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par Kakita Kyoko » 06 sept. 2008, 16:08
Un matin, la nouvelle fait le tour de la ville. Le Champion d’Emeraude, Doji Satsume, et la Dame des Scorpions, Bayushi Kachiko, viennent en visite à Ryoko Owari.
Cette nouvelle déclenche un branle-bas de combat au Palais et dans la ville, afin de préparer la réception officielle qui va réunir tous ceux qui comptent à la Cité des Rumeurs.
Les supputations vont bon train sur le motif de cette double visite. La version la plus en vogue concerne les troubles récents en ville, suite à l’intervention musclée de la Magistrature d’Emeraude à l’encontre des cartels impliqués dans le trafic d’opium. Mais d’autres prétendent qu’il pourrait s’agir d’une alliance entre le clan de la Grue et celui du Scorpion, à un niveau suffisamment élevé pour justifier le déplacement du daimyo de l’un et de l’épouse du daimyo de l’autre.
Quelle que soit la raison, elle doit être d’importance.
Aussi les courtisans réajustent leurs tenues, peaufinent leurs manœuvres, affûtent répliques et traits d’esprit. Une telle réception est immanquablement l‘occasion de prendre la température politique du clan, et cette double présence lui donne une emphase exceptionnelle.
En dépit du fait qu’il soit affecté à l’entourage même de Bayushi Kachiko, et arrive en sa compagnie, Shosuro Katsumoto n’est pas plus au fait que les autres de la raison précise de cette visite, même s’il espère qu’elle est la consécration des tractations qui sont en cours entre sa propre famille et le clan de La Grue. L’entretien que lui a accordé Doji Satsume lors de leur halte pour la nuit, la façon dont le regard pénétrant du Champion d’Emeraude s’est attardé sur lui tout au long du trajet entre Nihai et Ryoko Owari, lui font espérer que c’est le cas.
Katsumoto a dû repartir dans sa famille, plusieurs semaines auparavant, afin de discuter plus avant de l’engagement qu’il envisage. Son père l’a questionné à fond, lui a expliqué les conséquences d’une telle alliance. Si sa requête est agréée, comme il se marie largement au-dessus de son rang, il rejoindra le clan de la Grue, c’est une décision à bien peser. Il ne faut pas non plus qu’il oublie d’où il vient, quelles sont ses obligations, ce ne sera pas une position facile. Mais Shosuro Katsushiro a bien vu que la volonté du jeune homme était ferme.
A son arrivée en ville, Katsumoto a aussitôt rendu visite à Doji Shizue, qui réside toujours au temple d’Amaterasu. Après s’être enquis de sa santé, il s’est ouvert à elle avec tact de ses interrogations. Mais la jeune fille est encore plus ignorante que lui de ce qui se passe. Elle redoute cette réception où elle devra être présente, et qui sera la première fois qu’elle affronte la foule des courtisans de la Cité des Rumeurs. Elle redoute, surtout, de faire face à son oncle, à son regard aigu. Ne va-t-il pas instantanément détecter le déshonneur dont elle est l’objet ?
Bien qu’elle n’en parle pas, Katsumoto devine ses appréhensions, et fait de son mieux pour les apaiser. Dans l’intervalle, son ressentiment à l’égard du fils du gouverneur a encore grimpé d’un cran. Il a sous les yeux l’exemple pitoyable du mal que peut faire cet homme, une jeune fille tellement traumatisée qu’elle n’ose même plus faire face à sa famille, et frémit à l’idée de ce qu’il risque de faire à Tsukiko, malgré ses avertissements. Il a eu du mal à en croire ses oreilles, en apprenant qu’elle est à présent la maîtresse officielle de Jocho. Il a envoyé un mot à cette dernière, afin de lui parler avant la réception, mais son message est resté sans réponse. Il va lui falloir patienter jusqu’à la fin de la soirée.
Plus il connaît Shizue, plus il redoute ce que cette ordure pourrait faire à Tsukiko. Il faut qu’il lui parle, avant qu’il ne soit trop tard.
Le gouverneur connaît, bien sûr, la raison de cette visite. Ses protestations répétées contre les actions irresponsables de la Magistrature d’Emeraude, qui ont créé des incendies, des émeutes et d’autres troubles dans la ville, au mépris complet de la population locale, ont enfin été entendues. Que le Champion d’Emeraude se déplace en personne sera un signe clair pour ces magistrats au zèle intempestif qu’ils doivent à présent réfréner leurs ardeurs.
Elle sait aussi, bien sûr, qu’il souhaitait rencontrer en personne le prétendant à la main de sa nièce, et parler avec celle-ci de ce mariage. Il lui a fallu user de subtilité lors des tractations. Un excessif soutien aurait éveillé les soupçons. Mais là elle pense avoir usé du mélange adéquat de surprise, d’ingénuité, de courtoisie et de manipulation pour que la proposition retienne l’attention de Doji Satsume, et le trajet leur aura donné l’occasion idéale pour faire connaissance. Nul doute que le Champion d’Emeraude aura été agréablement surpris.
