous remercierai assez pour ce que vous avez fait pour moi. »

Et c’était vrai, pour la première fois, les magistrats virent que le visage de Saisho rayonnait.

« Bien sûr, tout n’a pas été facile et nous avons tous dû prendre sur nous pour arriver à ce résultat. Saigo a dû ainsi réorganiser toute la maisonnée et a congédié nombre de mes anciens serviteurs. Mais il a eu la bonté de me garder auprès de lui et m’a laissé toute l’aile est de la résidence. Cela me permet de rencontrer mes amis en toute quiétude : il suffit qu’ils passent par la petite porte. Et grâce à vos relations, par Dame Doji, qu’elles sont nombreuses ! C’est bien simple, je n’ai pas une minute à moi. »

- Je suis fort aise d’apprendre que votre vie est presque revenue à la normale, répondit le magistrat. Mais ce qui m’importe c’est surtout de savoir si votre vie est redevenue assez normale pour que vous puissiez avoir de l’influence et les contacts dont nous avons besoin. Vous l’avez-vu, j’ai beaucoup de questions… Et peu de réponse.

Le bushi se calmait, mais doucement. Il pencha la tête vers la porte et essaya de repérer l’artisan. Il lui conseilla d’amener le thé au plus vite.

- Ce que je voudrais savoir déjà. C’est ce que vous pensez réellement de Saigo. Vous n’allez pas me faire croire qu’il a pris la place de votre mari, qu’il a pris votre maison, qu’il a démêlé un merdier infâme qui était en partie de votre fait sans que ça vous fasse rien. Il ne se méfie pas de vous ? Il ne vous épie pas ? Le réseau que nous vous avions demandé d’utiliser, sur les cendres fumantes de celui de feu votre mari… Il est en place ? En parallèle de celui de Saigo ? C’est le même ? Vous pensez peut-être qu’il n’est pas au courant ? Voilà c’est d’abord ça qui m’inquiète. A quel point je peux me fier aux informations que je vais récolter, sinon je préfère encore qu’elles pourrissent sur pieds.

Hésitante, la dame Bayushi remis de l’ordre dans ses idées avant de reprendre.

« Saigo-sama est un bon samurai. Très bon même. Aussi loyal et dangereux que pouvait l’espérer Shoju-dono. Et c’est pourquoi il a son appui. Autant vous dire qu’avec l’aval du Champion de Clan, il ne lui a pas fallu longtemps pour remettre de l’ordre dans la cité. Même Hyobu-sama est contrainte de le traiter d’égal à égal. »

Elle marqua une pause avant d’ajouter le plus humblement possible :
« Quant à sa prétendue usurpation, j’ai le regret de vous dire que vous vous méprenez Koan-sama. Je n’ai aucun regret sur mon ancienne vie.

Saigo-sama aurait aussi bien pu m’abandonner à la rue, en pleine disgrâce, mais il ne l’a pas fait. Nous autres membres du Clan du Scorpion tenons notre devoir en haute estime, tout autant que vos cousins du Clan du Crabe.

La mission de feu mon époux s’est achevée, pas dans les conditions que j’aurais pu souhaiter, mais cela ne change rien au fait que Saigo-sama est à son tour investi de cette mission. Après tout, ne sommes-nous pas les serviteurs de notre seigneur ? »

A ce moment Hamada apporta le thé avec des petits gâteaux de haricot qu’ils partagèrent tous dans une ambiance faussement décontractée, avant que l’artisan ne reparte vaquer à ses occupations.

« Pour revenir à vos préoccupations, il est évident que Saigo-sama ne me fait pas confiance. Je le déplore bien évidemment mais ses doutes l’ont convaincu de procéder à de larges remaniements dans l’organisation de feu mon époux. Oh, bien sûr, tous n’ont pas été congédiés. Mais les intermédiaires ou les individus de seconde importance, ceux-là ont eux à en partir. Certains se sont reconvertis dans d’autres domaines d’activités… »

Elle posa sa tasse désormais vide.

« Mais d’autres se sont tournés vers la seule personne à pouvoir veiller sur eux. En d’autres termes moi » souffla t-elle, un léger sourire sur la commissure des lèvres.

« Soyez sans crainte mes amis, le réseau de Korechika est toujours en place » annonça t-elle avec une pointe de triomphe. « Mieux, il est devenu invisible car inoffensif. Et Saigo-sama a d’autres chats à fouetter plutôt que de s’occuper des restes d’une époque révolue. Même pour un homme comme lui, la Cité des Rumeurs ne s’apprivoise pas si facilement. »
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Re: [Récit de partie] "Bon retour parmi nous"

Message par Hida Koan » 08 nov. 2010, 23:09

Koan se dérida enfin à l’annonce de la bonne nouvelle. Il sourit. « Voilà qui me réjouit. Vous ensoleillez ma journée Saisho-san. Maintenant que vous nous avez assuré du bon fonctionnement de votre groupe d’amis, j’aimerais que vous nous renseigniez sur l’état du trafic d’opium en ville… Le nombre de cartels notamment, si les relations entre eux sont bonnes… Y’a-t-il eu de nouveaux arrivants ? »
Saisho resservit du thé aux deux magistrats avant de répondre au Hida.

« Les affaires des cartels se portent bien. » commença t-elle. « Pas aussi bien que par le passé car il a fallu repartir de zéro pour les Bayushi. C’était un travail considérable, Hantei lui-même y aurait renoncé. Mais, comme je vous l’ai dit, Saigo-sama bénéficiait et bénéficie toujours d’appui de premier ordre. Partout où il se rendait, les négociations allaient dans le bon sens pour son groupe d’intérêt. Ce n’est qu’avec le gouverneur Hyobu que les choses se sont un peu corsées. A la suite d’un entretien houleux, les deux parties ne se sont plus adressées la parole pendant une semaine. »

Saisho sirota son thé avant de continuer. « A ce moment-là, j’ai bien cru que la guerre allait reprendre. » fit-elle, alors qu’elle reposait sa tasse dans un imperceptible tremblement de la main. Naomi comprit que cette pensée évoquait pour la veuve d’amers souvenirs. Toute sa politesse ne pouvait masquer sa tristesse d’avoir perdu ses proches. « Mais c’est alors qu’un coursier est arrivé de Kyuden Bayushi avec un pli marqué du sceau du seigneur Shoju. Le contenu de cette lettre ne m’a pas été révélé, en revanche il semblerait que Hyobu-sama ait été contrainte de céder aux exigences des Bayushi. Elle ne l’a pas fait de bon cœur, mais elle a quand même dû céder un dixième de sa récolte à Saigo-sama, qui héritait également de la part des Soshi. »

« Après cet événement, les affaires reprirent à un rythme régulier. La perte des champs de pavot fit que les quantités exportées furent moindres, mais à part ça, tout se déroula comme prévu. Les Bayushi commercèrent avec le sud de Rokugan tandis que les Shosuro traitaient avec le nord de l’Empire... ».

Elle hésita avant de reprendre : « A un détail près. J’ignore comment mais Saigo-sama a également obtenu de commercer avec le Clan du Lion. Ce qui n’est pas logique car il n’a pas les ressources pour satisfaire à la demande. Plus étrange encore, les Shosuro ont continué leurs affaires, si bien que nous avons deux fois plus de caravanes qui partent vers le Col de Beiden, toutes bourrées de marchandises ! Et tout ça bien entendu, avec l’aval du Magistrat d’Emeraude Shiba Ganryu, qui profite largement des absences de Kumeniko-sama pour signer des laissez-passer à tour de bras.
Etrange affaire… » Finit-elle par lâcher et sa phrase resta en suspens.

Dans l’arrière-cour, Hamada entreprit de couper du petit bois pour son four à poterie. Une dizaine de coups de hachette s’écoulèrent avant que l’un ou l’autre des interlocuteurs ne se décide à reprendre la parole.

Koan réfléchissait. Il n’était pas persuadé d’avoir envie de remettre le doigt dans l’engrenage monstrueux qu’était le trafic d’opium. Mais il avait demandé des informations, il en avait eu. Quelque chose semblait n’être pas clair… Et surtout le marché semblait avoir quasiment explosé, à en croire Saisho, il avait presque doublé. C’était vraiment étrange. De plus il faudrait avoir une petite conversation avec le nouveau magistrat : s'arranger pour que ce ne soit pas une guerre civile d'accord mais se rincer complètement avec le trafic, non. Le bushi se posait nombre d’autres questions mais il faudrait en sélectionner quelques-unes. Qui plus est il ne savait pas s’il était judicieux de se rajouter des problèmes en ce moment…

« Avant de passer à des questions un peu plus… Disons un peu différentes… Ma curiosité me pousse à vous demander des nouvelles de Magda. Est-elle toujours ici ? »

Saisho plaça délicatement les mains sur ses cuisses et en profita pour se lever très légèrement afin de laisser circuler le sang dans ses mollets. « Vous voulez parler de la gaijin ? » fit-elle en fronçant les sourcils. « Je suppose qu’elle réside toujours sur l’Ile de la Larme, mais c’est un lieu que je ne fréquente pas, comme vous pouvez vous en douter. Toujours est-il qu’elle n’a pas quitté la ville, si c’est cela que voulez savoir ». Même Naomi se demandait où Koan voulait en venir. S’agissait-il d’une diversion courtoise ?

