La Geste du Faucon de l'Aube

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Togashi Dôgen

La Geste du Faucon de l'Aube

Message par Togashi Dôgen » 27 août 2010, 23:22

La Geste du Faucon de l’Aube
Compilée par Ikoma Shinzo, en 1395.



Autrefois vivait, sur le granit éternel de Kaiu Kabe, Hiruma Takamaru, bushi dévoué et vassal d’Hiruma Kage, qui était connu comme le Guerrier Poète au Sud de Mizu-Umi no Sakura Yuki, et que la famille Matsu appelle aussi l’Ombre Sanglante des Ruines de l’Aube. Son esprit était pénétrant comme les rayons du soleil au matin, son cœur avait la bravoure du Faucon et avec sa main gauche, il maniait son sabre avec aisance, comme Hiruma avant lui. Longtemps s’était-il poli dans l’étude des arts militaires, et s’il n’était pas le guerrier le plus puissant, ni le plus intrépide sur le champ de bataille, son cœur avait l’ardeur et la fidélité d’un samouraï authentique. C’est pourquoi leur Champion, le Hida Uji no kami Kisada, le Grand Ours, aussi sage que les anciens et aussi puissant que la Montagne, l’avait un jour surnommé l’Ingénieux Guerrier de Kaiu Kabe et Hiruma Kage avait aussitôt accueilli son vaillant cousin au sein de ses Hatamoto, ses serviteurs honorés.

Mais un jour, lors de la fameuse bataille des Mille Larmes d’Amaterasu, où Shingetsu [NB : Mirumoto Ryûjin], Fortune des Stratèges, fît verser une pluie de larmes de Jade à Dame Soleil ; en terrassant le Sombre Chevalier Moto Fushin de sa bonne lame Kaiu, l’Ingénieux Guerrier ressentit la Sombre Etreinte du Sombre Frère, dont le nom véritable est tû par les Anciens. A ce moment, les circonstances de la guerre faisait que le jade était devenu rare dans les terres du Crabes, c'est pourquoi les actes de Shingetsu furent loués, sur le moment, malgré les répercussions, l'affront commis envers les Dieux, qui précipiterait, disent les ancêtres, le monde dans les Mille Ans de Ténèbres. C'est en tranchant la chair de son ennemi que le sang impur souilla l'âme de nombre de guerriers dévoués, parmi eux figurait Takamaru.

« Toi aussi, devant Sa Face tu failliras ! Cria le Maho-Bujin, dans sa terrible agonie. Rendez-vous en Jigoku, où je me vengerai, lorsque la Grande Roue aura tournée et que les étoiles chuteront à nouveau du Firmament ! »

Et alors que son sombre frère rendait son dernier souffle, le vil Maho-Tsukai Moto Rinjin convoqua les kansen et accompagna ces paroles de mauvais aloi par des Mots de Pouvoirs que seuls connaissent ceux qui ont rejetés la Lumière du Ciel pour embrasser le pouvoir que confèrent les Ténèbres de Jigoku.

Sentant son âme faillir sous la Souillure du Sombre Dieu, le vertueux Takamaru accepta le Défi que lui lançait l’éternité de l’Histoire, et par là même il sentit le besoin d’affiner son poing pour mieux servir la cause de son suzerain ; c’est ainsi que l’Ingénieux Guerrier requit un jour de partir en Pèlerinage Guerrier – un Musha Shugyo qui s’avérait de fait un Jigoku Tabi. (NB : Voyage en Enfer, expression signifiant voyager dans le but de trouver des alliés, dans le monde très féodal des yakuza).

« Le Mur a besoin de nous, mon Ingénieux Guerrier, répondit le Guerrier Poète du Sud, étudiez donc ici tout en combattant le Sombre Seigneur, continuez à faire bon usage de vos talent et du temps qu’il vous reste.
-Ici, je ne puis, ô mon Suzerain, car l’appel de nos ancêtres résonne dans mon âme tout entier. A Haikyo Hiruma, les Ruines du Petit Matin, je m’en irai étudier, chercher l’enseignement perdu du temps des anciens. »

Grande fut la tristesse d’Hiruma Kage en cet instant, car la mélancolie des jours heureux et la douleur de la honte, née de la perte des terres ancestrales de sa famille au temps jadis, ne pouvait être effacée. Perdre un vaillant samouraï qui, comme lui lors de la mort de sa fiancée, cédait au désespoir et à l’appel du monde des morts, Kage ne put s’y résigner.