Hyobu est plus étonnée de la venue de Bayushi Kachiko. Même si sa présence met l’accent sur les excellentes relations entre le clan du Scorpion et le Champion d’Emeraude, elle s’attendait plutôt à ce que ce soit Shosuro Katsushiro, le hatamoto du daimyo, le père du junshin, qui soit présent aux côtés de son fils.
Le gouverneur n’a guère d’estime pour l’épouse de Bayushi Shoju, qui use plus de ses charmes que de sa tête, et ne peut s’empêcher de se demander si la venue de cette dernière n’a pas un autre motif, surtout après cette « étude des défenses de Ryoko Owari » demandée par Shosuro Hametsu. Comme toujours, il y a probablement des plans dans les plans.
Aussi le gouverneur passe en revue les différentes hypothèses, planifiant, anticipant, élaborant diverses options. Il faut qu’elle pare à toute éventualité.
Notamment celle où Satsume se rendrait compte, d’une façon ou d’une autre de ce déplorable incident survenu avec sa nièce.
* * *
Tsukiko commence à avoir un solide entraînement en termes de réceptions officielles. Elle est au fait de tout ce fastidieux rituel. Les salutations, les courbettes, les sourires feints, les compliments élaborés, toute cette danse compliquée exigée par l’étiquette, toute cette hypocrisie formalisée entre des gens qui pour la plupart se haïssent cordialement, n’ont plus de secret pour elle.
Mais ce soir-là, en raison de la présence des illustres invités, encore plus que les autres soirs, toute la bonne société de la Cité des Rumeurs s’est mise sur son trente et un, à grands renforts de kimonos somptueux, de coiffures élaborées, de bijoux de prix, de masques et d’accessoires recherchés. Le Champion d’Emeraude est déjà venu à Ryoko Owari, mais ses visites sont rares, et la venue simultanée de l’épouse du daimyo du clan du Scorpion fait de cette soirée un événement exceptionnel.
Aussi une tension, une effervescence perceptibles agitent la foule des courtisans, bourdonnant comme un essaim de guêpes ayant senti l’odeur de la viande.
En voyant les regards qui les accueillent, elle se sent mal à l’aise et remercie mentalement les Fortunes d’être accompagnée de Jocho, éminemment rompu à cet exercice. Ce dernier est resplendissant dans un superbe kimono de brocard noir recouvert d’un haori aux flamboiements fauves, ses sabres glissés dans un obi carmin orné de flammèches stylisées.
La courtisane s'avance de sa démarche légèrement chaloupée, à deux pas derrière le capitaine de la Garde Tonnerre, ses yeux à l'étrange couleur turquoise font le tour de l'assemblée, mais elle dissimule soigneusement sa curiosité en baissant ses longs cils ourlés de noir.
Modestement, comme il se doit pour une dame de sa condition...
La soie précieuse murmure à chacun de ses pas, frôle les tatamis, glisse autour de ses longues jambes sans les révéler tout à fait. Les flammes fauves du décor peint lèchent les fines chevilles et laissent l'incendie monter depuis le sol jusqu'au obi.
Le feu tourbillonne, ondoie, épouse ses formes voluptueuses sur le fond de jais du kimono. Les langues ardentes sourdent sur son buste et dévorent silencieusement les longues manches noires.
Elle a remis l'étrange masque arachnéen dont les minuscules turquoises rehaussent la couleur de ses yeux clairs, relevé la lourde masse aile de corbeau de ses cheveux en un chignon sophistiqué, dont l'entrelacs compliqué met en valeur les piques orangées qui s'y entrecroisent.
Un obi rouge sang ceint sa taille au plus près, elle tient entre ses doigts fins un des éventails de Jocho, obligeamment fournis par Nayoko.
Un voile de rose et de camélia mêlé parfume l'air qui l'entoure tandis qu'elle marche près de lui, et son visage maquillé à la perfection attire tous les regards masculins de la salle.
Tsukiko a exercé tout son art pour être la plus belle, comme le lui a demandé Jocho. Juste après Kachiko, puisque c'est la règle du jeu.
Elle trouve cela stupide. Presque aussi stupide que son imbécile de pari.
Jocho éclipse en prestance et en superbe tous les courtisans présents, c’est sans conteste le paon dans la basse-cour. Inconscient des pensées rebelles de la ravissante jeune femme derrière lui, il arbore un large sourire, à l’évidence ravi d’être le principal centre d’attention de l’assistance après, naturellement, leurs honorables visiteurs. Tsukiko sait, de part les regards admiratifs de l’assistance, qu’ils forment un beau couple, avec leurs tenues assorties.
Quelque part, ça l'agace profondément.
Ils commencent à saluer les premiers courtisans. Jocho se tire du pensum avec brio, adressant salutations aimables, traits d’esprit, compliments bien tournés et piques assassines avec une courtoise ironie, une aisance et une élégance de verbe qui trahissent sa familiarité de l’exercice.