« Je demandais cela par pur égoïsme » dit le bushi, comme un peu mal à l’aise. « J’aurais peut-être l’occasion de me rendre là-bas lors de notre séjour. Je me demandais juste si l’établissement était encore ouvert. » Lors de leur dernière visite, en plein enfer d’une querre de l’opium a son paroxysme, Magda les avait supplié pour avoir un sauf-conduit. Elle leur avait fourni en échange le journal de feu Ashidaka Naritoki, l’ancien magistrat de la ville. Koan désirait juste savoir si elle avait réussi à partir. Il semblerait que non.

« Bon… Revenons à nos moutons. J’ai d’autres sujets moins sympathiques à aborder. Connaissez-vous un Shosuro Emon ? »

Saisho regarda Koan d’un œil circonspect. « La Maison des Histoires Etrangères est effectivement toujours ouverte. » fit-elle avant de reprendre une attitude plus posée.
« Shosuro Emon dites-vous ? Non, à mon grand regret, je ne le connais pas.
Mais je suis parfois si distraite. Si vous le désirez, je peux me renseigner » dit-elle amicalement.

"J'apprécierais assez effectivement. Inutile de vous préciser d'être discrète... Gardez tout de même cet avertissement en tête, plus que de coutume. Ce sont les seules questions qui me viennent à l'esprit pour le moment. Pourrons-nous vous recontacter au temple?"

« Et pourquoi pas ici-même ? » proposa Naomi. « L’endroit est confortable, la compagnie y est agréable et cela serait bien plus convenable qu’un temple consacré. Qu’en dis-tu Koan-san ? A moins, bien évidemment, que tu ne souhaites très vite revoir ta chère amie Hiji. » conclut-elle les yeux débordant de malice.

Si Saisho éprouvait une quelconque curiosité sur cette dernière remarque, elle en feignit poliment l’indifférence.

« Mais j’y pense, » reprit Naomi, « n’as-tu pas demandé rendez-vous à la grande prêtresse du Soleil tout à l’heure ? Il va bientôt être midi, elle aura bientôt fini son oraison. C’est le moment opportun pour y aller, ne crois-tu pas ? »

Puis, s’adressant à Saisho, Naomi lui souhaita un bon après-midi, en espérant la revoir chez Saigo ce soir. La dame Bayushi répondit avec courtoisie, avant de prendre congé des deux magistrats.
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Re: [Récit de partie] "Bon retour parmi nous"

Message par Hida Koan » 09 nov. 2010, 19:47

« Bien, où va-t-on ? », demanda la samurai-ko.

"Je vais aller au temple. Tu pourrais rentrer à la magistrature, expliquer un peu à Aku la situation actuelle ici. Pas besoin de lui dire d'où tu tiens tes renseignements... De toutes façons on sait tous les deux qu'il ne posera pas la question. Je vous rejoins là-bas ensuite et dans l'après-midi on ira voir Jocho. Ca te convient?"

La samurai-ko acquiesça avant de partir en trottinant. A cette vue, Koan sourit : « Pour un peu, on penserait qu’elle part en mission de reconnaissance. » songea t-il.

Pivotant sur ses talons, il se dirigea à nouveau vers le temple d’Amaterasu-no-kami. Dans la cour, il croisa la petite Hiji en train de balayer la cour demi dalle par demi dalle. Avisant le bushi, elle pointa du doigt le nord-ouest où une petite tonnelle se dressait au milieu d’un jardin. Le temps s’était dégagé et il semblait que la grande prêtresse Meiyo souhaitât profiter des bienfaits de sa divinité.

A première vue, l’arrivée de Koan était prévue car les deux prêtres à l’entrée du pavillon de toile s’écartèrent respectueusement. A l’abri des murs de tissu blanc, Meiyo-sama était assise en position seiza, ses grandes robes faisant garde autour d’elle. Elle se tenait ainsi, droit vers son visiteur, le fixant de ses yeux emplis de sagesse. Même Koan se senti intimidé. Non, c’était plus que cela, il était plein de respect pour cette auguste personne.

Le bushi regarda longuement la vieille femme. Il l’avait rencontrée de nombreuses fois lors de ses précédents séjours à Ryoko Owari Toshi. La grande prêtresse avait toujours été énigmatique, mais toujours sympathique. Elle l’avait aidé à protéger Imoko, elle l’avait écouté quand il avait abordé avec elle le sujet de la Folie Noire, elle l’avait guidé sur le chemin de la réflexion quand il était perdu. C’est dans ce temple qu’il s’était réfugié avec Imoko quand il avait été confronté à ces créatures malfaisantes. C’est ici que la grande statue d’Amaterasu les avait sauvés et avait détruit leurs assaillants.

Il s’agenouilla devant la vieille femme, le front à même la terre.

- Meiyo ue-sama. Merci d’avoir la gentillesse de bien vouloir me recevoir. Je suis de retour en ville depuis hier. Je souhaitais ardemment vous présenter mes respects, ainsi que ceux de mes amis.

Il attendit que la prêtresse prenne la parole.

Après une pause adéquate, Meiyo s’inclina à son tour.

« Il est heureux pour une humble prêtresse de voir ses meilleures ouailles revenir dans sa paroisse. Vous serez toujours le bienvenu sire Koan. » Répondit-elle. Puis elle ajouta : « mais je lis dans vos yeux un accablement pour le moins inhabituel. Porteriez-vous à nouveau un lourd fardeau sur vos épaules ? Peut-être que la prière à mes côtés pourrait l’alléger quelque peu ? »

Devant la sympathie de la vieille femme, Koan ne put s’empêcher de se confier, rapidement, d’une voix heurtée, emplie de douleur. "J’ai perdu ma sœur, prêtresse. J’ai dû la confier… A des gens qui soi-disant sauront mieux s’occuper d’elle. Je n’en crois rien. Je regrette. Je n’ai pas de nouvelles. Je ne sais pas où elle est ni si elle va bien. Je crains qu’elle soit en danger. Elle serait mieux avec moi j’en suis persuadé. Peut-être sont-ils de sa famille ? Peut-être le sont-ils plus que moi ? Mais je souffre mille morts d’être séparé d’elle. Mon cœur saigne chaque jour… Chaque jour un peu plus encore, car j’ai peur. Peur qu’elle change, qu’elle m’oublie, me déteste. J’ai peur de l’avoir vraiment perdue. Je ne sais rien et… Et je ne peux pas me battre, je ne sais rien." Finit-il désespéré.

Koan resta un long moment replié sur lui-même. Il ne s’aperçut même pas que la grande prêtresse s’était levée pour se placer juste à côté de lui.

« Relevez-vous, mon ami » dit-elle simplement. Le Hida s’exécuta, releva la tête pour découvrir le visage rayonnant de bonté de Meiyo-sama.

« Votre sœur est peut-être loin de vous, mais je suis sûre qu’elle vous garde dans son cœur. Un lien indestructible vous unit, plus fort que la distance ou le temps. Et n’oubliez pas que, où qu’elle soit dans l’empire, le regard bienveillant d’Amaterasu l’accompagne. »

Koan digéra ces paroles réconfortantes. C’était comme si les doux rayons du soleil printanier transperçaient ses épaules, l’enveloppant d’une chaleur apaisante.

« Les dieux veillent sur vous et sur les vôtres, sire Koan. Ils me l’ont dit. Pourquoi ne les écoutez-vous pas ? ». La question était purement rhétorique pourtant, le bushi fut interpellé par l’interrogation.

Comme pour confirmer ses soupçons, la prêtresse reprit alors : « Je vais prier pour votre sœur. Peut-être devriez-vous en faire autant. Après cela, je veux que vous rentriez chez vous. Même les héros ont besoin de repos. Méditez et faites le Vide dans votre esprit. Ce n’est que comme cela, que vous trouverez la voie. »

Tout en congédiant son invité, elle conclue : « Si vous aimez la pêche, demandez à Hiji de vous conduire au sud de la tour de guet occidentale. On y fait de bonnes prises paraît-il »

Koan scruta le visage de la petite femme, tâchant de graver pour toujours dans son esprit son sourire bienveillant. Elle partit vers la bâtisse principale, laissant le bushi la regarder traverser la cours d’un pas lent et mesuré. Il resta quelques instants debout les bras ballants, réfléchissant à ce que la prêtresse lui avait dit. Ses yeux se posèrent sur la jeune fille qui balayait les dalles. Il se dirigea vers elle sereinement.

« Hiji-san, j’ai beaucoup à faire aujourd’hui. Je ne pourrais pas me libérer avant demain matin. Meiyo-sama m’a conseillé de me faire guider par vous jusqu’à la tour de guet occidentale, afin que vous me montriez un coin poissonneux il semblerait. Je crois effectivement que cela ne me fera pas de mal de penser à autre chose… J’en informerai votre supérieur direct en partant. Si vous l’acceptez je viendrai vous chercher demain à l’aube. » Lui déclara-t-il aimablement, son ton contrastant presque de manière choquante avec toutes les paroles qu’il lui avait adressées de la journée.