« Hélas, mon féal, le château de l’Aube Glorieuse, notre demeure de jadis, nous est fermé. Pour quelle raison voudrait-on y aller, si ce n’est pour trouver l’étreinte du Sombre Seigneur ?
-Vers les Ruines de notre maison, je m’en vais, mais là n’est point ma destination, si mon seigneur le permet, c’est en Udekura Mori que je m’en irais étudier. En cette forêt maudite, les ancêtres ne peuvent trouver le repos parmi les dépouilles animées de leurs enfants putréfiés. Et pourtant, s’ils veulent protéger leurs filleuls, il faudra bien que nous nous y résignions et que nous leur enseignons la vérité. Le maître et l’élève progressant de concert, Jukiu* a-t-il dit.
-C’est donc pour quêter les enseignements de l’Aube que vous nous quittez. En Udekura Mori, la verdoyante forêt d’autrefois où résonnaient les cris de guerre, il n’y a plus que les esprits des guerriers des ombres, victimes de l’étreinte des Ténèbres, et la forêt verdoyante d’autrefois où jouaient agréablement l’eau des ruisseaux et les rayons de Dame Soleil, n’est plus, emportée par la Chute du Faucon au Crépuscule. »

*(Asako Jukiu [Jukiu, lecture japonaise des sinogrames pour Confucius], sage fameux du clan du Phénix qui réforma l’interprétation décadente du Bushido et le répandit au sein du peuple afin de rendre la situation sociale plus stable et les gens plus honnêtes, il vécut sous Hantei XXXIV, XXXV et XXXVI et mourut à plus de 70 ans, son œuvre hélas inachevée)

Se remémorant le temps jadis où l’accomplissement du devoir des Hiruma envers Sa Majesté n’était point aussi douloureux, le Guerrier Poète du Sud et l’Ingénieux Guerrier firent silence un long moment, tandis que la mélancolie gagnait leurs cœurs. Mais le vent qui soufflait du Sud Ténébreux les rappela à leur conversation, et à la douloureuse réalité des séparations ; les deux frères d’armes le savent d’instinct, le ressentent dans leur cœur, lorsqu’au nom du Devoir, l’un doit rester défendre la patrie, et l’autre partir plus avant au Front.

« Partir avec une grande troupe, Kage-dono, attirerait l’attention de l’Ennemi. C’est pourquoi je m’en irais seul avec quelques compagnons rapides et habiles, en faisant étape au Dernier Espoir de Shinsei, je m’en irai aux Ruines de notre maisonnée. Mais sitôt arrivé, je crains qu’il leur faille rebrousser chemin, car les portes nous en sont fermées et la folie guette à chaque recoin.
-L’entraînement au sabre parmi les morts sera ardu, à n’en point douter, mais j’ai confiance en vous, je sais que vous irez avec honneur et que vous reviendrez à mon service sitôt votre devoir sacré accompli. Selon l’Art de la Guerre de Sun Tao, la victoire sourit à celui qui met le plus d’avantages de son côté ; c’est pourquoi si cela m’avait été permis, je serais parti avec vous.
-Certes, mais nous ne pouvons prendre le risque de dégarnir la ligne de front pour une quête incertaine. Toutefois, que mon seigneur se rassure, je pars en quête d’Hiruma, non point d’Hida : du premier, nombre des nôtres sont revenus, quoique navrés par leurs périples, mais du second aucun.
-Puisse le Premier Hiruma, le sage Shinsei et les Fortunes vous guider. Adieu, donc, mon vassal ; adieu, donc, mon frère.
-Adieu, donc, mon seigneur ; adieu, donc, mon frère. »

Hiruma no Kage ceignit son lieutenant d’une bonne épée, et d’une bonne armure, toutes deux issues des forges des maîtres de la famille Kaiu, légères et rutilantes. Rassemblant face à lui quelques vaillants samouraïs du clan du Crabe, Hiruma Takamaru leur tint discours sur les périls de son entreprise, à l’issue de laquelle seuls quatre samouraïs restèrent à ses côtés. Leurs noms étaient Hiruma Tadamitsu, l’éclaireur rapide aux pas ailés ; Kuni (Meishozo) Araburu, aussi connu comme l’homme qui parlait aux arbres ; Hida Sachiko, détachée de la suite d’Hida O-Ushi, fille d’Hida Kisada ; et mon propre aïeul, Ikoma Nojun, barde de la famille Ikoma détaché au service d’Hiruma Kage pour compiler les hauts faits de ses vassaux et les faire entrer dans l’Histoire.

Puis ils partirent avec fermeté en direction de l’Outremonde, sans se retourner dans la direction de leurs foyers, sachant qu’ils le quittaient pour en retrouver un autre. Ainsi débuta le périple d’Hiruma Takamaru et de ses compagnons vers Udekura Mori, à l’ouest de Haikyo Hiruma, en quête des enseignements perdus de la famille Hiruma.

