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par Kakita Inigin » 23 août 2005, 11:36
Le cinquième jour, alors que les frontières du Clan du scorpion étaient toutes proches, les éclaireurs signalèrent la sécurité que pouvait apporter un petit bois ; l’armée s’y rendit donc, et fit une courte halte, afin de laisser souffler les mules (qui n’en avaient au reste pas vraiment besoin) et les samourai,qui devaient faire bonne impression à la frontière.
_ Même si nous sommes les gardiens de l’Empire, et que nous méprisons l’apparence comme superfétatoire, nous devons nous rappeler que pour les Scorpions, l’apparence est très importante. Les Doji estiment même la valeur d’un guerrier à la beauté de son vêtement. Ne soyons pas négligés. Ils pourraient en déduire que nos ressources sont en déclin et nous mépriseraient davantage. Mes filles.
Il se rapprocha d’elles, et attendait que ses gardes se soient un peu éloignés.
_ A partir de maintenant, nous devons présenter un front uni, de solidité et de force. Ne vous chamaillez plus. Adoptez en permanence une attitude digne de notre Clan. Et, si quelqu’un vous semble mettre en doute votre honneur, n’oubliez jamais la chose suivante : ce peut être un piège. Il regarda ses deux filles attentivement, sa main gauche serrée sur la garde de l’épée des Tempêtes.
_ Oui, père, répondit lentement Nashiko.
_ Si un Scorpion ou un Grue laisse tomber de sa bouche sournoise le moindre mot qui puisse vous faire réagir en tirant l’épée, sachez que c’est l’objectif : ils vous piègent. Ne répondez pas. Vous êtes des enfants : tant que vous n’aurez pas passé votre gemppuku, c’est moi qui suis responsable de votre conduite. Et je vous ordonne, je vous ordonne, en tant que père et que daimyo, de ne pas répondre. Laissez vos gardes répondre pour moi.
Un sourire carnassier ouvrit sa bouche.
_ Laissez ces courtisans aboyer, et nos gardes répondre, et je vous assure que l’honneur du Clan en sortira sans tache.
_ Sans tache ! Tache de boue ! Boue d’hiver ! Hiver au Palais ! Palais de l’Empereur ! Empereur du Jour et de la Nuit ! Nuit d’amour ! Amour des jardins ! Jardins d’hiver ! Hiver meurtri...
La voix qui venait de clamer ces paroles était criarde, semblait venir de partout, du sol, des arbres, du ciel dont on apercevait des débris minuscules pendus aux branches. Après un instant d’indécision, les bushi se mirent à rechercher sa source, fouillant les buissons de leurs armes, tandis qu’une poignée d’entre eux entourait les daimyos.
Pendant quelques longues minutes, elle demeura introuvable ; puis un trait noir fusa d’un arbre jusqu’à un autre plus près, et tous purent admirer un corbeau noir de belle taille, presque un aigle, qui regardait Hida Ederi de tous ses yeux ... verts. Ederi lui adressa alors la parole, et s’engagea alors un dialogue étrange :
_ Tu as de bien beaux yeux, ami corbeau.
_ Je te retourne le compliment. Tu as de bien belles armes, ami guerrier. Et de bien belles filles, si ce sont les tiennes.
_ J’aimerais rencontrer les tiennes. Est-ce toi qui as appelé le nom de l’Empereur ?
_ L’ai-je fait ? Peut-être bien, en effet. Mais Shinsei dit que les mots ne sont que des courants d’air ...
_ Es-tu si vieux que tu aies connu Shinsei ?
_ Es-tu si jeune que tu n’aies pas appris à lire ? Ses écrits voyagent à la vitesse du vent qui dérange les rouleaux de parchemins.
_ Kenku-san, m’accompagneras-tu à la cour de l’Empereur ? il y a longtemps qu’aucun membre de ta race n’y est venu.
_ Hida Ederi-sama, est-ce un honneur que tu fais à ma race en m’invitant aux noces du fils du Champion du Clan de la Grue ... qui est ton ennemi ?
Quelques gardes rirent, puis se turent en regardant leur daimyo.
_ Kenku-san tu es bien informé ... mais c’est tout de même la cour de l’Empereur.
_ Je viendrai ... car c’est exact. Mais seulement si l’un de tes beaux enfants accepte de me porter, car la route est longue jusqu’au but de ton voyage. Ah il est bien regrettable que le Palais d’Hiver n’aie pas lieu à Kyuden Bayushi, comme la dernière fois.
Kateriko, qui déjà se détournait, regarda vivement l’oiseau.
_ Y as-tu assisté ? Il s’est déroulé il y a plus de deux siècles !
_ J’y étais. Hida le Grand aussi, du reste. Qui me prêtera son épaule ?
Le sang de Kozakura ne fit qu'un tour! Elle tapota la tête d'Ookami afin que celui-ci ne bouge pas puis leva le bras expressement.
_ Moi j'aimerais bien! cria-t-elle avant de rougir comme une pivoine quand tout le monde se retourna. L'oiseau ... la bête ... la créture ... le kenku l'intimidait un peu mais vaincre sa peur n'était-il pas la marque du samourai ?
Alors le kenku vola jusqu’au perchoir ainsi proposé et s’y installa, murmurant :
_ Parmi les miens, on me nomme Kenishi-sensei.
_ Je m'appelle Kozakura, répondit-elle hésitante. Parmi les miens on me nomme Petite furie, ajouta-t-elle en souriant.
Quelques dizaines de minutes plus tard, la troupe parvint à la frontierre des terres du Scorpion, ou des gardes étincelants en armures noires et rouges contrôlèrent leurs identités avec méthode et … beaucoup d’onctuosité dans la voix, lorsqu’ils parlaient à Tabetsu.
_ Et où allez-vous, seigneur Hida ?
_ Au palais de l’Empereur, Scorpion.
_ Ah oui, bien sûr … et ces samourai vous accompagnent ?
_ Evidemment.
_ C’est qu’ils sont si nombreux … Assurément vous n’avez pas besoin de tant de samourai chez l’Empereur ?
_ Tu discutes la décision de mon daimyo ?
_ Non certes … ce n’est pas notre rôle, mais enfin …
_ Pouvons-nous passer ?
Le garde resta un instant immobile, puis s’écarta lentement.
_ Vos laissez-passer sont réguliers. Mais si vous me permettez une question …
_ Et bien ?
_ A quoi sert l’armée qui vous suit à seize heures d’écart ?
Hida Tabetsu regarda le garde, puis lui répondit sèchement en faisant avancer sa monture :
_ Débrouillez-vous pour qu’elle ne perde pas de temps à cette frontière. Le commandant qui est à leur tête est moins patient que moi. Beaucoup moins.
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Kakita Inigin le 15 sept. 2005, 17:00, modifié 3 fois.