L’adolescente, que l’amabilité qu’on lui témoignait rendait perplexe, gratta son crâne rasé.

« Euh.. moi j’veux bien Hida-sama, j’en serais même ravie mais… » fit-elle avant de s’interrompre. Elle fut presque étonnée de que le bushi ne lui colle pas une gifle et se décida à continuer : « Mais si vous voulez aller pêcher, j’vous conseille de venir plus tôt, au début de l’Heure du Tigre (03h00 du matin) : c’est à cette heure que la poiscaille elle sort».

Koan fit une légère grimace. Après la journée qu ' il était en train de passer et l ' entretien de ce soir chez le nouveau représentant Bayushi, il risquait d ' être dans un état lamentable pendant la nuit. Cependant il répondit :

"Va pour l ' heure du tigre alors. Je n ' ai pas de matériel. Si tu veux bien, " il sortit deux bu de sa poche "j ' aimerais que tu puisses m ' en acheter cet après-midi. Ne prends pas de wa-zao de plus de douze morceaux, je n ' aime pas perdre une demi-heure à les monter. Je vais avertir celui qui t'a mis un coup sur la tête ce matin. Je suppose que c ' est la bonne personne à qui m ' adresser pour parler de toi. Bon courage... Pour la cour. Et à ce soir." Le bushi partit sans un mot de plus.

Il alla prier quelque temps devant un petit autel, dans le corps principal du temple. Il y resta une bonne demi-heure, puis repris le chemin de la magistrature, sans avoir oublié de prévenir le shinpu qu ' il viendrait chercher la petite à l ' heure du tigre.
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Re: [Récit de partie] "Bon retour parmi nous"

Message par Hida Koan » 10 nov. 2010, 18:10

[...]

Quand il revint à la magistrature il restait peu de temps avant d ' aller voir Shosuro Jocho. Koan se dirigea dans sa chambre, au premier étage, héla Hei et lui dit : "Réveille moi trois-quart d ' heure avant que l ' on ne parte et prépare moi un bain que je puisse prendre dans l ' intervalle. Je vais dormir un peu en attendant. Tu peux prévenir Naomi et Aku que je suis rentré." Le bushi allait suivre les conseils de la grande prêtresse, elle lui avait dit de se reposer, alors il se reposerait. Il déroula rapidement son futon et s ' étendit, les yeux fixés au plafond. Le début d ' après-midi était agréable... Il ne parvint pas à trouver le sommeil, mais il fit du mieux qu'il pût pour se détendre.

La journée s’égrena lentement tandis qu’une brise se leva et vint quelque peu gâcher la douceur accumulée. Dans le jardin, Matsu Aku et sa belle-sœur, Hanabi, s’entraînaient au bokken. Puis, leurs kiai s’estompèrent et Koan se dit que les deux bushi devaient avoir terminé leurs katas. L’heure de la toilette avait sonné. Le Hida descendit au rez-de-chaussée pour rejoindre ses camarades dans les bains. Naomi était étrangement absente pour quelqu’un d’aussi coquet qu’elle. Quant à Atsuki-san, disons que le membre du Clan de la Mante préférait le sel marin aux sels de bains. A cette heure, il devait certainement traîner du côté des quais.

Sitôt propres, les Magistrats s’habillèrent, revêtant pour l’occasion les kimono qu’Asahina Maya leur avait offert juste avant son départ. Ces atours ne manqueraient pas d’impressionner leurs hôtes, plaisantèrent-ils. Hanabi souhaitait les accompagner, mais Aku refusa fermement, trop conscient de la mauvaise influence de Jocho et, dans une plus large mesure, de ses cercles d’amis. La bushi resta donc à la résidence du Magistrat Impérial.

L’heure avançant, Aku et Koan se décidèrent à partir, laissant un message pour que Naomi les rejoigne au palais. Mais alors qu’ils franchissaient le seuil de la résidence, la Shosuro apparut subitement, élégante et parfumée. Décidemment, Naomi-san cultivait le goût de la surprise.

Le trio se dirigea vers le palais. C'était le milieu de l’Heure du Singe (16h00) et les nobles commençaient à affluer dans les rues du quartier. Encore quelques heures et ils seraient toute une masse à se diriger vers l’Ile de la Larme, pour prendre part aux réjouissances nocturnes. Mais pour l’instant, il fallait se préoccuper de l’entrevue avec Jocho.

Nos trois héros arrivèrent enfin au palais du gouverneur. Passant par l’entrée de service des magistrats, ils évitèrent la longue queue de plaignants et de dolents qui exigeaient une audience avec quelque officiel. La majorité d’entre eux ne serait pas reçue avant la fin de la journée. Une fois à l’intérieur, il leur fut aisé de rejoindre les quartiers de Jocho, escortés par un domestique diligent.

La première chose qu’ils surent de Jocho, c’est qu’il avait de toute évidence commencé sa réception sans eux. Des éclats de rire parvenaient d’un salon jouxtant les balcons sud. En y entrant, les trois magistrats découvrirent le fils de Hyobu-sama en compagnie de ses « camarades ».

Certains visages semblaient familiers, les autres étaient des inconnus ou des nouveaux venus. Dans la plupart des cas, ils ne s’agissaient que de pique-assiettes ou, pire, d’individus partageant les mêmes mœurs dépravées que Jocho. Ce dernier, avisant l’arrivée d’Aku et de ses amis, les invita d’un geste à venir les rejoindre partager un bol de saké. Jocho paraissait passablement éméché, mais nos samurai, qui le connaissaient bien, savaient que cela pouvait n’être qu’une ruse destinée à dissiper leur attention. Si le capitaine de la Garde Tonnerre comptait faire passer les magistrats pour ses compagnons, il allait être servi.
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Re: [Récit de partie] "Bon retour parmi nous"

Message par Hida Koan » 11 nov. 2010, 10:10

« Prenez donc place mes amis » lança Jocho d’un ton joyeux avant de s’écrier pour l’assemblée : « Et un toast pour nos amis magistrats ! ». Les convives apprécièrent sous les vivats, tandis qu’Aku, Koan et Naomi s’asseyaient sur des coussins couleur ivoire. La bataille des mots avait commencée.

Naomi apprécia la foule du regard, leur dédia un magnifique sourire, trempa ses lèvres carmines dans la coupelle de sake et annonça de bonne humeur " Louée soit la Cité aux Murs Verts et loués soient ses représentants aux couleurs tout aussi intéressantes." Aku bu une gorgée du breuvage tiédi avant de réciter classiquement "Les Fortunes bénissent nos hôtes et leurs attentions si attachantes." Koan vida sa tasse et tendit le bras sous le nez du Fils du gouverneur " A vous Jocho-sama. A la première coupe, l'homme boit le vin. A la deuxième coupe, le vin boit le vin. A la troisième coupe, le vin boit l'homme. Vous laisserez-vous déguster Capitaine ?"

Sans se départir, Jocho attrapa sa propre coupe et remplit les deux récipients d’un geste exercé, tandis que le silence se faisait autour de lui. Visiblement, tout le monde attendait la réponse du capitaine. Celui-ci rendit sa tasse à Koan et étudia son propre bol avec soin avant de répliquer : « Un bon saké a deux effets : d'abord, il monte au cerveau, éloigne les tristes et sottes pensées qui l'enténèbrent, délie la langue et l'esprit ; ensuite, il réchauffe le sang et en chasse la pusillanimité et la couardise »*

A ces mots, Jocho vida d’un trait sa coupe, s’humecta le palais et mis encore dans sa bouche : « Si j'avais un millier de fils, le premier principe que je leur inculquerais, ce serait de fuir les breuvages sans force et de s'adonner au saké. »*

Ce bon mot provoqua l’hilarité générale (sauf peut-être des magistrats) et Jocho reprit :

« Mais Koan-san, vous n’êtes pas venu ici pour nous faire un sermon. Nous sommes ici en bonne compagnie, alors pourquoi ne pas délaisser l’atmosphère austère des temples et nous narrer les nouvelles des provinces de l’Empire ? ». La question du Shosuro reçut des murmures d’approbations.

La référence aux temples fit tiquer Naomi et Koan. La jeune et belle bushi répliqua du tac au tac « N'est-il pas évident qu'une vie pieuse et l'austérité de la morale s'accommodent mal avec la fréquentation habituelle du théâtre de la vie ? Honorable morale ou piètre représentation de bunraku, chacun sera aise de faire son propre choix. » Les deux magistrats masculins sourirent à la phrase de leur élégante amie puis Koan prit la parole.