Un brouhaha – le Champion d’Emeraude vient d’arriver, en compagnie de Bayushi Kachiko et du gouverneur Hyobu. Il salue les uns et les autres puis, suivi du serviteur qui porte son sabre à la verticale, se dirige vers le petit groupe de magistrats d’Emeraude d’un pas mesuré, traversant la foule comme l’étrave d’un bateau fend l’eau, sans effort apparent.
Tsukiko le salue respectueusement. Elle ne l’a jamais vu auparavant, mais il est impossible de se méprendre sur l’aura presque physique, palpable, de pouvoir et de suprême confiance en soi qui entoure la silhouette longiligne, le visage anguleux et balafré, de la deuxième personne de l’Empire.
Un peu derrière, devisant à mi-voix avec le gouverneur Hyobu, s’avance d’un pas glissé Bayushi Kachiko. Sa tenue fastueuse, aux rouges si profonds qu’ils en sont presque pourpres, enveloppant ses courbes voluptueuses, à côté de l’austère tenue noire du gouverneur, évoque irrésistiblement une rose opulente et somptueuse à côté d’un corbeau.
La courtisane cherche des yeux Katsumoto et Shizue. Voilà trois jours qu'elle n'a pas de nouvelle d'eux, et elle s'inquiète pour aniki.
Elle répond aux sourires et aux bonsoirs qui lui sont adressés, même si elle sent le regard de Jocho sur elle quand elle parle à d'autres hommes que lui.
Enfin elle les aperçoit dans un coin de la salle, en train de discuter tranquillement avec Doji Sukemara, le souriant représentant du clan de la Grue à la cité des Rumeurs. Ce dernier jette des coups d'oeil discrets en direction du Champion d'Emeraude, guettant le moment où il aura terminé sa discussion avec les magistrats pour venir saluer celui qui est aussi son daimyo.
Shizue est toujours aussi pâle, et semble tenter de se confondre avec les murs. La discrète tenue gris-bleu qu'elle a choisie contribue pleinement à l’atteinte de cet objectif.
Tsukiko attend avec patience que le Doji s'éloigne pour s'approcher tranquillement du couple. Jocho, tout à sa conversation avec une des courtisanes, une jeune femme de la famille Yogo, ne semble pas faire pas attention quand elle quitte son voisinage.
Enfin, Doji Sukemara s'éloigne. Elle profite du mouvement de foule pour se glisser hors de portée de Jocho et sourit en arrivant à leur hauteur.
Shizue l'accueille d'un sourire sincère, Katsumoto est plus réservé. Il a bien repéré le kimono noir et fauve assorti à celui de Jocho.
Tsukiko est absolument ravie de les revoir. Puis elle voit Shizue devenir blanche comme un linge, et effectuer une courbette à la limite de l’effondrement, et Katsumoto s’incliner profondément.
- Bonsoir, ma nièce. Bonsoir Katsumoto-san, Shosuro-sama, dit Doji Satsume en inclinant courtoisement la tête dans leur direction. Ils s’inclinent en retour.
Le champion d'Emeraude ne peut s'empêcher de remarquer la façon dont les épaules de la jeune fille pointent sous le kimono. Sa peau pâle est presque translucide, ses mains fines sont devenues squelettiques.
Katsumoto sait que cette soirée va être déterminante. C'est la première fois qu'elle est à nouveau en présence de Shosuro Jocho et son oncle est présent, il n'en faudrait rien de moins pour s'évanouir, mais Shizue est plus forte qu'il n'y paraît.
- Vous ne m'avez pas donné de nouvelles depuis bien longtemps, ma nièce... Comment allez-vous ?
- Je vais bien, mon oncle, je vous remercie. Et vous ? Comment vous portez-vous ?
Sous le voile de politesse, la jeune fille semble plus morte que vive.
- Les affaires de l'Empire m'absorbent beaucoup, comme d'habitude...mais je vais bien, je vous en remercie. Comment se passe votre séjour dans la capitale du clan du Scorpion ?
- Très calmement. J'ai attrapé un mauvais refroidissement il y a quelques semaines, et j'ai préféré rester au temple d'Amaterasu, où je pouvais méditer et me reposer sans déranger mes hôtes. Mais ça va beaucoup mieux à présent.
Les yeux du Champion d'Emeraude se plissent de compassion. Elle a toujours été de santé fragile.
- J'espère que vous avez été bien soignée, et que l'on a pris soin de vous...
- Oui, Tsukiko san a veillé sur moi comme une véritable amie, mon oncle. Elle m'a rendu visite tous les jours tout le temps où j'ai été alitée.
Katsumoto près d'elle ne dit rien mais il espère que sa présence et celle de Tsukiko sont un soutien au mensonge qu'elle sert à son oncle. Il ne faut pas qu'elle flanche..
