[Background] Quand la Fortune vous sourit 1/2

Ce Forum est dédié à être un recueil pour les histoires que les Forumistes rédigent dans le monde de L5R.

Modérateurs : Magistrats de Jade, Historiens de la Shinri

Soshi Yabu
Diplomate
Messages : 2452
Inscription : 19 juin 2004, 13:26

[Background] Quand la Fortune vous sourit 1/2

Message par Soshi Yabu » 13 juil. 2008, 19:59

***AVANT DE LIRE
Pour bien comprendre, sachez que ce personnage est écrit pour une campagne réalisée par Kuni Amoro, où la carte de Rokugan est aménagée sur celle du Japon, avec un certain nombre de lieux identiques.
Réactions éventuelles sur mon topic personnel.
La suite viendra soit ce soir, soit demain.***




D’aucuns prétendent que je serai né aux alentours de l’an 360. Je ne m’en souviens pas, pour ma part, mais l’abbé de mon monastère a toujours prétendu cela. Je ne le sais pas, car je ne connais pas mes parents. Tout du moins, je les ai perdu tôt.
J’avais quelques années à peine, lorsque le château où je vivais fût mis à sac. Un grand seigneur vint trancher la tête de mon père, ainsi que celle de ma mère. Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas été tué. Il m’avait semblé voir des gens chuchoter devant moi. Me porter des regards étranges. Et puis j’ai été déposé dans un temple, sur le Mont Fuji. Je devins moinillon.

Il paraît que certains nobles regardent la vie de moine avec horreur. Du moins jusqu’à ce qu’ils doivent suivre l’inkyô, j’imagine. La jeunesse chez les nobles gens doit leur pervertir la raison. Ma jeunesse fût austère, cela est vrai. J’ai fait beaucoup de tâches ménagères. Laver des sols, frotter des parquets, balayer des dalles, porter le repas aux moines… Mais cette vie avait quelques avantages. Je n’avais jamais faim. Il y avait toujours un bol de riz, à moins que je ne fasse quelque sottise qui m’attira les foudres de l’abbé, et je pouvais aller contempler le jardin sec des heures durant si je le voulais. J’avais compris qu’en restant en ces lieux, les moines me réclamaient moins de tâches. L’enfant un peu paresseux que j’étais y trouva son compte. Et les moines avaient bien fait de me laisser à mes croyances. Pendant de longs moments, je m’absorbais devant les vagues de gravillons, les pierres que l’on disait montagne. Il me semble aujourd’hui que je découvris la méditation en ce lieu.
Mais cela ne m’empêchait pas, une fois ressortie, d’aller provoquer mes camarades, pour me battre avec eux. Nous voyions les moines pratiquer les arts martiaux, et nous souhaitions faire de même. Je gagnais toujours, mais cela me valu de longues journées sans nourritures.

Durant ces privations, un moine en particulier venait me voir. Il s’appelait Jikyuu. Ce moine venait m’apprendre à combattre. Le Jiu Jutsu surtout. Ces moments étaient difficiles, car mon corps n’avait que peu de forces. Et pourtant, Jikyuu persistait, poussait à me dépasser, à devenir plus fort, à être plus rigoureux. Cela ne m’empêchait pas de continuer à rosser les autres moinillons. Mais lui, ne m’en faisait jamais le reproche. Nous travaillions seuls, tous les deux, tandis que mon ventre gargouillait. Mes gestes devenaient précis, mon corps plus souple, et plus puissant.
Mais pourtant, je ne grandissais pas particulièrement. Les robes de mes camarades, ou leurs pantalons, finissaient par laisser voir leurs chevilles, mais pas moi. Ou beaucoup plus lentement. J’étais un petit garçon. De moins en moins en âge, mais de plus en plus en taille.