« Que vous dire, cher hôte… » Il sembla réfléchir un instant. « Les provinces de notre grand Empire, vastes, emplies de curiosités, enrichissantes et ô combien captivantes, ne doivent pas intéresser quelqu’un de visionnaire comme vous… Dont le regard à lui seul englobe la merveilleuse grandeur de la Cité des Rumeurs. Tout comme pour le saké, le contenant doit être adapté au contenu. Je ne voudrais pas servir un thé d’excellente qualité dans un dé à coudre. Ce ne serait pas faire honneur au thé. Je préfère entendre des nouvelles de votre admirable cité, il y a si longtemps que je n'y avais pensé. Comment se passe les choses ici ? J'ai cru comprendre que tout se déroulait pour le mieux. Il ne m'aura fallu qu'une nuit pour m'apercevoir de ça. »

Jocho s’esclaffa de bon cœur : « Ce cher Koan-san, toujours prompt à protéger avec avidité ses acquis, mais pourtant si peu enclin à partager son savoir. Vous tenez parfois plus du Phénix que du Crabe. Enfin, je suppose que cela tient à votre caractère… flamboyant » laissa t-il flotter un instant.

Il reprit alors : « Hé bien, puisque nous voilà privés de vos narrations, je suppose que c’est à moi de vous conter ce qu’il s’est passé ici. Disons que depuis votre départ, l’ordre a été rétabli. Nous avons procédé à quelques remaniements chez les Kajinin des quartiers des marchands et des pêcheurs afin qu’ils n’oublient pas quels sont leurs devoirs. Mère a personnellement conduit des travaux d’assainissement des entrepôts, car certains étaient insalubres ou sur le point de s’écrouler. A nouveau notre cité est florissante et toute la noblesse se satisfait des faveurs que Daikoku nous accorde. C’est d’autant plus gratifiant, car la prospérité attire les artistes et nombre d’entre eux sont venus du nord de l’Empire. Certains proposent des spectacles édifiants, je vous les présenterai si jamais vous nous accompagniez ce soir sur l’Ile de la Larme. »

Koan laissa passer les insultes, trop heureux de pouvoir refuser l'invitation. « Nous sommes au regret de ne pouvoir nous joindre à vous ce soir. Nous allons présenter nos respects à votre brillant camarade de clan, Bayushi Saigo-sama. Il est heureux qu'il soit arrivé, c'est un peu grâce à lui et ses appuis que le commerce est si florissant si j'ai bien compris… Nous aurons peut-être l'occasion d'y croiser Bayushi Saisho-san également, nous n'avions malheureusement pas vraiment eu le temps de lui présenter nos hommages lors de la mort de son époux. Elle qui a du tant souffrir. A l'époque, nous pensions que Korechika avait été tué par un chien galeux, une raclure, un lâche, un homme des cartels… Mais la situation était si troublée… Vous fûtes pourtant bien magnanime, c'est tout à votre honneur Jocho-sama. La Magistrature d'Emeraude aurait apprécié avoir l'occasion de pouvoir régler cela autrement mais les voies des Fortunes sont impénétrables, et la Garde Tonnerre porte bien son nom : rapide comme un orage d'été. ». Koan se pencha, servit au fils du gouverneur une nouvelle coupe de saké en finissant le flacon, et but la sienne d'un trait. « Pardonnez-moi mesdames, j'agresse vos chastes oreilles avec mes vilains mots. Ça me donne soif, j'ai un mauvais goût en bouche. Avez-vous encore du saké, Jocho-sama ? »

Jocho fit signe à une servante d’apporter d’autres flacons d’alcool. « N’ayez crainte Koan-san, il y aura toujours à Ryoko Owari assez de saké pour étancher la soif d’une armée entière de bushi Hida. »

Tout le monde comprit l’allusion à l’occupation de la ville par le Clan du Crabe, il y a des siècles de cela. Le général Hida avait vu son armée vaincue par l’essence même de la cité : la corruption et la débauche avaient eu raison des fiers guerriers. Depuis, la défaite était commémorée par un jour de fêtes dans la Cité des Mensonges. Assurément, l’art du Sadane n’avait rien de secret pour Shosuro Jocho.

« Mais laissons le passé derrière nous, c’est d’un ennui » fit-il en balayant la main comme pour chasser le sujet de conversation. « Je suis heureux d’apprendre que vous allez rendre visite à Saigo-sama. C’est un homme puissant aujourd’hui, quoi de plus normal qu’il attire les puissants lui-aussi. »

Se tournant vers Aku, il reprit alors : « Méfiez-vous toutefois Magistrats-sama, car les lions mâles ne sont pas fait pour vivre ensemble. Mais je ne dis pas cela pour vous Naomi-san : votre touche de féminité sera toujours appréciée à sa juste valeur. Vous êtes d’ailleurs ici chez vous, faites comme il vous plaira. J’espère d’ailleurs que, de bushi à bushi, j’aurai la chance d’admirer le nouvel appariement de votre daisho. »

Comme depuis le début de la conversation, ces derniers commentaires n’eurent pas d’effet sur Matsu Aku (qui devait pourtant fulminer de l’intérieur). Cependant, on put noter un certain malaise chez Naomi à la mention de ses sabres.

« Il n’y a aucun problème entre les lions Jocho-san. Il n’y a aucune tension lorsque la hiérarchie s’applique : un dominant, des dominés. Ce n’est pas plus compliqué que ça : c’est l’ordre naturel des choses. Un peu comme l’ordre céleste en somme. Et en tant que représentant direct de l’Empereur, je ne peux qu’approuver. » Lança Koan agacé.

Les convives restèrent un moment à apprécier l’alcool de riz. Jocho semblait un peu rêveur, quand soudainement un gong retentissant, sonnant la fin de l’heure du Singe, mit fin à sa torpeur.

« Par Jurojin, déjà l’heure du Coq ! » s’écria-il faussement surpris. « Assurément le temps passe vite en bonne compagnie. Hélais mes charges m’appellent et m’obligent à mettre fin à notre petite fête. Néanmoins, je ne voudrais pas que mes obligations vous privent de la joie de nos retrouvailles aussi ai-je préparé un petit cadeau pour vous trois. »

La servante de tout à l’heure revint avec un nouveau plateau chargé de trois flacons emballés dans du coton couleur vermillon. « C’est du umeshu » fit le capitaine, « une liqueur tirée de la macération de l’ume dans de l’eau-de-vie. Il me plairait que vous en savouriez la saveur aigre-douce. »

« Bien, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter un bon retour parmi nous » dit Jocho avant de sortir après s’être poliment incliné devant ses invités.

Ceux-ci se levèrent également pour partir, sauf certains qui allèrent sur le balcon se moquer des plaignants toujours à faire la queue en contrebas dans la cour.

*: tiré de Shakespeare
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Re: [Récit de partie] "Bon retour parmi nous"

Message par Hida Koan » 18 nov. 2010, 23:10

Naomi, Aku et Koan étaient rentrés à la magistrature passablement échaudés par leur entretien avec le capitaine de la Garde Tonnerre. Ils n'avaient pas bien compris pourquoi Jocho avait voulu les voir. A part se payer leurs têtes, il n'avait pas fait grand chose. Cela dit ce n'était pas surprenant de la part du fils du gouverneur, il n'avait jamais réellement porté les magistrats dans son cœur... Même si la guerre ouverte n'avait pas vraiment été déclarée. De plus les avertissements du jeune homme concernant Bayushi Saigo avaient été à peine voilés. Il était clair qu'il n'appréciait pas le représentant Bayushi, mais une fois encore rien de bien étonnant à cela. La famille Shosuro avait pâtit de l'essor rapide de ses « concurrents », qui bénéficiaient de l'appui de Bayushi Shoju. Les magistrats verraient bien ce soir, lors du dîner dans la maisonnée Bayushi. Encore de merveilleuses heures en perspectives. Naomi songeait à inviter Shosuro Jocho à la magistrature dans peu de temps. Il fallait bien essayer de comprendre ce qui se passait, et le rendez-vous de cet après-midi n'avait pas assouvi sa curiosité. Le point le plus ardu serait de faire accepter à ses collègues magistrats de re-subir une rencontre avec le capitaine de la Garde Tonnerre... Elle imaginait déjà leur rictus de dégoût, ils n'aimaient pas trop se frotter aux Scorpions, encore moins des Shosuro et, pire encore, avec des samurai rompus aux arts oratoires.

Les trois samurai se préparèrent, une fois encore, pour un rendez-vous avec un haut dignitaire local. Tous allèrent au bain, tous se changèrent, chacun choisissant avec soin un des kimono que leur avait offert leur amie Asahina Maya. Shosuro Naomi s'était comme par magie occupée du cadeau pour le représentant Bayushi, un très joli service à sake aubergine et vert. Un palanquin vint les chercher peu avant l'heure du rendez-vous, ultime prévoyance de la samurai-ko. En entrouvrant les rideaux, à leur arrivée, la grande bâtisse leur parût encore plus impressionnante que le matin.