Les yeux perçants de Satsume passent sur la jeune courtisane sans faire de commentaire. L'amitié d'un membre du clan du scorpion se paie. Toujours.
- J'ai eu l'honneur de faire connaissance de Katsumoto-san, ici présent, chemin faisant. J'ai cru comprendre que vous le connaissiez ...?, dit le Champion d’Emeraude en se retournant vers sa nièce.
- Oui, mon oncle, nous nous sommes rencontrés lors d'une réception au palais, mais nous avons souvent parlé au temple, pendant ma convalescence.
- Une simple rencontre lors d'une réception... et vous voilà intronisé garde-malade, commente Satsume en regardant le jeune homme. Peut-être pouvez-vous m'expliquer la raison de ce soudain dévouement ?
- Faut-il une origine au dévouement, Doji Satsume dono ? En ce qui me concerne, c'est une chose naturelle qui ne nécessite nullement une raison.
- Et que pouvez-vous me dire de ce jeune homme, ma nièce ? demande Satsume, impénétrable.
Shizue garde le silence, silence pendant lequel elle laisse son regard bleu sur le courtisan debout près d'elle. Puis sa voix mélodieuse s'élève au sein du petit groupe, douce et posée.
- Je pense... Je pense que c'est quelqu'un de bien... mon oncle.
Le regard de Satsume se fait pensif.
Tsukiko sourit avec tendresse à aniki, puis à Shizue. Cette jeune femme est vraiment ce qui peut lui arriver de mieux.
- Si je comprends bien, ce que vous avez fait pour ma nièce, vous l'auriez fait pour n'importe qui.
- Hai, Doji Satsume dono, pour toute personne qui aurait eu besoin de mon soutien.
- Aucune attention particulière, donc.
- Au début, non, ensuite le temps a changé les choses, dit Katsumoto en regardant le champion sans ciller.
- Hmmm...Et de votre côté, Shosuro-san, s'agit-il également d'un dévouement spontané ?
Tsukiko lève un instant son regard à l'étrange couleur turquoise sur le grand guerrier au visage balafré qui la considère.
- Elle m'apprécie pour ce que je suis, et ils sont rares ceux qui me font cette faveur.
- Vous me rassurez, Shosuro-san. L'espace d'un instant j'ai cru devoir féliciter publiquement la famille Shosuro pour son altruisme, dit Satsume d’une voix égale.
- De mon point de vue, l'altruisme est une question d'individu, Doji dono. Pourquoi y aurait-il moins de personnes altruistes dans la famille Shosuro que dans une autre ? Mais vous avez raison de me le rappeler, Shizue sama apprécierait sans doute un thé bien chaud. Si vous me le permettez, je voudrais m'en charger.
Sur un simple signe de tête de Satsume, la courtisane s'éloigne d'un pas gracieux et se dirige vers l'un des serviteurs qui parcourent les convives. De toute façon, ce n'est pas sa place. Il s'agit d'une affaire de famille, et ces gens ne sont pas sa famille...
Le gouverneur lui souhaite le bonsoir alors qu'elle passe à sa hauteur, et mue par une soudaine inspiration, Tsukiko lui demande au détour des platitudes d'usage :
- Dame Hyobu, je me demandais si vous aviez eu le mot que je vous ai fait passer la semaine dernière, et celui d'avant-hier. Je ne me souviens pas vous les avoir envoyés.
- Oui, Tsukiko san.
- Oh, parfait alors... Je m'excuse de vous avoir importunée. Passez une bonne soirée.
- Vous également.
La courtisane navigue ensuite entre les invités, parle et sourit à tous ceux qui lui adressent la parole, est aimable, spirituelle, enjouée, elle sent le regard de Jocho sur elle, qui la suit alors qu'elle passe d'un convive à l'autre en revenant vers lui.
A plusieurs reprises, les jeunes gens avec qui elle avait l'habitude de sortir avant d'emménager ici l'abordent, « ravis » de la voir à nouveau. Et ce qu'ils lui apprennent la laisse songeuse...
Des lettres qu'on lui a adressées ne sont jamais arrivées à destination. Et pas qu'une fois.
Cet indice troublant vient s'ajouter à d'autres, tout aussi troublants. Elle a déjà l'impression qu'on la surveille, qu'on l'épie. Elle a les bushi de Jocho accrochés à ses basques à chacune de ses sorties.
Et toujours son regard noir, brûlant, qui ne la quitte pas...
Doji Satsume retourne le feu de son attention vers sa nièce, et le jeune homme silencieux à son côté, qui lui aussi appartient au clan des secrets.
Shizue regarde Tsukiko s'éloigner à regret.
- Ma nièce, j'ai reçu, il y a quelques temps, une proposition... inattendue, qui pourrait contribuer à rapprocher le clan du Scorpion et celui de la Grue. Cette proposition m'est parvenue par l'intermédiaire du gouverneur Hyobu. Savez-vous de quoi je veux parler ?
- Non, mon oncle.
Tout va se jouer ici, se dit Katsumoto.