Les moines ne parlaient pas avec moi des leçons données par Jikyuu. J’en recevais d’autres, différentes, avec le moine Dokuhon. Je n’étais pas le seul, nous étions tout un groupe de jeunes garçons. Et parfois même, un homme ou deux se joignaient à nos leçons. C’est là que je découvris que des hommes âgés pouvaient décider de suivre une voie, que je n’eus d’autre choix que de suivre. Dokuhon nous faisait la lecture, comme son nom l’indiquait. Il nous parlait des Fortunes, des kamis, et de toutes ces puissances qui menaient le monde. Je me passionnais moi pour Bishamon. Je demandais sans cesse à Dokuhon de raconter des histoires à son sujet. A tel point que l’on me surnomma le pouce de Bishamon. Je m’en moquais. On pouvait être petit et fort, j’en étais persuadé. Je ne crois pas m’être trompé.
Les leçons de lecture n’étaient pas mon fort. Je préférais me dépenser, m’entraîner au Jiu Jutsu. Parfois, Jikyuu passait simplement quelques instants, corriger un déplacement, affiner un mouvement. D’autres fois, il me faisait courir avec de lourdes pierres à la main, pendant de longues heures. M’obligeant à les prendre de plus en plus lourdes.
Un jour, pendant un de ces entraînements, je détruisis un toit, sur l’une des maisonnettes du monastère. Sur le moment, je n’avais pas compris comment j’avais fait pour projeter une pierre énorme et lourde, sur une telle distance. Je me souviens encore, que j’avais invoqué l’aide de Bishamon pour porter l’objet. A l’époque, je n’y pris pas garde. Aujourd’hui, je sais que c’est là la première fois que je fis montre de mes talents d’Onmyôji. Jikyuu ne me reprocha rien. Mais l’abbé me fit punir sévèrement, et je du reconstruire le toit abîmé. Après cet évènement, les langues se turent par devant, et les provocations des autres se firent moins fréquentes. On peut dire que c’est à cette époque que j’ai commencé à chercher la bagarre régulièrement.
Cela ne dura pas. L’abbé me fit rassembler quelques affaires de voyage, et me fit présenter devant Jikyuu. C’était la première fois que je les voyais ensemble, et l’abbé semblait s’incliner devant lui. Je ne compris pas. Par contre, je compris bien que j’étais devenu un homme, et que je partais continuer mon enseignement sur les routes, avec Jikyuu.

Quel étrange duo nous formions alors. Lui, grand, large d’épaules, la barbe taillée en brosse et le crâne rasé, et moi, petit et trapu. Nous ne descendîmes pas vers la vallée. Au contraire, il me fit monter au sommet du Mont Fuji. De là haut, nous percevions toute la vallée en dessous de nous. Mais je sentais surtout les grondements du vénérable Fuji. Une sourde puissance, que nous disions tous contenue par les prières venues de tous les temples qui parsemaient ses flancs.
Là, je reçu une leçon. Il me demanda de l’attaquer, de lui montrer les talents que j’avais acquis durant mes entraînements au temple. J’ai essayé. Lui, avec son simple bâton de marche, m’a mis les fesses à terre des dizaines de fois, avec une économie de mouvement étonnante. Le dernier coup que je pris me laissa inconscient au sol. Lorsque je me réveillai, Jikyuu avait commencé à préparer le dîner. Dame Amaterasu laissait place à son époux, et ma tête me faisait grand mal. Pendant que nous mangions notre bol de riz, Jikyuu m’expliqua ce qu’il m’avait montré. Qu’il n’y avait nul besoin d’une arme destructrice pour mettre à terre un adversaire, et que le bâton de marche, pour un moine itinérant, était la meilleure des armes.
Au matin, lorsque nous descendîmes vers la province de Suruga, je me mis en quête d’une branche idéale pour me faire mon propre bâton. Sur un chêne jeune et puissant, une branche apparue comme de bonne facture. Droite et solide. Jikyuu la coupa du revers de sa main. Pourtant l’arbre n’était point mort… Je n’essayai pas de faire de même. Mais au moins, j’avais mon premier bâton de marche.

Avancer n’étais pas notre but, je le découvris rapidement. Jikyuu n’avait pas d’endroit où il souhaitait se rendre à l’époque, et de toute façon, ce n’était pas le propos. Nous marchions des journées entières, souvent en faisant une boucle, pour revenir à un point de départ. Jikyuu n’était pas très bavard, et en un certain sens, nous méditions en marchant. Il voulait me rendre plus fort, plus résistant, plus endurant. Et puis il continuait de m’apprendre le Jiu Jutsu, faisant de moi un remarquable combattant avec mes poings. Il continuait aussi à me donner des corrections avec son bâton, désirant m’apprendre par l’exemple ce que je devais savoir quant à son maniement.
Cela dura une année entière. Chaque fois que nos vivres s’épuisaient, nous marchions vers une ville, ou un village. Là-bas, nous demandions quelques offrandes, en échange de nos prières aux Fortunes. Du poisson séché, des légumes vinaigrés, parfois du riz. La pitance n’était pas abondante, mais c’était là la vie des moines. Quand nous recevions beaucoup d’offrandes, nous en déposions un peu sur des lieux de cultes, puis nous repartions dans les champs, loin des hommes.