Des gardes étaient toujours aux portes, des lampions rougeoyants éclairait la porte massive et auréolaient les bushi d'un halo orangé. A leur descente du palanquin, les trois magistrats furent accueillis par une inclinaison tout juste protocolaire des gardes. L’un des cerbères leur fit sèchement signe d’entrer. La nuit n’allait pas tarder à tomber et il semblait que cela n’adoucirait pas l’humeur des sentinelles, dont le nombre avait encore doublée depuis ce matin. La soirée commençait pour le mieux...

Fortuitement, la servante sympathique du matin arriva à leur rescousse. Elle s'encadra derrière les portes en bois que venaient d'ouvrir les deux bushi Bayushi et s’inclina profondément devant les magistrats. « Mes Seigneurs, Ma Dame, la maisonnée Bayushi se voit honoré de vous recevoir. Si vous voulez bien me suivre », fit-elle, le ton toujours aussi enjoué, comme si le caractère maussade des gardes n’avait pas d’effet sur elle.

La jeune femme franchit la cour pavée et passa le vestibule, qui tenait plus de la barbacane ; encore une amélioration depuis l’année dernière. Le quatuor atterrit dans une cour intérieure dominée par un grand jardin. De petits lumignons multicolores dansaient au gré de la douce brise du soir. Les feuilles des arbres persistants se teintaient de mille couleurs, ensemble de petits feux-follets habillant les arbustes comme des bijoux la gorge d'une femme. Ensemble, ils s’engagèrent sur le chemin pavé menant au corps principal de la résidence tout en serpentant entre les massifs de fleurs. Des lanternes de pierre achevaient de rendre la vue extérieure magique. Des fuurin teintant sous le vent emplissaient les oreilles des invités d'une douce musique. Au moins, Saigo n’avait pas osé toucher au magnifique patio de Saisho-sama.

La servante passa la porte, les magistrats se déchaussèrent et confièrent leurs sabres à un présentoir. Puis ils la suivirent vers ce qui devait être la salle à manger. L’agencement de certaines pièces avait changé et on avait remplacé les portes shoji par des fusuma plus épaisses. Dans la salle à manger, la vaisselle avait déjà été sortie, mais Saigo n’était pas encore présent. A sa place, on avait placé deux solides soldats qui montaient la garde chacun dans un coin de la pièce. La servante fit alors signe aux magistrats de s’installer puis s’en fut prévenir son maître de leur arrivée.

Alors qu’il faisait ses ablutions, Aku vint murmurer quelque chose à l’oreille de Koan.
« As-tu remarqué ? Nous sommes dans une véritable forteresse ! »

L’avertissement de son ami alerta Koan. S’il n’avait pas fait le rapprochement jusqu’à maintenant, c’est parce qu’il se sentait chez lui ici, le poids des habitudes sans doute. Mais à y réfléchir, on avait plus l’impression d’être chez un dignitaire du Clan du Crabe, près de Kaiu Kabe, que chez un membre du Clan du Scorpion.
« Un scorpion qui joue au crabe, mais que se passe t-il ici ? » songea le Hida. Pour la première fois, il se sentit du côté de Shosuro Jocho face à Bayushi Saigo. Au moins, le fils du gouverneur agissait selon son clan.

De son côté, Naomi tenta d’amadouer les gardes. Le premier ne broncha pas tandis que le second se contenta de réponses laconiques. Quelque peu dépitée par le manque de conversation, la samurai-ko s’en fut rejoindre ses camarades.
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Re: [Récit de partie] "Bon retour parmi nous"

Message par Hida Koan » 19 nov. 2010, 16:15

Bientôt, un bruit de pas pressé se fit entendre dans l’enfilade attenante et la silhouette presque athlétique de Bayushi Saigo apparut. Son visage s’était émacié depuis la dernière fois qu’ils l’avaient vu, avec les traits tirés et des cernes sous les yeux. De toute évidence, la Cité des Mensonges avait prélevé son tribut au fringuant duelliste d’autrefois. Seul son regard demeurait aussi vivace que par le passé.

« Soyez les bienvenus dans ma modeste demeure, magistrats-sama » lança t-il en s’asseyant. Sitôt les politesses d’usage exécutées, le repas fut servi et, tout en s’arrêtant pour picorer dans un des plats, Saigo entama la discussion. Ce n’était pas très courtois, mais au moins les bushi n’auraient pas à montrer des trésors d’efforts pour embellir une conversation qui n’intéressait personne.

« Alors, que me vaut la visite de personnages impériaux aussi éminents que vous ? » questionna Saigo. La phrase avait été lancée sans aucune pointe d’ironie, ni d’admiration d’ailleurs. Aku se dit que le Bayushi devait les jauger et n’osait se dévoiler par un comportement inapproprié. Une attitude défensive donc, qui satisfaisait entièrement le guerrier Matsu.

Sur sa gauche, Naomi déglutit étrangement tandis qu’à sa gauche, Koan s’apprêtait à prendre la parole.

« Nous venons simplement présenter nos hommages au nouveau représentant de la famille Bayushi. Nous avons séjourné assez de temps ici pour reconnaître qu'il n'est pas chose facile d'être un gestionnaire et un médiateur dans cette ville. Nous voulions saluer l'œuvre que vous menez apparemment rondement depuis quelques mois. » La phrase avait été dite le plus sincèrement du monde, après tout, jamais rien ne les avait opposé à Saigo… Et même si le matin même, les magistrats n'étaient pas réellement venus s'enquérir de la santé de ce dernier, ils n'étaient pas non plus venus lui chercher des crosses. L'accueil froid, même s'il était désagréable, n'était pas étonnant vu la position éminente du Bayushi, et les tensions qui avaient dues régner ici lors de sa prise de fonction.

La réponse de Koan engendra une curieuse réaction chez son interlocuteur.
Celui-ci gigota nerveusement sur son coussin, puis reprit la conversation (et une boulette de poulet) comme si de rien n’était.

« Je vous remercie de votre sollicitude, Koan-san. Disons que je fais de mon mieux pour satisfaire les intérêts de ma famille, rien de plus. » glissa t-il sur un ton faussement badin.

« Mais assez parlé de moi, » dit-il, comme si le sujet avait évoqué pendant des heures, « Racontez-moi plutôt comment vos pas vous ont reconduit ici, et combien de temps comptez-vous profiter de l’hospitalité de notre bonne cité ? »

« Nous étions juste en voyage sur le fleuve. A une demi journée à peine d'ici, nous avons appréhendé un individu les poches plus que pleines d'opium. Et ce n'était pas de l'opium médicinal. Nous avons du retarder nos déplacements… Et si près de la cité, il aurait été bête de ne pas en profiter pour faire un saut ici. Nous avons tant de souvenirs entre ces murs qu'il nous est agréable de venir vous visiter, tous autant que vous êtes, heureux résidents de la Cité aux Murs Verts » dit le bushi.

A ces mots, Saigo relâcha ses épaules. Il répondit : « Et les citoyens de Ryoko Owari sont toujours enchantés d’accueillir les voyageurs de passage. N’est-ce pas d’ailleurs ainsi que l’on nommait la ville autrefois ? La Cité du Dernier Voyage… »

Sa dernière phrase resta en suspens, comme si Saigo réfléchissait à quelque chose. Soudainement, il se reprit vite et servit du saké à ses hôtes. « Pardonnez mes paroles, elles ne sont que le fruit de mes divagations. Bien entendu, elles ne s’adressaient pas à vous et je suis sûr que vous reprendrez bientôt la route pour combattre le crime où qu’il se cache. »

« C’est très certainement exact… Mais nous poser un peu quelque part n’est pas exclu non plus. Nulle offense, mon cher, les noms ne veulent rien dire. Regarder donc le vôtre, vous portez un nom Scorpion et pourtant ici j’ai presque l’impression d’être chez moi ! Vous avez des actions chez les artisans de Sunda Mizu Mura ?! » demanda le bushi aimablement.

Le Bayushi acquiesça : « Je prends simplement le meilleur dans chaque clan.» Les bushi qui connaissaient bien Saigo savaient qu’il parlait avec sincérité. Après tout, n’avait-il pas étudié l’art du duel à l’académie Kakita ? « Cela dit, si vous avez de bonnes pistes pour négocier avec la Cité de l’Eau Pure, je vous en serais très reconnaissant, Koan-sama. » ajouta t-il poliment.

« Il est en effet possible que j’ai des contacts » répondit le bushi, en pensant à sa mère. « Je leur en toucherais quelques mots et vous tiendrais au courant. Pardonnez-moi cette question cavalière mais… Pourquoi avez-vous besoin de tant d’austérité ici ? Avez-vous besoin d’une aide quelconque ? »

Saigo parut hésiter pendant un long moment, tentant de masquer son désarroi par l’ingestion lente d’un bol de soupe miso. Machinalement, il reposa le récipient et laissa encore s’égrener trois secondes avant de répondre.