- C'est une proposition qui vous concerne tout particulièrement.
- Je ne suis pas au courant, mon oncle.
Katsumoto redoutait cet instant. L'instant où elle va prendre connaissance de sa demande. Il doit offrir un visage lisse et poli aux yeux du Champion, de Shizue, mais il sait qu'il lira dans ses yeux ce qu'elle pense dès qu'elle apprendra, et c'est cela qu'il redoute, ses pensées, son avis.
- Shosuro Katsumoto-san, ici présent, vous a demandée en mariage. Ce qui m'intéresse de savoir, c'est ce que vous pensez de cette proposition ?
Le regard du jeune homme se pose sur Shizue, elle peut le détruire en un mot, elle peut le haïr d'un regard. Jamais personne n'a eu cette emprise sur lui.
Les yeux de la jeune femme s'agrandissent sous la surprise, elle se reprend presque immédiatement.
- Moi... en mariage ?
Des pensées contradictoires se mêlent et se bousculent dans sa tête, sans qu'elle puisse les maîtriser.
- Je ne suis pas nécessairement contre, malgré la différence de statut, poursuit Satsume. Mais je souhaiterai aussi comprendre qui, précisément, est à l'origine de cette intéressante initiative, dit-il en transperçant le jeune homme du regard.
Le Champion est méfiant, il ne peut lui en vouloir. Doji Shizue a dû déjà tellement souffrir, en tant que son tuteur, il veut s'assurer que le sort ne va pas lui jouer un tour cruel.
Tsukiko assiste à l'échange à quelques pas de là, sans parvenir tout à fait à comprendre ce qui se dit. Elle se doute de la teneur de la conversation, sans avoir besoin d'y assister. Elle ne quitte pas Katsumoto des yeux, tout en répondant avec amabilité aux questions de son voisin.
Shizue se tait, elle ne sait que penser.
- C'est moi qui ait eu cette initiative, Doji Satsume dono, affirme Katsumoto hardiment.
Sa voix, comme son regard, ne mentent pas.
Satsume le jauge sans mot dire, un long moment. Katsumoto n'a pas à craindre cet examen, il sait pourquoi il a fait cette demande, il sait aussi que depuis, il éprouve des sentiments pour elle, de profonds sentiments. Ce mariage la protègera à jamais de ce qui s'est passé ici et qu'il ne peut pas défaire. Il ne le pourra jamais, quelle que soit la force de sa résolution, et c'est ce qu'il regrette le plus maintenant.
- Et si vous me disiez ce qui vous a amené à considérer une union avec ma nièce ?
- Une grande affinité avec sa conception des choses de la vie, Doji Satsume dono, une envie de partager les choses et un aplomb certain, je n'en disconviens pas.
Un petit sourire traverse le visage austère du Champion d'Emeraude. Katsumoto a regardé Shizue. S'il pouvait lui dire d'un regard qu'elle ne risque plus rien, que jamais plus personne ne lui fera de mal... Le courtisan redoute plus le verdict de Shizue que celui du Champion, auquel il ne pourra se soustraire de toute manière.
- Ma nièce, je ne vous demande pas de répondre maintenant sur cette proposition. Sachez en tout cas que je ne vous imposerai pas cette union pour satisfaire des intérêts politiques. Réfléchissez-y. Mais j'ai besoin de connaître votre position.
Elle reste un instant sans rien dire et regarde le jeune homme debout près d'elle. Elle se souvient de ses conversations avec Tsukiko, de ce qu'elle lui a raconté sur lui, de ses impressions et de ses sentiments quand elle le regardait prier, cachée derrière le pilier du temple d'Amaterasu.
Katsumoto sait qu'elle va y songer pendant des heures probablement, qu'il va attendre deux fois plus longtemps encore pour connaître sa décision, mais il ne l'influencera pas, il ne cherchera pas à la gagner à lui à tout prix. C'est la meilleure solution, il le sait, et cependant elle choisira en toute liberté. Leur union bâtie sur un mensonge, la plus douloureuse des épreuves pour elle sera à ce prix, pas à un autre.
Satsume les englobe du regard. Il voit aussi la silhouette longiligne de la courtisane Shosuro, un peu plus loin, qui les observe.
Il ne peut s'empêcher d'avoir l'impression tenace qu'on ne lui a pas tout dit. Mais parfois, il est préférable de ne pas savoir. Ce qui est important, c'est le bonheur de Shizue. Et ce garçon, avec son regard droit, si inattendu chez un samurai du clan du Scorpion, lui a donné l'impression d'un homme honorable.
- Hai, oji sama. Je vous donnerai ma réponse d'ici la fin de la semaine.
Il lui sourit avec affection, a un petit signe de tête envers Katsumoto, et s'éloigne.
Shosuro Katsumoto reste immobile auprès de Doji Shizue, quelle va être sa réaction maintenant. Elle se tourne vers lui, le regarde.