Pendant ces moments d’isolement, j’essayais de faire parler Jikyuu de lui. C’était une chose très difficile, il ne répondait que de manière évasive, simple. Il se disait moine, chargé d’assurer mon éducation. Parfois quelques mots de plus, mais c’était rare. Il préférait parler des Fortunes et des kamis, dans ces moments là.

Un jour, tandis que nous marchions dans une forêt épaisse, sur les pieds du Mont Fuji, nous entendîmes un cri. Une petite fille était montée à un arbre, et près des racines, un loup tournait. Il semblait en chasse et affamé, car il tournait en tous sens, guettant les branches supérieures. Sans réfléchir, je m’élançai en courant face à lui, en hurlant le nom de Bishamon. Toujours, je me sentais plus fort, quand j’appelais Bishamon à mes côtés. Si j’avais su… Faisant tournoyé mon bâton, je mis plusieurs coups au loup, sur le museau notamment. Il partit sans demander son reste, et nous pûmes ramener l’enfant à son village, où je fus largement nourrit. J’en venais quand même à me demander si je ne pouvais pas avoir reçu la bénédiction de Bishamon. Quand je me faisais son héraut, rien ne me résistait. Lorsque j’en fis part à Jikyuu, il me répondit simplement que nous avions un temple à visiter.

Nous marchâmes jusqu’à la province d’Amahara, sur les terres d’un seigneur nommé Orochi. Sur une petite montagne, se dressait un temple à Bishamon. Une chapelle en fait, mais sans doute ce qui se faisait de mieux dans la région pour la Fortune, en dehors des grandes capitales. Le chemin était escarpé, mais les rondins de bois qui formaient le chemin, posés récemment. Il n’était pas trop difficile d’y monter. Quelques moines officiaient là-haut. Lorsque nous sommes arrivés devant eux, ils se sont prosternés, à ma grande incompréhension. Ils saluaient Jikyuu avec une extrême déférence, presque de la dévotion. Nous sommes entrés tous les deux dans la chapelle. Sur l’autel, une statue haute comme deux ou trois hommes, représentant Bishamon. La présence de Jikyuu se fit encore plus imposante qu’elle ne l’était en temps normal. Je sentais une extrême puissance se dégager de lui, une force sans égale… Je finis par comprendre. Jikyuu était… Bishamon…
La Fortune de la Force était à mes côtés depuis plusieurs années, sans que je ne le sache. Elle m’avait apporté savoir, protection, enseignement, et bénédiction.

Bishamon se mit alors à me parler. Plus sans doute qu’il ne l’avait fait jusqu’à ce moment là. Il m’expliqua qu’il accordait parfois sa bénédiction à des humains, ce qu’il avait été à une époque. Mais moi j’étais différent. Je serai son serviteur, son représentant, dans le monde des hommes. Il ne pouvait rester indéfiniment en Ningen-do, et c’est moi qu’il chargeait de porter sa parole. J’étais extrêmement impressionné, mais surtout fier d’avoir été choisi, moi le petit moinillon d’un monastère perdu.
Pendant une année encore, Bishamon m’instruisit. Nous restâmes au temple, et les moines présents nous apportaient nourriture et eau. Enfin, pour moi, Bishamon n’avait plus besoin de faire semblant de manger. Il m’apprit plus de choses encore. A maîtriser les pouvoirs qui me permettraient d’invoquer sa puissance, à la contrôler et à la soumettre à ma volonté. Il m’apprit aussi à frapper avec les plus lourdes des armes, afin de parfaire encore mon corps, et d’être le digne représentant de la Fortune de la Force.
Une année s’était écoulée, et Bishamon annonça son départ. J’étais touché, mais je savais qu’il ne me quitterait pas vraiment. Les moines lui apportèrent une longue boîte en bois, qu’il posa devant moi. Lorsqu’il l’ouvrit, je vis un bâton de marche très spécial. Son bout supérieur était ferré, puissamment. Le bâton était lourd, et il me semblait que je pourrais fracasser des crânes, avec lui. Bishamon m’expliqua qu’il me servirait à porter sa parole, de double façon. A donner des leçons, comme lui le fit avec son bâton durant mon apprentissage, et aussi à punir, lorsque le fer aurait à frapper.

Bishamon nous fit sortir de son temple, et je ne le revis plus. Son bâton à la main, un chapeau sur la tête, et ma tenue de sohei sur le dos, je redescendis vers la vallée, afin de commencer à porter la bénédiction de Bishamon dans la région, et plus loin encore.

Répondre