« Effectivement, il se pourrait que ma famille nécessite l’aide de la vôtre. Cependant, il s’agit d’une affaire complexe et je ne voudrais pas importuner vos amis avec des discussions aussi confuses. Peut-être devrions-nous nous revoir avant votre départ, qu’en dites-vous Koan-sama ? »

Le bushi n’était pas curieux de nature, mais quand il s’agissait de son clan ou de sa famille, il le devenait beaucoup plus. « Avec plaisir. Je n’ai pas encore eu le loisir de me rendre dans une maison de thé depuis que je suis ici. Je ne manquerai pas de vous signaler quand je m’y rendrais. Peut-être cela vous siérait-il de m’y accompagner ? » Koan repoussa son assiette, vide jusqu’au dernier grain de riz. « Gochiso-sama. Vous ferez mes compliments au cuisinier. Votre femme se joindra à nous pour le thé, Saigo-sama ? Peut-être met-elle du temps à s’habituer à votre vie en ville… J’espère qu’elle se porte bien. Nostalgique de votre région d’origine ? D’où étiez-vous à ce propos ? » demanda le magistrat, un soupçon inquisiteur.

Saigo lui rendit son regard méfiant avant de rétorquer : « Je vous remercie pour votre offre, mais j’ai mes propres habitudes ici, un salon de thé dont les senteurs libèrent mon esprit. Je vous communiquerai l’adresse en temps utile. »

A ces mots, Aku se racla discrètement la gorge, signe convenu des magistrats pour annoncer qu’il flairait un piège... Mais cela ne voulait rien dire, car Saigo aurait pu en dire autant de la proposition de Koan.

La discussion continua : « Quant à mon épouse, qui est également la cuisinière que vous souhaitez complimenter, je ne manquerai pas de lui faire parvenir vos meilleurs sentiments. Hélas, elle ne pourra nous rejoindre ce soir. »

Intentionnellement ou pas, Saigo omit de préciser l’état de sa femme. Cependant, il engagea volontiers la discussion sur son passé. « Pour moi, la notion de région d’origine ne signifie pas grand-chose » dit-il d’un ton rieur. « Comme vous devez le savoir, j’ai été élevé au sein de la famille Kakita et ait eu l’honneur de fréquenter leur école. Cette instruction me fut fort utile quand je revins chez mon père après mon gempukku. Elle m’a permis de comprendre qu’une fois les préjugés écartés, les clans ne sont pas si différents que ça » expliqua t-il en se tournant vers le bushi du Clan du Crabe.

A ce moment, la servante entra avec quatre bols, leur théière fumante et se mit à les remplir. Ses gestes, rapides et efficaces, étaient pareils à tous ceux de la maisonnée de Saigo-sama.
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Re: [Récit de partie] "Bon retour parmi nous"

Message par Hida Koan » 21 nov. 2010, 12:24

Avec un sourire le bushi répondit : « Je ne peux qu'acquiescer sur la nécessité de se méfier des préjugés. Je vous sais gré d'ailleurs de me présenter du thé et pas du sake. Et où étiez-vous en poste juste avant Ryoko Owari Toshi? Nous revenons à peine des îles du clan de la Mante en ce qui nous concerne. Le voyage fût fort dépaysant. Vous n’avez visité que le clan de la Grue pour le moment ? »

Saigo huma son thé et en goûta une minuscule gorgée, comme si ce geste insignifiant constituait pour lui un rare moment de divertissement. Il répondit alors : « Avant d’être assigné à la Cité des Rumeurs, je servais le seigneur de Kyuden Bayushi » annonça t-il nonchalamment. Pourtant, avoir Bayushi Shojo-dono comme maître n’était en rien anodin.

« Je suis heureux d’apprendre que vos pérégrinations vous conduisent dans des lieux si magnifiques. Pour ma part, hélas, je ne sors que très peu de Ryoko Owari, » se plaignit-il, mais il mentait.

Koan glissa un regard vers Naomi, se rappelant la discussion qu’ils avaient eue avec Saisho le matin même « J'avais pensé que vos voyages vous avait permis de visiter le clan du Lion. Je crois savoir que vous avez de bons contacts avec eux. »

Le Bayushi fronça les sourcils et lança un regard sur Aku. « J’ai effectivement des relations dans le Clan du Lion, comme avec tous les clans qui possèdent ambassade en ville d’ailleurs. Mais ils ne sont en rien privilégiés, je vous assure », dit-il. « Demandez-leur, ils vous certifieront la chose » ajouta t-il.

A ce moment, un samurai portant les armoiries de Saigo vint se placer à la porte. Avisant l’intrus, Saigo demanda poliment à ses invités de l’excuser d’interrompre si brutalement la discussion.

« Les affaires, voyez-vous, ne sauraient souffrir de délai à Ryoko Owari. Prenez votre temps et quand vous aurez terminé, prévenez ma servante pour qu’elle vous raccompagne. Bonne soirée, samurai-sama » fit-il en inclinant rapidement la tête.
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Re: [Récit de partie] "Bon retour parmi nous"

Message par Hida Koan » 21 nov. 2010, 23:37

*Nouvelle venue à la table, pas encore beaucoup de détails BGesques pour le moment ;) (on est donc trois filles et trois garçons IRL ^^ et puis pas IRL aussi d'ailleurs mais bon)


Après le repas, Hida Koan et Shosuro Naomi rejoignirent Matsu Hanabi, Atsuki et Agasha Ichiko* sur l'île de la Larme dans la maison de thé "Le parfum des mers du sud". Ils avaient prévu ce moment de détente lorsqu’ils s’étaient croisés dans l’après-midi. Matsu Aku, lui, rentra à la magistrature faire son rapport concernant l’affaire de Daidoji Bato. Les magistrats avaient appris peu de temps avant que Matsu Toshiro, le frère de Matsu Aku, avait disparu. Depuis lors, son caractère était encore un peu plus taciturne. Matsu Hanabi, qui s’était joint au groupe il y a quinze jours à peine, était la belle-sœur du magistrat Lion. Lors de la soirée dans l’auberge, la jeune femme fit part à chacun de son souhait d’aller à Kenson Gakka, dernier poste connu de son mari disparu. Koan et Naomi décidèrent de discuter avec Aku de cette décision avant de donner leurs avis. Leur enquête actuelle les menait tout droit vers Kyuden Shosuro, mais s’il fallait sauver le frère de leur ami, ils iraient à la forteresse du clan du Lion.

Les esprits s’allégèrent un peu les minutes passant, la tension de la journée s’évacuait agréablement. Après une partie de Vents et Fortunes acharnée, la magistrate Scorpion dut payer la tournée, en gage de sa défaite. Koan, qui n'était jamais en reste avec l'alcool fini pratiquement les réserves de la maison de thé sans pour autant perdre ses moyens... Enfin au moins pas la totalité ! Matsu Hanabi, avisant un ronin à la mine patibulaire en train de la fixer du regard, quitta le lieu précipitamment avec Agasha Ichiko. Atsuki, Naomi et Koan les rejoindraient dans quelques minutes.

Matsu Hanabi et Agasha Ichiko rejoignirent le ronin rapidement, une mine vindicative sur le visage. L’homme venait de rejoindre quatre de ses compères et alors qu'elles s'approchèrent, elles eurent le temps d’entendre « Baka, tu t’es fait suivre ». Voyant les deux femmes s’approcher, les malfrats cessèrent aussitôt leur discussion et prenant leurs airs les plus impressionnants déclarèrent « Suivez moi et il n'y aura pas d'histoire. » Curieuses, intriguées mais surtout l’esprit obnubilé par la disparition de leur mari et ami, Matsu Toshiro, la magistrate et la shugenja opinèrent. Quand un problème vous ronge l’esprit, vous y voyez des relations partout... Et dans les pensées d’Hanabi, tout cela avait forcément un rapport avec son époux. Encadrées par les malandrins, armés de couteaux, elles furent emmenées vers une barque.

Atsuki, Koan et Naomi sortirent finalement de la maison de thé pour ne retrouver qu’une ruelle vide. Naomi, peut-être la seule à ne pas être ronde comme une queue de pelle, remarqua des traces au sol et invita ses compagnons à les suivre. Alors qu'ils s'approchèrent du quai et de Portail, le gardien de sabres de l’ïle de la Larme, ils virent Ichiko, Hanabi et leurs « nouveaux amis » s'éloigner vers le quartier des pêcheurs. Subodorant une situation à problème, ils enjoignirent le rameur de prendre le même chemin, à distance raisonnable.

[…]

Agasha Ichiko profita du voyage pour lire dans les pensées de leurs ravisseurs. Ichiko, une ishiken, recherchée par le clan du Phénix actuellement, possédait des pouvoirs hors du commun. Elle avait décidé de les utiliser pour aider son amie Hanabi à retrouver son mari. Elle comprit que les ronin n’étaient que des sous fifres, et que l’ordre d’enlèvement venait de bien plus haut. Arrivés sur l’autre berge, les malfrats demandèrent à la Dragon de partir, ils n’en avaient pas après elle. La magistrate Lion profita de ces quelques instants de répit et surtout de la terre ferme pour asséner un coup à l’un de ses ravisseurs, lui brisant ainsi le poignet. Le revers de la médaille ne tarda pas et alors que la shugenja prenait la fuite, les assaillants assommèrent la bushi, avant de la traîner dans un hangar. Ils la battirent comme plâtre et quand enfin un seau d’eau gelée la sortit de sa torpeur, Hanabi reconnut en face d’elle, le magistrat local, Shiba Kotetsu.