- Pourquoi voulez-vous m'épouser, Shosuro Katsumoto sama ?
- Parce que je crois que nous avons la même vision des choses et que j'ai besoin de vous à mes côtés, même si ça vous paraît soudain, Doji Shizue sama
Autant être franc jusqu'au bout, ne pas cacher ses sentiments. Ça va lui apparaître si soudain, si faux. Il ignore tout ce que lui a dit Jocho, le jeu qu'il a joué. Ça ressemble comme deux gouttes d'eau à sa sincérité à lui.
- A vrai dire, et pour être tout à fait sincère, je ne sais que penser de tout cela... Votre intérêt est très soudain, et je ne sais quel crédit lui accorder.
- Je comprends, dit-il doucement. Je n'ai rien à opposer à cela que ma sincérité et je sais qu'elle peut ne pas avoir grand poids dans la situation actuelle. Mon nom n'est pas synonyme de franchise, je le sais. J'attendrai votre décision, Doji Shizue sama, je m'y conformerai.
- Je vous remercie. Je ferai en sorte de vous en informer le premier.
- C'est délicat de votre part, Doji Shizue sama.
- Auriez-vous l'amabilité de me ramener au temple, s'il vous plaît ? Je suis assez fatiguée.
- Oui, si vous le souhaitez, je vous raccompagne maintenant, mon palanquin est à votre disposition.
Il avise une jeune femme qu'il a déjà vue et lui demande de les accompagner. Il propose son bras à la jeune Doji pour descendre les marches du palais, lui sourit. Même si le geste est audacieux, il est plus que justifié par sa démarche hésitante...
- Vous m'offrez votre présence plus longuement qu'aux autres invités, je suis un homme comblé ce soir, Doji Shizue sama.
Il veut qu'elle se sente importante, qu'elle oublie sa difficulté à descendre les marches, que ce soit comme une promenade pour eux, un agréable moment.
- Je vous remercie de votre sollicitude, Shosuro Katsumoto sama, et je suis flattée que vous appréciiez à ce point ma compagnie.
- C'est moi qui suis flatté, Doji Shizue sama.
- Arigato...
Elle regagne le palanquin et s'y installe avec son aide.
La servante prend place avec eux, et ils regagnent le temple de la déesse dans la douceur de la nuit. Il l'aide de la même manière pour les marches du temple et la laisse en s'inclinant très bas :
- Que votre nuit soit douce, Doji Shizue sama.
- Que la vôtre le soit également, Shosuro Katsumoto sama. J'espère vous revoir bientôt.
- Oui, moi aussi, dit-il sans prétention.
Il s'incline et se retire, il doit rejoindre le palais. Une semaine, il va devoir attendre une semaine. En descendant les marches du temple, il se dit qu'il attendrait bien plus longtemps que cela s'il le fallait, si elle l'exigeait. La soirée n'est pas finie, loin de là.
Shizue le regarde s'éloigner, l'esprit en ébullition, entre dans sa cellule et referme la porte. La nuit va être longue. Des centaines de questions tournent dans sa tête.
Pendant ce temps, à la réception….
Tsukiko a regardé partir ensemble les deux personnes qu’elle apprécie le plus au monde. Elle est censée rejoindre Jocho, probablement…Mais elle n’en a guère envie.
A cet instant, on annonce le divertissement de la soirée : c’est un tournoi de poésie.
Au milieu des murmures excités de l’assistance, un cercle se forme, et un à un les volontaires montent sur la petite estrade. Un des magistrats d’Emeraude, Kitsuki Katsume, déclame ainsi un tanka sur la loyauté, qui fait sourire nombre de courtisans par ses sous-entendus. Un autre, Kakita Yoshiro, se lance dans un essai sur le thème de l’équilibre, mais ne recueille que des sourires polis. D’autres suivent.
Cependant, tout ceci n’est qu’agréable prélude d’amateurs avant le duel poétique qui va opposer Kakita Yokosa, d’Otosan Uchi, à Iuchi Michisuna, de Ryoko Owari.
Le thème choisi par le poète du clan de la Grue est « le fruit de l’arbre de l’amour éconduit » ; il apparaît très vite qu’il s’agit du suicide de Shiba Shonagon, qu’il attribue au refus de Iuchi Michisuna de céder à ses avances ; nul doute que l’artiste espère ainsi déstabiliser son
adversaire. Il y a des sourires entendus dans l’assistance.
Iuchi Michisuna, qui est resté impavide, se lève, et il parle avec talent et émotion de la
déchéance d’un être pur, et du destin tragique qui le mène à sa mort ; à l’évidence il parle
également de Shiba Shonagon. L’assistance reste silencieuse puis fait entendre des murmures
approbateurs. Les deux poètes sont excellents, mais à l’unanimité Iuchi Michisuna est déclaré vainqueur.