Long furent leur périple, et pavé d’embuches, jusqu’au village du Dernier Espoir de Shinsei. Passant par la route du Jade Noir, le long chemin des expéditions de reconquêtes du château des Hiruma, ils longèrent la route jusqu’au Village du Dernier Espoir. Sur la route, ils eurent maille à partir avec une troupe de Gobelins, accompagnée d’un ogre. Engageant d’abord le combat avec férocité, les viles créatures commencèrent d’abord par se faire tailler en pièces par nos valeureux samouraïs. Mais bientôt, l’immonde bête et ses suivants s’écartèrent du combat, et à la surprise de tous, un gobelin s’avança, l’air important, le port fier et altier. Il portait une armure légère de bushi ayant appartenu à un membre du clan de la Grue, et un vrai sabre, quoique de facture quelconque, qu’il gardait au fourreau. Devant l’arrivée du duelliste, même l’ogre fît place nette. Nos héros resserrèrent leur formation, parés à toutes éventualités.

Mais ce fut comme si les places s’étaient inversées : les gobelins eurent l’air scandalisés par l’attitude de nos samouraïs, qui comprirent tout à coup que l’étrange gobelin, probablement une sorte de chef de guerre ou de héros, était désireux de les provoquer en duel ! Hida Sachiko, vaillante samourai-ko, prête à relever tous les défis, s’avança face au duelliste gobelin, rengainant sa lame et se plaçant en posture de combat. Mais alors que son katana était à moitié engagée dans son saya, ô surprise ! La horde de perfides gobelins s’élance vers elle, crocs, griffes et lames souillées tout droits devant ! Prise par surprise, elle n’eut point le temps de déjouer le stratagème, elle fut transpercée à de multiples endroits, et les crocs et les griffes mordirent cruellement dans sa douce peau d'albâtre.

S’élançant avec bravoure, les compagnons de la courageuse jeune femme tailladèrent les chairs impures des parjures de l’Outremonde. Bientôt, la bonne épée Kaiu d’Hiruma Taka lacéra les chairs de ses ennemis. Heureusement, ils avaient réagi à temps, car ils étaient demeurés sur leurs gardes, sachant la sournoiserie des créatures de l’Outremonde, et la brave Hida Sachiko était encore en vie, quoique proche de rendre son dernier soupir. Invoquant la puissance des kamis, Meishozo Araburu lui fît don du Toucher de Jurojin, la menant sur la Voie de la Paix Intérieure, et la ramenant dans le monde des vivants. Comme elle était blessée, Hiruma Tadamitsu, inquiet pour elle, la porta sur ses solides épaules jusqu’à l’avant poste.

Là bas, ils firent le plein de provisions et se reposèrent un jour et une nuit. Meishozo Araburu ne pouvait aller plus avant, demeurer silencieux et furtif comme une ombre était nécessaire à partir d’ici. C’est pourquoi ils se séparèrent sur ce point, le shugenja et la bushi-ko repartiraient vers le Mur, où leurs présences étaient nécessaires. Takamaru et son vassal, Tadamitsu, convinrent d’aller plus loin vers leurs terres profanées où leurs ancêtres les attendaient.


A suivre...



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Errata historique :

-La bushi-ko Hida Sachiko citée dans le texte est bel et bien le PNJ apparaissant dans le scénario Miroir des Vanités, qui se déroule quelques années après le début de la Geste. Joyeuse et impétueuse, bodybuildée et naïve, tous ceux présents lors de cette Cour d’Hiver priaient pour ne pas se retrouver mariés à elle, tandis qu'elle est représentée comme brave et honorable par le Barde Ikoma (en fait, elle trouvait sans doute l'idée du duel amusante et était la seule suffisamment idiote pour tomber dans le panneau). Cela montre bien la déformation du passage de l’Histoire à la légende, la Mythologie.


-Meishozo Araburu : Un shugenja Kuni à la réputation sinistre et terrible. On dit qu'il avait transformé au cours de sa longue carrière plus de six cent de personnes en arbres, dont la plupart étaient accusés de Maho ou de crimes divers et variés (tels qu'une curiosité excessive), après les avoir capturés et amenés de force près de sa demeure, un petit manoir de samouraï, avec une chapelle. Il s'en fit une forêt, longtemps réputée hantée.
Ce n'est qu'à sa mort que l'un de ses apprentis révéla la vérité sur la forêt magique d'Araburu, mais les enchantements étaient si puissants et si anciens qu'il ne fut point possible de délivrer les malheureux, sinon en brûlant la forêt pour que leurs âmes se réincarnent, ce qui fut accompli un siècle après la mort de Araburu. Entre temps, le clan du Scorpion et ses Kuroiban s'était emparés de l'affaire, et l'anecdote était entrée dans la légende. Elle terrifia les Maho-tsukai de tout l'Empire pendant des siècles et découragea beaucoup de suivre les sombres voies.

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