La veille, Hanabi et Kotetsu avait eu un fort désaccord. La magistrate l’accusait de profiter largement des pots de vins et autres avantages que pouvait entraîner la gestion des divers trafics de Ryoko Owari. Cela n’avait pas plu au Shiba qui avait demandé un duel… Duel qu’il avait concédé. Il fallait croire que cela ne lui avait pas suffit. Le magistrat Shiba se présenta devant Hanabi, lui lança son sabre et la provoqua en duel en réclamant vengeance. Alors que les deux adversaires, concentrés à leur paroxysme, se jaugeaient face à face, les renforts arrivèrent. Tout se passa très vite. L’affrontement entre les deux magistrats prit fin rapidement, tournant en eau de boudin. Hanabi désarma Kotetsu et ce dernier dut prendre la pleine mesure de son erreur. Les ronin prirent la fuite. L’un d’entre eux s’affala à terre un kama dans le dos, deux autres furent maitrisés et trois réussirent à s’échapper.

Les prisonniers furent ramenés à la magistrature d’Emeraude. Shiba Kotetsu fut mis aux arrêts. L’histoire ne s’arrêterait pas là, le magistrat serait limogé… Aku, réveillé par le bruit descendit de l’étage. On lui fit un rapport détaillé de la soirée et après avoir passé ses nerfs sur le magistrat Shiba, il eut la présence d’esprit de faire un rapport à ses compagnons. Lors de l’écriture de son rapport concernant Daidoji Bato, en farfouillant dans les affaires de ce dernier, le magistrat Lion mit le doigt sur d’étranges relations entre le Daidoji et le temple Shinden Chikushudo no Shaiga dans les terres Grue. Le plus intriguant étant, que les moines de ce temple se rendraient cette année au festival de la Tortue Humble à Kenson Gakka (fête commémorant la victoire du Clan du Lion sur le Clan du Scorpion). Tout convergeait donc vers cette forteresse… Ils décidèrent de quitter Ryoko Owari Toshi la semaine suivante, afin de rallier les territoires Lion. Une fois la décision prise, chacun regagna sa chambre.
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Re: [Récit de partie] "Bon retour parmi nous"

Message par Hida Koan » 22 nov. 2010, 20:50

Plutôt qu’attendre un sommeil qui ne viendrait pas, Koan décida de profiter du temps qu’il lui restait avant d’aller chercher la jeune Hiji au temple d’Amaterasu, pour écrire la missive qu’il devait à la Championne d’Améthyste. L’enquête avait avancé, même si tous se retrouvaient une nouvelle fois au pied du mur… Il avait promis des nouvelles. Il griffonna rapidement un brouillon sur un parchemin, relatant tous les faits : ils avaient rattrapés le fuyard, l’avaient interrogé, avaient en substance découvert que la famille Shosuro était impliquée, mais n’avait malheureusement pas remis la main sur les copies des documents qui avaient été faites. Ce n’est qu’une fois rédigé, en quelques minutes, qu’il se rappela l’avertissement qu’il avait fait à la jeune femme. Si vous ne rougissez pas à leur lecture elles ne seront pas de moi. La boule de papier froissée atterrit dans un coin de la chambre. Il lui avait semblé malin de dire ça, à ce moment là. Maintenant devant une feuille blanche, à devoir relater une enquête impériale avec des métaphores osées, cela paraissait beaucoup moins astucieux.

Le bushi mit longtemps à trouver l’inspiration, longtemps à se dépêtrer des images de cette mémorable matinée pour arriver à aligner les phrases. Tout en réfléchissant, il fredonnait Kaigara Bushi, une des chansons de son enfance, teintée maintenant d’un souvenir d’un tout autre acabit. Les minutes s’égrenèrent, longues et silencieuses. Enfin le pinceau glissa sur le papier.
Kinu-hime,

Je prie les Fortunes chaque jour pour la guérison de Seppun Amin. J’espère qu’il s’est remis de ses petits désagréments, même si je ne peux que secrètement désirer qu’il sera toujours souffrant lors de notre prochaine rencontre. J’ai peint le Mont Fuji avec délectation la fois précédente mais je pense que seule une pratique assidue me permettra de rendre grâce à cet art compliqué qu’est la peinture. Nous autres sommes plus habiles dans les disciplines telles que la sculpture ou la forge. Et là où vous appliquez délicatesse et raffinement tant dans vos gestes que vos intentions, nous préférons louer l’énergie et la force dans ces arts millénaires… Vous en avez été le témoin, ravi je pense, de voir enfin quelqu’un peindre avec ardeur, un sujet que d’habitude si peu osent aborder de crainte de le dénaturer. Vous ne devez rencontrer que peu de peintres entreprenants, chacun se contentant de reproduire avec petitesse, le tableau idéalisé qu’ils ont en tête. Rien ne vaut la ferveur primitive de l’inspiration naturelle, violente et salvatrice comme une mousson d’été.

Votre ouverture et votre souplesse d’esprit m’ont complètement conquis. Je ne pensais pas qu’une dame de votre noblesse accepterait de deviser galamment avec un samurai d’un clan que l’on ne considère que peu enclin à goûter les délices raffinés des arts. J’ose espérer, hardiment, jusqu’au creux même de mon ventre, que ces moments partagés vous ont été aussi agréables qu’à moi. Je sais que vos talents de Cour sont des plus avérés, et ma réserve habituelle me fait craindre que vous n’ayez pas été pleinement satisfaite de notre discussion… Bien qu’à y repenser, vous ayez eu l’air tout à fait heureuse d’avoir assouvi votre désir de communication. Vous voir vous épanouir de la sorte dans un échange si profond n’a fait qu’aviver la flamme de mon esprit artistique. Je n’ai pu m’empêcher de vous écrire, cette nuit même, afin de vous faire part de ce que vous m’avez inspiré.

Le Veilleur, la Maiko et la Mort

Depuis son adolescence Yagyuu (Buffle) était veilleur dans le quartier des plaisirs. Sous le regard d’Onnotangu, chaque nuit, il patrouillait dans l’impasse du Lent Effeuillage. L’arrière de la maison de geisha donnait dans la petite ruelle. Les chambres des filles étaient toutes accessibles par le petit jardinet de la bâtisse. C’était Buffle qui était chargé de monter la garde, et de donner l’alerte en cas de problème. Son étonnante stature lui avait valu son poste, un poste envié par tous. Yagyuu était aussi haut et large qu’un chêne, tellement grand qu’il pouvait laisser traîner son regard au-dessus du muret d’enceinte de la reluisante maison de geisha appelée L’Anse brisée. Tous les soirs, en faisant son travail, il espionnait Ameko (Petit Bonbon)… Ameko, la plus belle de toutes les femmes qu’il eût jamais vu.

Une nuit, il fut surpris de voir Ameko couchée, dévêtue, sans même un drap de soie sur le corps. Il ne pût détourner les yeux de sa chair parfaite. Sa longue chevelure s’étalait autour d’elle comme un halo sombre et presque vivant. Ses mains fines et délicates saisissaient le futon, comme un mourant s’agrippait à la vie. Elle semblait en proie à une extase sans borne. A n’en point douter, elle savait que quelqu’un la regardait. C’est ce que se dit Yagyuu, tout en observant ses courbes excitantes. Cette nuit là, Buffle ne fût pas vraiment tout à sa tâche… Il profita lui aussi, solitaire, de ces heures nocturnes.

Le lendemain, à l’heure du Bœuf, alors que le jeune veilleur avait fait sa première ronde. Il entendit à nouveau des gémissements venir de la chambre d’Ameko. Emoustillé par ce qu’il avait vu la veille, il décida de profiter de ces instants volés. Il positionna une caisse de bois contre le rempart, tout prêt de la chambre de la maiko : il aurait une vue encore meilleure ce soir. Il s’installa confortablement, cala un bras sur le mur pour assurer sa stabilité et laissa son autre main s’afférer à ce à quoi elle serait le plus utile… Ameko était cette fois-ci à quatre pattes, les mains dans le dos, la joue contre le futon, comme maintenue par quelqu’un qui n’était pourtant pas là. Le corps agité des mouvements assez significatifs d’une pénétration. Yagyuu en cet instant, n’avait d’autre considération que sa petite affaire. Et le plaisir certain qui se lisait sur les traits de la jeune femme l’empêchait de penser clairement. Dans un cri aigu de contentement, Ameko jouit, là, seule, dans sa chambre. Son corps retomba comme une poupée de chiffons sur lit de coton et elle sembla presque comateuse, dormant du sommeil du juste, silencieuse comme une morte. La chandelle de la chambre, sous la brise du soir, s’éteignit, abruptement.