Tsukiko s'est soudain renfoncée dans un coin d'ombre, disparaissant du même coup à la vue de l'assemblée. Les souvenirs de ses conversations avec Shonagon ressurgissent des brumes de ses souvenirs. Sa voix rieuse, sa sensibilité, ses traits d'esprit, son humour, sa joie de vivre...
Toutes ces qualités précieuses jetées aux ordures, dans la déchéance, le déshonneur, la douleur.
Elle resserre le filet d'un coup sec, refoule les larmes, chasse la tension qui envahit soudain
Comment peut-elle se commettre avec lui ? Jusqu'où peut-elle aller pour sa vengeance ?
Les doutes, les interrogations, les bonnes et les mauvaises choses.
Tout se mélange dans sa tête et lui donne le vertige.
Elle sort sur la terrasse alors que l'attention des convives est captivée par la prestation des poètes. Elle a besoin de silence, de solitude. Sans bruit, elle se glisse par le shoji ouvert et s'éloigne dans le jardin, bouleversée.
Ce qu'elle a vu sur le visage de Jocho la laisse de marbre. Comment croire à cette émotion quand on sait ce qu'il lui a fait ?
Tsukiko s'assure que personne ne la suit quand elle s'éloigne en toute discrétion. Elle trouve refuge dans un bosquet de rosiers grimpants en fleur, s'assoit sur le banc de pierre en silence.
Quel gâchis... Quel immense gâchis...
Elle n'a soudain plus envie de retourner à l'intérieur, plus envie de rester ici.
A l’intérieur, débute la soirée proprement dite. Doji Satsume est très sollicité. Bayushi Kachiko a sa propre cour autour d’elle, et nombreux sont ceux qui viennent l’entretenir d’un sujet ou d’un autre. L’épouse du daimyo du clan du Scorpion est connue pour son influence, et quel homme ne voudrait avoir le privilège d’échanger quelques mots avec la plus belle femme de l’empire ?
Les groupes se forment en un subtil ballet, les conversations se nouent, les traits d’esprits fusent, riches en sous-entendus.
C’est l’arène des courtisans, où les réputations se font et se défont, d’un mot, d’un geste. L’âme de la cité est pleinement perceptible ce soir, délicate et puissante, discrète et chamarrée, tranquille et d’une violence à couper le souffle, vivante hydre aux replis de soie et d’acier.
Jocho cherche Tsukiko du regard, et finit par l’apercevoir, seule à l’extérieur.
Il attrape au vol un serviteur, lui glisse quelques mots.
Ce dernier se dirige vers la jeune femme, et lui propose courtoisement un rafraîchissement.
- De la part de Jocho-sama, Shosuro-sama. Jocho-sama demande également si vous pourriez le rejoindre, quelqu’un demande à vous saluer.
Excuse commode, pense-t-elle sur l'instant. Là où je suis, il ne peut pas me surveiller.
Elle se lève sans accepter la coupe.
- Je viens, merci.
Puis rentre à l'intérieur, après s'être composée un visage avenant, glane des bribes de conversation, entendues ça et là.
Image : l’impétueuse Otaku Naishi, remerciant les magistrats d’Emeraude de leur action contre le trafic d’opium, avec un enthousiasme que beaucoup qualifieraient d’excessif, et qui d’ailleurs crée une certaine tension chez les courtisans Scorpion alentours.
Image : le vieux chef du Clan Licorne, Shinjo Yoshifusa, en train de débiter ses interminables radotages à la magistrate Matsu Aiko, qui l’écoute poliment, sans faire de commentaires face à la logorrhée du vieil homme.
Yogo Osako arrive sur ces entrefaites, le salue et le prend à part, tandis qu’avec une synchronisation impeccable, le gouverneur vient discuter avec la magistrate du clan du Lion.
Shosuro Hyobu lui pose quelques questions de convenance, auxquelles cette dernière répond de façon polie mais distante, avant de lui demander d’un ton neutre :
- Avez-vous déjà songé au mariage, Matsu Aiko-san ?
Tsukiko entend la réponse formelle de la Lionne :
- Je ferai ce que me demandera mon clan, Hyobu-sama.
Intéressant, note mentalement Tsukiko.
Puis en arrivant à proximité de Jocho, son coeur manque de s'arrêter. L'homme qui discute avec lui... elle le reconnaîtrait entre mille.
Son regard clair se durcit soudain, mais sa duplicité naturelle reprend instantanément le dessus.
Sans un mot, elle s'avance et s'incline devant le courtisan.
- Jocho sama, vous désiriez me voir ?
- Oui, Tsukiko-san. Bayushi Dayu-sama souhaitait vous saluer.
- Voilà bien longtemps que je n'avais plus eu le plaisir de vous rencontrer, Bayushi sama. Comment allez-vous ?, demande la jeune femme avec un naturel parfait.
- Fort bien, je vous remercie. Il semblerait que vous alliez au mieux vous-même.
- Il semblerait, oui.
Le lent et séduisant sourire revient ourler les sensuelles lèvres purpurines.
- Cette tenue vous va à ravir.
