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par Seppun Kurohito » 27 avr. 2005, 14:11
Après avoir regagné ses quartiers, Doi Michiko reçut en hâte un jeune courtisan auxquel elle avait fait une promesse, lut un poème qu'un admirateur lui avait parvenir, puis rédigea de sa délicate écriture un courrier qu'elle envoya sans tarder.
Puis, alors que le Soleil baissait sur l'horizon, elle se hâta pour son rendez-vous tardif.
Se faisant aider pour l'occasion de ses trois servantes, afin de gagner du temps, elle se mit à l'ouvrage. Les servantes s'agitaient tels des papillons devant une flamme ardente, et Michiko supervisait leur travaux en regardat le long miroir d'argent qu'elle tenait de sa mère. Après que ses sourcils et la base de ses cheveux fussent épilées soigneusement, elle plongea dans un bain chaud et parfumé, qu'elle ne prenait pas, pour une fois, dans les bains communs. Jun oignit son corps d'huile d'amande douce, puis, Mae et Sei sortirent ses ravissantes toilettes. Toute à ses pensées, Michiko désigna un kimono de cérémonie de soie azur, brodé de motifs de fleurs de cerisier et aux doublures de velour blanc, sur lequel le mon du Clan de la Grue était tissé de fils d'argent. Elle choisit un obi sombre et contrastant, que Jun lui ceignit avant de faire, dans son dos, la large boucle qui le nouait. Ceci fait, elle regarda le résultat en faisant quelques pas, admirant le tissu fin glisser derrière elle dans une longue traîne élégante.
Puis, alors que Mae commençait à farder son visage de poupée, Sei réajusta la coiffure complexe, changea les baguettes de bois de cerisier pour d'autres, plus ciselés, en ivoire et rajouta les parures de perles qu'elle parsema dans la coiffe et sur les oreilles.
Jun en ayant terminé avec le obi, elle s'appliqua à parfumer sa maîtresse.
Mae, quant à elle, peignit ses lèvres, puis appliqua méticuleusement la teinture sur ses dents. Enfin, elle apporta les touches finales du maquillage, comme un peintre soignerait son oeuvre maîtresse.
Pour terminer, Jun sortit un dizaine d'éventails, ainsi que plusieurs petites poches de manches. Michiko fit son choix sans hésiter.
Si une femme au palais était réputée pour son bon goût en matière de mode, c'était bien Michiko. Elle admira un instant l'ouvrage achevé, un sourire de satisfaction aux lèvres. Son regard expert remarqua alors que le fard n'était pas appliqué uniformément entre le creux de son cou et le reste de son visage. Personne ne le remarquerait, mais elle nota de ne pas oublier de châtier Mae à son retour.
Pour l'heure, elle n'avait pas le temps.
Après avoir rédigé un dernier billet très court, qu'elle donna à Jun dans un murmure, elle quitta ses appartements, immédiatement suivie par une demoiselle qui l'attendait dans son antichambre.
A l'heure où chacun se retirait pour commencer la longue préparation au banquet du soir, la belle courtisane prit un tout autre chemin. Elle emprunta le Hall des Victoires, puis le grand corridor ouest, qu'elle savait peu fréquentés, pour rejoindre les Jardins Merveilleux...
Alors qu'elle s'apprêtait à sortir, une servante sortit précipitamment d'un salon, heurtant presque la dame pressée, qui, malgré toute la rigueur de son enseignement, poussa un petit cri.
Immédiatement, la servante paniquée tomba sur le sol en implorant son pardon.
Furieuse, Michiko la foudroya du regard. La femme était d'âge moyen, les yeux sombres et cernés et le visage marqué par le manque de soin. Ses cheveux sombres étaient cachés en partie par un vulgaire ruban de tissu jaune, et son habit ne portait pas la livrée habituelle des serviteurs de la famille Kakita. Elle était légèrement essouflée, et son regard brillant mit Michiko un instant mal à l'aise.
Cette pauvresse doit faire partie de la domesticité venue avec le convoi impérial, songea-t-elle avec condescendance.
Il était préférable de ne pas relever l'incident. Un rapide coup d'oeil lui avait confirmé que personne ne l'avait vu perdre ses moyens durant un instant...
Il était inconvenant qu'une dame parlât fort, et la courtisane sentit que, si elle réprimandait cete paysanne, elle aurait toutes les peines du monde à tempérer sa fureur et à ne pas crier.
Aussi, avec son seul regard assassin, elle reprit son chemin, marchant presque sur les mains de la femme.
Le vent du soir la ramena à une plus douce réalité. Le crépuscule sur les Jardins Merveilleux, avec toutes ces nuances de bleu, de mauve et d'orangé, rendait les magnifiques bosquets du parc pareil à une fugace vision du Paradis Céleste...
Retrouvant sourire et bonne humeur, elle se rendit sans tarder vers le sanctuaire de Benten. Le temps d'y parvenir, les ténèbres de la nuit aurait totalement enveloppé le monde...
Elle ne douta pas un seul instant de la venue de Kaneda.