Le lendemain, Buffle ne pouvait s’ôter une pensée de l’esprit… Quelque chose n’allait pas. La belle Ameko n’était pas encore une geisha, son Mizuage, actuellement aux enchères, n’avait pas été acheté. Même s’il était persuadé que les arts charnels étaient appris aux maiko, il savait aussi que ce qu’il avait vu était bien trop poussé pour que cela soit naturel. Prenant son courage à deux mains, la nuit venue, il passa la tête au-dessus du mur. La jeune fille était dans sa chambre, le shoji ouvert, elle allait se préparer pour la nuit. Il appela doucement « Ameko… Ameko… Princesse ? ». Elle tourna la tête vers lui, une moue furieuse sur les lèvres « Tu m’espionnes, lourdaud ?! » Elle mit ses geta en vitesse et couru dans le jardin, à peine vêtue de son kosode. La contrariété déformait ses jolis traits. Si Yagyuu n’avait pas été si préoccupé par l’avenir de la jeune fille, il se serait certainement enfui. Au lieu de ça il lui chuchota, les mots se bousculant rapidement aux portes de ses lèvres. « Je pense qu’on vous a dérobé quelque chose Ameko-hime. Il se passe des choses… Il se passe des choses la nuit dans votre chambre. Je crois qu’on vous a volé votre innocence. » Au lieu de laisser exploser sa rage, une colère sourde emplie la jeune maiko « Qui t’as montré mes draps tâchés ? Comment sais-tu que mon propre corps m’a joué un tour ? Tu es de mèche avec les lavandières ? ». Ses yeux profonds s’emplirent de larmes : « Tu ne dois rien dire… Si tu parles je ne vaudrais plus rien. » Elle se tourna promptement, des sanglots dans la voix, et chuchota avant de se précipiter dans sa chambre « Comment aurais-je pu croire que mes rêves prennent substance ? ». Le shoji glissa et Buffle ne distingua plus que des ombres.

La même nuit, Yagyuu poussa ses réflexions un peu plus avant. Il était le veilleur, il devait la protéger. Visiblement, quelque chose ou quelqu’un avait fait du mal à Ameko. On lui avait dérobé ce qu’elle avait de plus précieux… Et lui, qui était là, à quelques pas, n’avait rien fait, il avait même profité du spectacle. Les gémissements et les soupirs de la Maiko, tirèrent Buffle de ses pensées. Il sauta sur ses pieds et passa une nouvelle fois la tête par-dessus le mur. Le shoji était toujours fermé, trois chandelles brûlaient dans la chambre d’Ameko. Il voyait sa silhouette se découper à travers le papier de riz. Elle était allongée sur le dos, les quatre fers en l’air, ses petits pieds battant un étrange rythme saccadé en pointant vers le plafond. Le puissant corps du veilleur n’attendit pas qu’il prenne sa décision, il se hissa par-dessus le muret et retomba lourdement dans le jardin. Il s’avança en boitillant jusqu’à la chambre de la jeune femme. A mesure qu’il s’approchait, il distinguait au travers du shoji une deuxième personne. Une personne qui besognait Ameko avec ardeur. Son sang ne fit qu’un tour et il passa à travers le shoji…

La température de la pièce était glaciale, les flammes des bougies furent soufflées. Les gémissements de la maiko faiblirent alors qu’une voix sourde et obsédante raisonna dans la tête de Yagyuu. « Qui ose déranger mon bon plaisir ? C’est toi, petit veilleur ? » Buffle s’avança, battant des mains pour frapper, mais il ne rencontra que du vide. Un gloussement à glacer les sangs retentit dans son crâne. « Tu t’approches, hardi garçon… Tu veux ta part ? Prends-là, je te la laisse, elle ne m’amuse plus. » Le veilleur de nuit fut projeté contre la jeune femme, qui haletait encore, insatisfaite, sur le futon. « Elle n’attend que ça, jeune homme. Sens-la, touche-la. Tu la veux depuis si longtemps. Sa virginité est mienne de toutes façons, que veux-tu donc bien avoir encore à lui voler ? » La pression, trop forte dans la tête de Yagyuu, eut raison de ses actes. Il baisa la maiko avec toute la vigueur dont il était encore capable, accompagné par le terrible rire de la créature-esprit. Les deux jeunes gens jouirent de concert. Le ricanement s’accentua plus encore et la voix souffla à l’oreille de Buffle « Pour être passé après Emma-O, tu seras marqué mon jeune ami… Tu seras marqué à vie. » Les chandelles se rallumèrent instantanément… Et le veilleur prit la fuite. On ne revit plus jamais Yagyuu dans le quartier.

[…]

Le veilleur de nuit, bâti comme un bœuf, se fit appeler Traqueur. Pour expier son péché, il parcouru tout l’Empire à la recherche d’Emma-O incarné. Plusieurs fois, il le manqua. Il savait que le Dieu abusait de jeunes filles et ses pas le menaient souvent auprès de ces dernières. La magie finit-il par se dire, l’instinct, la Marque, peu importait. Il retrouverait le criminel, car pour lui Emma-O n’était devenu que ça : un voleur, un voleur de ce que ces filles avait de plus cher. La recherche fut longue, une fois même il réussi à le revoir. Pour l’effrayer, le dieu avait pris une apparence terrifiante…. Une jeune heimin se tordait de plaisir sous un énorme scorpion, un scorpion noir ébène, recouvert d’un voilage aux fins entrelacs. Alors que Traqueur sautait sur la bête, il réussit à l’immobiliser un instant. « Tu l’as volé ! Où l’as-tu mis !? » Hurla Yagyuu. « Tu te rends encore malade avec cette histoire de Mizuage n’est-ce pas ? » répondit l’affreuse bête difforme. « Je l’ai volé, je l’ai copié, je l’ai transmis, je l’ai mangé ?! Quelle importance puisque je l’ai ! Quand bien même je la lui rendrai, cela n’a plus aucune valeur pour elle. Elle sait. Tu sais. Je sais. Et certains savent. Qu’y pourras-tu, Petit veilleur ?! » Et la créature disparut.

Traqueur cherche encore, la bête tapie dans l’ombre. Il la trouvera, il le sait. Une fois déjà, il a réussi à l’attraper et à la faire parler. Il le sait. Il comprendra. Bientôt. Il l’attrapera encore. Il l’attrapera encore et il la tuera.


J’espère que vous apprécierez mon sombre conte. Une fois encore j’espère je vous fais découvrir de nouveaux horizons artistiques. Mes talents sont bien peu de choses comparés aux vôtres, mais j’espère qu’ils vous ont donnés la chair de poule, une nouvelle fois. Je ne manquerai de vous faire parvenir de nouveaux écrits, si j’arrive à me laisser porté par l’inspiration. Gardez bien à l’esprit notre précédente rencontre, en attendant que nous nous revoyions… Je parle rarement pour ne rien dire, contrairement à d’autres. Et chacune des phrases déclamées ce jour furent pensées, ressenties et réfléchies. Je pense à vos conseils chaque minute que les kami font. Je vous demande humblement de réserver le même sort aux miens

A très bientôt, Princesse.

Votre dévoué,
Yamanami (chaîne de montagnes)
Koan plia la missive, aussi satisfait qu’il pouvait l’être. L’exercice était difficile. Il n’était pas persuadé d’avoir été clair mais il n’était pas capable de réellement mieux. Le bushi cacheta le pli et y inscrit soigneusement le nom de sa destinataire. La nuit était bien avancée. Il lui restait une heure à peine avant d’aller rejoindre Hiji. Le magistrat glissa la lettre dans sa manche, alla dans le coin de la pièce ramasser la boulette de papier froissé, et descendit au rez-de-chaussée. Il alla dans un petit salon, près de la cuisine, l’irori brûlait toujours. Il lança son brouillon dans l’âtre et attendit de le voir complètement réduit en cendres. La magistrature était silencieuse comme la mort, mais comme par magie une servante se matérialisa. « Je vous apporte une tasse de thé Hida Koan-sama… Un thé fort… » chuchota-t-elle dans la pièce vide. « Va me chercher Hei. » répondit-il simplement.

Le bushi, fatigué, s’assit à même le sol, les coudes sur les genoux et regarda les braises, jusqu’à ce que le serviteur se fasse remarquer. Son visage sympathique apparut au-dessus du feu. « Vous devriez vous reposer Koan-sama. ». Il avait une couverture sous le bras, et un petit paquet. « J’ai pensé que vous pourriez amener ça à la pêche cette nuit… » Il déposa ses légers fardeaux au sol et mima gentiment au magistrat l’action de se coucher. « Contente-toi de faire porter cette missive à la Cité du Vent Glacé. Arrange-toi pour qu’il y ait plusieurs messagers, que celui qui remette la lettre à la dame ne sache pas d’où le pli est parti… Enfin, tu as déjà géré plus complexe que cela, alors tu devrais t’en sortir. » finit le bushi en baillant.

- Tu peux y aller. Réveille-moi quand…
- Quand ce sera l’heure d’aller au temple… Je sais Koan-sama.
- Merci Hei
Quand le thé fumant arriva, le magistrat dormait déjà.
Flood Thunder - Koan jin'rai
Mille ans pour régner
L'éternité pour briller
Ma vie pour servir

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