- Vous êtes trop aimable, répond Tsukiko avec aménité.
- Il y a longtemps que je n'étais pas passé à la Cité des Rumeurs... Quelles sont les nouvelles ?, dit-il en s'adressant à la fois à Tsukiko et à Jocho.
- Elles sont nombreuses, mais vous en connaissez sans doute quelques-unes, ne serait-ce que parce que c'est l'objectif de la soirée d'aujourd'hui.
- Naturellement, élude-t-il.
- Et alors, depuis combien de temps avez-vous Tsukiko-san sous votre protection ? demande-t-il à Jocho
- Cela fait deux lunes, répond ce dernier avec aisance.
- Et je suppose que tout se passe pour le mieux dans le meilleur des mondes, ajoute-t-il en regardant Tsukiko.
- Pour l'instant, je n'ai rien à lui reprocher, répond malicieusement la jeune femme.
- Et moi non plus, rit Jocho. Encore que...
Tsukiko hausse lentement un sourcil ironique.
- Vraiment ? Je suis curieuse d'entendre la suite...
Le courtisan arque un sourcil :
- Bien, je vois que tout va très bien, de fait...
S'ils sont à l'aise au point de se taquiner en public...
La petite Tsukiko s'est bien débrouillée, pas à dire. Elle a fait du chemin depuis la gamine chétive tout en coudes et en genoux qu'il a amenée douze ans auparavant au dojo des Mensonges.
Il les salue d'une inclinaison de la tête et se dirige vers le gouverneur. Ce sera aussi intéressant de sonder le terrain de ce côté-là.
Tsukiko voit s'éloigner avec soulagement la silhouette déliée du courtisan.
Elle ne le hait plus comme avant, mais sa présence la met mal à l'aise. Il lui cache quelque chose, mais elle n'a jamais su quoi.
- Viens, il y a des gens auxquels je souhaiterais te présenter, lui sourit Jocho.
Elle acquiesce et le suit sans mot dire. Savoir que Bayushi Dayu est là la rend nerveuse, et elle doit faire en sorte de ne rien en laisser paraître.
En passant, elle voit Bayushi Kachiko murmurer quelques mots à l’un de ses suivants, puis se retirer en annonçant son désir de se reposer dans ses appartements, au grand dam du cercle d'admirateurs fervents autour d'elle.
La jeune courtisane se retient de secouer la tête. Les hommes deviennent stupides quand on leur agite une jolie paire de seins sous les yeux. Elle est bien placée pour le savoir.
Un peu plus loin, Yogo Osako discute avec Ide Baranato. Quand elle passe dans le sillage de Jocho, elle voit son visage se fermer. Tsukiko comprend, elle aussi l'aurait mauvaise à sa place.
Un instant, son regard s'est porté sur elle, un regard de malveillance concentrée, de haine à l'état pur. C'est si bref qu'elle aurait pu l'avoir rêvé.
Mais son intuition, elle, ne la trompe jamais.
Elle se demande si Jocho a remarqué quelque chose. Ce serait étonnant, il ne fait jamais attention au magistrat...
Qui donc veut-il lui présenter ? Elle connaît presque tout le monde ici.
Alors qu'elle promène un regard circulaire autour d'elle, elle remarque que le serviteur auquel avait parlé Bayushi Kachiko vient de glisser une phrase à l’un des magistrats, Kakita Yoshiro ; celui-ci a l’air surpris, puis sort de la pièce à son tour.
Intéressant...Ce ne peut être le fruit du hasard...
Elle n'a pas le temps d'épiloguer car Jocho l'introduit à cet instant à une personne de l'entourage du Champion d'Emeraude, et elle se retrouve à nouveau happée par les exigences de l'étiquette.
La jeune femme évolue avec aisance au milieu des requins qui nagent dans cette salle, elle sait qu'elle n'assistera à aucun des échanges qui donneront un nouveau visage à la cité et à son entrelacs complexe de relations.
Elle continue d'observer avec acuité les échanges entre les invités, décode le langage non-verbal des corps, tellement plus parlant que les mots qui sont prononcés.
Tout autour d'elle, les liens se créent, se tissent, se défont.
Le reste de la soirée s'achève sans autres évènements remarquables. Comme toujours en pareil cas, les échanges n’ont été qu’une mise en condition, une délicate évaluation de l’équilibre des forces dans la Cité, de la perturbation possible engendrée par l’arrivée du Champion d’Emeraude et de Bayushi Kachiko. Les alliés, vrais ou faux, se sont rassurés mutuellement, les adversaires potentiels se sont jaugés sans véritablement croiser le fer, et de nouvelles alliances ou inimitiés se sont amorcées. Les véritables tractations auront lieu plus tard, à l’abri des regards et des oreilles indiscrètes.
Les conversations diverses ont monopolisé Tsukiko, elle n'a pas eu l'occasion de reparler à aniki. Mais maintenant que la réception tire à sa fin peut-être en aura-t-elle l'occasion...