Jamais Kyuzo n'avait ressenti une telle plénitude, un tel sentiment de fierté et d'honneur.
Son seigneur et maître le Prince Cadet Genjûro-dono, venait de lui faire le plus beau compliment du monde.
Leurs destinées étaient désormais liées à jamais.
Il serait le rempart et le bras armé de Genjûro-dono. A jamais.
Ne pouvant exprimer son immense gratitude, Kyuzo s'inclina et dit :
- Hai, dono, je formule le souhait que vos rêves soient à présent doux et harmonieux et vous mènent jusqu'au Tengoku. Je ne serai pas bien loin, si vous désirez mon intervention. Quant à demain ... Demain n'existe pas. Seul le présent et la volonté du samurai existent.
Bonne nuit mon Prince.
Kyuzo se retira comme il était venu, discrètement, en silence.
Puis il se dirigea vers les gardes, dont l'effectif avait été renforcé.
- Menez-moi auprès des serviteurs Kôtô-san, dit-il.
-Hai, Kyuzo-sama.
Il restait à Kyuzo à gérer les serviteurs et leur silence. Deux possibilités s'offraient à lui. Soit il les faisaient tous disparaître, ce qui ne manquerait pas de soulever des questions de la part des membres de la garde de Droite et de Gauche, voire de Daidoji Ryoma, soit il suivait une voie différente. C'est cette dernière qu'il choisit.
Kyuzo connaissait et avait personnellement testé tous les serviteurs de son seigneur, mais ces heimin risquaient de parler pour peu que la pression et la personne qui l'appliquait étaient puissantes. Il savait en outre que tous avaient des enfants.
Il entra dans la salle où ils avaient été regroupés, calme mais fier et emprunt d'une certaine autorité. Son visage était impassible.
Il commença sans préambule.
- Je suis chargé par mon maître de vous féliciter pour votre diligence et votre discrétion. Vous avez bien agi en faisant discrètement appel aux gardes en faction et à moi-même.
Merci.
Kyuzo s'inclina légèrement pour les remercier. Les heimin oscillaient entre l'étonnement et la frayeur, car Kyuzo avait un réputation bien établie de samurai intraitable.
- Pour vous remercier, mon maître à décider de vous faire à tous le plus beau cadeau qui soit. Vos enfants vont être élevé au rang de ji-samurai et vont être formés aux arts des samurai dans une prestigieuse école. Mais toute médaille à son revers : après leur départ vous ne les reverrez plus.
Je suis autorisé à vous transmettre de temps en temps de leurs nouvelles, ce qui nécessitera de vous que vous restiez, quoiqu'il arrive et jusqu'à la fin de vos jours, au service exclusif du Prince Cadet Genjûro-dono. Mais je crois savoir que cela ne vous déplait déjà pas.
Kyuzo marqua une courte pause.
- Bien évidemment, pour éviter les jalousies et les rancœurs entre heimin, vous devrez garder le silence sur les évènements de cette nuit et vos enfants devront partir immédiatement après vous avoir dit adieu. Kôtô-san va, de ce pas, se charger d'organiser tout cela avec les gardes de faction cette nuit, afin que vous ne soyez pas dépaysés.
Y-a-t-il des questions ? Des protestations ?
Loyal, le chef des serviteurs nocturnes, prit la parole, sans relever le front.
- Je parle en mon nom et en celui de mes collègues, pour remercier son Auguste Majesté le Prince Cadet de son incroyable et miraculeux cadeau. Je prie toutes les Fortunes pour que sa vie soit longue et heureuse et même si la douleur de la séparation de nos enfants sera vive très longtemps, je sais que leur vie sera heureuse et que leur Karma sera bon. Je remercie aussi le Grand Prince pour sa bienveillance à notre égard et l'assure de notre entière et indéfectible loyauté. Que nos âmes à tous soient maudites et promises au Jigoku, si l'un de nous ne ressent pas la même loyauté et la même fidélité que je ressent à présent.
Ces derniers mots sonnaient comme une malédiction et un avertissement à ses congénères.
Ce heimin mérite vraiment sa place, il a bien compris les tenants et les aboutissants des évènements de cette nuit, pensa Kyuzo
Aucun des autres heimin ne prit la parole ni ne protesta.
Et c'est ainsi que des enfants heimin devinrent ji-samurai, entraînés et surveillés par des gardes Seppun dans une province agréable du clan mineur du Moineau, tandis que les liens entre les serviteurs du Prince Cadet et celui-ci s'en trouvèrent renforcés.
Seul Seppun Kôtô resta au palais après cette nuit. Il devint le bras droit de Kyuzo, ce qui permettait à ce dernier de le surveiller de près.
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